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Chapitre 2 – Théorie

2.3. Physique des plasmas

2.3.2. Distribution énergétique d’un plasma froid

Dans un plasma, il est important de distinguer la température des particules neutres (aus- si appelée température du gaz) et la température des électrons . Les électrons d’un plasma ont typiquement des températures entre 1 eV (11 600 K) et 20 eV (232 000 K). Ce n’est pas le cas des particules neutres: plusieurs plasmas opèrent à température pièce (300 K), tandis que d’autres peu- vent dépasser 100 000 K. On établit ainsi deux types de plasmas distincts: les plasmas thermiques, ou à l’équilibre, sont ceux où . Les plasmas où ≫ sont les plasmas froids, ou hors équilibre. La principale caractéristique des plasmas froids comparativement aux plasmas thermiques est qu’ils produisent un milieu dans lequel la majorité de l’énergie électrique (> 99%) sert à la pro- duction d’électrons énergétiques plutôt qu’au chauffage du gaz. Les plasmas thermiques sont plus puissants et idéals pour la fusion nucléaire, tandis que les plasmas froids sont plus sélectifs quant aux réactions chimiques qu’ils entraînent, les rendant intéressants pour le traitement de surface des matériaux ou des liquides. Dans l’application présente, où le plasma est utilisé pour synthétiser des NPs métalliques directement dans l’eau, l’utilisation d’un plasma froid est nécessaire pour limiter l’évaporation du liquide. Le diagramme suivant classifie les différents types de plasma à pression atmosphérique. Ce mémoire traite exclusivement des plasmas froids, et plus particulièrement des décharges par microcathodes creuses et par barrière diélectrique.

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Figure 2.8. Classification des technologies plasma à pression atmosphérique.

Autant dans les gaz que dans les plasmas, il existe un lien étroit entre la température , la vitesse et l’énergie cinétique des particules. Dans le cas des gaz parfaits, ces liens se font par les trois équations suivantes:

(2.1)

4 / (2.2)

√ exp (2.3)

Les équations (2.2) et (2.3) sont les distributions de vitesse et d’énergie de Maxwell- Boltzmann, dans lesquelles est la masse des particules. Ces équations impliquent qu’à une tem- pérature donnée, des particules identiques ont une énergie répartie selon une distribution de proba- bilité. Le Tableau 2.2 présente les valeurs les plus probables, les moyennes et les écarts-type des deux distributions. La Figure 2.9 présente des exemples de distribution à différentes températures.

Tableau 2.3. Valeurs statistiques importantes des distributions de vitesse et d’énergie de Maxwell-

Boltzmann.

Distribution

Valeur la plus probable 2 ⁄ ⁄ 2

Moyenne 8 ⁄ 3 ⁄ 2

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Figure 2.9. Distributions de vitesse (a) et d’énergie (b) de Maxwell-Boltzmann pour des particules

à différentes températures .

La présence récurrente du paramètre dans les équations amène la majorité des auteurs à référer à la température en eV (1 eV 1/ 11600 K). Ce changement d’unité peut devenir une source de confusion puisqu’à une température de 1 eV, l’énergie moyenne des particules est de 1,5 eV (voir Tableau 2.3). Il est donc important de distinguer la température et l’énergie lorsqu’on les exprime avec les mêmes unités. Le texte qui suit exprime toujours les températures en eV, donc en assumant que 1 dans les équations.

La description de la cinétique dans un plasma passe d’abord par la distribution en énergie des électrons qui s’y trouvent (electron energy distribution function, EEDF). Pour les plasmas thermiques, la distribution de Maxwell-Boltzmann est souvent utilisée. Cette distribution peut aussi décrire les plasmas froids, mais mène souvent à des déviations expérimentales importantes. Une meilleure approximation pour ces plasmas est l’équation de Fokker-Planck, qui tient compte du champ électrique externe au plasma. Elle se base sur le fait que le champ électrique transmet son énergie d’abord aux électrons, qui la transmettent ensuite aux particules neutres par collisions (voir sections 2.3.3 et 2.3.4). Entre deux collisions, la vitesse gagnée par un électron est la vitesse de dé- rive , donnée par:

(2.4)

Dans l’équation (2.4), est la fréquence de collision électron-neutre, et et sont la charge et la masse d’un électron. Entre deux collisions, le gain d’énergie cinétique pour une parti- cule de vitesse correspond donc à:

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Δ ² (2.5)

Habituellement dans un plasma, ≫ , ce qui permet de négliger le dernier terme dans (2.5) et d’assumer que l’électron gagne ou perd une énergie de entre chaque collision, selon qu’il se dirige contre ou vers le champ électrique. Il y a donc une diffusion de l’énergie des élec- trons qui est proportionnelle au coefficient de diffusion suivant:

(2.6)

En plus de cette diffusion de l’énergie, il y a un gain net d’énergie ²/2 à chaque colli- sion et des pertes dues aux collisions élastiques avec les atomes de masse :

∆ (2.7)

Dans le cas des gaz moléculaires, il y aura en plus des pertes par excitation vibrationnelle (énergie transmise aux atomes d’une molécule sous la forme de vibrations de fréquence avec une probabilité ). On trouve l’expression suivante pour la dérive énergétique des électrons, où les trois termes dans la parenthèse représentent respectivement le gain net d’énergie dû au champ élec- trique, les pertes par collisions élastiques et les pertes par excitation vibrationnelle des molécules:

²

(2.8)

En combinant finalement la diffusion (2.6) et la dérive énergétique (2.8), on obtient l’équation différentielle de Fokker-Planck pour le déplacement des électrons dans le spectre d’énergie:

(2.9)

Cette version de l’équation de Fokker-Planck ne tient toutefois pas compte des collisions électron-électron, qui sont négligeables dans les plasmas à pression atmosphérique (d’intérêt dans ce mémoire). Ceci est dû à la très haute densité en particules neutres dans ces plasmas. En assumant qu’il n’existe aucune particule ayant une énergie infinie ( → ∞ → ∞ 0), l’équation (2.9) possède la solution générale suivante, où est une constante:

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Dans le cas où le champ électrique externe est alternatif à fréquence , on remplacera par le champ effectif:

(2.11)

Plusieurs distributions différentes peuvent être obtenues en solutionnant (2.10). D’abord, pour un gaz atomique ( ≪ 2 / , on peut assumer que les collisions se produisent tou- jours après un intervalle de temps fixe ( constant). Dans cette situation, la solution de (2.10) est la distribution de Maxwell-Boltzmann (2.3). En assumant plutôt que c’est la distance voyagée par un électron entre chaque collision qui sera fixe (libre parcours moyen / constant), la solu- tion est la distribution de Margenau:

exp (2.12)

Finalement, dans le cas spécifique d’un champ électrique continu ( 0), la solution normalisée est connue sous le nom de distribution de Druyvesteyn:

√ ³

/

exp ² (2.13)

Cette distribution est superposée à celle de Maxwell-Boltzmann sur la Figure 2.10. Les deux distributions ont la même moyenne énergétique de 3 eV.

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Le libre parcours moyen des électrons qui demeure fixe dans la théorie de Druyvesteyn im- plique un resserrement de la distribution autour de l’énergie moyenne. Cette différence versus la distribution de Maxwell-Boltzmann prend une importance particulière aux hautes énergies. Puisque ce sont seulement les électrons de haute énergie qui permettent l’ionisation du gaz (voir section 2.3.4), un plasma de Druyvesteyn présente des caractéristiques physiques très différentes d’un plasma de Maxwell-Boltzmann ayant la même énergie moyenne. Les plasmas à haute pression, dominés par les collisions électron-neutre, sont généralement mieux décrits par l’équation de Druy- vesteyn. À l’inverse, l’équation de Maxwell-Boltzmann décrit mieux les plasmas à basse pression dominés par les collisions électron-électron. Les collisions élémentaires dans un plasma sont dé- crites plus en détails à la section 2.3.3.

Finalement, dans le cas des gaz moléculaires ( ≫ 2 / ), la solution de (2.10) prend la forme suivante:

∝ exp ² (2.14)

Un faible ajout de gaz moléculaire (par exemple 1% d’air dans l’argon) change la distribu- tion énergétique en réduisant drastiquement l’apport des électrons énergétiques, qui perdront leur énergie par excitation vibrationnelle des molécules. Indépendamment de quelle distribution énergé- tique décrit le mieux le plasma entre (2.3), (2.13) ou (2.14), la température électronique effective peut toujours être approximée par l’équation suivante, à partir de la section efficace du gaz (défi- nie à la section 2.3.3):

〈 〉

〈 〉 (2.15)

Cette approximation est surtout qualitative et peut mener à de larges déviations par rapport à la réalité vu le grand nombre d’interactions cinétiques dans un plasma. Elle permet tout de même de connaître les paramètres expérimentaux à contrôler si on veut augmenter ou réduire l’énergie des électrons d’un plasma. Pour des mesures absolues et fiables de la température électronique, la spec- troscopie et l’utilisation de sondes de Langmuir sont deux méthodes à privilégier. Dans la très grande majorité des plasmas étudiés en laboratoire, autant thermiques que froids, la température électronique moyenne se situe entre 1 et 3 eV.

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