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Chapitre 7 – Discussion et perspectives

7.1. Projet 1 – Synthèse de nanoparticules d’or par DBD

L’électrochimie plasma-liquide générée par DBD permet la nucléation et la croissance ra- pide de NPs d’or directement dans l'eau, sans ajout d’agent réducteur toxique. Sa grande surface de traitement, son système de circulation, ses électrodes liquides en flux et son assemblage en pièces détachables sont tous des avantages techniques par rapport aux réacteurs à microdécharges. La haute efficacité de réduction de la synthèse par DBD (> 99% d’ions réduits après un traitement de 30 min et un temps d’attente de quelques heures) évite d’avoir à purifier la solution, ce qui accélère et facilite l’automatisation de la synthèse, en plus de produire des solutions finales plus concentrées en or. Comparativement aux synthèses par réduction chimique, les NPs ont toutefois des tailles plus variées. Il est difficile d’évaluer si cette polydispersité aura un effet négatif pour le rehaussement de dose en radiothérapie, puisque les études in vivo faites sur le sujet ont presque toutes utilisé des tailles différentes, variant entre 2 et 50 nm [5,17,22,23]. Les NPs produites par plasma avec 0,2 mM de dextran ont un diamètre de 28 ± 9 nm et sont donc dans cette plage applicative visée. Les NPs radioactives contenant l’isotope 198Au ont été produites avec des tailles similaires, mais avec une

efficacité de synthèse plus faible. Après 30 min, un comptage rapide de la radioactivité a montré que 44% des ions 198AuCl

4- n’étaient pas réduits, ce qui s’explique fort probablement par la forte

acidité du précurseur radioactif. Un rehaussement du pH ou un traitement plasma plus long pourrait améliorer ce rendement. Avec une demi-vie de 2,7 jours, une demi-heure de synthèse supplémen- taire entraînerait seulement 0,5% de perte de radioactivité.

Un ratio molaire dextran/Au élevé entraînait la formation de petites NPs de diamètres va- riés, et une saturation rapide de l’absorbance du pic de résonance plasmon (12 minutes pour dex- tran/Au = 1). Ces résultats montrent que le dextran accélère la vitesse à laquelle de nouvelles NPs sont nucléées. D’autre part, lorsqu’elles sont présentes en forte concentration, les molécules de dex- tran se lient à la surface des NPs plus rapidement, limitant leur croissance et leur agglomération entre elles. La quantité finale de NPs sera donc plus élevée, et leur diamètre moyen sera consé- quemment plus petit. C’est ce qui explique le diamètre moyen de 59 nm obtenu avec 0,1 mM de dextran, et de 24 nm avec 1 mM. L’utilisation de la spectrométrie UV-visible pendant la synthèse a permis de comprendre un peu mieux la dynamique de croissance des NPs. Le faible déplacement en longueur d’onde du pic de résonance plasmon montre que leur diamètre moyen varie peu en cours de synthèse. L’élévation du pic dans le temps est donc due exclusivement à une augmentation en concentration de NPs. Dans un contexte d’utilisation en clinique, une courbe de calibration permet-

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trait d’approximer la concentration en NPs en cours de synthèse, simplement à partir du spectre d’absorbance UV-visible. Toutefois, les modèles mathématiques qui permettent de caractériser les NPs d’or à partir de leur spectre d’absorbance sont toujours basés sur des tailles discrètes de NPs, et non pas sur des distributions de tailles.

Le mûrissement post-synthèse des NPs d’or révélé dans ce projet a montré hors de tout doute que les électrons du plasma ne sont pas les seuls responsables de la réduction de l’or. Un trai- tement plasma de 5 minutes permet de réduire la totalité des ions d’or dans les quelques heures sui- vant la synthèse. Pour la production de NPs d’or radioactives, ce mécanisme de réduction rendrait l’électrochimie plasma-liquide encore plus intéressante. Une méthode de synthèse alternative serait de traiter de l’eau nanopure par plasma d’argon pour induire la production d’agents réducteurs, puis de mélanger cette eau aux précurseurs (Au, 198Au et dextran). En quelques heures, tous les ions

pourraient être réduits en NPs sans même que la solution radioactive n’ait été manipulée ou traitée directement par plasma. Il faudrait comparer ces NPs à celles traitées directement par plasma DBD, pour vérifier si elles ont la même morphologie et la même stabilité colloïdale.

Le phénomène de mûrissement peut être dû à un grand nombre d’espèces chimiques (H●, H-

, H2O2, NO3-, etc.): le mécanisme exact de réduction des ions d’or par plasma demeure encore à

élucider. L’étude approfondie de ce mécanisme pourrait d’abord se faire en caractérisant la solution liquide. La concentration en H2O2 peut par exemple être mesurée en fonction du temps de traite-

ment plasma, soit par absorbance UV à 240 nm ou par oxydation d’ions ferreux [164]. Les nitrates peuvent également être détectés par fluorescence [165]. Une seconde méthode serait de caractériser directement la composition du plasma. Comme présenté à la section 2.3, la distribution de tempéra- ture électronique du plasma peut avoir un impact important sur les réactions collisionnelles qui ont lieu, et potentiellement sur les espèces chimiques produites dans le liquide. Les sondes de Langmuir sont des dispositifs permettant de mesurer cette température. Toutefois, leur utilisation pour des plasmas de petite taille à pression atmosphérique demeure limitée et contraignante. Le libre par- cours moyen des ions est souvent plus court que la longueur de Debye du plasma: la sonde elle- même cause donc une perturbation importante vu la petite taille du plasma. La spectrométrie d’émission est une technique alternative, mais requiert un système beaucoup plus dispendieux et des modèles mathématiques détaillés des transitions électroniques pour arriver à une mesure précise. Une troisième méthode pourrait être de comparer les distributions de taille, la morphologie et la concentration des NPs produites par différents types de plasma (DBD, microcathodes, plasma jet). Par exemple, l’utilisation d’un plasma jet non couplé électriquement à la solution d’ions pourrait produire des NPs différentes par rapport à un système couplé comme le réacteur DBD. En effet, la

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longueur d’un plasma jet a un impact majeur sur les réactions induites dans le liquide. Ce phéno- mène est dû aux espèces réactives du plasma qui sont emmenées à l’interface plasma-liquide direc- tement par le flux de gaz, et non par le champ électrique comme dans le cas d’une DBD [68].

En somme, la suite de ce projet devrait s’orienter vers le développement d’une méthode de caractérisation pour mieux comprendre le mécanisme de réduction des ions d’or par électrochimie plasma. Toutefois, même si une technique d’analyse permettait de mieux comprendre ce méca- nisme, il sera toujours difficile expérimentalement de séparer et d’expliquer chacune des réactions chimiques impliquées entre le plasma et le liquide. Ces réactions sont multiples, complexes et leur dynamique en rend la caractérisation complète très difficile.

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