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Chapitre 2 – Théorie

2.7. Récupération et séparation des métaux du groupe du platine

2.7.1. Aspects économiques

La synthèse de NPs métalliques par électrochimie plasma est une technologie émergente dont les applications ont le potentiel de s’étendre au-delà du domaine biomédical. En effet, la possi- bilité de réduire rapidement des ions métalliques en solution aqueuse sans utiliser d’agent réducteur chimique pourrait améliorer les techniques actuelles d’extraction et de purification des métaux. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes penchés, dans le cadre de cette maîtrise, sur un procédé qui attire particulièrement l’attention de la communauté scientifique: l’hydrométallurgie des métaux du groupe du platine (MGP). Ces métaux incluent le platine (Pt), le palladium (Pd), le rhodium (Rh), l’iridium (Ir), le ruthénium (Ru) et l’osmium (Os). Le grand intérêt scientifique et commercial vis-à-vis de ces éléments provient principalement de leur capacité à catalyser les réac- tions chimiques. En effet, ces métaux sont principalement utilisés dans les catalyseurs de véhicules routiers afin de catalyser la conversion des hydrocarbures non consommés (HC) et des gaz toxiques polluants (CO, NO2) en vapeur d’eau, en CO2 et en azote. Les MGP possèdent également une

grande résistance à la corrosion, une conductivité électrique élevée, une haute densité et un attrait visuel unique. Pour toutes ces raisons, la demande croissante de ces métaux en catalyse, en joaille-

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rie, en électronique et dans l’industrie chimique a mené à une production qui atteint aujourd’hui 500 tonnes par année (Figure 2.25a-b) [94].

Figure 2.25. a) Distribution relative de la demande en MGP parmi les différents secteurs

d’utilisation en 2012; b) Production mondiale de Pt, Pd et Rh en 2012 (en milliers d’onces); c) Quantité mondiale de Pt, Pd et Rh provenant de sources recyclées en 2012 (en milliers d’onces); d) Prix moyen des principaux MGP en janvier 2015. Source a-c: [94]

Toutefois, leur production à partir du minerai brut est une industrie extrêmement polluante et énergivore: la production d’un seul kilogramme MGP produit de 20 à 50 tonnes de CO2, requiert

entre 30 et 60 MWh et représente un coût évalué à 20 000 US$ [15,95]. Ces énormes coûts sont principalement dus au fait que ces métaux sont extraits à partir de minerais contenant principale- ment des sulfures de fer, de nickel et de cuivre, au travers desquels la concentration en MGP est généralement inférieure à 10 g/tonne (0,001% massique) [96].

Le Tableau 2.6 montre la concentration élémentaire typique des 3 principaux minerais de MGP (Merensky Reef et Upper Group 2, exploités en Afrique du Sud, ainsi que le minerai principal exploité en Russie). À titre de référence, l’Afrique du Sud produit 76% du platine, 38% du palla- dium et 88% du rhodium exploités mondialement [97]. Quotidiennement, cela représente une pro- duction de 27,1 kg de ces trois métaux mis ensemble, et donc le traitement de 271 tonnes de minerai brut. La Russie est quant à elle première productrice de palladium (44% de la production mondiale) et deuxième pour le platine et le rhodium, avec respectivement 13% et 10% [97].

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Tableau 2.6. Teneur élémentaire des minerais de MGP exploités en Afrique du Sud et en Russie.

Source: [98] Élément Afrique du Sud (Merensky Reef) (g/tonne) Afrique du Sud (Upper Group 2) (g/tonne) Russie (g/tonne) Pt 3,3 2,5 1,5 Pd 1,4 2,0 7,0 Rh 0,2 0,5 } 0,5 Ru 0,4 0,7 Ir 0,1 0,1 Au 0,2 0,02 0,2 Ni 1300 700 29000 Co 30 20 900 Cu 800 200 40000 S 4000 1000 Inconnu Fe 5000 1200 Inconnu

Cette rareté des MGP, combinée à plusieurs problèmes géopolitiques liés à la localisation des mines en Afrique du Sud et en Russie, a poussé de nombreuses entreprises à travers le monde à se pencher sur de nouvelles technologies de recyclage. Aujourd’hui, près de 25% des MGP utilisés dans l’industrie proviennent de sources recyclées (Figure 2.25c) [97]. Puisque ces métaux sont prin- cipalement utilisés dans les catalyseurs de véhicules routiers, leur recyclage se fait aussi principa- lement à partir de cette source (voir Figure 2.26). Ces catalyseurs, qui contiennent chacun de 2 à 3 grammes combinés de platine, de palladium et de rhodium, sont récupérés en fin de vie, et leur structure de céramique alvéolaire est broyée. Cette céramique broyée contient entre 0,1 et 0,3% de MGP, ce qui est déjà près de 100 fois plus élevé que le minerai naturel [98]. Ainsi, en plus de ralen- tir l’épuisement des ressources naturelles, le recyclage des MGP consomme jusqu’à 90% moins d’énergie que son extraction à partir du minerai, vue l’absence des étapes initiales de minage et de flottation [98]. De plus, les métaux recyclés ne contiennent pas de soufre, contrairement aux mine- rais. Leur traitement minimise donc la production de SO2, néfaste pour l’environnement et pour la

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Figure 2.26. Bloc catalyseur typique de véhicule routier. Source: [98]

En fonction de leur expertise, les entreprises de recyclage peuvent séparer partiellement les métaux contenus dans les catalyseurs (par exemple en séparant les métaux nobles des métaux de base) avant de revendre les concentrés aux grandes raffineries (Impala Platinum, Johnson Matthey, Glencore, Lonmin, etc.) qui se spécialisent dans la purification et la séparation des métaux. Celles- ci négocient le prix d’achat des métaux en fonction de leur pureté (source: communication privée). Si les entreprises de recyclage possédaient une technologie peu coûteuse et facilement implantable localement qui leur permettrait d’augmenter, même légèrement, la pureté des métaux produits, elles pourraient faire des gains importants dans le prix de vente de leurs métaux. C’est donc dans ce con- texte économique que se situe la recherche préliminaire sur la purification des MGP par électrochi- mie plasma menée dans le cadre de cette maîtrise.

La section 2.7.2 résume brièvement les procédés actuels de séparation entre les métaux nobles (l’argent, l’or et les six MGP) et les métaux de base (principalement le cuivre, le nickel, le fer et le cobalt). La section 2.7.3 présente la technique de séparation de l’osmium et du ruthénium. Les sections 2.7.4 à 2.7.6 présentent les trois principales technologies de raffinage des autres mé- taux nobles mises en place dans les raffineries: la précipitation, l’extraction par solvant et l’échange ionique. Leurs limites et problèmes sont mis en évidence pour montrer la difficulté pour les petites et moyennes entreprises de recyclage de rentabiliser l’implantation de ces technologies, les obli- geant à demeurer dépendantes des grandes raffineries. Sauf lorsqu’indiqué autrement, l’ensemble des informations de ces sections proviennent de l’ouvrage de Crundwell et al. [98].

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