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Souffrir, grandir ou s'abstenir : les trois modèles de terminaison de la RT

CHAPITRE 6 LA DISCUSSION

6.2 Les résultats innovants

6.2.2 Souffrir, grandir ou s'abstenir : les trois modèles de terminaison de la RT

On retrouve peu d'information dans la littérature sur la façon dont les personnes ayant un TMG vivent la fin d'une RT. Les écrits se concentrent plutôt sur les facteurs précipitant la fin de la relation. Dans cette étude, nous avons fait ressortir trois modèles de terminaison de la RT : le deuil de la relation, l'avancement vers quelque chose de nouveau et l'absence d'anticipation de la terminaison. En résumé, comme son nom l'indique, le premier modèle fait référence aux personnes ayant vécues une forme de deuil suite à la fin de leur RT. Ces personnes ont ressenti des émotions négatives face à la perte de l'intervenant et des services reçus. D'autres, plus nombreux, ont plutôt vécu ou envisagent la terminaison comme une nouvelle étape dans leur cheminement. Pour ces personnes, ne plus ressentir le besoin d'être accompagnées par l'intervenant, choisir quand mettre fin à la relation, terminer la relation de façon progressive et savoir qu'elles peuvent revoir l'intervenant si nécessaire fait en sorte que la terminaison se produit de façon harmonieuse. Puis, il y a des personnes qui n'anticipent pas la fin de la relation, et ce, parce qu'elles préfèrent vivre l'ici et maintenant ou qu'elles considèrent l'intervenant comme un ami avec qui elles garderont toujours un lien.

Il est difficile de dire si les personnes vivant la fin de leur RT de façon positive ont un meilleur niveau de rétablissement que celles la vivant comme un deuil. Par contre, il semble clair que les personnes ayant vécues ou envisageant la fin comme un avancement ne ressentent pas le besoin de continuer la relation, du moins, avec cet intervenant. Elles croient avoir bénéficié de tout ce que la relation pouvait leur apporter et se sentent prêtes à passer à l'étape suivante, avec un autre intervenant s'il le faut. Mais plus important encore, c'est la personne elle-même qui décide quand mettre fin à la relation. Contrairement à celles ayant vécues la relation comme un deuil, où la décision était le fruit de circonstances administratives. Pour ces personnes, le besoin de soutien était encore présent et la fin amène des sentiments de tristesse et d'abandon. D'ailleurs, Anthony et Pagano (1998), indiquent que la terminaison de la relation peut raviver les sentiments négatifs liés aux pertes passées, et ce, particulièrement lorsqu'elle est forcée par l'arrêt des services au lieu que part le choix du thérapeute ou un accord mutuel.

Cela rejoint donc tout particulièrement deux dimensions de notre modèle exploratoire de la RT : la dimension de collaboration et la dimension contextuelle. Même lors de la phase de terminaison, on peut voir l'importance de la prise de décision et de l'appropriation du pouvoir. Les personnes soutirent des bénéfices, même lorsque la RT est terminée, à prendre la décision de mettre fin à cette relation selon leurs besoins. Ce processus décisionnel peut s’effectuer dans les contextes organisationnels où la relation peut perdurer aussi longtemps que nécessaire (par exemple : les équipes SIME où le soutien est offert sur une base illimitée). Toutefois le contexte actuel de dispensation des services favorise davantage les approches à court terme, signifiant que les personnes ont souvent peu de pouvoir sur la terminaison de la relation (celle-ci étant déterminée par les organisations). De plus, un autre facteur, celui du roulement de personnel, vient affecter le contrôle que les intervenants et les personnes utilisatrices peuvent avoir sur la relation.

Dans une recension des écrits, Quintana (1993) reprend le modèle de terminaison de la relation entre clients et thérapeutes. Malgré la vingtaine d'année séparant cet article de

notre étude, on peut comparer l'analyse de Quintana à nos résultats. On y critique le principal modèle de terminaison : la terminaison-comme-perte (termination-as-loss). Selon ce modèle, on s'attend à ce que la personne vive nécessairement une perte suite à la fin de la thérapie. Il contient deux composantes : la terminaison-comme-crise (termination-as-crisis) et la terminaison-comme-développement (termination-as-development). Dans la composante de crise, on note que cette crise fait partie du processus de terminaison, sans égard pour les caractéristiques des personnes ou les facteurs liés à la thérapie. Face à la fin de la thérapie, les personnes et les thérapeutes expérimentent des sentiments négatifs d'anxiété. Pourtant, à la lumière des écrits scientifiques, la plupart des personnes réagissent positivement face à la terminaison et sont satisfaites de son déroulement. Ce qui mène à la deuxième composante, la terminaison-comme-développement. Selon Quintana (1993), cette composante est souvent sous-estimée. Elle fait référence aux concepts freudiens de perte de l'objet (l'objet étant le thérapeute) et d'internalisation. Brièvement, lorsque la relation se termine, la perte favorise le développement par le processus d'internalisation. Pour compenser pour la perte externe, la personne va développer ses propres ressources en internalisant des caractéristiques du thérapeute. Par contre, cette composante fait aussi référence à une perte qui n'est pas nécessairement vécue par les personnes dans le processus thérapeutique. Quintana (1993) propose donc un second modèle : la terminaison-comme- transformation (termination-as-transformation). Au lieu de mettre l'emphase sur la perte, cette approche intègre une vison plus large dans laquelle la terminaison est une transition pouvant favoriser la transformation. Le thérapeute doit être attentif aux étapes traversées par la personne et les reconnaître tout au long de la thérapie par un processus de mise à jour continue de ses progrès. Ainsi, la personne peut internaliser cette vision d'elle-même, menant à un processus de transformation. La terminaison est une occasion de donner le crédit à la personne pour les progrès réalisés, ce qui peut actualiser sa vision d'elle-même. Dans notre étude, on peut effectivement constater que la majorité des personnes ne vont pas expérimenter de perte ou de crise, mais que la fin de leur RT peut les mener à une autre étape de leur rétablissement.

Pour ce qui est des personnes qui n'anticipent pas la fin de la RT, on peut penser que selon les circonstances dans lesquelles se fera la terminaison de la relation, elles pourront la vivre comme une perte ou un avancement. L'absence d'anticipation se fait principalement car la personne sent qu'il existe un lien d'amitié entre elle et l'intervenant. Ce lien d'amitié sera examiné plus en profondeur dans la section suivante.