• Aucun résultat trouvé

Solutions s’offrant à la mère d’un enfant illégitime

CHAPITRE I LA RÉFORME DES LOIS SUR LES PAUVRES ET LA CLAUSE SUR

A. Aspects de l’illégitimité examinés

4. Solutions s’offrant à la mère d’un enfant illégitime

Comme nous l’avons vu, dans le meilleur des cas, l’homme qui avait mis la femme enceinte l’épousait. Il pouvait le faire par choix. Il pouvait également y être vivement encouragé par l’Église. Dans la paroisse de Kilcuminn (comté de Galway), on rapporte que douze pères d’enfants illégitimes sur quatorze ont épousé la mère. Le révérend Dr. Kirwan s’en félicite et explique qu’il ne peut « nier que l’influence du clergé catholique a beaucoup aidé à obtenir cette issue souhaitable. Dans tous les cas où un homme célibataire séduit une femme à la réputation jusque-là irréprochable, nous mettons tout en œuvre pour le persuader d’accomplir le seul geste de réparation possible en l’épousant ».215 Cette réparation, précise un curé à Kilfarboy (comté de Clare), n’est

souhaitable que si les deux personnes appartiennent à la même classe sociale. Dans le cas contraire, l’Église n’insiste pas pour que l’union ait lieu : « il est peu probable que la fille elle-même ait pu l’espérer lorsqu’elle a cédé à la sollicitation ».216 À Kilmore

(comté de Galway), le révérend Coughlan confirme que le mariage a rarement lieu lorsque les deux personnes n’appartiennent pas à la même classe.217

L’archevêque de Tuam (comté de Galway) confirme qu’il est très rare que des personnes, même des classes les plus basses, parviennent à être convaincues d’épouser une fille qui a eu un enfant illégitime.218 Les parents de la jeune infortunée, s’ils en ont

les moyens, peuvent aussi tenter de convaincre le père putatif de l’épouser en lui proposant une somme d’argent ou, mieux encore, de la terre. Dans le comté de Mayo, un témoin explique que dans les conditions de pauvreté du pays, une petite somme

215 “I cannot deny that the influence of the Roman Catholic clergy assisted much to bring about this desirable result.In all cases where a single man has seduced a female, whose character was free from any ohter taint, we use every means in our power to induce him to make the only adequate reparation in his power, by marrying her”, ibid. , pp. 49-50.

216 “(...) it is not likely that the girl herself could have expected it when yielding ot sollicitation”, ibid. , p. 77.

217 Ibid. , p. 50. 218 Ibid. , p. 51.

d’argent représente une grande tentation.219 Selon M. M’Guane de la paroisse de

Kilfarboy (comté de Clare), « le désir d’obtenir de la terre est si grand, puisque c’est la seule source de subsistance des paysans, qu’il n’y a pas meilleure garantie pour une telle fille d’avoir un partenaire, que la promesse d’une petite ferme».220

En général, en l’absence de mariage, le père de l’enfant refuse de subvenir à ses besoins. Il n’y a aucune loi qui peut l’y contraindre. Néanmoins, la mère peut avoir recours à trois procédures légales afin d’obtenir que le père contribue aux dépenses encourues par la naissance d’un enfant. La première est le recours aux tribunaux des juges de paix221 pour obtenir du père putatif qu’il lui verse une indemnité.222 La

procédure est relatée de manière détaillée dans certaines paroisses. À Kildysart (comté de Clare), un témoin explique qu’il faut qu’il y ait eu une promesse du père ou qu’une forme de contrat ait été établie entre les deux parties.223 Le témoignage de la mère est

davantage accrédité si elle peut prouver que le père lui a, à un moment ou un autre, déjà donné de l’argent pour l’enfant. L’homme peut néanmoins fournir un témoin contradictoire. À Kilferagh (comté de Clare), s’il est prouvé que le père a promis de s’occuper de l’enfant, la réputation de la mère n’est pas prise en compte ; la seule chose requise est que son cas soit appuyé par des preuves. Même si elle fait dix requêtes, elle obtient une indemnité.224 Dans la paroisse de Liscarrol (comté de Cork), un membre du

tribunal des juges de paix explique que quand une femme qui a eu un enfant illégitime

219 Ibid. , p. 53.

220 “The eagerness to procure land is so great, in consequence of its being the only source of support to the peasantry, that nothing is so likely to procure a partner for such a girl as the temptation of a small farm.”, ibid. , p. 77.

221 Petty Sessions : Il s’agit de la juridiction la plus basse dans la hiérarchie. Elle est présidée par des juges de paix et se tient sans jury.

222 Wages, en anglais. Le pluriel renvoie à la notion de récompense, rétribution. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé que le terme d’indemnité, versé en une seule fois, était le plus adéquat. Pension ne saurait convenir ici, car il ne s’agit pas d’un paiement annuel.

223 Report, p. 76. 224 Ibid. , p. 80.

peut présenter devant le tribunal un témoin de la promesse faite par le père, elle obtient alors une petite indemnité ne dépassant pas 2 livres.225

Dans la plupart des paroisses, le montant de l’indemnité dépend des ressources du père. Dans certaines d’entre elles, on peut saisir ses biens s’il refuse de payer. Dans quelques cas, il peut également être condamné à une peine de la prison s’il ne s’exécute pas. Un témoin rapporte que le refus du père putatif de subvenir aux besoins de l’enfant entraîne, dans la plupart des cas, du ressentiment entre les parties, et est parfois la cause de violences. Lorsqu’elles sont attribuées, ces indemnités n’excèdent guère 2 à 4 livres. Dans certaines paroisses ne disposant pas de tribunaux des juges de paix, les mères sont privées de ce recours. En effet, peu d’entre elles peuvent se rendre dans une autre paroisse.

Les parents ou l’employeur de la femme ont également la possibilité de déposer une plainte pour réclamer des dommages et intérêts qui sont calculés sur la base des revenus qu’elle a perdus en mettant au monde son enfant. Enfin, la femme peut se prévaloir d’une requête pour séduction, dont la procédure n’est pas détaillée dans les témoignages. La possibilité de déposer une requête devant les juges de paix n’existe quasiment pas en Ulster. Les demandes d’indemnités sont déposées auprès des tribunaux de grande instance226, auprès d’un assistant barrister, ou devant une manor

court.227

Si la femme n’obtient pas d’indemnité du père putatif, elle a peu d’autres ressources. Dans la mesure où il lui est très difficile de trouver et de garder un emploi,

225 Ibid. , p. 86.

226 Quarter Sessions : Assises trimestrielles du Tribunal de grande Instance.Le nom vient d’un statut de 1388 qui fixaient à 4 le nombre de sessions annuelles. Ces tribunaux jugeaient de crimes qui ne pouvaient relever des Tribunaux de Juges de Paix.Les procès se déroulaient devant un jury.

227 Manor court :juridiction la plus basse en Angleterre, qui couvrait les affaires légales de la zone géographique qui relevait des compétences du seigneur du manoir.

elle sombre, la plupart du temps, dans la pauvreté absolue, voire l’indigence. C’est que relatent la plupart des témoins.

5. L’avenir de la mère-célibataire qui ne peut subvenir aux besoins de