• Aucun résultat trouvé

Le premier rapport des membres de la Commission d’enquête de Sa

CHAPITRE I LA RÉFORME DES LOIS SUR LES PAUVRES ET LA CLAUSE SUR

B. Le premier rapport des membres de la Commission d’enquête de Sa

Majesté sur la Condition des Classes les plus Pauvres en Irlande,

1835.

Dans l’introduction de ce rapport, présenté au roi en 1835, les membres de la Commission font part des difficultés qu’ils ont rencontrées lors de leur travail. Ils stipulent tout d’abord que les témoignages recueillis concernent exclusivement le premier aspect de l’enquête, c’est-à-dire « les modes d’assistance existant pour les plus pauvres en Irlande, l’étendue et l’efficacité de ces modes d’assistance et leurs effets sur ceux qui les dispensent et ceux qui les reçoivent ».177

Les membres de la commission font ensuite part des difficultés rencontrées lors de leur enquête, sous trois aspects : les spécificités sociales de l’Irlande, la collecte

176 Voir à ce sujet l’article de Mary Cullen, “Breadwinners and Providers : Women in the Household Economy of Labouring Families, 1835-1836”, in Cliona Murphy and Maria Luddy (eds.) Women Surviving: Studies in Irish Women's History in the 19th and 20th Centuries, Dublin: Poolbeg, 1990, pp. 85-116.

177 “As to the modes in which the destitute classes in Ireland are supported, to the extent and efficiency of those modes and their effects upon those who give, and upon those who receive relief”, First Report from His Majesty's Commissioners for Inquiring into the Condition of the Poorer Classes in Ireland, H.C 1835 (369) xxxii, p. v.

d’informations et leur crédibilité, et enfin les raisons pour lesquelles la commission n’est pas en mesure de proposer une réponse satisfaisante à la question de savoir s’il était nécessaire de prévoir d’autres mesures pour améliorer la condition des pauvres en Irlande, et lesquelles.

La structure sociale de l’Irlande était particulière et bien différente de celle de l’Angleterre. En effet, les membres de la commission notent que la majorité des gens auprès desquels l’enquête a été conduite oscille en permanence entre la mendicité et un petit travail indépendant. Ils insistent également sur les différends politiques qui opposent les membres du clergé de confessions différentes entre eux, ou avec la population locale. Le même type de problème existe, rapportent-ils, dans les relations entre la police et la population.

Le second aspect qui, selon nous, est le plus pertinent pour notre étude, est celui qui concerne les conditions dans lesquelles les informations furent recueillies, leur impartialité et leur degré de crédibilité. La collecte d’informations s’effectua de deux manières différentes. Tout d’abord, les membres de la commission firent circuler un questionnaire. « Ces questionnaires ont été adressés à des membres du clergé de chaque confession, des magistrats, des chefs de la police et à toute personne suffisamment éduquée pour avoir été choisie afin qu’elle apporte son témoignage ».178 Ces

questionnaires devaient permettre d’obtenir une idée générale de la pauvreté dans chaque paroisse et des modes d’assistance qui existaient. Environ 7600 questionnaires furent envoyés et 3100 retournés, grâce auxquels environ 1100 paroisses furent décrites.

178 “These Questions were sent to the Clergy of each persuasion, to the Magistracy, to the heads of the Police, and to such educated persons as had been named as able and willing to give us assistance”, ibid. , p. viii.

Toutefois, la commission rapporte qu’il fut difficile d’obtenir davantage qu’une « idée générale »179 de la pauvreté grâce à ces questionnaires. Il était également

impossible pour les membres de la commission, d’aller de paroisse en paroisse afin d’y recueillir des témoignages plus précis. Il fut donc décidé que des enquêteurs seraient dépêchés sur place pour effectuer ce travail d’enquêtes locales. Le choix des enquêteurs s’avéra ardu : « La difficulté, déjà grande dans des circonstances normales, de sélectionner des personnes de confiance, fut accrue par les conditions particulières de la société ».180 Par conséquent, et afin d’associer impartialité et bonne connaissance du

terrain, deux sous-commissaires furent envoyés sur place, un Anglais et un Irlandais. Une procédure spécifique fut alors adoptée pour la conduite des entretiens, de sorte que chaque confession religieuse et chaque classe sociale fût équitablement représentée, et que les auditions aient lieu en présence de tous, et en public. En outre, les sous-commissaires prirent soin de noter tous les noms des personnes présentes, d’enregistrer les témoignages de la manière la plus fidèle possible et d’envoyer immédiatement les comptes-rendus des auditions à Dublin avant de passer aux auditions dans la paroisse suivante. Ces exigences étaient motivées par la détermination des autorités à tout mettre en œuvre afin que leurs rapports ne fassent l’objet d’aucune controverse. Il fallait éviter à tout prix d’être accusé de partialité sociale, religieuse ou politique dans un climat déjà très tendu, et il fallait également que les comptes-rendus des témoignages soient perçus comme étant le reflet le plus exact possible de ce qui avait été dit. La commission définit ainsi ses objectifs:

En enregistrant le plus fidèlement possible les mots de chaque témoin, de laisser le moins de place possible à une mauvaise interprétation des témoignages et, en réalité, de mettre en contact le lecteur avec le témoin de la manière la plus directe ; en fournissant la liste des personnes ayant participé à l’examen, de permettre au public de décider si chaque classe était équitablement représentée ; et en transmettant immédiatement au

179 “(...) an outline”, ibid.

180 “The difficuly, great under any circumstances, of selecting persons upon whom reliance could be placed was much increased by the peculiar state of society”, ibid., p. ix.

comité les comptes-rendus des auditions, sans que le sous-commissaire ne puisse, par la suite, les changer, d’obtenir une garantie suffisante que ces comptes-rendus n’aient pas été adaptés aux théories du sous-commissaire. 181

Les transcriptions de ces examens paroissiaux sont disponibles dans l’annexe A du Premier Rapport des Membres de la Commission d’Enquête sur la Condition des Classes les plus Pauvres en Irlande, 1835.182

Ce rapport est un document très long et très détaillé, et le supplément à l’annexe A relatif aux réponses fournies sur la question de l’illégitimité (bastardy), contient à lui seul 66 pages. Selon la paroisse, le nombre de témoins présents et le type de témoins, les comptes rendus sont plus ou moins exhaustifs. Ils sont néanmoins une source inestimable d’information sur l’ensemble des conditions relatives aux mères célibataires et leurs enfants. L’analyse de ce document nous a permis de cerner l’étendue de l’illégitimité, le statut des mères d’enfants illégitimes et leurs conditions de vie, mais aussi les perceptions que la société en avait. Il nous a également fourni un certain nombre d’indications sur les modalités d’assistance et de secours qui existaient et nous a enfin donné une image assez précise de la vie des citoyens ordinaires à cette période en Irlande.

Nous avons choisi de faire dans un premier temps une synthèse des témoignages les plus pertinents pour ensuite, dans un deuxième temps, en faire un commentaire dans lequel nous tenterons, entre autres, de définir la portée historique de ce document. Nous avons examiné l’ensemble des témoignages relatifs à l’illégitimité et avons opéré une classification de ces témoignages sous sept rubriques. Nous commencerons par examiner l’étendue de l’illégitimité dans les témoignages. Nous examinerons, dans un

181 “By the words of each Witness being recorded as nearly as might be, to leave the evidence less open to misinterpretation, and in effect to bring the reader more immediately in contact with the Witness ; by the list of persons who attended the examination being given, to enable the public to decide, whether each class was fairly represented ; and by the Minutes of Evidence being transmitted to the Board immediately after the examination, and the Assistant Commissioner not being permitted subsequently to alter them, to obtain a sufficient guarantee that they had not been adapted to the theories of the Examiner”, ibid. , p. x. 182 Ibid. , pp. 49-116.

deuxième temps, les cas d’infanticide et d’abandon d’enfants, qui sont de forts indicateurs de l’importance de l’illégitimité et du statut des mères célibataires. Nous nous pencherons ensuite sur le cas des mères célibataires, à proprement parler, et verrons qui elles étaient, quelles solutions s’offraient à elles et quel avenir leur était réservé. Enfin, nous analyserons les témoignages dans la perspective des perceptions des mères célibataires et des enfants illégitimes.

II. Présentation des témoignages