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Le contexte de la mise en place de la commission

CHAPITRE I LA RÉFORME DES LOIS SUR LES PAUVRES ET LA CLAUSE SUR

A. Le contexte de la mise en place de la commission

La hausse remarquable de la population au cours des premières décennies du dix-neuvième siècle en Irlande a été largement commentée. En réalité, cet accroissement avait commencé dès les années 1750. Mary E. Daly170 confirme que la

population s’accrut régulièrement depuis 1750 pour atteindre les 5 millions en 1800,

170 Mary E.Daly, Social and Economic History of Ireland, Dublin : The Educational Company Of Ireland, 1981, p.4.

tout en insistant sur le fait que ces chiffres sont à prendre à prudence puisqu’il s’agissait d’estimations réalisées à partir des recensements de population. Or, ceux effectués avant 1901 ont partiellement disparu dans un incendie. L. M. Cullen indique qu’elle passa de 3 millions en 1735 à 8,2 millions en 1841.171 Un taux de fécondité élevé peut, en partie,

expliquer cette hausse, notamment dans l’Irlande rurale. Le taux de mariage était également très élevé, surtout chez les pauvres.

Une détérioration générale des conditions sociales accompagna cette hausse de la population. En l’absence d’un réel développement industriel dans le pays, la terre demeurait la seule source de subsistance pour la majorité des familles. Les ressources de ces dernières étaient bien faibles. Des familles entières vivaient des récoltes de leurs petits lopins de terre. Lorsque les enfants se mariaient, le lopin de terre était divisé, puis subdivisé jusqu’à ce qu’une minuscule parcelle subsiste. En outre, de nombreuses familles étaient expulsées quand elles ne pouvaient plus payer leur loyer. Le prix du grain avait chuté, et l’industrie textile s’était effondrée sauf dans le Nord-ouest, en Ulster. En outre, plusieurs périodes de famine et d’épidémies de fièvre entre 1800 et 1830 rendirent la situation encore plus difficile.

Même si le gouvernement n’entreprit rien pour remédier à cette situation calamiteuse, l’existence d’un certain nombre de rapports de commissions parlementaires de la Chambre des Communes semble indiquer qu’il était tout de même conscient du phénomène.172 Dès 1830, la Chambre des Communes rapporta qu’elle

envisageait la possibilité d’appliquer le système des Lois sur les Pauvres qui existait en Angleterre à l’Irlande. Mais l’opinion publique, en Angleterre et en Irlande, n’y était pas favorable. On pensait que cela encouragerait l’assistance et ne ferait qu’augmenter

171 L. M Cullen, An Economic History of Ireland since 1660, London, 1972, p.118.

172 First Report select committee on the state of disease and conditions of the labouring poor, Ireland May 1819, H.C 1819 (314) viii.

la population. En outre, l’Irlande était davantage préoccupée par l’émancipation catholique173 et l’abrogation de l’Acte d’Union.174 Pour autant, lorsqu’en 1831 la récolte

des pommes de terre fut désastreuse, les répercussions furent telles qu’il fallut intervenir. En effet, l’Angleterre vit affluer sur son territoire un très grand nombre de travailleurs irlandais. Les conséquences de cette migration de masse incitèrent le gouvernement à prendre des mesures.

En 1833, une commission présidée par Richard Whately, l’archevêque anglican de Dublin et économiste qui avait enseigné à Oxford, et qui comptait parmi ses membres Daniel Murray, l’archevêque catholique de Dublin, fut mise en place. Cette commission d’enquête travailla pendant trois ans et fournit le rapport le plus complet et le plus détaillé jamais établi sur la condition des classes les plus pauvres en Irlande et les modes d’assistance existant. Elle sélectionna dix-sept comtés175, et mena son

enquête dans chaque paroisse de chaque baronnie de ces dix-sept comtés. En outre, sept

catégories furent préalablement définies parmi les plus pauvres du pays : les enfants abandonnés et orphelins, les enfants illégitimes et leurs mères, les veuves ayant de jeunes enfants, les personnes infirmes ou rendues invalides par la vieillesse, les pauvres malades qui pouvaient gagner leur vie lorsqu’ils étaient en bonne santé, les gens en bonne santé sans emploi et, enfin, les vagabonds.

Les sept catégories qui furent retenues pour l’enquête sur les pauvres concernaient, au premier chef, les femmes. L’illégitimité et les veuves avec jeunes enfants les concernaient exclusivement. En outre, dans les catégories des personnes rendues invalides par l’âge et autres infirmités, ainsi que les pauvres malades, le nombre 173 Voté en 1829, l’Acte d’Émancipation abrogea toute loi visant à exclure les Catholiques du Parlement et de divers emplois. Voir Catherine Maignant, Histoire et civilisation de l’Irlande, Paris : Nathan Université, 1996, pp. 63-65.

174 L’Acte d’Union (1800) abolit le Parlement de Dublin. Les députés irlandais étaient représentés à Westminster mais de manière limitée. La religion majoritaire ne fut pas reconnue et l’anglicanisme devint religion établie. L’Irlande fut ainsi intégrée dans le ce qui devint le Royaume-Uni. Voir supra.

des femmes était supérieur à celui des hommes. Il en allait de même pour les personnes utilisant la mendicité pour survivre : on dénombrait, en effet, davantage de mendiantes que de mendiants. Dans le tableau général de la pauvreté, les femmes occupaient une place prépondérante. Les raisons pour lesquelles les enfants illégitimes et leurs mères figuraient parmi les plus pauvres de la société n’étaient pas liées à une forme de déterminisme biologique, mais s’expliquaient par l’existence d’un système de valeur qui marquait chaque nouveau-né du sceau de la légitimité ou de l’illégitimité, ainsi que d’une distribution des ressources qui plaçait la mère et l’enfant, et non le père putatif, en danger de misère.176