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Chapitre 2 Pour une compréhension de l’UCHOJEUCAM

3. Les résultats de l’analyse

3.1 Importance et intérêt de vivre ensemble

3.1.2 La solidarité et l’entraide mutuelle

Pour les jeunes interviewés, ce qui donne à l’UCHOJEUCAM toute sa densité fraternelle c’est qu’elle constitue un lieu de solidarité et d’entraide mutuelle. En parlant du contexte de sa fondation, nous avons relevé le fait que ceux qui ont porté l’UCHOJEUCAM sur les fonts baptismaux ont ainsi exprimé le souci de former les jeunes à la solidarité pour faire face aux difficultés liées à la crise dans les différents secteurs de la vie sociale. Un choriste de Saint Sacrement le dit clairement : « Le plus important, c’est cette vie de solidarité, l’Union nous assiste dans diverses circonstances ; maladie, mariage, décès. C’est un témoignage qui donne à d’autres jeunes d’adhérer à nos chorales de jeunes. Le membre

assisté y trouve satisfaction19. » Cela s’entend également dans cette réponse d’un choriste

de saint Joseph : « Dans l’Union, nous nous partageons la vie chrétienne ; en cas d’un problème tel que le cas de maladie, de décès, de mariage et consort, nous nous assistons

physiquement, moralement, spirituellement et financièrement20. » De Fatima, on entend

aussi le même son de cloche, un choriste souligne le même aspect de solidarité : Si nous sommes unis aujourd’hui, quel que soit le problème, puisque nous sommes déjà ensemble nous allons nous soutenir. Par exemple, si aujourd’hui un frère ou une sœur de Nzanza, de Fatima ou de Saint Sacrement perd un membre de sa famille ou qu’un frère ou une sœur tombe malade, sans savoir comment s’y prendre, l’Union le soutiendrait en tout et pour tout,

19 CSSG1, Annexe 5, 5.1, Q 1. 20 CSJ2, Annexe 5, 5.3, Q 1.

financièrement, moralement et spirituellement. C’est là l’avantage de l’Union selon l’esprit de nos statuts21.

Il est à noter que les choristes sont en majorité chômeurs, mais cela n’empêche pas qu’ils mettent ensemble le peu qu’ils possèdent. Leur grand appui vient des membres de soutien qui leur sont solidaires. C’est ainsi que l’un de ces membres soutient que

mes moyens financiers aident la chorale à se développer, car, dit-on, il n’y a pas évangélisation sans appui financier. Le groupe que j’encadre est composé des jeunes scolarisés ; c’est pourquoi mon appui financier aide ma chorale à émerger, tel que dans l’organisation des visites pastorales dans le doyenné de Matadi et d’autres doyennés du diocèse ; l’achat des uniformes ; la restauration des choristes en déplacement ; l’assistance aux choristes et aux membres de

soutien dans divers cas sociaux : maladie, mariage, décès, naissance22.

De tous ces propos ressort un aspect important de satisfaction pour les jeunes qui peuvent bénéficier du soutien, aussi bien matériel que spirituel, les uns des autres, dans différentes circonstances de la vie. Un autre aspect est le souci de témoignage à donner aux autres jeunes qu’ils cherchent à motiver pour les attirer vers l’Union. Ainsi, tout laisse comprendre comment les jeunes comme leurs membres de soutien tiennent à la valeur de solidarité, une solidarité qui est vécue, non seulement au sein de l’Union, mais aussi au sein de l’Église. L’Union est donc pour ses membres un cadre approprié pour une vie de solidarité, vécue à travers des visites des membres et l’assistance mutuelle sur les plans tant spirituel, moral, que matériel ou financier, aussi bien à des moments de joie que de tristesse : mariage, décès, etc. Les jeunes s’entraident mutuellement, bien que majoritairement chômeurs, ils bénéficient de l’encadrement, du soutien moral, spirituel,

physique et financier des membres de soutien dans diverses causes sociales.

Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, nous vivons dans une culture mondialisée qui voit émerger de nouvelles formes de fraternisation, de sociabilité, d’organisation en réseaux, exigeant une nouvelle manière de concevoir le lien social ou même le lien ecclésial. Il est important que ceux qui découvrent l’importance de vivre ensemble dans un petit groupe élargisse leur fraternité. Les jeunes de l’UCHOJEUCAM portent bien ce souci quand l’un d’eux relève que « ce qui nous apparaît plus important de cette union c’est de vivre avec

21 CNF1, Annexe 5, 5.2, Q 3. 22 SNF1, Annexe 5, 5.2, Q 2.

tous les jeunes de différentes paroisses de Matadi sans distinction de nos chorales […], atteindre toutes les paroisses du diocèse en général23. » Est-ce une illusion de considérer, au-delà de nos préjugés, que les jeunes peuvent apporter quelque chose à l’édification de l’Église ? Ce qui suit nous permettra d’examiner un autre aspect que porte le vivre- ensemble des jeunes de l’Union : écoute et partage de la Parole de Dieu.

3.1.3 UCHOJEUCAM comme lieu d’écoute et de partage de la Parole de Dieu

Le contexte actuel dans lequel évolue la jeunesse en Afrique permet de relever le fait que la famille a perdu sa place dans l’éducation des enfants à la foi. Au niveau de l’Église locale, il y a des efforts tendant à soutenir une nouvelle évangélisation à partir des CEV, de façon à redonner la chance, et aux adultes et aux jeunes, de faire l’expérience d’immersion ecclésiale. C’est-à-dire qu’ils arrivent tous ensemble à participer à la vie ecclésiale et à témoigner de leur foi par une vie de fraternité, de partage et de solidarité.

En effet, la mise en place dans le diocèse de Matadi, des mouvements d’accompagnement spirituel des jeunes, traduit le souci pastoral que porte toute l’Église, soucieuse de son avenir. Et les jeunes en sont l’espoir. Il est bien évident que l’Église ne peut prétendre assumer seule la responsabilité d’initier les jeunes à la vie chrétienne. C’est une tâche nécessitant une nette synergie entre l’Église et les familles. Or, aujourd’hui, de nombreuses familles ne savent plus jouer leur rôle traditionnel d’accompagner les enfants dans le choix de religion ni proposer la foi comme par le passé. Cela rend difficile le rôle de l’Église. Toutefois, comme nous l’avons déjà relevé, l’absence des jeunes dans les mouvements des jeunes, particulièrement dans les CEV, ne signifie pas l’éloignement de la foi ; les jeunes se donnent d’autres lieux pouvant aussi offrir des possibilités de grandir dans la foi.

En répondant à notre question sur ce qu’apporte l’Union dans leur vie, à côté des aspects relevés ci-haut, c’est-à-dire une vie de fraternité, de solidarité et d’entraide, les jeunes nous ont fait comprendre que l’Union leur permet de découvrir la Parole de Dieu. C’est ce que laissent apparaître leurs propos. Un garçon de Saint Sacrement affirme qu’

en tant que jeune chrétien, ce qui me paraît le plus important dans la vie de l’Union, c’est que d’abord il est à noter que chacun sort d’une famille biologique, mais il n’est pas donné à toutes les familles la pratique d’enseigner aux enfants la Parole de Dieu. Mais quand nous sommes dans l’union, il est pour moi une opportunité de découvrir ce que je ne connaissais pas avant, au travers des partages bibliques, des visites pastorales, des récollections, etc. Ensuite, cette vie m’apporte de plus une nouvelle façon d’accepter la Parole de Dieu en me faisant abandonner la vie solitaire où je ne comprenais presque rien de la Parole de Dieu en vue de la vie collégiale où je découvre maintenant les merveilles24.

Pour ce choriste, l’UCHOJEUCAM permet de combler la soif des jeunes à la recherche de ce que de nombreuses familles ne savent plus offrir à leurs enfants : un lieu d’accès à la Parole de Dieu et pouvant servir d’éveil à la foi. De nombreux jeunes grandissent dans des familles où l’on peut se dire tout, mais en faisant peu d’attention aux questions liées au sens de la vie ou à la vie religieuse. Aujourd’hui plus que jamais, évoluant dans un contexte marqué par le pluralisme religieux, le fondamentalisme et même le relativisme, les jeunes recherchent ce qui correspond ou répond à leurs attentes. Les jeunes de l’UCHOJEUCAM pensent avoir trouvé dans le groupe choral un espace leur fournissant une aide importante. C’est ce qui ressort du témoignage du choriste précité : « l’Union m’a aidé à quitter la vie solitaire où j’étais ignorant du message du Christ, où je ne comprenais rien du tout sur la Parole divine et la vie collégiale. Elle m’a permis d’avoir une autre forme de vie que la précédente25. » Il lui parait important d’avoir fait ce passage, de l’ignorance à la connaissance de la Parole de Dieu, de la vie solitaire à celle collégiale.

Une fille du même groupe relève presque le même aspect important de ce que donne comme bénéfice le fait d’appartenir à l’Union : se laisser nourrir par la Parole de Dieu en vue du salut. Elle dit ceci : « Pour la vie religieuse, ce qui est plus important, c’est de faire la volonté de Dieu et d’accomplir les Écritures saintes, la Bible, parce que dans tout ce que

nous sommes en train de faire il y a un but, c’est le salut ou le royaume de Dieu26. » La soif

d’une vie pleine est une dimension essentielle de la vie humaine. Le salut ou le royaume de Dieu est bien sûr l’objet d’espérance, mais que serions-nous sans l’espérance du salut ?

24 CSSG2, Annexe 5, 5.1, Q 1. 25 CSSG2, Annexe 5, 5.1, Q 3. 26 CSSF1, Annexe 5, 5.1, Q 1.

Beaucoup de ceux et celles qui ne s’ouvrent pas à cette perspective du salut ne perçoivent pas le sens de la vie et se demandent si nous sommes des vivants dont l’horizon est la mort ou des mortels dont l’horizon est la vie. Cette question reste une réelle inquiétude angoissante sans une ouverture à la perspective du salut. Les membres de l’Union pensent avoir ainsi la chance de vivre de la Parole de Dieu et de la faire vivre à travers leurs chansons.

Un membre de soutien de saint Joseph, donnant son point de vue sur le plus important qui provient de cette vie d’union, souligne que « le prêtre enseigne, bien sûr, la Parole de Dieu, par son verbe et l’Union fait autant par l’exécution de ses chants qui emballent des foules27. » De même, un jeune choriste de saint Joseph dit : « Partant de cette union, en

évangélisant par nos chants, nous attirons bon nombre de jeunes vers l’Église28. » Attirer

des jeunes vers l’Église est une chose, mais le plus important n’est peut-être pas là. Le plus important se trouve dans la rencontre à faire de celui qui se présente à nous comme étant « le chemin, la vérité et la vie ». Comme l’a mentionné un choriste de saint Joseph, « la vie

en Église pour les jeunes d’aujourd’hui doit être conforme aux exigences du Christ29. » Un

autre de la même chorale va même relever un impératif pour les jeunes : « Les jeunes d’aujourd’hui doivent d’abord mettre Jésus-Christ au centre de leur vie ; avoir une vie de prière, devenir serviteur de Dieu ou messager de la bonne nouvelle, être le sel de la terre et

la lumière du monde30. » Les deux choristes se complètent dans leur perception de ce que

doit être la vie des jeunes chrétiens. L’un et l’autre renvoient au Verbe de Dieu ; le premier en parlant d’une vie conforme aux exigences du Christ et le second en exigeant d’accorder la place centrale au Christ. C’est ce Christ qui nous apprend à prier et fait de nous des témoins de sa bonne nouvelle pour être sel de la terre et lumière du monde, selon la réponse du second.

Ces deux dernières interventions appuient ce qu’avaient déjà relevé la plupart des jeunes en reconnaissant un aspect important de la vie qu’apporte l’Union : la découverte de la Parole

27 SSJ2, Annexe 5, 5.3, Q 1. 28 CSJ1, Annexe 5, 5.3, Q 1. 29 CSJ2, Annexe 5, 5.3, Q. 4. 30 CSJ1, Annexe 5, 5.3, Q. 4.

de Dieu pour en être témoin par une vie fraternelle. Comment faire Église et être témoin du Christ dans l’aujourd’hui de notre monde sans connexion à la source de ce qui fonde notre vocation et notre mission ? Comme le souligne un membre de soutien : « la vie de l’Église passe inéluctablement par l’enseignement de la Parole de Dieu et par les diverses manifestations de l’amour des uns et des autres31. » Cela permet de comprendre que le vivre-ensemble auquel forme l’UCHOJEUCAM trouve son fondement dans la Parole de Dieu. C’est d’elle que surgit une vie nouvelle donnant d’être proches les uns des autres. Autrement dit, c’est elle qui alimente la fraternité. Cela rejoint l’esprit de leurs statuts. Un choriste de saint Joseph l’exprime bien :

Selon l’esprit de nos statuts, à travers les enseignements, nous bénéficions de l’assistance mutuelle des membres, de l’encadrement de nos responsables de chorales et de nos membres de soutien. Ceux-ci nous encadrent moralement, physiquement, spirituellement […] Actuellement, un bon nombre de nos membres n’ont pas une forte spiritualité, c’est pourquoi nous organisons des retraites, des récollections et tant d’autres activités spirituelles32.

Cette intervention permet de cerner le souci que porte l’Union dans l’accompagnement spirituel des jeunes. Elle rejoint celle d’un choriste de Saint-Sacrement déjà citée ci-haut, présentant quelques moments importants permettant d’approfondir la Parole de Dieu, lors des partages bibliques, des visites pastorales et des récollections. Ce dernier choriste de saint Joseph, lui, parle des temps forts : des retraites, des récollections et d’autres activités spirituelles. Nous ne saurons pas dire exactement comment l’UCHOJEUCAM organise ses enseignements : choix des thèmes, méthodes et rythme de transmission. Ce point n’a pas fait l’objet de nos échanges, mais peut faire l’objet d’une autre étude approfondie pour bien appréhender comment l’Union permet de grandir dans la foi.

L’Église a toujours fait de la pastorale des jeunes une de ses priorités. On y voit le souci de les accompagner dans l’accueil de la Parole de Dieu, mais il faut plutôt aujourd’hui parler de s’accompagner mutuellement. Dans ce sens, l’Église a non seulement à donner aux jeunes, mais aussi à recevoir d’eux. Dans cette perspective, comme le soutient Philippe Bacq, il faut parler d’une pastorale d’engendrement. Selon lui, « proposer l’Évangile, le lire

31 SSJ2, Annexe 5, 5.3, Q 2. 32 CSJ2, Annexe 5, 5.2, Q 2.

à plusieurs dans des groupes où les lecteurs sont à portée de voix les uns des autres, se laisser travailler par lui, c’est le cœur d’une pastorale d’engendrement. Au fondement de cette attitude pastorale, une conviction forte : seule la Parole de Dieu peut ouvrir aujourd’hui comme hier “la porte de la foi” (cf. Ac 15,27)33. »

Il est intéressant de noter que ces jeunes interviewés, en parlant de leur Union comme lieu de découverte de la Parole de Dieu, n’ont pas la prétention de vouloir cheminer seuls, loin de l’Église. Ainsi, expriment-ils le souci d’être guidés et accompagnés, mais aussi d’apporter leur contribution à l’évangélisation. Un choriste de Saint Sacrement le dit à sa manière : « Je suis persuadé qu’à côté de la Parole écoutée à l’Église, moi aussi je participe

d’une manière ou d’une autre à la conversion de beaucoup d’âmes34. » Ce choriste

comprend que la Parole de Dieu qu’il reçoit est aussi à partager pour le salut des autres. Dans le même sens, une fille du même groupe fait remarquer que « la vie sans l’Église n’est pas une vie pour les jeunes d’aujourd’hui. L’Église nous apprend la meilleure façon de vivre et de consolider la foi chrétienne35. »

En définitive, pour ces jeunes de l’Union, ils trouvent un plus dans ce qu’ils vivent comme expérience en se laissant nourrir de la Parole et en fondant leurs pratiques là-dessus. De cette manière, ils pensent vivre une expérience pour être signe du Royaume et faire signe de leur foi. Comme a su le dire l’un d’eux, dans tout ce qu’ils font « il y a un but, c’est le salut ou le royaume de Dieu » (CSSF1, Annexe 5, 5.1, Q 1). Ce royaume se construit dès maintenant, à travers leur vivre ensemble alimenté par l’écoute et le partage de la Parole de Dieu.

3.2 Participation des jeunes à la vie de l’Église

33 Philippe BACQ, « Vers une pastorale d’engendrement », dans Philippe Bacq et Christoph Théobald, Une

nouvelle chance pour l’Évangile. Vers une pastorale d’engendrement, Bruxelles/Lumen vitae, Montréal/Novalis, 2004, p. 23.

34 CSSG2, Annexe 5, 5.1, Q 2. 35 CSSG2, Annexe 5, 5.1, Q 4.

Nous ouvrons ici un autre registre de compréhension des pratiques de l’UCHOJEUCAM. Il est évident que beaucoup de nos projets pastoraux partent parfois de l’image négative que nous nous faisons des jeunes. Il y en a qui considèrent très négativement la vie des jeunes, mais ce que nous venons de découvrir à travers leurs réponses à la première question montre bien que les jeunes s’assument et s’engagent pour affronter les défis que leur impose le contexte dans lequel ils évoluent. Le sens de l’engagement ne leur manque pas ; leur fraternité et leur solidarité sont des marques d’attention, des uns aux autres. Cela nous permet d’aller au-delà de nos préjugés.

Il est maintenant question de voir comment l’Union permet aux jeunes de participer à la vie de l’Église. Notre deuxième question portait le souci de percevoir comment leurs activités leur permettent de participer à la vie de l’Église et d’y trouver une place qui leur convient. Pour répondre à cette question, ils ont relevé le fait que leurs activités comportent des formes multiples : chanter pour évangéliser, chanter pour faire prier ou rendre vivante la liturgie ; l’apostolat auprès d’autres jeunes, etc. Nous allons plus considérer deux aspects : chanter au service de l’évangélisation et de la prière pour rendre la liturgie vivante, puis une vie revêtue d’attention aux autres.