• Aucun résultat trouvé

Émergence d'une figure d'Église à travers des pratiques de l'Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Émergence d'une figure d'Église à travers des pratiques de l'Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi"

Copied!
378
0
0

Texte intégral

(1)

Émergence d'une figure d'Église à travers des pratiques

de l'Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi

Thèse

Christophe Bikuika Lubanzadio

Doctorat en théologie pratique

Docteur en théologie pratique (D. Th. P.)

(2)

Émergence d’une figure d’Église à travers des pratiques

de l’Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi

Thèse

Christophe BIKUIKA LUBANZADIO

Sous la direction de :

Gilles Routhier

(3)

Résumé

Notre étude s’inscrit dans le débat théologique cherchant, comme soutiennent Jacques Audinet et Gilles Routhier, à penser l’Église en termes d’émergence, en revisitant non seulement les pratiques instituantes dans la première communauté chrétienne, mais aussi en examinant comment elle peut émerger dans nos sociétés d’aujourd’hui. C’est à partir de l’Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi que nous avons engagé notre réflexion théologique.

Le premier chapitre a relevé la difficile tâche d’intégration des jeunes dans les CEV, en cherchant à comprendre les choses à la lumière des changements qu’apporte la mondialisation dans la socialisation des jeunes. Ce qui nous a permis de considérer l’UCHOJEUCAM comme un défi pour inscrire l’Église dans les nouvelles sociabilités. Notre deuxième chapitre a rendu compte de l’enquête que nous avons menée à Matadi et de l’analyse des données recueillies. Cette analyse a permis de rassembler différentes catégories autour de cinq thèmes : le vivre ensemble ; la participation à la vie de l’Église ; les besoins et aspirations des jeunes ; la vie en Église aujourd’hui ; les responsabilités des jeunes dans la construction de l’Église. Le dernier chapitre a tenté une réflexion théologique à partir de ces différents thèmes. En pensant en termes d’émergence, notre démarche théologique, grâce à la méthode de corrélation, a permis de revisiter les pratiques instituantes dans la première communauté chrétienne et d’examiner comment l’Église peut émerger dans nos sociétés d’aujourd’hui. Nous avons aussi tenté une mise en résonance des formes multiples que prend la participation des jeunes de l’Union à la vie de l’Église avec les trois dimensions de la vocation des baptisés : prophétique, sacerdotale et royale. Considérant le caractère interdisciplinaire de la théologie pratique, nous avons osé engager deux types de dialogue. Un premier de type philosophique, sociologique et psychologique, a permis de comprendre l’expérience des jeunes de l’Union comme une quête de reconnaissance. Un second de type exégétique, avec le récit de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, nous a permis d’entendre une parole de conversion pour renouveler notre regard sur les jeunes et reconnaître qu’ils ont quelque chose à nous donner. En restant à l’écoute des jeunes et en prenant en compte leur contestation d’une Église qui ne leur reconnaît pas la capacité de contribuer à son édification, nous avons cerné que l’Église

(4)

synodale et coresponsable semble être la figure d’Église correspondant à leurs aspirations. Notre réflexion théologique a enfin relevé l’urgence de travailler dans le monde, de façon à être et faire signe du Royaume, selon le dessein du Père et la mission du Fils et du Saint-Esprit. En considérant que les jeunes sont disposés à assumer diverses responsabilités à différents niveaux de la vie ecclésiale, nous avons mis en évidence les ministères et les charismes pour la communion ecclésiale.

En concluant notre travail, nous n’avons pas manqué de faire le bilan de nos apprentissages et de présenter quelques perspectives d’avenir, en relevant les limites de notre recherche et les questions qui demeurent ouvertes.

(5)

Abstract

Our study is part of the theological debate seeking, as Jacques Audinet and Gilles Routhier argue, to think of the Church in terms of emergence, revisiting not only the instituting practices in the first Christian community, but also by examining how it can emerge in our societies today. We began our theological reflection starting from the “Union des Chorales des Jeunes de Matadi” (UCHOJEUCAM).

The first chapter emphasizes the difficult task of integrating young people into LEC’s (“Living Ecclesial Communities”), seeking to understand things in the light of the changes brought by globalization in the socialization of young people. This allows to consider UCHOJEUCAM as a challenge to put the Church in the new sociability. The second chapter reports on the survey we conducted in Matadi and on the analysis of the data collected. This analysis brings together different categories around five themes: living together; participation in the life of the Church; needs and aspirations of young people; church life today; responsibilities of young people in the building of the Church. The last chapter attempts a theological reflection about these different themes. Thinking in terms of emergence, the present theological approach, thanks to the method of correlation, allows to revisit the instituting practices in the first Christian community and to examine how the Church can emerge in our societies of today. It aims also to put into resonance the multiple forms taken by the young people of the Union in the life of the Church with the three dimensions of the vocation of the baptized: prophetic, sacerdotal and royal. Considering the interdisciplinary nature of practical theology, we dared to engage two types of dialogue. A first one of philosophical, sociological and psychological type, made it possible to understand the experience of the young people of the Union as a quest for recognition. A second one of exegetical type, with the story of the meeting of Jesus and the Samaritan woman, allowed to hear a word of conversion to renew the vision of young people and recognize that they have something to give to us. By remaining attentive to young people and taking into account their challenge to a Church that does not recognize the capacity to contribute to its edification, we realized that the Synodal and Co-Responsible Church seems to be the Church figure corresponding to their aspirations. Our theological reflection finally raised the urgency of working in the world, so as to be and to make a sign of the Kingdom, according to the Father's plan and the mission of the Son and

(6)

the Holy Spirit. Considering that young people are willing to assume various responsibilities at different levels of ecclesial life, we have highlighted ministries and charisms for ecclesial communion.

In concluding our work, we did not fail to take stock of our learning and to present some future prospects, while raising the limits of our research and the questions that remain open.

(7)

Table des matières Résumé ... iii Abstract ... v Sigles… ... xiii Remerciements ... xiv Introduction générale ... 1

1. Domaine de recherche et problématique ... 2

2. Le sujet et l’objet de la thèse ... 5

3. La question et l’objectif de recherche ... 6

4. La méthode et l’originalité de ma démarche ... 8

5. La structure et le plan de la thèse ... 14

5.1 La structure de la thèse ... 16

5.2 Le plan de la thèse ... 18

Chapitre 1 Les communautés ecclésiales vivantes en RDC et la difficile intégration des jeunes. Le cas du diocèse de Matadi ... 20

1. Contexte d’émergence des CEV en RDC et leur Genèse dans le diocèse de Matadi ... 21

1.1 L’arrière-fond de l’option du renouveau communautaire en RDC ... 22

1.2 Création de petites communautés en RDC et leur genèse dans mon diocèse ... 23

2. Les CEV comme lieu de participation du laïcat à l’évangélisation ... 25

3. Pour une valorisation du sacerdoce baptismal ... 27

3.1 Lumen gentium, chapitres II et IV………..27

3.1.1 Participation au sacerdoce commun et au culte ... 30

3.1.2 Participation à la dimension prophétique du sacerdoce baptismal………31

3.1.3 Participation à la dimension royale du sacerdoce baptismal ... 32

3.2 Le Décret Apostolicam Actuositatem ... 33

3.3 Un bref regard sur Christifideles laici et la place des laïcs dans la communion ecclésiale………...36

(8)

5. La socialisation des jeunes dans la modernité et leur difficile intégration dans les

CEV. Cas du diocèse de Matadi ... 42

5.1 La question de socialisation en Afrique ... 43

5.2 La jeunesse africaine et la mondialisation ... 47

5.3 La difficile intégration des jeunes dans les CEV. Cas du diocèse de Matadi ... 50

6. L’UCHOJEUCAM. Un cas vers des nouvelles sociabilités ... 54

6.1 Le contexte d’émergence de l’UCHOJEUCAM. Sa fondation et sa composition ... 54

6.2 L’évolution de l’UCHOJEUCAM ... 56

6.2.1 La participation liturgique ... 58

6.2.2 L’assistance sociale ... 60

Conclusion : Quel avenir pour les CEV ? La crédibilité et les limites d’une figure d’Église face à un monde changeant ... 62

Chapitre 2 Pour une compréhension de l’UCHOJEUCAM ... 67

1. Cueillette des données et le focus group ... 68

1.1 Types de participants ... 68

1.2 Questionnaire et déroulement de l’entrevue de groupe ... 70

2. L’analyse des données et la méthode de catégorisation ... 71

3. Les résultats de l’analyse ... 73

3.1 Importance et intérêt de vivre ensemble ... 74

3.1.1 La nouvelle fraternité………....73

3.1.2 La solidarité et l’entraide mutuelle ... 77

3.1.3 Uchojeucam comme lieu d'écoute et de partage de la Parole de Dieu…………..75

3.2 Participation des jeunes à la vie de l’Église……….80

3.2.1 Chanter au service de l’évangélisation et de la prière ... 84

3.2.2 Activités de l’UCHOJEUCAM au service de la communauté des fidèles ... 86

3.3 Aspirations et besoins des jeunes ... 87

3.4 Quelle Église pour les jeunes, par eux et avec eux ? ... 92

3.4.1 Contestation d’une Église cléricale. Autorité et pouvoir dans l’Église ... 92

3.4.2 Pour une Église synodale et coresponsable ... 97

Conclusion : l’UCHOJEUCAM. Un défi face à une figure d’Église venant d’en haut...102

(9)

Chapitre 3 Interprétation théologique ... 105

1. Dimension fraternelle de l’UCHOJEUCAM ... 109

1.1 Une lecture des sommaires du livre des Actes des Apôtres (2,42-47) ; (4,32-35) ; (5,12-16) avec Daniel Marguerat ... 110

1.1.1 Le premier sommaire (2,42-47) ... 110

1.1.2 Le deuxième sommaire (4,32-35) ... 114

1.1.3 Le troisième sommaire (5,12-16) ... 117

1.2 Fraternité et écoute de la Parole ... 121

1.3 Fraternité, solidarité et entraide ... 126

1.3.1 L’unité et la Parole ... 129

1.3.2 Fraternité, solidarité et partage ... 131

1.3.3 L’amour fraternel. Une véritable diaconie chrétienne ... 134

Conclusion ... 137

2. Dimension participative de l’UCHOJEUCAM à la vie de l’Église ... 141

2.1 Dimension prophétique de la participation des jeunes à la vie ecclésiale. Chanter comme mission d’évangélisation ... 141

2.2 Dimension sacerdotale de la participation des jeunes à la vie ecclésiale. Chanter comme service de la prière ... 145

2.3 Dimension royale de la participation des jeunes à la vie ecclésiale. Chanter au service de la communion des fidèles ... 147

Conclusion ... 151

3. Le vivre ensemble au sein de l’Union comme besoin de reconnaissance ... 154

3.1 Notion de reconnaissance. Dialogue avec Axel Honneth et Paul Ricœur ... 155

3.2 Dialogue avec le récit de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine (Jean 4,5-43) ... 169

3.2.1 Analyse narrative. L’intrigue et ses étapes... 170

3.2.2 Du dialogue de Jésus avec la Samaritaine au nouveau regard à porter sur les pratiques des jeunes ... 180

Conclusion ... 184

4. UCHOJEUCAM pour une Église coresponsable et synodale ... 185

4.1 Autorité et pouvoir dans l’agir pastoral ... 186

4.1.1 Référence à Jésus ... 191

(10)

4.2 Synodalité et coresponsabilité ... 200

4.2.1 À contexte nouveau, une nouvelle manière d’être Église ... 201

4.2.2 Pour une pratique synodale ... 205

4.3 La synodalité au niveau diocésain et au niveau paroissial ... 210

4.3.1 La synodalité au niveau diocésain ... 211

4.3.2 La synodalité au niveau paroissial ... 216

4.4 Engagement dans le monde en vue du Royaume à venir ... 223

4.4.1 Priorité et urgence du Royaume ... 223

4.4.2 Les signes du Royaume ... 227

4.4.3 La croissance du Royaume ... 228

4.5 L’activité missionnaire de l’Église ... 231

4.5.1 Le dessein du Père et la mission du Fils et du Saint-Esprit ... 232

4.5.2 L’activité missionnaire et le contexte pluraliste ... 233

4.5.3 L’eschatologique et l’activité missionnaire... 236

4.6 Les ministères et les charismes de la communion ecclésiale ... 240

4.6.1 À contexte nouveau, de nouveaux ministères ... 243

4.6.2 Les Charismes et les ministères. Pour une coresponsabilité qui soude la communion ... 249

Conclusion ... 251

4.7 Synthèse et réflexions conclusives. UCHOJEUCAM, pour quelle figure d’Église ?... 254

Conclusion générale ... 263

1. Synthèse de la thèse ... 263

2. Bilan de nos apprentissages : savoirs théoriques, savoir-faire et savoir-être ... 272

3. Quelques perspectives d’avenir ... 277

4. Les limites et les questions qui restent ouvertes ... 285

Bibliographie...………..282

1. Documents officiels et textes magistériels ... 288

2. Théologie pratique ... 289

(11)

4. Église et émergence de l’Église ... 292

5. L’Église en Afrique ... 294

6. Jeunesse et Pastorale de la jeunesse ... 295

7. Socialisation, sociabilités, vivre-ensemble et reconnaissance ... 297

8. Lecture de la Bible et méthodes exégétiques ... 299

9. Autres ouvrages et articles ... 299

Les annexes ... 301

Annexe 1 : Message aux curés de Notre-Dame de Fatima, Saint Joseph et Saint-Sacrement à Matadi ... 301

Annexe 2 : Contact avec les responsables de chorales ... 302

Annexe 3 : Annonce à faire aux choristes ... 303

1. Présentation du chercheur et de son projet... 303

2. Demande de participation et recrutement ... 303

Annexe 4 : ... 305

Formulaire de consentement ... 305

Annexe 5 : La collecte de données ... 308

5.1 L’entrevue avec les jeunes de Saint Sacrement ... 308

5.3 L’entrevue avec les jeunes de saint Joseph-Nzanza ... 313

Annexe 6 : Analyse de données ... 318

6.1 Les unités de signification et les catégorisations ouvertes ... 318

6.1.1 Saint Sacrement ... 318

6.1.2 Notre Dame de Fatima ... 326

6.1.3 Saint Joseph-Nzanza ... 331

6.2 Les catégorisations ouvertes et les catégorisations axiales ... 342

6.3 Catégorisation sélective : Compréhension de l’UCHOJEUCAM ... 359

1. L’importance de l’union dans la vie des jeunes (apport) ... 359

2. La participation des jeunes et leur place dans la vie de l’Église ... 360

2.1 Proclamer : ... 360

2.2 Célébrer : ... 360

2.3 Édifier : ... 360

(12)

3. L’union face aux besoins et aspirations des jeunes... 361

4. La vie en Église aujourd’hui pour les jeunes ... 361

4.1 Ce que doit être la vie en Église pour les jeunes d’aujourd’hui ... 361

4.2 Ce que la vie en Église ne doit pas être pour les jeunes ... 362

5. Les responsabilités des jeunes dans la construction de l’Église ... 362

5.1 Au niveau universel : ... 362

5.2 Au niveau national : ... 363

(13)

Sigles

AA : Apostolicam Actuositatem

BYM : Bilenge ya Muinda

CA : Caritas in veritate

CC : Christus Vivit

CD : Christus Dominus

CDD : Centre Diocésain de Documentation

CEC : Catéchisme de l’Église catholique

CEV : Communauté ecclésiale vivante

CEVB : Communauté ecclésiale vivante de base

CEZ : Conférence épiscopale du Zaïre

CHOJEUCATH : Chorale des jeunes catholiques

DGC : Directoire général de la catéchèse

DV : Dei verbum

DMVP : Directoire pour le ministère et la vie des prêtres

EG : Evangelii gaudium

EV : Evangelii Nuntiandi

GS : Gaudium et spes

J.E.C : Jeunesse estudiantine catholique

JMJ : Journées Mondiales de la Jeunesse

JMPR : Jeunesse du Mouvement Populaire de la Révolution

JEC : Jeunesse étudiante chrétienne

KA : Kizito et Anuarite

LG : Lumen gentium

MPR : Mouvement Populaire de la Révolution

MQ : Ministeria quaedam

NRT : Nouvelle revue théologique

PO : Presbyterorum ordinis

RDC : République démocratique du Congo

SC : Sacrosanctum concilium

UCHOJEUCAM : Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi

UCL : Université catholique de Louvain

(14)

Remerciements

Nous voulons remercier tous ceux et celles qui sont intervenus, de près ou de loin, - intellectuellement, spirituellement ou financièrement -, pour que ce projet soit mené à bon port.

Nous voulons commencer par exprimer notre gratitude envers l’Université Laval et la Faculté de

théologie et de sciences religieuses pour l’appui financier nous octroyé par le Fonds Cardinal-Maurice-Roy et les religieuses hospitalières de Saint-Joseph, ayant permis notre admission dans le programme de doctorat en théologie pratique et la poursuite de nos recherches. Bien que ce travail soit le fruit de nos réflexions, il faut cependant reconnaître qu’il est aussi le résultat des efforts conjoints des différents intervenants : le chercheur, les jeunes interviewés, les professeurs dans le programme de doctorat en théologie pratique. Pour cela, nous sommes très reconnaissant envers tous ces intervenants et nous tenons à remercier spécialement les membres du comité d’encadrement de notre thèse, les professeurs Gilles Routhier, Yves Guérette et Céline Roussin, pour leur contribution dans l’élaboration et l’avancement de notre projet de recherche. Que le professeur Gilles Routhier y trouve particulièrement notre profonde gratitude pour sa disponibilité, ses encouragements et surtout pour la rigueur et la pertinence de ses suggestions et ses remarques dans la direction et la rédaction de cette thèse.

Nous tenons aussi à remercier Monseigneur Gabriel KEMBO d’heureuse mémoire, qui nous a autorisé de prendre le chemin de l’Europe pour un temps de ressourcement intellectuel. Les mêmes remerciements s’adressent à Monseigneur Daniel NLANDU, son successeur et l’actuel évêque du diocèse de Matadi, sans oublier Messeigneurs Rémy Vancottem et Pierre Warin qui nous ont admis et inséré dans le diocèse de Namur en nous permettant de nous prendre en charge. Que tous les agents pastoraux, aussi bien du diocèse de Matadi que de celui de Namur, y trouvent l’expression de notre reconnaissance.

Enfin, en remerciant infiniment le R.P. Winand CLAESSENS qui a motivé notre projet de ressourcement intellectuel et a rendu possible notre arrivée en Belgique, nous exprimons aussi notre profonde gratitude à l’endroit de ses confrères de Namur. Ceux et celles qui,

(15)

depuis notre arrivée en Belgique et durant nos séjours canadiens, se sont faits proches de nous, partageant nos peines et nos joies, nos angoisses et nos espoirs, nous les remercions de tout cœur.

(16)

Introduction générale

Notre travail doctoral est essentiellement une théologie pratique, c’est-à-dire une théologie qui se construit, à son point de départ comme aussi à son point d’arrivée, à partir des pratiques de jeunes regroupés dans l’Union des chorales de jeunes catholiques de la ville de Matadi (UCHOJEUCAM). Nous voulons cerner l’apport de ces jeunes dans l’édification de l’Église. Aujourd’hui, avec le souffle donné par le Concile Vatican II, nous avons dépassé l’image d’une Église dont la vitalité ne pouvait dépendre que de la seule fécondité de l’exercice du ministère sacerdotal. En revalorisant le sacerdoce des baptisés, le Concile donne aux laïcs de prendre conscience de leur place dans l’Église comme dans la société de notre temps. Il ne fait l’ombre d’un doute que ces jeunes, réunis au sein de l’Union, ne manquent pas de nous interpeller sur l’image qu’ils se font de l’Église et de nous dire comment ils envisagent faire l’Église de leur temps. En présentant l’Église comme corps dont le Christ est la tête, Saint Paul reconnaît que chaque membre y a sa place, car « à chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun » (cf. 1 Co 12,7). Nous abordons ici une problématique touchant directement les jeunes, mais qui est d’une grande portée ecclésiologique. L’Afrique d’hier se disait terre de solidarité, mais aujourd’hui « l’Afrique est saturée de problèmes dans presque toutes nos nations : il y a une misère épouvantable […] Le résultat est sous nos yeux ; misère, guerre, désespoir. Dans le monde contrôlé par les nations riches, l’Afrique est pratiquement devenue un appendice sans importance, souvent oublié et négligé par tous1. » C’est dans ce contexte que fut organisée l’assemblée du Synode des évêques pour l’Afrique de 1994 pour trouver une manière d’être Église qui s’adapte au contexte socio-politico-économique actuel des peuples d’Afrique. Si ce Synode propose les communautés ecclésiales vivantes (CEV) comme lieu idéal pour une nouvelle évangélisation, il n’est pas exclu que d’autres lieux traduisent le même souci.

1 Jean-Paul II, L’Église en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000. Exhortation apostolique

(17)

Notre choix des pratiques de l’UCHOJEUCAM comme objet de recherche s’inscrit dans le souci de découvrir comment les jeunes peuvent prendre des engagements et relever de vrais défis sociétaux et ecclésiaux. Notre orientation va dans le sens de considérer plus ce qui est de l’ordre de leur vie en tant que baptisés et voir quelle figure d’Église émerge de leurs pratiques. Une telle étude peut-être d’une grande importance pour la pastorale de la jeunesse qui trop souvent donne des orientations, non pas à partir du vécu réel des jeunes, mais de nos connaissances académiques et de ce que nous pensons d’eux. Au lieu de parler ou de chercher comment impliquer les jeunes dans nos communautés, il faut plutôt arriver à nous impliquer dans une pastorale faite ou vécue par des jeunes et pour des jeunes.

1. Domaine de recherche et problématique

En Afrique, nous dit Julien Penoukou Éfoé, « la jeunesse a fait et demeure, l’objet d’une sollicitude pastorale particulière, le lieu privilégié d’initiatives originales, bref l’une des préoccupations majeures de nos responsables d’Église2. » Pour ce qui est de l’histoire de l’évangélisation du Congo-Kinshasa, plus particulièrement lors de la reprise des missions catholiques (1880-1959), Jacques-Marie Nzir Nyanga note que les jeunes étaient la première cible de l’action catéchétique. « C’est vers ceux-ci que s’oriente l’attention des diverses Congrégations, qui leur proposent des possibilités sérieuses pour leur éducation

dans la foi3. » Toujours au Congo, l’année 1971 fut marquée par une crise entre l’Église et

l’État. Le régime en place s’est montré hostile au christianisme considéré comme une religion étrangère et contraire à l’authenticité africaine. Des mesures gouvernementales furent prises pour renforcer l’unité du pays et imposer un parti unique, le Mouvement populaire de la révolution (le MPR), devant contrôler toutes les institutions du pays4. Le cours de religion étant supprimé dans les écoles, ce contexte donna à l’Église un nouvel élan en mettant en place des mouvements d’accompagnement spirituel des jeunes. Ces mouvements ont exercé une grande influence pour intégrer dans la vie paroissiale une bonne partie des jeunes nés dans les années 50, 60 et 70. Parmi ces mouvements, il y a les

2 JulienÉfoé Penoukou, Église d’Afrique. Propositions pour l’avenir, Paris, Karthala, 1984, p. 127.

3 Jacques-Marie Nzir Nyanga, « Catéchèse et mission au Congo : impasse pour l’évangélisation hier et

aujourd’hui », dans Revue africaine de théologie, vol. 26, n° 52 (octobre 2002), p. 221.

4 Cf. Bernard Ugeux, Les petites communautés chrétiennes. Une alternative aux paroisses?, Paris, Cerf, 1988,

(18)

Bilenge ya Muinda, le groupe KA, le Fokolari, le Groupe Bondeko, Jeunes-Légionnaires, etc.

Aujourd’hui, l’Église a d’autres défis à relever devant une nouvelle génération qui se transforme au rythme de la postmodernité. Durant ces dernières décennies, les agents pastoraux du diocèse de Matadi où je suis moi-même incardiné s’investissent à édifier partout une Église-famille-de-Dieu, selon les recommandations de l’assemblée du Synode des évêques pour l’Afrique de 1994. Nous y reviendrons un peu plus loin, mais avant d’en parler avec un peu plus de détails, l’image d’une Église-famille-de-Dieu « met l’accent sur l’attention à l’autre, la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la

confiance5. » C’est ainsi que les communautés ecclésiales vivantes (CEV) ont été choisies

comme lieu d’évangélisation pour permettre des relations humaines étroites. Il faut cependant noter qu’il s’agit là d’une option pastorale qui fut adoptée pour la première fois lors de l’Assemblée plénière de l’épiscopat congolais en 1961. Alors que, selon leur vocation, les CEV sont appelées à être un lieu de rencontre pour tous, enfants, jeunes, parents et adultes, l’Église peine d’y intégrer les jeunes.

En effet, dans beaucoup de paroisses de mon diocèse, celui ou celle qui est membre d’une communauté ecclésiale vivante est considéré comme faisant partie du corps ecclésial. Avec ce regard et du point de vue de l’agent pastoral que je suis, mes efforts d’hier allaient dans le sens d’examiner comment impliquer les jeunes dans nos communautés ecclésiales, sans chercher à saisir l’implication des jeunes, leur manière d’assumer la vie telle qu’elle s’offre à la lumière de leurs attentes dans l’aujourd’hui du monde. Je suis alors demeuré dans la logique de rechercher l’efficacité en faisant passer avant tout les orientations pastorales diocésaines et en voulant redynamiser la pastorale des jeunes. Mon entrée dans le programme de doctorat en théologie pratique, à l’Université Laval, m’a progressivement éclairé pour voir les choses autrement afin de quitter la logique de planification et de mise en place des dispositifs pastoraux. En m’inscrivant dans l’esprit de la théologie pratique, j’ai finalement adopté une nouvelle attitude, passant de la logique de l’efficacité à la

(19)

démaîtrise; faisant ainsi place à saisir les surprises de l’Esprit qui « souffle où il veut, sans que l’on ne sache ni d’où il vient, ni où il va » (Jn 3,8).

Le fait de sortir de la logique de départ m’a permis de passer d’une situation problématique à un projet de recherche. Au lieu de chercher quelles stratégies pastorales mettre en œuvre devant la situation-problème des jeunes qui évoluent loin des communautés ecclésiales vivantes de base, mon projet de recherche a consisté à aller à la rencontre des jeunes qui se donnent un espace de vivre ensemble qui apparaît comme un défi pratique à la communion ecclésiale telle que dictée par la hiérarchie diocésaine. C’est une démarche de théologie pratique visant, selon le propos de Marc Donzé, « à théologiser au sein de l’Église en marche à partir des chrétiens, des pauvres, des communautés et de leurs expériences avec la Parole6. »

Dans une Afrique où le vécu familial subit le poids de la modernité et où les sociabilités ne sont plus celles du village et de la communauté primaire, on peut se demander si les CEV peuvent représenter une figure ecclésiale adéquate pour toutes les générations ? D’ailleurs comme le relève Jean Lombard, cité par Jean-Marc Ela, « de toute évidence, le village africain d’aujourd’hui n’est plus celui d’autrefois. Il faut renoncer, une fois pour toutes, à faire de l’Afrique des villages le lieu de notre authenticité7. » Une étude sociologique de Monique Dagnaud sur les 15-25 ans, en Europe, montre qu’aujourd’hui, à cette tranche d’âge, les jeunes préfèrent écouter des musiques et des chansons qui leur parlent d’eux et adoptent « une façon d’être, un langage qui bousculent les normes établies et instaurent une rupture avec la génération précédente. L’adolescence est une période d’émancipation à

l’égard de la famille d’origine; on expérimente, on se cherche, on projette8. »

Pour affronter le nouveau contexte mondialisé, il y a des jeunes qui créent de façon libre leur lieu de rencontre et de fraternité sans que celui-ci ne soit reconnu, promu ni légitimé par la hiérarchie. Leurs pratiques de fraternité posent un problème à qui les voit

6 Marc Donzé, « Objectifs et tâches de la théologie pratique », dans Revue des sciences religieuses, vol. 69,

3(1995), p. 302.

7 Jean-Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l’Afrique noire, Paris/Montréal, L’Harmattan, 1998,

p. 163.

8 Monique Dagnaud, Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, Paris,

(20)

expérimenter une autre manière de vivre ensemble que celle promue et légitimée. Personne ne leur reconnaît la pertinence ni la validité parce qu’on ne les prend pas au sérieux. Mais qui le sait, pour reprendre ici les mots de Gilles Routhier, n’est-ce pas là « une libre réappropriation du christianisme par une nouvelle génération, réappropriation qui conduira à terme à l’émergence d’une nouvelle figure du catholicisme, à une mutation des sociabilités et de l’institutionnalité qui l’ont porté jusqu’ici ?9 »

2. Le sujet et l’objet de la thèse

Comme relevé plus haut, en tant que sujet-chercheur, le fait que je sois sorti de ma logique de départ m’a ouvert à un projet de recherche consistant, non pas à examiner comment évangéliser les jeunes d’aujourd’hui pour les conduire à Jésus ou comment assurer leur intégration dans les CEV, mais plutôt à découvrir dans leur vie, particulièrement dans leurs pratiques, ce qui peut servir de pierres d’attente dans l’édification du Corps du Christ. Du coup, j’ai pris conscience de ce qu’affirme Yves Congar : « l’Église de Dieu ne se construit pas seulement par les actes du ministère officiel du presbytérat, mais par une foule de services divers plus ou moins stables ou occasionnels, plus ou moins spontanés ou reconnus

éventuellement même consacrés en deçà de l’ordination sacramentelle10. » Cette conscience

a tourné mon regard vers des pratiques juvéniles. Bien que n’étant pas le fruit du ministère officiel, elles peuvent cependant être un véritable lieu d’émergence d’une figure inédite d’Église. D’où le titre de ma thèse L’émergence d’une figure d’Église à travers des

pratiques de l’Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi.

L’objet de ma recherche porte sur les pratiques de l’Union des chorales de jeunes catholiques de Matadi. Bien évidemment, le lecteur peut se demander quel intérêt y a-t-il à prendre cette union comme objet d’étude ? J’y répondrais simplement : les pratiques des jeunes, rassemblés au sein d’une union née de leur vocation commune d’être choristes et les poussant à s’organiser librement pour vivre une expérience fraternelle hors du cadre institutionnel, donnent à penser. Aujourd’hui, les sciences humaines s’appliquent à

9 Gilles Routhier, « Une nouvelle donne en pastorale de la jeunesse », dans Lumen Vitae, vol. 61, 2(2006), p.

139.

(21)

comprendre les cultures et les systèmes de valeur en cours d’émergence, à saisir comment les hommes s’organisent et pourquoi ils changent. Ces recherches sont nécessaires dans l’organisation de nos sociétés pour affronter les défis de l’heure. Ces mêmes recherches sont aujourd’hui prises en compte par le théologien, car la théologie qui est un discours sur Dieu, ne peut se passer de l’homme à saisir historiquement et empiriquement. Quand bien même, la théologie a sa spécificité particulière en s’intéressant à l’homme croyant ou chrétien, — sans se confondre avec l’anthropologie, la sociologie, la psychologie et la philosophie —, néanmoins avec ces dernières elle parle du même homme. Mon attention se portera sur ces jeunes, situés dans le contexte d’un monde en crise, continuant à se modifier très rapidement. Il est intéressant de voir avec les lunettes de la théologie ce qui peut être saisi empiriquement par le biais des sciences humaines, leurs méthodes et techniques d’exploration : comment une situation de crise peut permettre aux jeunes de rester debout et d’assumer leur destin autrement qu’en restant soumis aux modes traditionnels ou institutionnels ?

Il n’est pas sans intérêt d’entreprendre ce projet qui permet d’aller à la rencontre des jeunes accusés, à tort ou à raison, de s’être éloignés de la vie ecclésiale et d’être beaucoup moins responsables que les jeunes de la génération précédente. La vérité ici n’est pas de prouver ou de vérifier si ce qui est porté comme jugement sur les jeunes a un fondement ou une certaine cohérence. Il n’est pas non plus question de chercher à voir partout des figures d’Église. Le plus important, en tant que théologien, c’est notre contribution pour donner plus d’éclairage aux hommes et aux femmes de notre temps dans la compréhension du mystère ecclésial, au-delà de l’institué, comme s’instituant ou advenant, comme manifestation de l’amour de Dieu et incarnation de l’Évangile dans l’aujourd’hui du monde.

3. La question et l’objectif de recherche

Quand l’Église africaine voit dans l’Église-famille de Dieu une figure idéale de la communion ecclésiale pour l’Afrique, elle semble rester dans sa posture d’une Église puissante et dominante. Cette posture consiste à offrir aux fidèles des lieux de vivre ensemble et d’accompagnement spirituel, considérés comme seuls lieux pour une vraie

(22)

communion ecclésiale. La question qui est souvent abordée par la hiérarchie quand il s’agit de prendre en compte les changements contextuels porte sur les stratégies à mettre en place pour une action pastorale adaptée et efficace. Il y a lieu de se demander si les agents pastoraux prennent suffisamment le temps de lire non seulement les signes qu’offre le temps actuel, mais aussi le signe que sont surtout les jeunes pour le temps présent, aussi bien dans la société que dans l’Église. N’est-ce pas qu’il faut savoir interpréter ce signe ? Julien Pénoukou Éfoué qui s’est intéressé à découvrir les attentes actuelles des jeunes en Afrique, souligne que ces derniers « en ont assez des professions de foi qui ne témoignent pas, des assemblées qui ne fraternisent pas, des paroles qui ne parlent pas, des actes qui n’engagent pas11. » Quand les jeunes se montrent critiques à l’endroit de nos projets pastoraux, n’y lisons-nous pas leurs aspirations profondes ? Ne nous lancent-ils pas un défi à travers ce qu’ils sont capables d’inventer? Leurs pratiques ne nous disent-elles pas comment, eux, pensent confesser leur foi en véritables témoins et pour quelles assemblées et fraternisation aimeraient-ils s’engager ou s’engagent-ils déjà dans l’aujourd’hui de leur présence au monde ?

Sans nier la tâche qui revient à l’autorité ecclésiale d’assurer la communion ecclésiale, inventer quelque chose pour les jeunes plutôt que de construire à partir d’eux et avec eux paraît moins soucieux de découvrir ce qu’ils sont capables d’inventer, par eux-mêmes, pouvant servir de pierres d’attente dans l’édification de l’Église. Sans échapper moi-même à cette tendance, hier, j’ai cherché comment redynamiser la pastorale des jeunes pour une vraie implication des jeunes dans nos CEV et nos mouvements d’accompagnement spirituel. En découvrant les pratiques de l’UCHOJEUCAM, j’adopte plutôt un autre point de vue selon lequel la vraie question à aborder dans la pastorale de la jeunesse doit désormais considérer que les jeunes ont la capacité d’être pierres vivantes d’une Église dont on n’a naturellement pas les plans et que l’on ne sait pas encore comment elle s’édifie. Ne convient-il pas aujourd’hui, en dépassant la pastorale dont « les propositions ecclésiales

visent souvent avant tout à accommoder des jeunes à l’Église »12, d’appréhender ce qu’ils

sont capables d’inventer et y cerner ce qui peut être de l’ordre du renouveau spirituel et

11 J.Éfoé Penoukou, Églises d’Afrique…, p. 140.

12 Étienne Grieu, « Construire avec les jeunes », dans Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), Précis de

(23)

ecclésial ? Voilà pourquoi l’Union des chorales de jeunes de Matadi mérite d’être étudiée avec soin, car elle donne à ses membres une certaine satisfaction dans leurs aspirations et besoins. Leurs pratiques ne disent-elles pas ce que doit être la vie en Église pour eux aujourd’hui et les responsabilités qu’ils pensent y assumer ?

D’où la question théologique sous-tendant ma recherche doctorale : comment une figure inédite d’Église se construit à travers des pratiques de l’UCHOJEUCAM ? En me donnant ce chantier comme lieu d’apprentissage à la théologie pratique, je me suis proposé comme objectif de lire l’expérience vécue par les jeunes de l’UCHOJEUCAM, afin de cerner la figure d’Église qui en émerge. Mon enquête a été organisée en fonction de cet objectif, en

ciblant quelques enjeux importants à saisir pour l’atteindre : ce qu’il y a de plus important

dans la vie qu’apporte l’Union aux jeunes; la manière dont l’Union participe à la vie de

l’Église et la place qu’y occupent les jeunes ; ce qu’il y a dans l’Union qui correspond aux

besoins et aux aspirations des jeunes; ce que pensent les jeunes de ce que doit être la vie en Église aujourd’hui et les responsabilités qu’ils pensent y assumer.

De la même manière que l’objectif a dû orienter l’enquête et éclairer l’analyse des données recueillies, il détermine également, avec ces enjeux importants, le développement de la réflexion théologique.

4. La méthode et l’originalité de ma démarche

Dans sa méthodologie, la théologie pratique articule à la fois un travail d’analyse de

pratiques, d’interprétation théologique et d’élaboration d’un projet d’intervention. La

théologie pratique, se situant au confluent de la pratique et de la théorie, aborde les questions concrètes d’aujourd’hui en en dégageant les enjeux théologiques pour maintenant et pour demain, en dialoguant aussi bien avec les autres disciplines de la théologie qu’avec les sciences humaines.

Pour la compréhension de la pratique à l’étude, dans une première phase, j’ai procédé, premièrement à la cueillette des données grâce à une technique de collecte de données, le focus group. Il s’agit d’une technique à la fois orale et groupale, qui permet « d’extraire

(24)

les préoccupations et perceptions des sujets de la recherche, telles qu’ils les ont exprimées sans censure, ni discrimination, ni volonté de prouver une hypothèse plutôt qu’une autre ; il permet de hiérarchiser les messages clés en fonction de leur fréquence d’apparition dans chacun des groupes13. » Ainsi, à ce niveau, les données recueillies et enregistrées ont été transcrites en présentant un verbatim comportant des unités de signification numérotées. Puis, deuxièmement, j’ai procédé à l’analyse des données, grâce à la méthode de codage d’Anselm Strauss et Juliet Corbin. Nous reviendrons là-dessus dans la suite, mais déjà nous signalons que cette méthode permet en plus de catégoriser les données. Pour chaque entrevue, une première catégorisation ouverte a été réalisée à partir des unités significatives. Du regroupement des catégorisations ouvertes de trois entrevues ont surgi des catégorisations axiales. De ces dernières sont induites des catégorisations sélectives qui ont permis la compréhension de l’objet de ma recherche.

La deuxième phase de la méthodologie en théologie pratique est le lieu de confrontation entre les pratiques, les théories et les références interprétatives. Compte tenu de son caractère interdisciplinaire, la théologie pratique ne peut pas se passer de dialoguer avec d’autres sciences, spécialement avec celles dites humaines comme la sociologie et la psychologie. L’interdisciplinarité de la théologie pratique a recours à la corrélation critique. Tout en respectant l’autonomie de chacune des disciplines, le fait de les mettre en résonance n’a d’autre souci que d’arriver à une compréhension plus riche à partir d’un jeu de complémentarité. Ce dialogue ne fait pas perdre à la théologie pratique sa spécificité, au contraire c’est le lieu de sa confirmation. Au moment où l’Église est en train de prendre un nouvel élan missionnaire pour promouvoir une nouvelle évangélisation, en tant que théologien nous devons être en mesure de produire un discours théologique renouvelé dans une culture qui, malgré ses mutations, peut donner la chance à la foi de s’exprimer de façon audible et crédible.

Selon Schillebeeckx, « la corrélation critique en pratique est l’articulation des deux pôles; des ponts entre l’histoire de Jésus et nos expériences quotidiennes sont jetés […] La corrélation critique mutuelle permet à Schillebeeckx de relever le dilemme de la médiation

(25)

en insistant sur l’autonomie de chacun des pôles et sur leur dépendance mutuelle14. » Dans

son parcours, la théologie pratique se construit dans un jeu dynamique permettant un dialogue interdisciplinaire à partir de la pratique ; un va-et-vient qui engage le praticien-chercheur, entre les pratiques observées, les théories et les références interprétatives. La mise en résonance de ce qui est vécu et soumis à l’observation analytique, interprété à la lumière de la Bible et de la Tradition d’une part, et d’autre part à celle de la science et de la rationalité, fait surgir une Parole pour le salut de l’homme, ici et maintenant. À titre d’exemple, la pratique à l’étude ne manque pas de dire comment les expériences des contemporains actualisent l’Écriture ou alors celle-ci peut révéler les écarts entre les expériences originelles et celles d’aujourd’hui. Interroger les sciences sociales, c’est faire un acte théologique qui assume le contexte actuel des changements dans le domaine de la socialisation en donnant la chance à la foi ou à l’Église d’avoir un discours théologique audible et capable de raviver l’espérance de l’humanité en l’éclairant dans sa marche vers une humanité renouvelée. Ou encore, il s’agit de prendre en compte leur manière de considérer le défi de la transformation des institutions pouvant entraîner des pratiques émergentes qui regroupent des personnes, soit pour contester l’ordre établi, soit pour revendiquer leurs droits et leur liberté d’agir. La lumière qui vient de la Bible, de la Tradition et du Magistère, m’est nécessaire pour discerner dans les pratiques émergentes ce qui peut avoir un sens prophétique, c’est-à-dire pouvant être signe de la vérité de ce que Dieu veut communiquer aux croyants d’aujourd’hui.

La littérature abonde, en Occident comme ailleurs, pour penser et agir autrement dans le nouveau contexte d’un monde en évolution constante. Dans l’Église en général, dans nos diocèses en particulier, tous les efforts de réflexion vont dans le sens d’une nouvelle évangélisation et des réaménagements pastoraux15. C’est un contexte qui a vu surgir des

14 Marc Dumas, « Corrélation -Tillich et Schillebeeckx », dans Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), Précis

de théologie…, p. 82.

15 À ce sujet, on peut citer quelques écrits : Jean‐Louis Souletie, « La catéchèse ou la grâce d’initier dans un

monde pluraliste », dans Lumen Vitae, Vol. 62, 4(2007), p. 137–150 ; Henri Derroitte, La catéchèse décloisonnée. Jalons pour un nouveau projet catéchétique (Pédagogie catéchétique 13), Bruxelles, Lumen Vitae, 2002 ; Gilles Routhier, « Réinventer la catéchèse dans une société plurielle », dans Lumen vitae, 63 (2008), p. 319–337, ici 334–336 ; Bill Huebsch, La catéchèse de toute la communauté. Vers une catéchèse par tous, avec tous et pour tous (Pédagogie catéchétique 17), Bruxelles, Lumen Vitae 2007 ; Alphonse Borras, « Pour une spiritualité des réaménagements pastoraux », dans Prêtres diocésains, 1290 (2001). Toute cette littérature révèle une intense activité de réaménagements, pour créer du neuf dans différents diocèses

(26)

nouvelles communautés non liées aux paroisses parce que « les grands programmes de renouveau des paroisses, visant à y créer un tissu communautaire, ne semblent plus adaptés

au contexte actuel plus changeant16. » Beaucoup d’auteurs se sont intéressés à examiner ce

phénomène à partir des approches diversifiées : anthropologique, ecclésiologique, théologique, psycho-spirituelle, historique. Une riche littérature s’intéressant « à ces communautés nouvelles permet de mesurer l’état actuel de l’Église catholique en regard

d’une impulsion réformatrice donnée il y a plus de quarante ans17. » Il suffit de considérer

le numéro spécial de la Revue Lumen vitae, consacré à ce phénomène, vol. 62, 4 (2007)18.

Bien avant ça, il y a eu d’autres publications dont celle de Frédéric Lenoir, Olivier Landron, Pascal et Marie-Annick Pingault. Sans prétendre en faire une liste exhaustive, on perçoit

bien l’intérêt qu’il y a saisir ce phénomène d’émergence de communautés nouvelles19.

Pour parler de mon contexte africain, les choses ne se présentent pas totalement comme en Europe, mais il y a aussi le souci d’adapter l’annonce de l’Évangile à ce qui est propre à ce continent. Les écrits sur la pastorale de la jeunesse sont presque inexistants, mais une riche littérature est réservée au projet des évêques orientant autrement la pastorale d’ensemble dans le sens d’une évangélisation inculturée, à partir des CEV, afin d’édifier en Afrique une

afin d’affronter les défis de la mission de l’Église dans le contexte social actuel et futur. Ce contexte reste marqué par une crise de vocations, se traduisant par une baisse du nombre de prêtres, de la pratique religieuse, particulièrement l’absence des jeunes fréquentant la communauté chrétienne ou paroissiale, etc.

16 Daniel Cadrin, « Nouvelles communautés, émergentes et immergées », dans Lumen vitae, vol. 62, 4 (2007),

p. 381.

17 Philippe Gonzalez et Paul Philibert, « Les communautés nouvelles : une réception de Vatican II », dans

Lumen vitae, 62, 4 (2007), p. 419.

18 Dans ce numéro, nous trouvons différentes réflexions, notamment de Laurent Villemin, « L’éclosion des

nouveaux mouvements. Une question à l’ecclésiologie », p. 367-377 ; Daniel Cadrin, « Nouvelles communautés, émergentes et immergées, p. 379-390 ; Rick Van lier, « Églises locales, communautés anciennes et communautés nouvelles. Jalons pour un dialogue fécond », 391-403 ; Bernard Descouleurs, « À nouvelles communautés, nouveaux types de croyants ? Approche anthropologique et psycho-spirituelle », p. 405-417 ; Philippe Gonzalez, « Les communautés nouvelles : une réception de Vatican II », p. 419-432 et Caza Lorraine, « Éléments pour une réflexion théologique sur les mouvements nouveaux et les communautés nouvelles », p. 433-447.

19 Frédéric Lenoir, Les communautés nouvelles. Interviews des fondateurs, Paris, Fayard, 1998 ; Olivier

Landron, Les communautés nouvelles. Nouveaux visages du catholicisme français, Paris, Cerf, 2004 ; Pascal et Marie-Annick Pingault, À la rencontre des communautés nouvelles, Nouan La Fuzelier, Béatitudes, 2005. On peut aussi retenir les Actes d’un Colloque tenu à Rome, intitulé Paroisses et Nouvelles évangélisation. L’apport des mouvements ecclésiaux et nouvelles communautés, présentés par Jean-Luc Moens, publiés aux éditions de l’Emmanuel en 2009.

(27)

Église-famille-de-Dieu. Qu’il suffise de citer quelques publications pour entrevoir l’importance de cette figure d’Église en Afrique20.

Ici, comme là, on parle moins de la question de l’émergence de l’Église. Comme l’observe d’ailleurs Gilles Routhier en évoquant le cas de l’Occident, on parle plus de la décroissance de l’Église. À ce propos, l’auteur considère qu’« au vu de la littérature, on serait presque conduit à penser qu’il s’agit là d’une réflexion “réservée” au protestantisme de tradition évangélique, surtout étatsunien21. » Il faut oser aborder la question de l’émergence de l’Église dans un contexte où on observe une émergence nouvelle du religieux sous des formes inattendues. Michel Stavrou parle d’un récent colloque, organisé chez les Orthodoxes, consacré aux nouvelles formes d’appartenance à l’Église. Les participants ont relevé la façon dont l’Église est vécue en Occident rendant possible d’avoir la foi sans appartenir à l’Église ou d’appartenir à l’Église sans avoir la foi. De l’avis du même auteur, face aux transformations et crises de mutation que connaît le monde actuel, aborder les défis du temps présent revient à développer une réflexion théologique sur ce que signifie l’Église, son être profond et sa vocation22.

Ce qui fait l’originalité de ma démarche, c’est le dépassement d’une manière de faire la théologie : « Non pas penser la situation de l’Église à partir d’un être posé et supposé de

l’Église, mais penser à partir du lien social et de nos sociétés, l’émergence de l’Église23. »

Ma recherche s’inscrit dans le débat contemporain cherchant la figure qui émerge au sein

20 Julien Éfoué-Pénoukou, Églises d’Afrique. Propositions pour l’avenir, Paris, Karthala, 1984 ; Bernard

Ugeux, Les petites communautés chrétiennes. Une alternative aux paroisses ? L’expérience du Zaïre, Paris, Le Cerf, 1988 ; Tedika Khonde, Les communautés ecclésiales de base et les valeurs africaines traditionnelles. Le propos d’une inculturation d’après les Actes du Synode diocésain de Kinshasa (1986-1988), Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1995 ; Raphaël Luneau, « L’inculturation à l’honneur : petites communautés chrétiennes, Église, famille de Dieu », dans Raphaël Luneau, Paroles et silences du synode africain (1989-1995), Paris, Karthala, 1997, p. 93-110 ; Léonard Santedi Kinkupu, Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique contemporaine (Chrétiens en liberté/Questions disputées), Paris, Karthala, 2005 ; Augustin Ramazani Bishwende, Église-Famille de Dieu dans la mondialisation. Théologie d’une nouvelle voie africaine de l’évangélisation, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Augustin Ramazani Bishwende, Ecclésiologie africaine de famille de Dieu. Annonce et débat avec les contemporains (Études africaines), Paris, L’Harmattan, 2007.

21 Gilles Routhier,« Recommencer : l’Église comme émergence », dans La sapienza del cuore. Omaggio a

Enzo Bianchi, Torino, Einaudi, 2013, p. 317.

22 Cf. Michel Stavrou, « Quels défis pour l’Église à l’aube du troisième millénaire ? Texte lu lors du Congrès

orthodoxe de Blankenberge » [http://www.crypte.fr/special/stavrou 051215.html] (consulté le 12-03-2016).

23 Jacques Audinet, « Émergence de l’Église », dans Jacques Audinet, Écrits de théologie pratique, Montréal/

(28)

des sociétés contemporaines. Jacques Audinet soutient qu’il faut « penser l’Église en termes d’émergence dans la société. C’est-à-dire saisir le corps de l’Église non pas en premier lieu comme institué (ce qu’il est certes), mais comme s’instituant dans les sociétés qui sont les nôtres24. » Ce débat donne de percevoir ce qui donne à un corps sa densité spécifiquement sociale et ce qui peut marquer la différence entre le social et l’ecclésial. Pour Gilles Routhier, une réflexion allant dans le sens de « retrouver les actes instituants fondamentaux qui favorisent l’émergence de l’Église et l’édifient », voilà ce qui « doit fonder tout projet de nouvelle évangélisation. Au préalable, penser l’Église à partir des actes instituants […], reconnaître qu’elle n’est pas simplement établie une fois pour toutes, instituée, mais qu’elle est toujours en émergence25.

Au vu de toute cette littérature, par rapport à la pratique à l’étude qui n’a encore fait l’objet d’aucune étude, la force et l’originalité de ma réflexion résident dans une véritable conversion de pensée dans un domaine où il a toujours été question d’inventer quelque chose pour les jeunes, plutôt que de construire à partir d’eux et avec eux. À côté des approches purement pastorales, la question de l’engagement des jeunes dans la modernité

intéresse aussi des sociologues26. Un dialogue avec ces approches sociologiques s’impose,

mais notre orientation reste totalement théologique.

Chercher à saisir l’expérience de l’UCHOJEUCAM, y avoir accès grâce à la démarche de la théologie pratique afin de la porter au discours dans un propos théologique pertinent et cohérent est une réelle contribution, dans un contexte où les jeunes s’éloignent de certaines structures paroissiales qui semblent aux yeux de la hiérarchie comme seul lieu ou lieu idéal pour une vraie communion ecclésiale. Cela semble donner à ma démarche théologique toute sa pertinence pratique à partir du moment où la théologie pratique, dans sa démarche,

24 J. Audinet, « Émergence de l’Église… », p. 195. 25 J. Audinet, « Émergence… », p. 316.

26 On peut citer quelques publications : en 1999, Paul Grell, Les jeunes face à un monde précaire. Récits de

vie en périphérie des grands centres ; en 2003, sous la direction de Manuel Boucher et Alain Vulbeau, Émergences culturelles et jeunesses populaire. Turbulences ou médiations ? ; en 2013, Dagnaud, Monique, Génération Y. Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion ; Patrick Kouangain, dans une étude sociologico-historique de 2015, parle de jeunesse africaine. Jeunesse sacrifiée. Il est intéressant de voir l’intérêt qu’accorde la sociologie à la question de la jeunesse dans la modernité. Le théologien s’intéressant à la même question, peut y trouver un éclairage nécessaire pour ne pas faire de la théologie hors contexte historico-social.

(29)

ne doit pas chercher à appréhender dogmatiquement l’agir salvifique de Dieu comme « vérités à croire », mais plutôt à cerner dans la vie des hommes et des femmes de notre temps les expressions de la foi ou l’expérience qu’ils en font. C’est ce que soutient Étienne Grieu en parlant « “du milieu” de la foi, de ses formes d’expressions dans l’épaisseur de l’existence, de sa chair, pourrait-on dire. Or la foi se dit à travers des attitudes, des gestes, des décisions, une certaine manière de s’engager dans l’existence27. » En considérant ce

milieu de la foi comme le lieu de l’expérience de la foi, comme l’affirme Jean Guy Nadeau, l’expérience « constitue le point de départ aussi bien que le point d’arrivée de la théologie pratique et de sa méthodologie ; elle en marque radicalement — en principe — le parcours, la réflexion et les construits28. » Ainsi, ma réflexion théologique sera le lieu d’un travail de discernement : cerner le corps de l’Église, par la médiation de deux versants : sociologique (quels systèmes de rapports sociaux peuvent recouvrir le corps de l’Église ?) et théologique

(à quelle expérience concrète correspond le mot Église ?).

Dans la troisième phase de ma méthodologie, l’éclairage qui découle du discours théologique contribuera, de façon significative et substantielle, à renouveler l’action consistant à édifier le Corps du Christ avec les jeunes. Oser un acte théologique sur des pratiques émergentes dans les milieux des jeunes, élaborer un savoir à partir de celles-ci, voilà une entreprise pouvant produire un nouveau savoir théologique à même de proposer des nouvelles perspectives dans la pastorale des jeunes, ainsi que dans la manière d’être Église, répondant aux aspirations et aux attentes, aussi bien des adultes que des jeunes.

5. La structure et le plan de la thèse

Avant de présenter la structure et le plan de la thèse, il me paraît important de clarifier ici les concepts contenus dans le titre de la thèse. Les concepts porteurs : émergence, figure d’Église et pratique

Qu’entendre par émergence ?

27 Etienne Grieu, Nés de Dieu. Itinéraires de chrétiens engagés. Essai de lecture théologique, Paris, Cerf,

2007, p. 12.

28 Jean-Guy Nadeau, « Une méthodologie empirico-herméneutique », dans Gilles Routhier et Marcel Viau

(30)

Pour la compréhension du concept d’émergence, Cécile Creuse nous aide à entendre par-là : « Des expressions comme “apparaître en surface”, “sortir de l’ombre”, “se faire jour”, “se manifester”; ou des mots connexes comme “changements”, “conflit”, “appropriation de l’espace”29. » En parlant d’émergence dans ma thèse, l’expression renvoie à ce qui se manifeste à travers des pratiques de l’UCHOJEUCAM.

Qu’entendre par figure d’Église ?

À considérer les repères doctrinaux, je serai emmené de comprendre la réalité ecclésiale en me reportant aux sommaires du livre des Actes des Apôtres, tout en restant à l’écoute du Magistère et d’autres théologiens. Se reporter au livre des Actes des Apôtres permettra d’examiner les critères d’ecclésialité à la lumière de l’expérience des Apôtres et des premières communautés chrétiennes. On ne peut limiter la compréhension de l’Église à cette expérience apostolique, même si elle reste une référence fondamentale. Les premières communautés chrétiennes ont vécu dans un contexte donné qui leur a permis de manifester la réalité ecclésiale d’une manière donnée. Cependant, celle-ci étant un mystère, aucune expérience ne peut prétendre l’épuiser, car à chaque époque, selon divers contextes dans lesquels se déploie l’histoire des humains et sous des formes multiples, « la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun » (cf. 1 Co 12,7). En parlant de figure d’Église, nous considérons, comme le dit Raymond Brodeur, « que les fruits de l’Esprit émergent d’expériences signifiantes dans lesquelles les personnes ont été mises en présence d’elles-mêmes. Cette mise en présence avec soi-même, provoquée par des situations privilégiées ou des événements à haute densité symbolique, peut faire émerger en quelqu’un sa vérité d’être30. »

En creux, parler d’une figure d’Église à partir de l’UCHOJEUCAM revient à voir ce qui apparaît, son extériorité, son mode d’organisation et ses pratiques. Autrement dit, il s’agit

29 Cécile Creuze, « Portrait d’un équipement en émergence continue », dans Manuel Boucher et Alain

Vulbeau, Émergences culturelles et jeunesse populaire. Turbulences ou médiations, Paris, L’Harmattan (Coll. Débats jeunesses), 2003, p. 169.

30 Raymond Brodeur, « Symboliser l’expérience : symbole – expérience symbolique – dynamique

symbolique », dans Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), Précis de théologie pratique, Bruxelles, Lumen Vitae (coll. Théologies pratiques), 2007, p. 546-547.

(31)

de cerner « des éléments concrets signifiants, des actions, des attitudes, des gestes31 »,

pouvant être le lieu d’émergence de la réalité ecclésiale.

Qu’entendre par pratique ?

La compréhension de ce concept correspond à ce que décrit Isabelle Grellier : « l’ensemble des rites, des actions, des comportements et des paroles à travers lesquels les communautés croyantes expriment leur foi et la mettent en œuvre, aussi bien que la façon dont les institutions ecclésiales organisent la vie commune des croyants et l’exercice de l’autorité en

leur sein32. » Pour ce qui concerne l’objet de mon étude, il faut comprendre par pratique,

l’expérience des jeunes choristes telle qu’elle se laisse comprendre à partir des données de mon enquête.

5.1 La structure de la thèse

La structuration de ma thèse se fait suivant une architecture propre à la théologie pratique : un va-et-vient m’engageant, entre, d’une part, l’expérience actuelle des jeunes de l’Union et, d’autre part, les théories et les références interprétatives. Ma thèse se réalise suivant la méthode de corrélation qui implique une conversation critique entre les différents pôles. Le parcours menant à cette thèse peut être comparé à la traversée du désert par Israël. Une expérience difficile, mais c’est elle qui donna naissance au peuple d’Israël. Israël, en sortant d’une expérience d’esclavage et en se mettant en route vers la terre de sa liberté, a rencontré des difficultés qui lui ont fait douter du sérieux de l’œuvre dans laquelle Moïse l’avait engagé. Dieu n’est-il plus Dieu quand nous souffrons ? Nos souffrances ne permettent-elles pas de découvrir jusqu’où Dieu est plus grand que nos misères ? Sa puissance ne se déploie-t-elle pas là où s’expriment nos limites ? C’est à partir des méandres du chemin que le peuple a eu à grandir dans sa foi et le peuple a finalement retrouvé sa liberté en prenant possession de la terre promise. Confronté à sortir d’une logique qui a fait de moi esclave de ce que j’ai hérité du passé, pour m’en libérer, il a fallu

31 Idem, p. 547.

32 Isabelle Grellier, « L’écart, lieu et chance pour la théologie pratique », dans Laval théologique et

(32)

un temps d’apprentissage de la théologie pratique. Au début de ma thèse, j’étais déterminé à vivre l’exode qui est un temps d’acquisition des connaissances, des attitudes et des habilités.

En avançant sur le chemin de sa réalisation, il y a eu des moments d’hésitations et de doute, ne sachant parfois plus où j’allais. Du coup, ces hésitations et ces doutes sont devenus lieu d’engendrement. C’est à partir de ces moments que l’on perçoit bien les choses, cherchant les matériaux nécessaires pour tout accomplir. Cet engendrement est rendu possible d’abord par la découverte de l’UCHOJEUCAM, ayant exigé aussi un travail sur moi-même, en intégrant mes apprentissages et mes acquis, puis en me laissant guider par ceux qui, dans leur réflexion, pensent la question de l’Église à partir de son émergence dans la société. Je cite ici particulièrement Jacques Audinet et Gilles Routhier. Ainsi, au cœur de ma thèse, il y a la question de l’émergence d’une figure d’Église à partir des pratiques de l’UCHOJEUCAM. Au départ comme à l’arrivée, il y a des pratiques de l’UCHOJEUCAM. Comme sujet-chercheur en théologie pratique, en prenant en compte la nature de la démarche théologique en théologie pratique, de son opérativité, de sa construction et de son émergence, mon acte théologique assume la transdisciplinarité de la théologie pratique. Architecturalement, le premier chapitre présente l’enracinement de la thèse dans mon champ pastoral et dans des pratiques ecclésiales : celle des intervenants en pastorale des jeunes, celle des jeunes de Matadi et celle des autorités ecclésiales, en relevant la difficile tâche d’intégrer les jeunes dans les CEV.

Dans un deuxième chapitre, en parlant de l’UCHOJEUCAM, je décris le parcours et les étapes suivies pour arriver à sa compréhension. Enfin dans le dernier chapitre, je fais une interprétation théologique de l’UCHOJEUCAM à partir d’une approche transdisciplinaire, et ce, dans une démarche scientifique, c’est-à-dire un processus de corrélation critique ou de va-et-vient entre, d’une part, l’expérience de l’UCHOJEUCAM et, d’autre part, l’expérience des Apôtres et de la première communauté chrétienne, tout en restant aussi bien à l’écoute du Magistère, d’autres théologiens que des sociologues ou philosophes. La Parole qui surgira de ce discours permettra l’engendrement d’une nouvelle pratique dans la pastorale des jeunes en prenant en compte les expériences des jeunes telles que vécues en

(33)

dehors des groupes suscités par leurs pasteurs, en leur reconnaissant la capacité d’être véritables lieux de profession de foi en acte.

5.2 Le plan de la thèse

La thèse se développe en trois chapitres. Dans le premier chapitre, mon attention sera focalisée sur la problématique du départ ayant rendu possible mon projet de thèse : l’intégration difficile des jeunes de mon diocèse dans les CEV. Successivement, ce chapitre examinera le contexte qui a vu surgir les communautés ecclésiales vivantes en RDC et leur genèse dans le diocèse de Matadi; la participation du laïcat à l’évangélisation; les communautés ecclésiales vivantes de base comme lieu de communion; la difficile tâche d’intégration des jeunes dans les CEV et la prise en compte des nouvelles sociabilités, en évoquant le cas de l’UCHOJEUCAM. La conclusion de ce chapitre tentera de dire un mot

sur l’avenir des CEV.

Le deuxième chapitre nous conduira à la compréhension de l’UCHOJEUCAM, grâce à l’enquête et au résultat de l’analyse des données. Un petit rappel sera fait sur la technique d’enquête, le focus group, ayant permis d’organiser trois entrevues de groupes et sur la méthode de catégorisation ayant facilité l’analyse des données. Les résultats présentent quatre aspects de la pratique : l’importance et l’intérêt de vivre ensemble pour les jeunes; la participation à édifier l’Église à partir de leur charisme de chanter ; les aspirations et besoins des jeunes; leur expérience de l’Église et leur place dans l’Église. Je conclurai ce chapitre en présentant l’UCHOJEUCAM comme un défi face à une figure d’Église venant d’en haut.

Le troisième chapitre est essentiellement une réflexion théologique à partir des résultats présentés dans le deuxième chapitre. Dans le souci de comprendre comment une figure d’Église émerge de l’UCHOJEUCAM, on mettra en dialogue, dans un premier temps, l’expérience de fraternité de l’UCHOJEUCAM et celle de la première communauté chrétienne. Dans un deuxième temps, nous tenterons une mise en résonance des formes multiples que prend la participation des jeunes de l’Union à la vie de l’Église avec les trois dimensions de la vocation des baptisés : prophétique, sacerdotale et royale. Dans un

Figure

tableau qui suit présente le récit en tentant de fixer les « deux bornes narratives (situation  initiale  et  situation  finale),  entre  lesquelles  s’établit  un  rapport  de  transformation

Références

Documents relatifs