• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1. Revue de la littérature relative aux inégalités de recours aux

1.2 Revue de la littérature des travaux empiriques sur l’utilisation des

1.2.1 Soins de santé maternelle et issue de la grossesse

Toute grossesse comporte des risques mais la littérature indique que certains d’entre eux sont aggravés essentiellement par l’âge à la grossesse, l’intervalle inter-génésique, la parité de la femme, l’alimentation et les activités physiques pénibles (Grimes et Gross, 1981 ; Tebeu et al., 2004). Ces facteurs peuvent contribuer à la survenue des causes médicales directes de décès maternels – les hémorragies, les infections, l’éclampsie, le travail dystocique et les conséquences de l’avortement non médicalisé (OMS, 2005).

Il est établi aujourd’hui que la plupart de ces causes directes de mortalité maternelle sont évitables, en partie par le suivi approprié de la grossesse. Le suivi permet de prévenir les problèmes médicaux directs mais aussi certains risques et complications lors de l’accouchement (excepté des complications suite aux avortements dangereux). Les visites prénatales peuvent faciliter un diagnostic précoce des problèmes de santé, c’est pourquoi elles constituent l’un des "quatre piliers5" d’une maternité sans risque, (OMS, 1994). En sus, les risque de morbidité et de mortalité maternelles sont aussi liés aux maladies infectieuses (paludisme, anémie, syphilis, etc.) qui peuvent être exacerbées par la grossesse et l’accouchement. Les consultations prénatales peuvent se révéler très efficaces dans la prévention de ces causes médicales indirectes de mortalité notamment par des traitements préventifs avant l’accouchement. Elles peuvent par exemple

5 Les quatre piliers d’une maternité sans risque sont la planification familiale, les soins prénatals, un accouchement sans risque et dans de bonnes conditions d’hygiène et les soins obstétricaux essentiels comme l’a formulé le programme de Santé Maternelle et Maternité sans Risque, Division de la Santé de la Famille de l’OMS (1994).

permettre le diagnostic précoce et le traitement de l'anémie et la syphilis (McCaw‐

Binns et al, 1994).

Plusieurs études ont montré l’effet positif de la consultation prénatale sur l’issue de la grossesse et la santé de l’enfant à la naissance dans différents contextes.

Le suivi prénatal insuffisant est associé à un niveau de naissance prématurée élevé en Hongrie (Orvos et al, 2002) et en Arabie Saoudite (Al-Eissa et Ba'Aqeel, 1994), le faible poids à la naissance est associé à une faible consultation prénatale (Orvos et al, 2002 ; Kapoor et al, 1985) et la morbidité des nouveau-nés et le décès périnatal est élevé chez les femmes n'ayant pas reçu de soins ou qui en ont reçu peu (Orvos et al, 2002 ; Kapoor et al, 1985 ; McCaw‐Binns et al, 1994 ; Moore et al., 1986). Par ailleurs, la prise des suppléments en fer et en acide folique pendant la grossesse contribue à une réduction du risque de décès néonatals précoces au Népal et au Pakistan (Nisar et Dibley, 2014), et au poids élevé à la naissance en Inde (Malhotra et al., 2014). De même en Jamaïque, la prise de fer pendant la grossesse et le début des soins prénatals au cours du premier trimestre réduisent le risque de décès périnatals. (McCaw‐Binns et al, 1994).

Le suivi prénatal est aussi supposé préparer les femmes à recourir à l’accouchement assisté. À ce titre, la consultation prénatale apparait importante en ce sens qu’elle peut permettre une plus grande sensibilisation à la nécessité des soins et une meilleure familiarité avec les établissements de santé en incitant les femmes à s’y rendre pour accoucher (Bloom et al, 1999). En plus donc de la capacité de prévention des risques et des complications, le suivi prénatal est aussi pédagogique et constitue l’occasion idéale pour les femmes de bénéficier des informations et l’éducation nécessaire sur les bonnes conduites (une bonne alimentation par exemple) pour une meilleure issue de la grossesse. Dans une localité urbaine en Inde, Bloom et al (1999) montrent que les femmes avec un niveau de consultation relativement élevé (parmi le dernier quartile du score de recours aux soins) sont quatre fois plus susceptibles d’être assistées au moment de l’accouchement que celles d’un niveau faible (premier quartile du score), tout en contrôlant pour les autres facteurs. Aussi, Nikiéma et al. (2009) constatent-ils l’existence d’un déficit d’informations sur les complications de la grossesse en Afrique subsaharienne et montrent que les femmes sont plus susceptibles d’accoucher dans un centre de santé lorsque celles-ci sont mieux sensibilisées durant les visites prénatales.

Par ailleurs, les informations nécessaires sont aussi données sur la contraception, qui est une des dimensions importantes de la santé maternelle. Elle permet de réduire la fréquence des grossesses et des accouchements et d’éviter les avortements dangereux qui constitue aujourd’hui un grave problème de santé publique, toutes choses qui peuvent contribuer à réduire les risques de décès maternels (Rooney, 1992 ; Ransom et Yinger, 2002).

Cependant, les avis divergent sur l’effet de la fréquence et le contenu actuel des soins prénatals sur l’issue de la grossesse. La contribution du suivi régulier de la grossesse à des naissances plus sûres et à la réduction des décès maternels reste fondés sur des présomptions car des essais randomisés n'ont montré aucun effet négatif avec moins de visites prénatales (Bergsjø, 2001, Rooney, 1992 ; McDonagh, 1996 ; Villar et al, 2001 ; Carroli et al, 2001 ; Bhutta et al, 2005 ;

McDonagh, (1996). À travers une revue systématique des essais randomisés évaluant l'efficacité des différents modèles de soins prénatals, Carroli et al. (2001) indiquent qu’il n'y a pas de preuves solides sur l'efficacité du contenu, la fréquence et le moment des visites dans les programmes de soins prénatals standards actuels en termes de résultats cliniques, de satisfaction perçue et de coûts. Selon McDonagh, (1996), bien que des questions aient été soulevées et qui continuent d'être posées sur l'impact des soins prénatals, notamment sur la mortalité maternelle, il existe très peu de recherches sur le sujet pour trouver des réponses.

Par exemple au Kenya, Brown et al. (2008) trouvent que les femmes qui participe à deux visites prénatales et pas plus, étaient plus susceptibles d'avoir un bébé en bonne santé (au moins 2,5 kg) plus que celles qui ont été suivies au moins quatre fois. Un résultat similaire a été obtenu au Pakistan où un lien significatif n’a pas été trouvé entre la prise de suppléments de fer et le poids de l’enfant à la naissance (Nisar et Dibley, 2016). Dans certains cas, le sens de la causalité du lien entre le suivi prénatal et la bonne santé de la mère ainsi que celle du bébé peut être complexe et difficile à établir. En effet, si le suivi prénatal peut aider à éviter certains risques de complications et de maladies chez la mère et son bébé, il n’en demeure pas moins que son nombre élevé peut être aussi la conséquence de problèmes de santé récurrents chez la femme enceinte notamment dans des contextes où le suivi systématique de la grossesse n’est ancré dans les habitudes.

En revanche, on note une certaine convergence quant au rôle capital que revêt l’accouchement assisté par un personnel qualifié. Il permet de mieux prendre en charge les complications d’autant plus qu’on sait que les décès maternels surviennent autour de la période de travail, de l'accouchement et post-partum immédiate, causés principalement par l’hémorragie (Ronsmans 2006) et que la plupart des complications ne peuvent pas être prédites (Gabrysch and Campbell 2009). Les auteurs semblent unanimes sur l’importance de l’accouchement assisté qui présente de nombreux avantages au point que McDonagh (1996) propose le développement de services de sage-femme à domicile soutenu par des services obstétriques locaux efficaces, qui selon lui, donnerait plus de résultats.

L’importance de l’accompagnement des parturientes par une sage-femme a été illustrée dans le contexte de la suisse par le témoignage écrit de Favre (2009, réédition). En effet, jusqu’au début du XXe siècle, les sages-femmes n’étaient pas du tout préparées aux complications car elles n’avaient pas suffisamment de connaissances médicales. À cette époque, de nombreux accouchements se déroulaient dans de mauvaises conditions : certaines parturientes allaient même accoucher à l’écurie pour éviter que les enfants entendent leurs cris et d’autres allaient jusqu’à trois jours de travail sans pouvoir accoucher. Mais vers le milieu du XXe siècle, les sages-femmes ont commencé à recevoir une formation qui leur permettait d’assurer l’accompagnement des femmes enceintes et d’apaiser leurs craintes par rapport à leurs accouchements. Cette assistance à domicile par une sage-femme formée a largement contribué à la réduction de nombreux problèmes liés à l’accouchement à Sierre (Suisse). Certes l’avènement de l’obstétrique moderne a conduit de façon importante à la chute des taux de mortalité maternelle et périnatale au XXe siècle, mais il n’en demeure pas moins que l’accompagnement par la sage-femme à domicile a aussi fait ses preuves dans la prévention de certaines complications (Morel, 2018).

Par conséquent, l’assistance par un personnel qualifié à l’accouchement est importante dans la réduction des risques. Le fait, pour une parturiente, d’être assistée à l’accouchement garantit plus ou moins les soins de qualité selon des règles d’hygiène, permet une reconnaissance et prise en charge des complications et la réduction du risque de contamination de la mère à l’enfant au cours du travail en cas de VIH.

1.2.2 Facteurs économiques du recours aux soins de santé maternelle