• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Problématique de la santé maternelle au Mali dans un

2.1.3 Défis démographiques actuels

La population du Mali était de 6 394 918 habitants en 1976. Ce chiffre est passé respectivement à 7 696 348 ; 9 810 911 et 14 528 662 en 1987, 1998 et 2009 (selon les Recensements Généraux de la Population et de l’Habitat). Il a atteint en 2015, 17 819 002 selon les estimations de la Direction Nationale de la Population du Mali (DNP), ce qui n’est pas loin du chiffre des Nations Unis (17 600 000 en 2015). Ainsi, en moins de 50 ans, l’effectif de la population a plus que doublé. Aujourd’hui, un des défis majeurs pour le pays réside en la maitrise de sa population qui croît à un rythme sans précédent. De 1,7 % en moyenne entre 1976 et 1987, le taux d’accroissement a atteint 3,6 % sur la période intercensitaire de 1998 à 2009, en passant par 2,2 % entre 1987 et 1998.

À l’image de la plupart des pays en développement, la population malienne est à prédominance jeune et se caractérise par une proportion très faible de personnes âgées. La proportion des moins de 15 ans se stabilise depuis 1976 : 44 % de la population total en 1976, 46 % en 1998 et 46,6 % en 2009 (46,6 %). Outre cette extrême jeune, la population malienne est majoritairement rurale (77 % contre 23

% en milieu urbain en 2009).

Cette population est inégalement répartie sur l’étendue du territoire national. Les régions du sud concentrent à elles seules un peu plus de la moitié de la population totale du pays : Sikasso (18,2 %), Koulikoro (16,7 %) et Ségou (16,1 %). En revanche, l’effectif de la population des trois régions du Nord représente moins de 10 % de la population totale enregistrée en 2009 : Tombouctou (4,6 %), Gao (3,7 %) et Kidal (0,5 %). Une personne sur dix (12,5 %) vit dans le district de Bamako. Mais lorsqu’on tient compte de la superficie des différentes régions, Bamako devient la localité la plus dense (6 780 habitants au Km²). La forte concentration de la population dans les régions sud autre que Bamako se trouve

aussi corroborée avec des densités très élevées. Comme on peut le constater sur la carte ci-dessous, les régions du Nord sont moins habitées par rapport à leur superficie. La région de Kidal est la moins dense avec moins d’un habitant au km².

La population d’âge actif au Mali représente moins de la moitié de la population (48,4 %). Le rapport de dépendance théorique (nombre d’inactifs pour 100 personnes d’âge actif), y est aujourd’hui supérieur à 100 (102,8). On pourrait par conséquent dire que la prise en charge des dépendants surtout des jeunes pèse beaucoup sur la population adulte surtout dans un contexte de taux de chômage déjà élevé notamment dans les villes (10,6 % dans l’ensemble, 13 % en milieu urbain et 9,8 % en milieu rural : INSTAT, 2016).

Figure 2.3 : densité de la population du Mali reparties par cercle

Source : RGPH 2009 – INSTAT

La forte croissance et l’extrême jeunesse de la population constitue une forte pression sur l’offre sanitaire et autres infrastructures socioéducatives. Le poids excessif de la jeunesse résulte à la fois du maintien de la fécondité à un niveau élevé et de la baisse de la mortalité surtout infantile que nous aborderons dans les points suivants.

Stagnation de la baisse de la fécondité et faible utilisation de la contraception

Bien que le nombre moyen d’enfants par femme ait connu une baisse ces dernières années, la fécondité se situe encore à un niveau très élevé. Elle s’est presque stabilisée autour de la moyenne de 6 enfants par femme depuis 1996.

En effet, de 7,1 en 1987 ; le nombre moyen par femme est passé à 6,7 en 1996 ; à 6,6 en 2006 et à 6,1 en 2013. L’enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en 2013 n’a pas couvert les trois régions du Nord (Tombouctou, Gao et Kidal) ainsi que trois cercles de la région de Mopti (Douentza, Ténenkou et Youwarou) en raison de la crise sécuritaire dans cette partie du pays. Ainsi, le niveau de fécondité pourrait donc avoir été sous-estimé en 2013 et ne saurais donc être comparé avec celui des années antérieures (1987, 1995, 2001 et 2006).

Les projections de la Division Population des Nations Unis pour 2015 ont fourni les taux de fécondité par âge des femmes et il en ressort un indice synthétique de 6,3 enfants par femme en âge de procréer. Cet indice obtenu à partir des projections des Nations Unies semble refléter la réalité par rapport à celui de l’Enquête Démographique et de Santé de 2012-2013.

Le niveau de fécondité du Mali correspond donc au schéma classique d’un régime traditionnel de fécondité qui se caractérise par une préférence pour une descendance nombreuse. Mais ce niveau ne doit pas cacher les disparités énormes et le fait que la fécondité est relativement plus faible chez certains groupes de femmes. Si la fécondité est restée stable ces quinze dernières années au Mali, c’est aussi parce que le nombre moyen d’enfant par femme est resté presque constant depuis 1987 en milieu rural où réside la majorité de la population (77 %) et où les normes et valeurs culturelles restent encore très prégnantes relativement au milieu urbain. Le nombre moyen par femme en milieu rural était respectivement de 7,2 et 6,5 en 2006 et 2013 contre 5,4 et 5 chez les femmes urbaines. Cette différence urbain-rural en termes de fécondité existe depuis quasiment près de 30 ans. De plus, les femmes instruites c’est-à-dire ayant atteint au moins le niveau d’enseignement secondaire ont près de trois enfants de moins que celles qui n’ont pas été du tout scolarisées (la différence avec les femmes de niveau primaire n’est pas grande : 0,5). Tout comme l’écart urbain-rural, les disparités associées à l’éducation de la femme sont restées inchangées car le niveau de fécondité est resté stable au sein de chacun des groupes.

Cette stabilité de la fécondité est en partie liée à la faible utilisation des méthodes contraceptives même si la prévalence contraceptive moderne, chez les femmes en union, a augmenté, passant de 2,1 % en 1987 à 7 % en 2006 et 10 % en 2013.

Pourtant, le Mali est l’un des pays francophones pionniers à avoir introduit la planification familiale depuis la fin des années 1960. À partir de 1967, un projet pilote de planification familiale dans la capitale (Bamako) a été entrepris par le biais de l’Association Malienne pour la Promotion et la Protection de la Famille (AMPPF) sans une politique officielle sur la question (Kaggwa et al., 2008). Les activités de cette association étaient essentiellement focalisées sur l’Information, l’Éducation, la Communication (IEC) et le plaidoyer jusqu’en 1972.

Ces activités n’ont pas permis une diffusion plus rapide des méthodes, ce n’est qu’après l’adoption en 1991 d’une politique officielle en matière de population que ces méthodes ont commencé à être mieux connues des couples. Malgré une plus

grande connaissance actuelle des différentes méthodes par les femmes, la pratique contraceptive concerne principalement les femmes urbaines et instruites.

La prévalence contraceptive moderne est plus de trois fois plus élevée en milieu urbain qu’en milieu rural (22 % contre 7 %). Elle est de 27 % chez les femmes instruites (celles ayant un niveau d’instruction secondaire ou plus) contre 13 % et 8 % respectivement parmi celles du primaire et sans instruction. De plus, le nombre idéal moyen d’enfants par femme estimé à 5,9 en 2013, reste très proche de l’Indice Synthétique de Fécondité (6,1) (EDS, 2012). Cela traduit encore une aspiration à une descendance nombreuse au Mali. Par conséquent, tout porte à croire que la population malienne va continuer à augmenter encore plus longtemps en raison de la stabilité de la fécondité et la présence des générations de jeunes toujours plus nombreuses qui alimentent la base de la pyramide. Ce constat est d’autant plus plausible qu’on observe une tendance à la baisse de la mortalité surtout des enfants de moins de 5 ans.

Tendance à la baisse de la mortalité, mais qui demeure toujours relativement élevée

Au Mali, l’espérance de vie à la naissance a évolué suivant deux phases entre 1976 et 2009. Durant la première décennie, il a été enregistré une baisse significative entre 1976 et 1987 (augmentation de l’espérance de vie à la naissance de 47 à 57 ans) et ce déclin a été plus important en milieu urbain qu’il ne l’a été en milieu rural. La deuxième phase entre 1987 et 2009, est caractérisée par une stabilisation de l’espérance de vie à la naissance. Cette stagnation pourrait être due au fait que les indicateurs de mortalité en 1987 ont été calculés de façon directe à partir des décès des 12 derniers mois précédant le recensement. Cette méthode pourrait avoir conduit à une sous-estimation de l’espérance de vie à la naissance en 1987. C’est ce qui peut expliquer cette tendance à la stagnation de la mortalité au cours de cette période. Autrement dit, l’espérance de vie aurait été plus élevée en 1987 si elle avait été estimée indirectement et on aurait eu une tendance à la hausse de l’espérance de vie depuis 1976. Les estimations des Nation-Unis confirment un peu cette hypothèse (augmentation continue de l’espérance : 53,8 en 2010 ; 55 en 2013 et 57 années en 2015).

Les données d’enquêtes démographiques et de santé permettent de retracer l’évolution de la mortalité infanto-juvénile. Le constat est que son niveau tant infantile qu’infanto-juvénile suit une tendance à la baisse. Le quotient de mortalité infanto-juvénile est passé de 247‰ en 1987 à 191‰ en 2006 et 95‰ en 2013.

Le risque de décès de 95‰ en 2013 semble sous-estimé pour des raisons que nous avons évoquées plus haut concernant le fait que cette dernière enquête n’a pas couvert toutes les régions. Quant à la mortalité infantile, c’est à partir de 1996 qu’elle a commencé à baisser. Ces progrès réalisés dans la baisse de la mortalité des enfants seraient dû, en partie, aux différents Programmes Élargis de Vaccination (PEV) mis en place par l’État malien et dont bénéficient la plupart des enfants ces dernières années. Depuis 1988, le Gouvernement du Mali a élaboré le PEV dont l’objectif principal était de vacciner en cinq ans, 80 % des enfants de moins d’un an contre six maladies cibles (diphtérie, tuberculose, coqueluche, tétanos, poliomyélite, rougeole). C’est surtout au cours des dernières années que la couverture vaccinale a enregistré une amélioration : la proportion d’enfants

complètement vaccinés contre les maladies cibles du PEV, qui était de 31 % en 1996, et de 29 % en 2001 a augmenté pour atteindre 48 % en 2006 (CPS/MS, DNSI, MEIC et Macro International Inc, 2006). Toutefois, en dépit d’une tendance générale à la baisse depuis quelques années, la mortalité des enfants de moins de cinq ans demeure toujours élevée et présente d’énormes inégalités géographiques comme nous pouvons le constater sur la figure ci-dessous. C’est à Bamako, dans les autres milieux urbains, dans les régions de Gao et Kayes dans une moindre mesure que le nombre de décès pour 1000 enfants de moins de cinq est le plus faible.

Figure 2.4 : Taux de mortalité infanto-juvénile (‰) par région et milieu de résidence

Sources : EDS, 2006

En ce qui concerne la mortalité maternelle au Mali, elle a augmenté au cours de la période 1996-2001. De 541 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1996, le rapport de mortalité maternelle avait atteint 582 en 2001. Ce n’est qu’à partir de 2001 que la tendance s’est inversée et depuis lors, on enregistre un déclin régulier des décès maternels. Le ratio a chuté à 368 pour 100 000 naissances en 2013 en passant par 464 en 2006. Cependant son niveau reste encore élevé et les progrès en la matière sont jugés insuffisants par l’OMS (2015) eu égard à la non atteinte de l’objectif de réduction de 75 % du niveau de mortalité maternelle entre 1990 et 2015 conformément aux engagements pris lors du Sommet du Millénaire consacré à la formulation des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

262

237 229 227 222 196

136

234 186

158 108

0 100 200 300

2.2 Cadre conceptuel et thématiques de recherche pour