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La sociologie des « ados difficiles

3. Penser l’enfance en danger au prisme de la vulnérabilité

3.3 La sociologie des « ados difficiles

Il n’est pas non plus impossible, ni infructueux, de penser la sociologie de l’adolescence en danger au prisme de cette notion. De fait, on sait que l’adolescent se positionne, quasi consubstantiellement, en

21 Cité par Quincy-Lefebvre P., op. cit

22 Voir également Renouard J.-M. De l’enfant coupable à l’enfant inadapté.

déviance. Paris : Le Centurion, 1990

23 Sur le rôle de la période vichyste, voir C Editions ouvrières, 1980, 283 p.

24 Voir notamment Victorien S. Jeunesses malheureuses, jeunesses dangereuses. L’éducation spécialisée en Seine Maritime depuis 1945. Rennes : PUR, 2011

L’intérêt croissant que portent dans l’entre-deux-guerres les médecins et psychologues à l’enfance

», sur fond de développement de la psychanalyse, vise à mieux comprendre la nature de ces blessures). Les chiffres recueillis par le Dr Heuyer dans les années 1926

de ses enquêtes hospitalières sont éloquents : 20 % des enfants instables qui lui sont amenés ont un

% une mère décédée, 10 % sont de père inconnu, 9 % de parents divorcés ou séparés,

% abandonnés par leur père, 3 % orphelins de père et de mère, etc.

siècle en matière d’enfance « vicieuse » et « amorale », corrompue de façon innée et donc incurable, laissent ainsi peu à peu place à des approches reconnaissant les atteintes médico psychologiques comme origine des comportements troublés – donc dès lors potentiellement curables

guerres peut aussi être lu comme une période de reconnaissance de la abilité psychologique des enfants et adolescents, avec ici pour principal facteur un tissu familial absent, déchiré ou fragile, appelant donc un traitement (à défaut d’être curable, la blessure

»), et de surcroît un traitement médico-éducatif visant à apaiser la souffrance et

répressif à l’éducatif se produit autour de 194523. Au niveau législatif d’une part, avec les deux ordonnances de 1945 relatives à l’enfance délinquante et à la créatio

: le mineur étant désormais considéré comme irresponsable pénalement, la éducative devient la règle et la sanction l'exception ; la détention provisoire est désormais

; les tribunaux pour enfants se voient épaulés de centres d'observation pour prendre la meilleure décision non en fonction du délit, mais de la personnalité du mineur

part et corrélativement, se développent l’éducation et la prévention spécialisées, donnant peu à naissance à un nouveau secteur du travail social. À nouveau, cette période peut être lue comme la reconnaissance d’une particulière vulnérabilité de l’enfant et de l’adolescent, appelant cette fois des réponses de type éducatif pour traiter les fêlures, panser les blessures et restaurer de nouvelles capacités.

ados difficiles » au prisme de la vulnérabilité

Il n’est pas non plus impossible, ni infructueux, de penser la sociologie de l’adolescence en danger au De fait, on sait que l’adolescent se positionne, quasi consubstantiellement, en

op. cit., chap. 4.

De l’enfant coupable à l’enfant inadapté. Traitement social et politique de la Le Centurion, 1990, 199 p.

Sur le rôle de la période vichyste, voir Chauvière M. Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy

unesses malheureuses, jeunesses dangereuses. L’éducation spécialisée en Seine PUR, 2011, 318 p.

guerres les médecins et psychologues à l’enfance

», sur fond de développement de la psychanalyse, vise à mieux comprendre la nature de ces is par le Dr Heuyer dans les années 1926-1928 au fil

% des enfants instables qui lui sont amenés ont un

% de parents divorcés ou séparés,

% orphelins de père et de mère, etc.21. Les

», corrompue de façon innée et oches reconnaissant les atteintes

médico-donc dès lors potentiellement curables22. guerres peut aussi être lu comme une période de reconnaissance de la abilité psychologique des enfants et adolescents, avec ici pour principal facteur un tissu familial absent, déchiré ou fragile, appelant donc un traitement (à défaut d’être curable, la blessure catif visant à apaiser la souffrance et

. Au niveau législatif d’une relatives à l’enfance délinquante et à la création de la direction : le mineur étant désormais considéré comme irresponsable pénalement, la

; la détention provisoire est désormais our enfants se voient épaulés de centres d'observation pour prendre la meilleure décision non en fonction du délit, mais de la personnalité du mineur24. D’autre part et corrélativement, se développent l’éducation et la prévention spécialisées, donnant peu à peu naissance à un nouveau secteur du travail social. À nouveau, cette période peut être lue comme la reconnaissance d’une particulière vulnérabilité de l’enfant et de l’adolescent, appelant cette fois des s, panser les blessures et restaurer de nouvelles capacités.

Il n’est pas non plus impossible, ni infructueux, de penser la sociologie de l’adolescence en danger au De fait, on sait que l’adolescent se positionne, quasi consubstantiellement, en

Traitement social et politique de la : l’héritage de Vichy. Paris : Les

unesses malheureuses, jeunesses dangereuses. L’éducation spécialisée en

Seine-situation de vulnérabilité – ce que Françoise Dolto avait appelé «

privé de sa carapace devenue trop petite. On sait aussi que cette période

décennies, à s’allonger, avec l’entrée souvent retardée dans l’âge adulte (allongement des études, difficulté à trouver du travail, etc.)

la blessure, en adoptant des logiques exploratoires et des conduites à risques, en se mettant à l’épreuve27. Certes en ce sens redondante ici avec la notion même d’adolescence, la vulnérabilité nous semble pourtant avoir déjà au moins le mérite de la caractériser explicitement, ainsi qu

des gradations diverses selon les individus.

Le principal intérêt de la notion est toutefois surtout de déplacer le questionnement comment, certains adolescents s’avèrent

et à la famille ? Quelles difficultés rencontrées (scolarité, maltraitance, orphelinage, migration…) Quels mécanismes d’accumulation de blessures, quels parcours de vulnérabilité

revenir à la dimension processuelle

analytique au service de la compréhension de parcours toujours singuliers, inscrits dans des contextes toujours spécifiques, mais dont le travail scientifique consiste cependant aussi à d

mécanismes plus généraux, voire des préconisations.

Travaillant sur les dispositifs d’aide aux «

Bertrand Ravon a en outre montré combien l’incertitude des adolescents impactait en re travailleurs sociaux, sommés de s’inscrire dans l’

de faire non du « prêt-à-porter

(psychologues, thérapeutes, éducateurs, a

in fine aussi une incertitude au jour le jour sur les évolutions de cet accompagnement

Conclusion

La notion de vulnérabilité, processuelle et pluri catégoriel et disciplinaire. Penser la pauvreté frontalement le champ sanitaire

danger. Il n’est que de songer aux comp

qui convergent dans une communauté, pour voir combien la vulnérabilité est une épreuve et un

25 Dolto F. Paroles pour adolescents ou le complexe du homard

26 Voir le petit développement que Valé

27Ibid.

28 Voir notamment Ravon B., Laval

ce que Françoise Dolto avait appelé « le complexe du homard

privé de sa carapace devenue trop petite. On sait aussi que cette période tend, depuis quelques décennies, à s’allonger, avec l’entrée souvent retardée dans l’âge adulte (allongement des études, difficulté à trouver du travail, etc.)26. On sait enfin que l’adolescent peut lui-même tendre à provoquer ogiques exploratoires et des conduites à risques, en se mettant à . Certes en ce sens redondante ici avec la notion même d’adolescence, la vulnérabilité nous semble pourtant avoir déjà au moins le mérite de la caractériser explicitement, ainsi qu

des gradations diverses selon les individus.

Le principal intérêt de la notion est toutefois surtout de déplacer le questionnement comment, certains adolescents s’avèrent-ils plus blessables que d’autres ? Par quels rapports

? Quelles difficultés rencontrées (scolarité, maltraitance, orphelinage, migration…) Quels mécanismes d’accumulation de blessures, quels parcours de vulnérabilité ? Bref, il s’agit bien d’en revenir à la dimension processuelle et pluricausale de la notion, pour lui conférer toute son épaisseur analytique au service de la compréhension de parcours toujours singuliers, inscrits dans des contextes toujours spécifiques, mais dont le travail scientifique consiste cependant aussi à d

mécanismes plus généraux, voire des préconisations.

Travaillant sur les dispositifs d’aide aux « ados difficiles » en région lyonnaise depuis les années 1980, Bertrand Ravon a en outre montré combien l’incertitude des adolescents impactait en re

travailleurs sociaux, sommés de s’inscrire dans l’empowerment et les politiques d’activation, et soucieux » mais du « sur-mesure » impliquant une multiplicité d’intervenants (psychologues, thérapeutes, éducateurs, assistantes sociales, milieux juridiques et judiciaires, etc.)

aussi une incertitude au jour le jour sur les évolutions de cet accompagnement

La notion de vulnérabilité, processuelle et pluri-causale, invite fondamentalement au

catégoriel et disciplinaire. Penser la pauvreté-précarité à son prisme nous avait conduit à rencontrer frontalement le champ sanitaire ; elle peut aussi rejoindre, par le même mécanisme, l’enfance en danger. Il n’est que de songer aux compagnons d’Emmaüs des Trente glorieuses, parcours multiples qui convergent dans une communauté, pour voir combien la vulnérabilité est une épreuve et un

Paroles pour adolescents ou le complexe du homard. Paris : Hatier, 1990, 158 p Voir le petit développement que Valérie Becquet consacre à ce sujet (communication citée).

C. De l'adolescence aux adolescents dits « difficiles »…

le complexe du homard25 » en mue, tend, depuis quelques décennies, à s’allonger, avec l’entrée souvent retardée dans l’âge adulte (allongement des études, même tendre à provoquer ogiques exploratoires et des conduites à risques, en se mettant à . Certes en ce sens redondante ici avec la notion même d’adolescence, la vulnérabilité nous semble pourtant avoir déjà au moins le mérite de la caractériser explicitement, ainsi que d’en suggérer

Le principal intérêt de la notion est toutefois surtout de déplacer le questionnement : pourquoi, et

? Par quels rapports aux parents

? Quelles difficultés rencontrées (scolarité, maltraitance, orphelinage, migration…) ?

? Bref, il s’agit bien d’en et pluricausale de la notion, pour lui conférer toute son épaisseur analytique au service de la compréhension de parcours toujours singuliers, inscrits dans des contextes toujours spécifiques, mais dont le travail scientifique consiste cependant aussi à dégager des

» en région lyonnaise depuis les années 1980, Bertrand Ravon a en outre montré combien l’incertitude des adolescents impactait en retour les et les politiques d’activation, et soucieux

» impliquant une multiplicité d’intervenants ssistantes sociales, milieux juridiques et judiciaires, etc.) ; d’où aussi une incertitude au jour le jour sur les évolutions de cet accompagnement28.

causale, invite fondamentalement au décloisonnement, précarité à son prisme nous avait conduit à rencontrer

; elle peut aussi rejoindre, par le même mécanisme, l’enfance en agnons d’Emmaüs des Trente glorieuses, parcours multiples qui convergent dans une communauté, pour voir combien la vulnérabilité est une épreuve et un

0, 158 p.

rie Becquet consacre à ce sujet (communication citée).

»… art. cit.

parcours. Ces compagnons sont (aujourd’hui encore) massivement des enfants meurtris, placés, abandonnés, orphelins29 ; qui n’ont ensuite pas pu ou pas voulu s’insérer socialement et professionnellement, ont peu d’attaches, ont fait la guerre (Indochine, Légion étrangère, etc.) présentent des névroses, se réfugient massivement dans l’alcool, ont un rapport co

pathologique à l’autorité, ne parviennent pas à se fixer et circulent souvent de communauté en communauté30. Ce constat est fait, de façon plus générale, par la plupart des associations de solidarité, ainsi à Lyon l'important Foyer Notre

voudrait que nombre de jeunes se retrouvent en situation d'errance, dans la rue, par choix personnel de liberté et de refus des contraintes sociales

l'enfance, les maltraitances, les placements et les abandons, etc.

dureté sociale, la blessure engendre la blessure, et la vulnérabilité devient parfois vécu traumatiqu généralisé. En ce sens, Marc-Henry Soulet a raison d’inviter à considérer aussi la dimension capacitaire des individus, qui leur permet, avec ou sans aides, de surmonter certaines fragilités et de panser certaines blessures.

Dit autrement et de façon plus métaphorique, l’image du «

invite à penser la vulnérabilité tant diachroniquement (dimension processuelle) que synchroniquement (dimension pluri-causale) : l’individu porte en lui une succession de «

convient d’analyser la nature autant que le mode de superposition. Et ce, pour démêler les processus par lesquels les vulnérabilités s’enchaînent l’une l’autre, en meurtrissant les plus touchés.

29 Selon une enquête menée dans les communautés UCC Emmaüs en 1986 sur les jeunes de moins de 52 % n’ont pas été élevés dans leur famille et ont été placés (DDASS, foyers, nourrices)

leur père ni leur mère, et 8,5 % ne connaissent pas un de leurs deux parents.

30 Nous nous permettons de renvoyer à Brodiez Sciences Po, 2009, 378 p., chap. 6.

31 "L'Arche (bulletin du Foyer Notre

32 Denis Pelletier parle lui de « feuilletage siècle d'engagements catholiques. In

la République, 1905-2005. Paris : L'Atelier, 2005,

parcours. Ces compagnons sont (aujourd’hui encore) massivement des enfants meurtris, placés,

; qui n’ont ensuite pas pu ou pas voulu s’insérer socialement et professionnellement, ont peu d’attaches, ont fait la guerre (Indochine, Légion étrangère, etc.) présentent des névroses, se réfugient massivement dans l’alcool, ont un rapport co

pathologique à l’autorité, ne parviennent pas à se fixer et circulent souvent de communauté en Ce constat est fait, de façon plus générale, par la plupart des associations de solidarité, ainsi à Lyon l'important Foyer Notre-Dame des sans-abri : « Plus personne ne croit au mythe qui voudrait que nombre de jeunes se retrouvent en situation d'errance, dans la rue, par choix personnel de liberté et de refus des contraintes sociales » et de souligner l'ampleur des problèmes vécus durant l'enfance, les maltraitances, les placements et les abandons, etc.31. Par un mécanisme d’une terrible dureté sociale, la blessure engendre la blessure, et la vulnérabilité devient parfois vécu traumatiqu

Henry Soulet a raison d’inviter à considérer aussi la dimension capacitaire des individus, qui leur permet, avec ou sans aides, de surmonter certaines fragilités et de panser s métaphorique, l’image du « millefeuille32 », souvent utile en histoire, invite à penser la vulnérabilité tant diachroniquement (dimension processuelle) que synchroniquement

: l’individu porte en lui une succession de « couches

convient d’analyser la nature autant que le mode de superposition. Et ce, pour démêler les processus par lesquels les vulnérabilités s’enchaînent l’une l’autre, en meurtrissant les plus touchés.

Selon une enquête menée dans les communautés UCC Emmaüs en 1986 sur les jeunes de moins de

% n’ont pas été élevés dans leur famille et ont été placés (DDASS, foyers, nourrices) ; 16

% ne connaissent pas un de leurs deux parents.

Nous nous permettons de renvoyer à Brodiez-Dolino A. Emmaüs et l’abbé Pierre

"L'Arche (bulletin du Foyer Notre-Dame des sans-abri), n° 209, sept. 2005, p. 15.

feuilletage » pour penser l’engagement catholique : Pelleti In Duriez B., FouillouxE., Pelletier D., Viet-Depaule N.

L'Atelier, 2005, 365 p., p. 20.

parcours. Ces compagnons sont (aujourd’hui encore) massivement des enfants meurtris, placés,

; qui n’ont ensuite pas pu ou pas voulu s’insérer socialement et professionnellement, ont peu d’attaches, ont fait la guerre (Indochine, Légion étrangère, etc.) ; présentent des névroses, se réfugient massivement dans l’alcool, ont un rapport complexe voire pathologique à l’autorité, ne parviennent pas à se fixer et circulent souvent de communauté en Ce constat est fait, de façon plus générale, par la plupart des associations de solidarité, Plus personne ne croit au mythe qui voudrait que nombre de jeunes se retrouvent en situation d'errance, dans la rue, par choix personnel de et de souligner l'ampleur des problèmes vécus durant Par un mécanisme d’une terrible dureté sociale, la blessure engendre la blessure, et la vulnérabilité devient parfois vécu traumatique Henry Soulet a raison d’inviter à considérer aussi la dimension capacitaire des individus, qui leur permet, avec ou sans aides, de surmonter certaines fragilités et de panser

», souvent utile en histoire, invite à penser la vulnérabilité tant diachroniquement (dimension processuelle) que synchroniquement couches » diverses, dont il convient d’analyser la nature autant que le mode de superposition. Et ce, pour démêler les processus par lesquels les vulnérabilités s’enchaînent l’une l’autre, en meurtrissant les plus touchés.

Selon une enquête menée dans les communautés UCC Emmaüs en 1986 sur les jeunes de moins de 25 ans,

; 16 % ne connaissent ni

Emmaüs et l’abbé Pierre. Paris : Presses de

Pelletier D.1905-2005 : un N. Les catholiques dans