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Sociographie de Bresson : une diversité de profils sociaux et résidentiels.

Chapitre 3. Bresson : le cadre résidentiel de socialisation des adolescents.

C- Sociographie de Bresson : une diversité de profils sociaux et résidentiels.

Les caractéristiques propres à l’enquête ethnographique, c’est-à-dire l’insertion durant un temps long au sein du groupe résidentiel ainsi que la combinaison des entretiens et des discussions informelles avec les résidents, ont permis d’établir progressivement différents profils sociographiques des résidents191 de Bresson, en fonction de leurs propriétés sociales (statut professionnel, ressources économiques et culturelles… ) et résidentielles (trajectoire résidentielle, position sur la scène résidentielle…) ou encore de leurs « manières d’habiter » (Authier J.Y., 2002 ; Authier J.Y. et Lehman-Frisch S., 2012, Magri S., 1997 ; Pinçon et Pinçon- Charlot, 1989) (Cf. chapitre 1). Ce dernier aspect présente l’avantage de pouvoir apporter des connaissances supplémentaires, non seulement sur le rapport à leur territoire de résidence et à leur domicile, mais encore sur la dimension spatiale de leurs ressources sociales et de leurs pratiques. La sociographie résidentielle et la diversité des profils d’habitants qu’elle permet de mettre en évidence, est particulièrement importante pour comprendre par la suite comment se construisent les différents profils de mobilité des adolescents (chapitre 4), ainsi que les processus de différenciation de leurs parcours (Cf. chapitre 5) et de leurs trajectoires (chapitre 6) avec l’âge qui les affectent. Dans une autre mesure, cette diversité socio- résidentielle participe d’une certaine « conflictualité » (Cf. sous-partie D) sur la scène

190C’est-à-dire originaires ou anciennement installés dans la commune. 191 Dans la plupart du temps, à l’échelle des ménages.

116 résidentielle, qui a en outre une influence sur les parcours de socialisation de certains des adolescents (Cf. chapitre 5).

La sociographie de Bresson invite particulièrement à considérer la diversité des classes populaires contemporaines et notamment à prêter attention à leur stratification interne. La notion de « classes populaires » développée par Olivier Schwartz (Schwartz O., 1998) prend en effet toute sa pertinence lorsqu’il s’agit de décrire les profondes recompositions sociales à l’œuvre au sein des territoires ruraux contemporains. Ainsi, à Bresson, autour du noyau central constitué des catégories populaires traditionnelles du rural que sont les agriculteurs, les artisans et les retraités « ruraux », viennent se greffer d’un côté des fractions « stables »192 des catégories populaires, de l’autre, des catégories populaires « marginalisées »193, souvent d’origine ouvrière, auxquelles il faut aussi ajouter les nouvelles couches urbaines issues des classes moyennes dont la place symbolique devient de plus en plus importante sur la scène résidentielle.

1- Les catégories populaires « traditionnelles » du rural.

Les catégories populaires « traditionnelles », à Bresson comme dans la majorité des territoires ruraux, sont caractérisés par une situation de déclin numérique et par une démographie vieillissante. Elles sont en effet pour une part composées des agriculteurs, des artisans traditionnels et des petits-commerçants194 résidant et travaillant dans la commune. On peut aussi inclure dans cette catégorie une majeure partie des retraités de la commune qui constituent ce que Michel Bozon a appelé des « ruraux dépaysannés » (Bozon M., 1982), autrement dit des ruraux

192 Pour reprendre l’expression d’Olivier Schwartz (Schwartz O., 1998). 193

ibid

194 S’il ne reste qu’un seul commerce dans la commune, d’autres petits-commerçants

résident à Bresson mais exercent ailleurs comme c’est l’exemple d’un boucher qui possède son commerce à Milly la Forêt.

117 d’origine paysanne proche195, parmi lesquels figurent de nombreux retraités agricoles. Ces ménages se caractérisent à la fois par une petitesse de leur statut social et professionnel, ainsi que par une relative étroitesse de leurs ressources économiques, qui sont toutes les deux compensées dans la plupart des cas par la détention d’un fort « capital d’autochtonie » (Retière J.N., 2003), c’est-à-dire d’importantes ressources sociales et symboliques possédées à l’intérieur de la commune. Ces ressources locales sont particulièrement importantes à prendre en compte quand on connait par ailleurs la place importante que peut revêtir la scène résidentielle pour les catégories populaires (Chamboredon J.C. et alii,1984 ; Barbichon G, 1987 Retière J.N., ibid ; Fol S, 2009), en particulier en milieu rural (Renahy N., ibid ; Chamboredon J.C. et Thiesse A.M., ibid). En effet, ce pôle « traditionnel et rural » de Bresson concerne majoritairement des individus « autochtones » (Chamboredon J.C., 1982 ), c’est-à-dire anciennement implantés dans la commune et dont la famille est parfois originaire de Bresson depuis plusieurs générations, et qui de facto ont plus de chances de posséder une renommée sur la scène locale. C’est le cas de David Aubinet, un artisan du bâtiment qui au cours de l’enquête nous a paru à de nombreux égards constituer une véritable « figure locale » de Bresson196 et dont la famille est ainsi présente sur quatre générations dans la commune. C’est chez ce profil de résidents qu’on note l’existence de trajectoires de « retour au pays » (Lepicier D., Sencébé Y., 2007), c’est-à dire de néo-retraités originaires de Bresson qui ont décidé de se réinstaller dans la commune à la fin de leur vie active. Cela a été le cas de Pierrot Beltante, le président du foyer rural, qui après avoir connu un « passage en ville » à la fin de sa vie active197, a décidé de se réinstaller dans l’ancienne maison familiale et de notamment relancer l’activité de leur ancien café au début des années 1990.

Ce sont par ailleurs les individus qui dans la commune sont les plus enclins à conserver un style de vie « populaire et rural », qu’il est possible de caractériser à

195

Souvent du fait de leur appartenance familiale. 196

Son nom revenant en effet régulièrement lors des discussions entre résidents. Cette forme de capital social et symbolique se manifeste aussi au travers des « signes du lien » au cours des interactions que Mr Aubinet entretient au quotidien avec les autres résidents (Goffman, « La mise en scène de la vie quotidienne. Les relations en public », 2000).

197

Avant de se réinstaller à Bresson, il a vécu pendant près de 20 ans à Melun ainsi que dans une commune de la Petite couronne francilienne.

118 partir de trois éléments : un fort localisme dans les sociabilités, la pratique quotidienne de loisirs ruraux traditionnels tels que la chasse198 ou la pêche, ainsi que par la place centrale tenue par les activités de « travail-à-côté »199 et de « bricoles » (Weber F., 1989) dans le quotidien et l’espace privé200 de ces ménages, notamment du côté des retraités. Ces dimensions fortes de localisme et d’autochtonie chez ce profil de résidents se traduisent enfin par leur grande implication dans la vie publique locale et donc par leur surreprésentation au sein des institutions locales, en l’occurrence au sein de la mairie et des nombreuses associations que compte la commune (Cf. sous-partie D). C’est particulièrement le cas au sein du conseil municipal où ces « catégories traditionnelles » sont majoritaires et occupent les positions les plus importantes et prestigieuses. Ainsi, le Maire (Mr Coismay) et sa première adjointe (Mme Legrand), sont tous les deux des retraités issus d’anciennes familles originaires de Bresson. Et si l’on en vient à considérer l’ensemble des 9 membres qui composent le conseil municipal en 2010, trois d’entre eux s’avèrent être des retraités, tous anciennement installés dans la commune, dont un retraité agricole, auxquels il faut ajouter la présence d’un agriculteur et d’un artisan actifs.

2- Les « petits-moyens » ruraux.

Une grande partie des résidents de Bresson, majoritairement des ménages « jeunes » avec enfants, qui n’appartiennent objectivement pas aux classes moyennes201, peuvent davantage être définis comme étant des « petits-moyens » (Cartier M. et alii, ibid) résidant en milieu rural. En effet, ces ménages s’apparentent plutôt à ce qu’on a l’habitude de dénommer les classes populaires « intégrées ». Ils se caractérisent en premier lieu par une relative « modestie » dans les ressources

198

Bresson possède ainsi une association communale de chasse sur son territoire et dont la majorité des sociétaires sont des résidents de la commune.

199

C’est-à dire l’ensemble des occupations « actives » et non-marchandes réalisées durant le temps libre et qui peuvent entrer dans des réseaux d’échanges (Weber F., 1989).

200

Notamment autour des deux espaces domestiques que sont l’atelier, pour la « bricole », et le potager, pour les activités de jardinage, dont on a pu mesurer la place centrale dans nombre de résidences de Bresson.

201

On retiendra notamment ici, dans une perspective bourdieusienne, le critère prépondérant de détention de capital culturel pour distinguer les classes moyennes des classes populaires.

119 économiques et notamment par une situation de subordination au travail202. Ils sont ainsi essentiellement composés d’employés qualifiés, de techniciens, d’agents de maitrise ou encore de professions intermédiaires de l’éducation et de la santé (instituteurs, infirmiers, aides-soignants) qui se différencient toutefois du « bas » des classes populaires par une situation de relative stabilité professionnelle et la possession d’assises économiques qui s’avèrent tout aussi stables. Mais, de manière ambivalente, plusieurs éléments dans leurs style de vie révèlent la proximité que peuvent avoir ces « petits-moyens » avec les classes moyennes, en particulier avec celles installées dans la commune, tels le fait que ces ménages travaillent tous « à l’extérieur » de la commune, qu’une assez grande part de leur pratiques de consommation et de loisirs soit « urbaines»203 ou encore leur attention particulière portée à l’éducation, et notamment à la scolarité, de leur enfants.

Plus encore, lorsqu’on s’intéresse aux trajectoires sociales de ces ménages, il apparaît qu’une majorité soit caractérisée par ce que Bernard Lahire appelle des « petits déplacements sociaux» (Lahire B., 2006) et notamment par des parcours de promotion résidentielle, dont l’installation à Bresson et, en particulier l’accès à la propriété constituent souvent l’aboutissement, pour ces ménages « jeunes ». C’est par exemple le cas de Marc et de Christine Monjardin, respectivement agent E.D.F. et mère au foyer, les parents d’un des adolescents enquêtés que nous avons interrogés. Anciens locataires d’un pavillon dans une zone périurbaine en Ile-de- France, à proximité de Melun (77)204, leur installation à Bresson à la fin des années 1990 a en effet permis de concrétiser leur « désir de résider à la campagne » et en particulier « de construire pour s’installer». A cet égard, le recours assez répandu à « l’auto-construction »205 parmi ce profil de résidents à Bresson traduit plus généralement l’existence de formes de « dissonances culturelles » (Lahire B., ibid) chez ces « petits-moyens » avec de manière ambivalente un ancrage populaire qui

202

Pour reprendre les critères avancés par Olivier Schwartz pour définir sa notion de « classes populaires » (Schwartz O., ibid)

203Et se réalisent notamment au sein de l’agglomération parisienne. 204

Précisément à Cesson (77).

205

On désigne par ce terme le fait de construire sa résidence et par extension de la réhabiliter et la rénover par soi-même et sans passer notamment par des artisans professionnels. Michel Verret (Verret M., « L’espace ouvrier », 1979) repris par la suite par Olivier Schwartz (Schwartz O., ibid) ont parlé d’un « goût populaire pour l’auto- construction », comme forme de réalisation et de valorisation personnelle.

120 peut s’avérer parfois fort dans leurs goûts et leurs pratiques. Cela se marque notamment pour ceux nombreux qui sont d’origine rurale par le maintien d’un « style de vie rural » ou bien à l’inverse pour ceux d’origine urbaine, qui se sont en quelque sorte « ruralisés »206, par une adoption partielle de ces pratiques d’origine populaire. Ce dernier cas de figure s’avère particulièrement représentatif d’un couple de jeunes actifs que nous avons côtoyé au sein du foyer rural, Vincent (éducateur spécialisé) et Christelle (professeure des écoles) Nezondet, et qui se sont installés dans la commune il y a environ quinze ans en provenance de l’agglomération parisienne207. Leur manière d’habiter apparaît en effet aujourd’hui fortement empreinte d’un « style de vie rural ». Elle se perçoit notamment dans le fort ancrage qu’ils peuvent dorénavant avoir dans leurs pratiques et leurs ressources sociales au quotidien, et plus encore dans leur adoption de pratiques qu’on peut qualifier de typiquement « rurales », notamment du côté de Vincent, comme la chasse, la pêche ou certaines formes de «travail-à-côté » qui lui permettent ainsi de s’insérer dans les « circuits d’échanges non-marchands » (Weber F., ibid) préexistants au sein de la commune208.

3- Les ménages populaires « marginalisés ».

Une fraction des ménages résidant à Bresson s’apparentent davantage à des classes populaires « marginalisées »209. Il s’agit en effet de ménages le plus souvent caractérisés par des statuts professionnels et des positions sociales « dominés » ainsi que par une fragilité dans les ressources économiques,

206

Pour reprendre une expression de Julian Mischi (Mischi J., « Les militants ouvriers de la chasse. Eléments sur le rapport au politique des classes populaires », Politix, 2008).

207

Plus précisément en provenance de Massy (91).

208 On a ainsi pu remarquer au cours de l’enquête que Vincent, comme de nombreux autres

résidents, effectuait régulièrement des travaux de bricolage et jardinage chez différents résidents de Bresson pour « les dépanner ».

209

En référence à la dichotomie entre «établis » et marginaux par Norbert Elias et John L.Scotson (Elias N. et Scotson J.L., « Logiques de l’exclusion. Enquête sociologique au cœur des problèmes d’une communauté », 1997) reprise par la suite par plusieurs auteurs, dont Olivier Schwartz (Scwartz O. ibid), Jean Noel Retière (Retière J.N., ibid) ou encore Gerard Mauger (Mauger G., « Les transformations des classes populaires en France », 2006) pour penser la différenciation interne aux classes populaires contemporaines.

121 notamment en comparaison de l’ensemble des ménages résidant à Bresson. On note ainsi à l’intérieur de ce profil une surreprésentation du «prolétariat rural » (Pages A., 2005 ; Champagne P., 2002), composé d’ouvriers, souvent peu qualifiés, qui travaillent pour certains dans le secteur agricole mais pour la plupart au sein de petites unités de production industrielles situées dans le coin. On peut à cet égard citer le cas de Michel Boizot, le père d’un des adolescents enquêté (Alexandre), qui est depuis plus de 15 ans ouvrier au sein d’une usine de production de papeterie situé non loin de la commune, à Malesherbes (45). On retrouve aussi, de manière complémentaire, à l’intérieur de ce profil, un nombre important de ménages mono- actifs ainsi que d’individus en situation de précarité de l’emploi, qui se trouvent ainsi pour certains proches de situation de pauvreté. Le cas de Stéphane (33 ans), un ouvrier que nous avons pu côtoyer à de nombreuses reprises notamment au sein du café du foyer rural, permet d’illustrer ces cas de figure. Originaire d’un village voisin, mais résidant depuis de nombreuses années dans la commune, il enchaine les « petits boulots » et les périodes de chômage depuis plusieurs années, et nous a ainsi à de nombreuses reprises avouer « avoir parfois du mal à s’en sortir ».

Ces ménages se différencient dans une autre mesure des deux autres profils de ménages populaires de Bresson (les « catégories traditionnelles du rural » et les « petits-moyens » ) par le fait qu’ils soient dénués de « capital d’autochtonie » (Retière J.N, ibid), c’est-à-dire de ressources sociales et symboliques significatives au sein de la commune, et apparaissent ainsi être marginalisés sur la scène locale. Cela se marque notamment par le fait que la plupart investissent peu de sociabilités au sein de la commune, n’ayant en effet pas suffisamment de ressources pour « tisser des liens en dehors de l’espace privé », pour reprendre les termes employés par Jean-Noël Retière (Retière J.N., ibid). Plus encore, ces « outsiders »210 de Bresson se caractérisent par leur entière absence au sein des institutions de la commune, et notamment au sein de la sphère associative locale, ne participant au final que très faiblement à la vie publique de la commune.

210

Pour faire allusion à la dichotomie entre « insiders » et « outsiders » établie par Norbert Ellias et John L.Scotson (Elias N., Scotson J.L., ibid).

122 Outre la « petitesse » de leurs statuts professionnel et social, la marginalisation de certains de ces ménages sur la scène résidentielle tient en partie de leurs trajectoires résidentielles et semble ainsi particulièrement accentuée pour ceux qui sont d’origine urbaine. En effet, il apparaît qu’une majorité d’entre eux se trouve dans des situations de déclassement résidentiel, du fait notamment des mécanismes de ségrégations résidentielles qui pèsent fortement sur les classes populaires en Ile-de France (Guilluy C. et Noyé C., 2006) et a notamment connu des formes de « relégation de l’urbain vers le rural » (Lepicier D., Sencébé Y., 2006). Ainsi, moins liée à l’attraction d’un cadre de vie rural qu’au fait qu’ils aient été en quelque sorte « repoussés » de l’agglomération parisienne, leur installation à Bresson est souvent considérée par ces ménages comme un choix « par défaut » et transitoire, la plupart y étant en effet « de passage », freinant ainsi d’autant plus leur intégration locale. Cette configuration semble concerner un certain nombre de ménages récemment installés dans la commune, comme c’est le cas de la famille de Séverine (16 ans) et de William (14 ans) Blanchard, deux adolescents que nous avons enquêté. Anciens résidents d’une cité d’habitat collectif de Corbeilles- Essonnes211, et à la recherche d’un logement plus grand, et plutôt de type pavillonnaire à la suite de l’arrivée d’un nouvel enfant dans la famille, leurs parents ont effet dû se résoudre une localisation en périphérie rurale, assez éloignée du lieu de travail du père de famille212, du fait de leurs ressources économiques insuffisantes. Toutefois, parmi ces ménages, pour ceux qui sont anciennement installés dans la commune, ce processus de marginalisation au sein de la commune apparaît être moins accentué, compensé par un certain degré d’autochtonie qui leur permet d’entretenir des formes élémentaires de sociabilités, notamment du côté des hommes, de nature populaire et reposant sur les réseaux de sociabilités traditionnels au sein de la commune.

211En l’occurrence celle des Tarterêts. 212

123 4- Les classes moyennes « urbaines ».

Enfin, une dernière catégorie de résidents de Bresson, dont l’importance est plus symbolique que numérique dans la commune, concerne des ménages appartenant aux classes moyennes « urbaines ». Ces derniers se distinguent en effet au sein de la commune par la possession de ressources économiques relativement importantes, en comparaison de l’ensemble des résidents de Bresson, ainsi que par des ressources et des dispositions culturelles élevées213, liées à la réalisation d’études supérieures ainsi qu’à leur statut professionnel. Ce groupe est essentiellement constitué de cadres, issus du secteur privé pour la plupart, et certains du secteur public, ainsi que de quelques professions intellectuelles, notamment des professeurs de lycée et de collège, installés récemment dans la commune, et qui de fait travaillent majoritairement « en ville » (Fontainebleau, Corbeille-Essonne, Etampes). A cet égard, l’adjectif « urbain » désigne ici autant leur origine résidentielle, étant pour la plupart d’origine urbaine ou ayant tout au moins connu un long « passage en ville » pour leurs études et le début de leur vie active, que leur style de vie. Ce dernier se caractérise en effet par des pratiques et des goûts qui s’avèrent quasi-exclusivement « urbains », se traduisant notamment par une fréquentation régulière de l’offre fonctionnelle et culturelle des centres urbains environnants, ce qui permet de mettre en évidence le fait que ces ménages évoluent en quelque sorte davantage à une échelle urbaine et métropolitaine que locale.

Leur mode de vie propre aux classes moyennes, se remarque plus encore au travers de l’habitat. Ils s’avèrent ainsi être nombreux parmi ce profil à avoir acheté et réhabilité des résidences traditionnelles à Bresson, et notamment d’anciennes fermes, participant ainsi d’un processus de « gentrification rurale »214 de la commune

213

Entendues ici dans le sens bourdieusien et légitimiste, c’est-à-dire « l’ensemble des formes culturelles dominantes, reconnues comme légitimes, dont la maîtrise est une condition décisive d’accès aux diverses espèces de pouvoirs, de bien rares, et d’inscriptions sociales valorisées » (Schwartz O. ibid)

214

Ce terme, dérivé de la notion de « gentrification urbaine », est un néologisme qui désigne le processus d’embourgeoisement d’une commune rurale, lié à l’arrivée de nouvelles populations « urbaines », issues des classes moyennes et supérieures, et qui se traduit en particulier par une réhabilitation des résidences traditionnelles ainsi que par de nouveaux

124 (Perrenoud M. 2008 ; Laferté G., 2012). Cet embourgeoisement s’opère particulièrement au travers de l’aménagement des « intérieurs » et plus généralement au travers des stratégies de distinction dont les résidences peuvent être l’objet. Cette différenciation dans l’habitat nous est apparue particulièrement forte chez Mme Herblot, lorsque nous avons réalisé un entretien chez elle. Il s’agit d’une professeure d’anglais dans un lycée à Fontainebleau, qui s’est installée dans la commune il y a trois ans et dont le capital culturel élevé est symbolisé par les