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Les manières d’habiter adolescentes différenciées: la dialectique de l’autochtonie et de la mobilité.

Chapitre 4. Des mobilités aux manières d’habiter adolescentes différenciées.

B- Les manières d’habiter adolescentes différenciées: la dialectique de l’autochtonie et de la mobilité.

La mise en évidence de ces différents profils de mobilité des adolescents résidant à Bresson, et notamment de l’opposition forte entre une « mobilité de l’ancrage » et une « mobilité non-localiste », permet dans un second temps d’appréhender les différences en termes de manières d’habiter, qui se recoupent en réalité fortement. En effet, on peut constater une grande hétérogénéité dans les différents usages du territoire de résidence284 de ces adolescents, ainsi que dans leurs « manières de cohabiter » (Authier J.Y. et Lehman-Frisch S., ibid.), et plus

283

Une commune périurbaine comptant environ 1400 habitants et située au nord de Fontainebleau.

284 C’est-à-dire, au-delà de leurs seules pratiques de mobilité et de leurs usages de l’espace

public local au cours des sociabilités adolescentes, les différents autre usages et lieux fréquentés par les adolescents au sein de leur commune de résidence.

184 globalement dans les rapports qui peuvent s’instaurer aux différents territoires et en particulier à « l’urbain ». En réalité, on peut aisément résumer les différentes manières d’habiter de ces jeunes ruraux à la dialectique de « l’autochtonie » et de la mobilité, que de nombreux auteurs ont déjà mis en évidence (Ripoll F. et Tissot S., 2011 ; Wagner A.C, ibid. ; Fol S, ibid.) et qui parait être particulièrement opérante à Bresson. Le recours au concept « d’autochtonie »285, qui désigne tout autant le fait d’appartenir à des réseaux localisés (Renahy N., ibid.) ainsi que le sentiment d’être reconnue comme « étant d’ici » (Papinot C., 2003), nous permet ainsi de souligner l’importance que peut comporter le territoire de résidence pour une majorité de ces adolescents, notamment dans les ressources sociales et symboliques qu’il peut leur procurer au quotidien ou au travers des nombreux usages qu’ils peuvent en faire. A l’opposé, il s’agira de décrire le rôle que peut tenir la mobilité286 dans le quotidien d’une autre fraction des adolescents de Bresson, leur permettant de mobiliser des ressources sociales et de se dessiner des formes de « reterritorialisation » en dehors de l’espace local. L’intérêt d’objectiver l’hétérogénéité des manières d’habiter adolescentes est dans une autre mesure de montrer dans quelle mesure celles-ci peuvent être fortement fonction des différences de ressources sociales et culturelles familiales, et en particulier être le produit de socialisations parentales. Transparaît au final des formes importantes de différenciations sociales entre adolescents résidant au sein de la même commune de résidence en fonction de leurs milieux sociaux d’appartenance et dans une certaine mesure des trajectoires résidentielles familiales.

285 Ce terme, à l’origine utilisé par l’anthropologie est récemment réapproprié par des

sociologues comme Jean-Noel Retière, Nicolas Renahy, Caroline Mazaud ou encore Anne Catherine Wagner.

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Entendue ici dans un sens particulier, en l’occurrence comme une disposition à la « mobilité non-localiste », et en particulier à réaliser de nombreuses pratiques de mobilité en dehors du territoire de résidence.

185 1- L’autochtonie : l’importance du territoire de résidence.

a) Le rôle central des ressources sociales de la proximité.

Au-delà d’une vision de la mobilité uniquement représentée en termes d’accessibilité à des aménités et à des services fonctionnels, d’ailleurs la plupart du temps « urbains » (Fol S. et Gallez C., 2012), qui conduit ainsi à considérer généralement les mobilités des jeunes ruraux en termes de contraintes et de risques d’enclavement, l’objectivation de la « mobilité de l’ancrage » comme figure de mobilité centrale pour la jeunesse de Bresson, permet de souligner le rôle central que tient le territoire de résidence dans les processus de socialisation d’une majorité de ces adolescents résidant en milieu rural, et en particulier dans l’apprentissage de leur mobilité. En effet, de nombreux auteurs ont déjà montré que, loin d’être exclusive aux catégories les mieux dotées en ressources sociales et culturelles, la mobilité constitue une ressource qui peut être particulièrement bien maitrisée par des populations n’appartenant pas aux groupes dominants, et notamment parmi les plus précaires (Tarrius A., 2001 ; Jouffe Y., 2007 ; Bouillon F., 2003). Il semble de la même manière que ces adolescents résidant en milieu rural fassent preuve d’une « maitrise stratégique »287 de leur mobilité quotidienne dans l’ancrage, et qui leur permet au final de mobiliser au mieux les nombreuses ressources sociales et symboliques de la proximité, et en particulier des relations amicales adolescentes. Ainsi, le territoire de résidence, à défaut de constituer pour ces adolescents un espace de l’isolement ou de la captivité, est un territoire qui se caractérise pour eux par une grande richesse des relations sociales, et ainsi Bresson, à rebours des représentations qui peuvent être véhiculées sur les territoires ruraux contemporains288, semble se caractériser par une assez grande vitalité des formes de sociabilités adolescentes. C’est ce qui est ressorti dans les propos de nombreux

287Pour reprendre l’expression de Yves Jouffe (Jouffe Y. ibid.) 288

Le plus souvent comme étant des territoires « vieillissants » et uniquement caractérisés par des sociabilités entre adultes et en particulier entre personnes âgées. Sur les représentations stigmatisantes dont peuvent faire l’objet les territoires ruraux contemporains, Cf. Mischi J. et Renahy N., « Pour une sociologie politique des mondes ruraux », Politix, n°83, 2008.

186 de ces adolescents, où sont d’un côté particulièrement mises en avant ces nombreuses ressources juvéniles de la proximité et l’intensité que peuvent prendre les sociabilités adolescentes dans la commune, et de l’autre souvent déniées les nombreuses contraintes que le fait de vivre dans un « désert fonctionnel et culturel » peut comporter à cet âge. Ces nombreuses sociabilités adolescentes entretenues à l’échelle locale donnent ainsi chez la plupart naissance à un sentiment d’appartenance à un « nous » collectif, en l’occurrence au groupe social de la jeunesse local, qui permet de s’opposer à un « eux »289 plus large qui désigne à la fois les jeunes de la commune ne prenant pas part aux sociabilités adolescentes locales et de manière générale ceux originaires de « l’extérieur ». C’est ce qu’on peut illustrer avec les propos de Mathieu (16 ans) :

Extrait d’entretien avec Mathieu, le 02.03.2011 :

- Enquêteur : « Au final, j’ai l’impression que la plupart des jeunes aiment bien habiter ici non ? »

- Mathieu : « Ben oui parce que même si c’est « paumé » Bresson et que y’a pas grand chose à faire, au moins y’a les potes ici alors qu’en ville, enfin j’en sais rien, mais je pense t’es plus isolé. Apres moi je sais que je me suis jamais ennuyé ici, dès que tu sors ici, y’a toujours quelqu’un avec qui discuter ou quelqu’un pour se taper un foot. Ou de toute façon, t’appelles les potes et hop en moins de deux ils sont chez toi… Et puis, globalement, nous les jeunes de Bresson on s’entend tous bien donc c’est aussi ça qu’est cool ici, parce que voilà on a tous plus ou moins grandi ici, on se connait tous, donc on arrive à bien s’amuser ensemble »

Plus encore, il est apparu que nombre de ces adolescents pouvaient disposer d’une majorité de leurs relations sociales à l’intérieur de la commune de résidence, ne possédant au final que très peu de sociabilités adolescentes en dehors de cet espace local. La distinction opérée par Mark Granovetter entre liens forts et liens faibles se révèle être particulièrement opérante ici (Granovetter M., 1973) : Elle

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Pour reprendre la dichotomie entre « eux » et « nous » mise en évidence par Richard Hoggart, comme caractéristique forte de l’ethos des classes populaires (Hoggart R., 1970).

187 permet en effet de différencier le cercle restreint de liens forts que possèdent ces adolescents (les « copains » et les « potes »), essentiellement constitué des pairs habituellement fréquentés sur la scène résidentielle durant le temps libre, d’un cercle plus large de liens faibles, c’est-à-dire l’ensemble de leurs connaissances secondaires qu’ils fréquentent en dehors de l’espace local et en particulier sur la scène scolaire. Cela permet dans une autre mesure d’éviter l’écueil qui considérerait le relatif isolement social de ces jeunes ruraux au sein de leur territoire de résidence. En effet, bien qu’ils apparaissent être fortement centrés sur leur groupe de pairs local durant le temps libre, ils s’avèrent fréquenter par ailleurs de nombreux autres adolescents en dehors de leur territoire de résidence au cours de la semaine, et notamment au collège ou au lycée. C’est par exemple ce qu’on peut montrer avec l’exemple de Fabien (17 ans) :

Extrait d’entretien avec Fabien, le 10.03.12 :

Enquêteur : « Et du coup tes potes du lycée tu les vois jamais le week-end ?

Fabien : « Nan, on se voit suffisamment pendant la semaine rires …Si si ils sont sympas, je

m’entends bien avec eux mais la plupart de mes potes ils sont ici voir même tous … on se connait tous depuis assez longtemps, du coup on est tout le temps en train de traîner ensemble …enfin j’en ai aussi un peu à côté, à Oncy, à Larchant et encore je les vois pas souvent, mais ceux du lycée c’est que sur Facebook, pas plus.

De manière générale, cela nous semble dénoter le rôle central que peut tenir la scène locale dans la construction des sociabilités de ces jeunes ruraux majoritairement issus des classes populaires. Un nombre important de travaux ont en effet pu témoigner du rôle central de la proximité dans les relations sociales des classes populaires (Bacqué M.H. et Sintomer Y, 2002 ; Bonvalet C., 2003 ; Fol S., 2009 ; Retière J.N., 2003, Schwartz O., ibid.) et en particulier pour les jeunes et adolescents résidant en milieu urbain (Lepoutre D., ibid. ; Beaud S., ibid. ; Mohamed M. ibid.). On retrouve ainsi à de nombreux égards des logiques similaires en milieu rural puisqu’une grande majorité des adolescents de Bresson caractérisés par cette « mobilité d’ancrage » s’avère être issue de ménages appartenant aux classes

188 populaires, en l’occurrence les « petits-moyens », les classes populaires « marginalisées » ainsi que les « catégories traditionnelles rurales » de la commune (Cf. chapitre 3). On a ainsi pu dénoter le style fortement populaire développé par ces adolescents dans leurs sociabilités réalisées à l’échelle locale, en l’occurrence au travers de leur goût prononcé pour la « sociabilité de voisinage » et de leur préférence pour la présence au sein de l’espace public en compagnie du groupe de pairs, souvent décrites pour les jeunes résidant dans les grands ensembles urbains (Lepoutre D., ibid. ; Beaud S. ibid. ; Oppenchaim N., ibid.). Il se dénote de la même manière au travers de leur goût pour la « sociabilité directe », caractéristique forte des relations sociales entretenues par les classes populaires (Barbichon G., 1982 ; Retière J.N., 2003 ; Schwartz O., ibid.), ainsi que dans un certain familialisme de leur part, c’est-à-dire de la place importante qui peut être attribuée chez certains aux liens de parentés dans l’entretien de leurs sociabilités. Cela nous a particulièrement marqué chez Ludovic qui possède déjà de nombreux membres de sa famille au sein de son territoire de résidence290 et qui fréquente en particulier régulièrement deux de ses cousins plus âgés291 résidant à Oncy, un village voisin de Bresson. Enfin, signe que cet ancrage dans les réseaux de sociabilités est fortement structurant pour ces jeunes ruraux, il apparaît être indépendant d’un quelconque « effet d’âge » et ainsi perdurer tout au long de l’adolescence, étant encore fortement structurant du côté des plus âgés. Néanmoins, on l’a déjà souligné, on peut noter une certaine diversification des réseaux de sociabilités locaux à partir d’un certain âge, dès lors que ces jeunes de Bresson commencent à fréquenter de manière régulière des adolescents résidant dans les villages voisins (Cf. chapitre 5).

Néanmoins, la construction de ce localisme dans les sociabilités de ces adolescents, si elle dans une certaine mesure caractéristique des adolescents issus des classes populaires, doit d’un autre côté être replacée dans les spécificités du contexte rural, et notamment en rapport avec la petite taille de leur commune de résidence. En effet l’interconnaissance résidentielle apparaît être fortement structurante pour les jeunes de Bresson, en particulier pour ceux qui ont passé leur enfance au village et qui disposent d’un fort degré d’autochtonie. Elle induit ainsi une

290En l’occurrence un oncle dans la commune et ses grands-parents dans un village voisin. 291

189 certaine familiarité entre la plupart des adolescents et caractérise de manière générale l’entretien de rapports personnalisés avec la plupart des habitants de la commune. Transparaît notamment tout le poids des liens existants entre familles sur la scène résidentielle (Cf. chapitre 3) ainsi que le rôle de l’école primaire municipale dans l’ancrage que ces adolescents ont progressivement pu développer dans leur réseaux de sociabilités. En effet, la scolarisation au sein de l’école communale est revenue dans les propos de nombreux adolescents interrogés et apparaît ainsi être un élément essentiel de la socialisation enfantine de ces jeunes ruraux. Faisant à de nombreux égards figure d’une véritable école rurale, du fait de ses faibles effectifs, de ses classes de différents niveaux (Cf. chapitre 3) ou encore de la proximité qui peut exister avec les enseignants292, elle nous a souvent été présentée comme le lieu privilégié où se sont établies les principales sociabilités encore entretenues aujourd’hui sur la scène résidentielle, et de manière complémentaire, à partir duquel ont été réalisées les premières expériences d’auto-mobilités. C’est ce que nous a notamment expliqué Robin (13 ans) :

Extrait d’entretien avec Robin, le 25.06.2011 :

« Ben c’est clair qu’on garde tous un bon souvenir de l’école ici je pense. En fait c’est quand t’arrive au collège que tu comprends qu’en fait c’était cool rires . On était tranquille, y’avait pas de compétition, on se connaissait tous quoi. Et puis c’est là où j’ai rencontré la plupart des potes avec qui je traine aujourd’hui, parce tu regardes David, même s’il était plus grand, on se voyait tout le temps à la récré. Et du coup par rapport à Blanche de Castille [ ndlr : le collège de La Chapelle la Reine], on avait carrément plus de libertés : les maitresses étaient sympas, des fois elles nous laissaient même aller dans le champs derrière l’école pendant la récré, tant qu’on allait pas trop loin… ou même le soir quand on avait fini, on était censé revenir chez nous mais en fait on en profitait pour traîner dans la rue et pour s’amuser alors que maintenant on pas le choix, c’est le bus quoi ».

Ainsi, en ce qui concerne ces jeunes ayant grandi dans la commune, une grande partie de leurs réseaux de sociabilités actuels apparaissent être hérités de

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On a notamment pu mesurer la grande familiarité qui pouvait encore exister chez certains adolescents avec leurs anciennes institutrices, notamment à l’occasion des vides-greniers.

190 l’enfance et ainsi se prolonger durant l’adolescence. Néanmoins, cette ancienneté résidentielle, si elle est peut apparaître centrale, ne semble pourtant pas constituer une condition déterminante quant au degré d’intégration des adolescents au sein du groupe social de la jeunesse locale, puisque on a ainsi pu rencontrer certains adolescents récemment installés à Bresson qui ont par ailleurs réussi à se « construire une autochtonie » sur la scène locale (Papinot C., 2003). Cela a particulièrement été le cas de Séverine (16 ans) et de son frère William (13 ans), qui bien qu’ils se soient installés à Bresson il y a environ deux ans et demi, ont réussi à se développer un réseau relationnel dense sur la scène locale, au travers des nombreuses pratiques de mobilité qu’ils ont pu mettre en œuvre sur la scène résidentielle. Issus d’une famille d’origine populaire et anciennement résidents d’une cité de grands ensembles à Corbeilles-Essonnes, cela nous semble dénoter l’existence chez eux de véritables compétences relationnelles dans les sociabilités adolescentes et en particulier une aisance à entretenir des sociabilités de type populaire, ce qui leur a permis ici, dans ce contexte rural et populaire, de se recréer assez rapidement au niveau local un réseau de pairs relativement important. C’est ce que nous a confié Séverine lors du premier entretien que nous avons réalisé avec elle, quelques mois après son installation :

Entretien avec Séverine, le 07.07.2010 :

- Enquêteur : « Et ça pas été trop dur pour toi de t’intégrer ici ? de te refaire des copines ? »

- Séverine : « Au début quand on s’est installé, j’ai eu un peu peur, j’avais pas mal de mauvaises représentations sur les jeunes qu’habitent à la campagne on va dire (rires). Mais en fait ça a été. En fin de compte les jeunes ici ils sont un peu pareil qu’aux Tarterets, sauf peut-être qu’ils créent moins de problèmes… Enfin bien sûr que y’a des différences parce que ici c’est un village mais après globalement ils ont les mêmes intérêts, les mêmes délires quoi [] Au début j’ai commencé à fréquenter les plus jeunes par l’intermédiaire de mon frère, genre Karim et Alexandre, puis après j’ai commencé à connaitre Jessica et Margaux dans le bus du collège, on a commencé à discuter ensemble et maintenant on traine tout le temps ensemble, donc voilà, ça pas été trop compliqué. »

191 Enfin, l’ancrage que peuvent avoir ces adolescents d’origine populaire et autochtones dans leurs ressources sociales ne se remarque pas seulement dans les sociabilités qu’ils entretiennent avec leurs pairs, mais aussi dans la fréquentation, plus occasionnelle, d’adultes sur la scène résidentielle au cours de leur temps libre. Cela nous semble d’ailleurs constituer à de nombreux égards une spécificité du milieu rural, notamment en comparaison des grands ensembles urbains qui se caractérisent semble-t-il par une plus grande distance et plus encore une certaine conflictualité entre adultes et jeunes (Chamboredon J.C et Lemaire M. ; Lepoutre D., ibid. ; Mohamed M. ibid. ; Calogirou C.,1997), sans doute plus encore à Bresson du fait de la petite taille de la commune et de la proximité existence entre ménages qui tendent à favoriser parfois une plus grande proximité entre générations. Ces sociabilités qui sont parfois entretenues avec les adultes de la commune, en l’occurrence avec des adultes avec qui ils ne partagent pas de liens de parenté, nous ont en réalité semblé concerner essentiellement les garçons, sans doute du fait de la nature des activités pratiquées. Il s’agit en effet en premier lieu des différentes activités de « bricoles »293 auxquelles ces jeunes garçons peuvent prendre part en dehors du cadre familial, ce qui permet de mettre en évidence ici le fait que les adolescents de la commune, loin de rester à l’écart, s’intègrent parfaitement aux « réseaux d’échange non-monétaires » locaux (Cf. chapitre 3), auxquels ils nous ont semblé être nombreux à participer. A cet égard, l’exemple de Enzo (14 ans) est particulièrement intéressant. Nous ayant souvent apparu assez peu intégré au groupe de la jeunesse locale, ne réalisant qu’à de rares occasions des mobilités en compagnie des adolescents de la commune, il s’avère passer une grande partie de son temps libre à effectuer des activités de « bricoles », d’une part pour « travailler à l’atelier » afin d’aider son père artisan dans le cadre de son activité professionnelle294, mais aussi quelques fois chez d’autres habitants de la commune. On peut notamment dénoter dans ses propos une forte valorisation de ce « sur- travail »295, fortement caractéristique des hommes appartenant aux milieux populaires (Weber F., ibid. ; Schwartz O., ibid.), et qui explique la distance qu’il peut

293

En référence aux travaux de Florence Weber (Weber F., ibid.).

294 En effet, son père s’avère être maçon et posséder une entreprise dans ce domaine au

sein de la commune qui compte deux autres salariés.

295

Pour reprendre une expression de Florence Weber. Cela désigne le travail réalisé « à côté », en dehors des heures de travail, et en l’occurrence ici en dehors des heures de scolarisation et qui constitue à de nombreux égards une forme de « réalisation personnelle » (Weber F., ibid.).

192 avoir avec le groupe de la jeunesse locale et en particulier avec la « culture adolescente contemporaine » (Galland O., ibid.):

Extrait d’entretien avec Enzo, le 25.03.2012 :

-Enquêteur : « J’ai l’impression que tu préfères plus aider ton père que de sortir dehors non ? »