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Chapitre 1. Eléments théoriques et construction de la problématique de recherche.

B- Adolescence et socialisation

1- L’adolescence : L’émergence d’un nouvel âge de la vie.

Si les notions de « jeunesse » et en particulier de « jeunesse rurale » sont historiquement présentes dans les sciences sociales et en particulier en sociologie de la jeunesse, émerge depuis plusieurs années une nouvelle catégorie d’analyse, en l’occurrence l’adolescence. Celle-ci donne lieu à un nombre de plus en plus important d’études, surtout en sociologie quand la géographie « rechigne » encore quelque peu à l’utiliser, et est devenue de la même manière centrale dans notre travail de recherche. Le succès de cette notion s’explique en particulier par le fait que l’adolescence constituerait un nouvel âge de la vie (Galland O., 2010 ; De Singly F., 2006) dont l’émergence serait liée aux transformations du « processus d’entrée dans la vie adulte » qui caractérise la jeunesse contemporaine et en particulier à son processus d’allongement (Galland O., 2010 ; Van de Velde C., 2008). Les deux notions sont pourtant loin d’être analogues. L’adolescence constitue en effet une période spécifique et constitutive de la jeunesse, située entre la fin de l’enfance et le début de l’âge adulte symboliquement atteint à la majorité, alors que la jeunesse commence avant et se prolonge après l’adolescence, incluant ainsi tout autant l’enfance que la « post-adolescence »23 (Galland O., 2001). L’adolescence est en particulier plus souvent associée à des traits culturels spécifiques depuis les travaux de Talcott Parsons24 (Parsons T., 1942) et renvoie en particulier à l’existence d’une sous-culture générationnelle spécifique dont de nombreux auteurs se sont attachés à décrire les caractéristiques ces dernières années (Galland O., ibid ; Pasquier D., 2006 ; Metton Gayon C., 2009 ; Glévarec H., 2005). Plus encore, la catégorie de jeunesse renvoie davantage à un statut symbolique et à une catégorie socio- démographique tandis que l’adolescence est davantage à concevoir comme une expérience sociale et comme un processus qui marque notamment le passage du statut d’ « objet » au statut de « sujet » social (Cuin C.H., 2011). En effet,

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Notamment incarnée par la période étudiante (Galland O., 2003).

24Qui a été le premier à mettre en évidence l’existence d’une « culture jeune » (Parsons T.,

37 l’adolescence est une période qui à de nombreux égards consacre pleinement les processus de socialisation et qui à ce titre est marquée par de nombreux changements identitaires. Elle correspond plus précisément à une phase de « socialisation transitionnelle »25, située entre la « socialisation primaire » inhérente à l’enfance, et la « socialisation secondaire » constitutive de l’âge adulte (Berger P. et Luckmann T., 1966), durant laquelle se construisent peu à peu les manières d’être et d’agir qui vont progressivement devenir durables à l’aune de l’âge adulte. Cet âge de la vie se définit en particulier par une autonomie croissante vis-à-vis des instances de socialisation traditionnelles que représentent la famille et l’école et par une ouverture progressive à l’influence d’agents socialisateurs extérieurs. De nombreux auteurs ont en particulier mis en évidence l’influence grandissante des pairs dans la socialisation adolescente contemporaine, qui remplissent ainsi à cet âge la fonction « d’autruis significatifs » (Cichelli V., 2008) et qui participent de la découverte de nouveaux horizons normatifs (Pasquier D., ibid ; Moulin C., 2005 ; Metton Gayon C., ibid). Cela explique ainsi le rôle central que peut avoir le temps libre à l’adolescence, en l’occurrence le temps dégagé des contraintes institutionnelles et familiales où l’adolescent peut faire l’expérience de la liberté de ses actions et de ses sociabilités et en particulier l’expérience de la « subjectivation » (Zaffran J., 2010). La spécificité de la socialisation adolescente contemporaine ressort ainsi fortement des nombreuses études inhérentes à cet âge de la vie qui ont émergé ces dernières années et en particulier depuis les années 2000, notamment autour du rôle que peuvent y jouer les technologies de la communication (Metton-Gayon C., ibid ; Glévarec H., 2010) ou des spécificités qui peuvent caractériser les pratiques et goûts culturels durant cette période (Pasquier D., ibid ; Moulin C., ibid ; Glévarec H., 2005). Néanmoins, on peut regretter que parmi ce nombre important de travaux, qui se sont de manière générale attachés à définir les caractéristiques générales de ce sous- groupe social spécifique, très peu se soient intéressées à questionner les différences qui le traversent. La question de l’adolescence reste ainsi encore très peu abordée selon une approche territorialisée, à part, pour ce qui est des quartiers urbains défavorisés, les enquêtes de David Lepoutre et Nicolas Oppenchaim (Lepoutre D., 1997 ; Oppenchaim N., 2011) ou encore en milieu périurbain avec le travail de Marie

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Pour reprendre l’expression de Louis Chauvel, « Génération sociale et socialisation transitionnelle : Fluctuations cohortales et stratification sociale en France et aux Etats-Unis au XXe siècle », Thèse H.D.R, 2003.

38 Goyon (Goyon M., 2008) alors que la question de l’adolescence rurale n’a encore jamais été posée (Cf. sous-partie A).

2- Une approche particulière de la socialisation.

La notion de socialisation donnant lieu à de nombreuses conceptions théoriques et définitions en sociologie (Dubar C., 2003 ; Darmon M., 2010), on choisit ici de se référer en grande partie à la conception meadienne de la socialisation (Mead G.H., 2006) qui à de nombreux égards nous semble être la mieux adaptée pour objectiver ce qui se déroule durant l’adolescence. En premier lieu, cette approche présente en effet une vision dynamique de la socialisation, en l’occurrence qui prend en compte le rôle du temps et en particulier de l’avancée en âge dans la construction de soi à cet âge : elle permet ainsi de proposer une définition processuelle de la socialisation, qui se construit ainsi pas-à-pas et au cours des expériences quotidiennes de l’individu. De manière complémentaire, Mead a l’intérêt de placer l’interaction au cœur de sa vision des processus de socialisation, ce qui permet notamment de mettre au jour les influences mutuelles qui s’exercent entre les êtres sociaux, en particulier la socialisation réciproque qui peut s’exercer entre pairs à l’adolescence, dans l’intériorisation des normes ou encore dans la construction de l’identité. La socialisation meadienne est ainsi avant tout à concevoir comme un processus social qui se réalise dans l’interaction avec autrui. Plus précisément, G.H.Mead met en évidence l’existence de deux phases successives à l’intérieur du processus de socialisation qui nous semblent être fortement opérantes en ce qui concerne la socialisation adolescente contemporaine. La socialisation passe d’abord par une phase « d’identification à l’Autrui généralisé26 » au cours de laquelle l’individu fait progressivement l’acquisition des règles, normes et conduites du monde extérieur et public, en l’occurrence ce que Mead appelle « l’Emergence du Moi ». Elle caractérise ainsi pour l’adolescent l’apprentissage des normes et règles inhérentes à la vie sociale et marque sa conformité aux différents groupes sociaux27 qu’il

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Ce qui correspond à la communauté ou encore plus largement à la société.

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39 fréquente ainsi que de manière générale à la société. A cette phase succède peu à peu un processus de « Reconnaissance du Soi », en l’occurrence ce que Mead a appelé « l’Emergence du Je », qui marque à l’inverse la singularisation de l’Individu au sein de ses différents groupes d’appartenance. C’est lors de cette phase que l’adolescent devient véritablement acteur de son groupe d’appartenance et plus largement de la société et marque ainsi pour lui l’émergence de son identité individuelle et sociale. On retrouve ces deux dimensions de la socialisation dans les travaux plus contemporains de Claude Dubar lorsqu’il met en évidence d’un côté une dimension d’apprentissage des normes et des valeurs sociales et culturelles, de l’autre un processus de construction des identités sociales, la socialisation allant ainsi de pair chez Mead comme chez Claude Dubar avec un processus d’individualisation (Mead G.H, ibid; Dubar C., 2003), et qu’il s’agira ainsi d’interroger en ce qui concerne l’adolescence.

De fait, cette conception meadienne de la socialisation apparaît être fortement présente dans les nombreuses études récentes qui portent sur la socialisation adolescente contemporaine, dès lors notamment qu’elles cherchent à mettre en avant le rôle exercé par les pairs dans l’apprentissage des normes et valeurs chez les individus, donnant lieu à cet égard à un certain conformisme qui serait caractéristique de l’adolescence contemporaine souligné par certains auteurs (Pasquier D., ibid ; Moulin C., ibid), ou encore le rôle central joué par les identités symboliques et éphémères créées à l’intérieur des groupe de pairs dans la construction de soi à cet âge. Pourtant ces études nous semblent trop souvent négliger le poids que peut comporter la socialisation primaire chez les adolescents et ainsi les fortes différences sociales qui peuvent aujourd’hui structurer le groupe social de l’adolescence28, faisant ainsi comme si l’adolescence constituait une sorte de période de « hors-jeu social » qui serait à l’abri de tous les mécanismes sociaux qui structurent la société. A l’opposé, il nous semble que l’adolescence constitue une période décisive dans la construction des différenciations sociales entre individus quand l’enfance est à l’inverse souvent présentée comme étant un âge de la vie

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A part nous semble-t-il dans le travail de Dominique Pasquier qui parvient à mettre en évidence à l’intérieur de la culture adolescente contemporaine, les fortes différences qui peuvent exister entre une culture populaire et une culture bourgeoise (Pasquier D., ibid).

40 marquant une certaine homogénéisation sociale29. Ainsi, si la posture interactionniste permet d’un côté de considérer le rôle central joué par « autrui », en l’occurrence par les individus étrangers à la sphère familiale et en particulier par les pairs dans la socialisation adolescente, à la fois dans l’intériorisation des normes et des valeurs mais aussi dans la construction de l’identité, il convient d’un autre côté de ne pas négliger l’influence que peut avoir la socialisation primaire dans les processus de construction de soi des adolescents contemporains, en particulier dans l’incorporation durable « d’habitus », c’est-à-dire de manières d’être et d’agir socialement situées (Bourdieu P»,1980) 30. Cela permet en outre de rappeler que la société française contemporaine constitue encore aujourd’hui une « société de classes »31, caractérisée par la persistance de fortes différences et inégalités sociales (Schwartz O., 1998 ; Mauger G., 2006 ; Chauvel L., 2001), qu’on retrouve de la même manière au sein du groupe social de la jeunesse (Beaud S., 2011) et auxquelles l’adolescence n’a ainsi aucune raison d’échapper. C’est la raison pour laquelle nous nous efforcerons tout au long de la phase de restitution de nos résultats de recherche d’articuler ces deux visions de la socialisation avec d’un côté une conception meadienne et interactionniste de la socialisation et de l’autre une approche plus structurelle des processus de socialisation qui notamment accorde du poids aux appartenances familiales et sociales des adolescents. Cette dernière approche de la socialisation est d’autant plus intéressante à interroger quand on connait la composition sociale des territoires ruraux contemporains et en particulier la nouvelle diversité sociale qui peut les caractériser puisque, s’ils sont marqués encore par une forte assise populaire, émergent de plus en plus des populations issues des

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Bien qu’un certain nombre d’études récentes se soient attachées à mettre en évidence l’existence de différences sociales déjà structurantes à cet âge. Sur ce sujet, voir notamment le numéro spécial de la revue Politix consacré à ce thème (« Différencier les Enfants »,Politix, n°99, 2012) ou encore le travail de Jean-Yves Authier et Sonia Lehmann- Frisch sur les manières d’habiter des enfants résidants dans des quartiers gentrifiés urbains (Authier J.Y. et Lehmann-Frisch S., « Variations sur un thème : Les manières d’habiter des enfants dans les quartiers gentrifiés à Paris, Londres et San Francisco », Métropoles, n°11, 2012).

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Claude Dubar revient notamment sur cette approche particulière de la socialisation, d’inspiration bourdieusienne, qui a en particulier pour vocation de mettre en évidence les différences sociales qui existent dans les processus de socialisation des individus (Dubar C., ibid).

31 Pour reprendre l’expression de Olivier Schwartz dans « Vivons encore dans une société

41 classes moyennes voire supérieures dans leur démographie (Cf. sous-partie précédente).

3- Les écueils à éviter sur l’adolescence.

De la même manière que pour ce qui concerne les territoires ruraux, le fait de travailler sur l’adolescence peut donner lieu à différents écueils qu’il est important d’inventorier afin de les d’éviter. Le premier d’entre eux concerne nous semble-t-il le thème redondant de la « crise adolescente » qui peut parfois apparaître dans certaines études sociologiques sur les adolescents et qu’il convient de balayer. En effet, comme le souligne Charles-Henri Cuin, l’adolescence en est trop souvent réduite à cette « fameuse crise » qui est ainsi présentée comme lui étant consubstantielle (Cuin C.H., ibid), laissant notamment la place à des analyses purement psychologiques, qui ont tendance à mettre en avant l’existence de supposés « troubles de la socialisation » chez la plupart d’entre eux. A l’inverse, il nous paraît important de persister à porter un regard proprement sociologique sur l’adolescence et de considérer, comme le souligne notamment Caroline Moulin, que cet âge de la vie constitue avant tout une période de tâtonnements et d’expérimentations, inhérents à l’apprentissage des normes et conduites de la vie sociale (Moulin C., ibid), où en quelque sorte l’individu est amené à se tester pour pouvoir mieux se situer, et qui induisent de nécessaires écarts par rapport aux normes adultes et dominantes. Cela permet ainsi de sortir de la vision d’une adolescence qui inquiète, forcément déviante et dont il faudrait ainsi canaliser les « pulsions » et les «troubles », pour adopter à l’inverse une approche compréhensive des processus de construction de soi durant cet âge de la vie. Cette perspective compréhensive invite en particulier à penser les ressources et les contraintes, à la fois sociales et familiales ou encore relationnelles, qui viennent à chaque fois se poser pour eux ainsi que le sens qu’ils accordent à leur propre processus de socialisation et à leur itinéraire adolescent, permettant ainsi de s’écarter de toute vision normative de la socialisation adolescente à laquelle on a parfois à faire dans certaines études.

42 D’un autre côté, il convient de se méfier du procédé opposé, en l’occurrence dès lors que sont véhiculées des représentations particulièrement positives et « enchantées » sur l’adolescence qui transparaissent de la même manière dans de nombreuses analyses en sociologie de la jeunesse. Olivier Galland a ainsi déjà montré que la jeunesse est une catégorie construite socialement32 qui, depuis le 19ème siècle notamment, est associée à l’idée de modernité et qui à ce titre est parée de nombreuses vertus (Galland O., 2011), comme cela nous semble être de la même manière le cas aujourd’hui pour l’adolescence. Cette dernière, plus encore que la jeunesse, est en effet aujourd’hui souvent considérée comme porteuse de changement social, à la fois parce que comme le souligne Olivier Galland, elle constitue « l’avenir de la société et qu’elle en porte au plus haut son idéal » (Galland O., ibid), devenant ainsi une classe fortement « mobilisante » dans laquelle sont placées de nombreuses attentes. Ces dernières conduisent nous semble-t-il à fortement réifier ce qu’est l’adolescence et à véhiculer de nombreux stéréotypes sur cet âge de la vie qui ont tendance à fausser les analyses qui en sont faites et en particulier sur les processus de socialisation des individus à cet âge. Cela transparaît notamment autour de l’image d’une adolescence considérée comme un âge de « latence sociale », où les individus jouiraient de nombreux privilèges éphémères, en ayant notamment accès à une grande liberté ainsi qu’à des formes culturelles et de sociabilités spécifiques, qui trancherait ainsi fortement avec la dureté qui caractériserait l’âge adulte. Cette représentation, si elle comporte indéniablement une part de vérité, notamment dès lors qu’on considère les effets qu’ont pu avoir le processus de démocratisation scolaire sur la socialisation juvénile depuis plusieurs décennies33, oublie d’un autre côté de penser l’envers du décor de l’adolescence contemporaine, en l’occurrence les importantes différences sociales (Cf. paragraphe précédent) tout autant que les mécanismes de domination qui peuvent structurer ce groupe social. A cet égard, on peut souligner les apports des études récentes de Dominique Pasquier ainsi que de Céline Metton-Gayon qui, à contre-courant de ces représentations, ont su mettre en évidence les logiques de différenciation et de

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Rejoignant à cet égard les propos de Pierre Bourdieu dans « La jeunesse n’est qu’un mot », 1978.

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Sur ce point, voir notamment Stéphane Beaud (Beaud S., « 80% au bac et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire », 2003).

43 distinction internes au groupe de l’adolescence, et ainsi dépeindre le tableau d’un univers adolescent contemporain avant tout caractérisé par de multiples tensions et par une certaine violence symbolique (Pasquier D., ibid ; Metton-Gayon C., ibid). Cela nous semble dans une autre mesure procéder de la vision particulièrement ethnocentrique de l’adolescence qui apparaît être prédominante aujourd’hui, en particulier autour de la figure « bohémienne » adolescente et toujours à l’avant pointe de la modernité qui est souvent mise en avant34, mais qui s’avère être en réalité fortement calquée sur le modèle des adolescents urbains et issus des classes moyennes et supérieures, et dont la force réside dans sa capacité à occulter la diversité des adolescences existantes aujourd’hui, tant dans ses composantes sociales que territoriales. Elle parvient en particulier à dissimuler l’existence d’une adolescence populaire dont les conditions de socialisation restent encore à bien des égards distincts et, parmi elle, celle d’une adolescence rurale. Au final, on peut résumer notre propos ici en rappelant la mise en garde qu’avait déjà fait Jean Claude Chamboredon en 1966, en l’occurrence l’importance de ne pas tomber dans « l’illusion de l’homogénéité », à la fois sociale et culturelle, de la jeunesse et plus particulièrement pour ce qui nous intéresse de l’adolescence (Chamboredon J.C., 1966).

Enfin, il est important de souligner que la socialisation, notamment à l’adolescence, est un processus qui à de nombreux égards s’avère être complexe à objectiver et dont il est ainsi particulièrement difficile d’appréhender toutes les facettes et logiques. En témoigne les nombreuses interprétations théoriques de la socialisation existantes qu’on a déjà pu évoquer auparavant, qui se résument notamment selon une opposition entre un courant interactionniste et un courant structuraliste qu’a déjà mise en évidence Claude Dubar (Dubar C., ibid) et qu’on retrouve par transposition au sein des études portant sur les jeunes et les adolescents. De la même manière, cela se remarque dans la forte spécialisation qui existe à l’intérieur du champ des études portant sur la socialisation juvénile, et ainsi de la diversité des thèmes qui sont abordés, du domaine scolaire, en passant par les loisirs jusqu’aux études qui portent plus spécifiquement attention à la dimension

34 Elle s’inscrit notamment dans la continuité de la figure de « l’étudiant bourgeois » que

44 territoriale de la socialisation des individus à cet âge. Cela permet ainsi de ne pas tomber dans l’illusion d’une objectivation exhaustive de la socialisation des adolescents de laquelle le chercheur doit d’emblée s’écarter et ainsi de comprendre que notre travail de recherche ne nous permettra d’accéder de manière fine qu’à une dimension spécifique des processus de construction de soi des adolescents ruraux alors que tout un autre pan important nous en échappera. La référence à un auteur classique sur le sujet, en l’occurrence Fréderic Thrasher, qui a été l’un des premiers sociologues à travailler sur la jeunesse au début du 20ème siècle, permet de rappeler la complexité qui peut caractériser les processus de socialisation juvénile. Thrasher a en effet mis en évidence la tridimensionnalité qui caractérise la socialisation à cet âge, entre la famille, l’école et la « rue » (Thrasher F.M., 1927), et ainsi toute la difficulté qu’il peut y avoir à l’objectiver. En même temps, si notre thématique de recherche va nous amener durant la phase de restitution des résultats à s’intéresser spécifiquement à ce qui se joue pour ces adolescents au sein du domaine public et durant leur temps libre35, l’héritage de Thrasher nous incite toutefois à ne pas négliger au cours de notre étude les autres dimensions importantes de la socialisation adolescente, et à s’intéresser en complément aux sphères familiale et scolaire des adolescents. Dans une autre mesure, l’adolescence est un âge de la vie qui est scandé par de nombreux changements identitaires, alors qu’on a souvent