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Chapitre 2. Les liens entre mobilité et socialisation des adolescents ruraux : questions de méthodes.

B- La phase exploratoire de l’enquête de terrain.

L’enquête de terrain qui a duré trois ans, ayant débuté au mois de septembre 2009 pour s’achever au début du mois de septembre 2012, s’est déroulée en deux temps successifs : La première phase de recueil des données, qui a consisté en la réalisation d’entretiens avec des adolescents scolarisés dans deux lycées de Seine- et-Marne, a en réalité constitué une phase exploratoire dans notre démarche et servi de support à la construction de notre méthode principale de recueil des données, en l’occurrence une ethnographie localisée, qui s’avèrera plus adaptée à nos questions de recherches et en particulier à l’articulation des problématiques de mobilité et de socialisation à l’adolescence et en milieu rural.

1- Les entretiens dans deux lycées de Seine-et-Marne.

La phase exploratoire de notre méthodologie de recueil des données s’est déroulée de septembre 2009 à janvier 2010. Elle a consisté en la réalisation d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs (n=21) avec des adolescents, âgés de 15 à 19 ans et scolarisés dans deux internats de lycées en Seine-et-Marne. Il s’est agi d’une part du Lycée agricole « La Bretonnière » situé à Coulommiers56, un lycée professionnel qui propose essentiellement des formations en « agriculture », « agronomie » et « services à la personne »57 ; d’autre part du Lycée général et technologique58 « Les Pannevelles » situé à Provins59 qui propose quant à lui des formations principalement en « bâtiment » et « travaux publics ».

Les entretiens semi-directifs ont permis de centrer les propos des adolescents sur différents thèmes : leurs pratiques de mobilité durant le temps libre,

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Coulommiers est une ville située dans le Centre-Est de la Seine-et-Marne à environ 50 km de Paris et comptant 14 000 habitants (R.G.P. 2009)

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Il propose une seconde « générale et technologique » et ensuite des séries technologiques ou professionnelles jusqu’à la terminale.

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Il propose en réalité une seconde « générale et technologique », et ensuite des « séries technologiques » jusqu’à la terminale, principalement spécialisées en bâtiment et travaux publics.

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Provins est une ville située dans le Sud-Est de la Seine-et-Marne, à environ 80 km de Paris et comptant 12 300 habitants environ (R.G.P. 2009).

65 la description de leur territoire de résidence et leur rapport à l’espace social local, la dimension parentale des mobilités et notamment la question de leur contrôle, d’autre part les liens entre les mobilités et les sociabilités adolescentes et enfin leur rapport à leur chambre et notamment les activités et sociabilités dont cet espace est le support. Ces entretiens ont fortement privilégié l’analyse de la dimension « pratique » et spatiale des mobilités, c’est-à-dire des pratiques de déplacements des adolescents, ayant de fait négligé leur dimension « interactionnelle »60 qui sera davantage développée dans la seconde phase de l’enquête. D’autre part, la réalisation de ces entretiens semi-directifs présentait un double objectif : d’une part une comparaison territoriale des mobilités adolescentes, permettant de mettre en évidence l’existence d’un « effet résidentiel », en fonction des divers territoires ruraux (selon leur accessibilité, les densités, leur distance au centre de l’agglomération ect…), mais aussi dans une comparaison avec les territoires urbains et périurbains ; d’autre part une mise en typologie des mobilités adolescentes permettant de formuler un modèle d’explication causal de ces pratiques en fonction de l’influence de différents facteurs : sociaux, familiaux et résidentiels.

Le choix de ces deux établissements comme terrains d’enquête s’est en premier lieu justifié par le fait qu’il s’agit de lycées « excentrés », situés dans deux bourgs de Seine et Marne, dont on a su par ailleurs, après en avoir discuté avec les chefs d’établissement et une partie du personnel encadrant éducatif61, qu’ils sont majoritairement composés de lycéens « ruraux », c’est-à-dire d’adolescents résidant dans des campagnes rurales franciliennes et plus largement dans les territoires périphériques de la région, bien qu’une fraction des lycéens de ces établissements soit d’origine « urbaine » et/ou non francilienne du fait de la forte spécialisation des formations proposées. Mais ces derniers ont d’emblée été exclus de notre échantillon d’étude.

Ensuite, une attention particulière a été portée aux filières de formation lors du choix de ces établissements comme lieux d’enquêtes. En premier lieu, ce choix s’est appuyé sur le présupposé d’un recrutement majoritairement « populaire » de ces

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La définition extensive de la mobilité défendue ici (Cf. chapitre 1) permet de considérer la différence entre les « déplacements » et l’« interaction» qui incorpore une dimension communicationnelle, particulièrement importante à l’adolescence.

66 établissements, de nombreux travaux ayant auparavant mis en évidence la surreprésentation des jeunes des classes populaires dans les lycées professionnels et technologiques62 (Palheta U., 2012 ; Merle P., 2012), et quand on sait par ailleurs que les territoires ruraux (Mischi J., Renahy N., 2008), et particulièrement en Ile-de- France (Berger M., 2004), sont majoritairement peuplés de classes populaires, ouvrières et employées, et que, en particulier, la jeunesse rurale se définit fortement par son ancrage populaire (Galland O. et Lambert Y., 2000). Plus spécifiquement, on a présupposé une surreprésentation des adolescents d’origine « rurale » dans le Lycée agricole de Coulommiers, qui s’est par la suite assez bien vérifié. Une corrélation qui peut se comprendre d’une part par le poids des adolescents issus de familles agricoles dans ces formations63, et plus généralement par une plus grande proximité culturelle, notamment avec une culture paysanne, des adolescents résidant dans les territoires ruraux avec ces métiers de l’agriculture. Concernant le lycée professionnel de Provins, cette surreprésentation des adolescents « ruraux » s’est de la même manière assez bien vérifiée, des études ayant par ailleurs montré que les jeunes en milieu rural ont une plus grande préférence pour la poursuite dans les études professionnelles et technologiques, ce qui s’explique à la fois par la composition sociale de ces territoires mais aussi par la géographie de l’offre de formation, notamment en lien avec la problématique de la sédentarité/migration qui prend corps lors de l’entrée au lycée (Cizeau T., 2011; Arrighi J.J., 2004). Les différences de formation entre les deux établissements ont eu à l’arrivée des conséquences sur la composition de l’échantillon en termes de genre. Si l’ensemble de l’échantillon est caractérisé par une répartition quasi équivalente entre garçons (n=11) et filles (n=10), les garçons interrogés sont majoritairement issus du lycée professionnel de Provins, du fait de la nature des formations proposées, représentées comme étant « manuelles » et donc davantage destinées à un public masculin 64; tandis que les filles interrogées sont essentiellement issues du lycée agricole de Coulommiers du fait notamment de la spécialisation dans les « services à

62Dont font partie les établissements agricoles, bien qu’il y ait eu peu d’études spécifiques à

leur sujet.

63 L’origine familiale agricole étant un facteur prépondérant dans le choix de ces formations

et donc à postériori des métiers agricoles, comme l’ont par exemple montré les travaux de Alice Barthez (1982), Céline Bessière (2003) ou Lucie Alarcon (2008)

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De nombreux travaux, notamment ceux de Paul Willis, ont mis en évidence l’importance de la division « intellectuel/manuel » dans l’orientation scolaire des jeunes, les métiers et donc les formations « manuelles » étant majoritairement destinés aux garçons, et plus particulièrement aux garçons des classes populaires (Willis P., 2011a ; 2011 b)

67 la personne »65, ces formations représentant en réalité la majorité des effectifs lycéens de l’établissement.

Par ailleurs, une caractéristique majeure de cette phase d’enquête exploratoire est qu’elle concerne uniquement des adolescents scolarisés dans les internats de ces lycées, c’est-à-dire logés et encadrés par un personnel éducatif durant toute la semaine au sein de ces établissements scolaires. Les conditions de scolarisation en internat s’avèrent être similaires dans les deux établissements avec la présence d’un dortoir où sont logés les adolescents, d’un réfectoire pour les moments de repas66 , l’aménagement de lieux de détente dédiés et accessibles durant les plages de temps libre après les repas67 et enfin l’existence d’heures de travail personnalisé obligatoires et surveillées le soir à la suite des heures d’enseignement. Ces internats ont ainsi constitué un cadre privilégié pour la réalisation de notre enquête exploratoire. Dans une première mesure, ils ont offert des conditions particulières qui ont facilité le « recrutement » des adolescents interrogés. En effet, ce cadre des internats a rendu possible de nombreuses rencontres et discussions informelles avec les adolescents, afin de leur expliciter notre démarche d’enquête et de recherche, qui ont ainsi souvent débouché sur la réalisation d’entretiens : au lycée de Provins, ces discussions informelles ont surtout eu lieu dans les espaces de détente de l’internat, alors qu’au lycée de Coulommiers elles se sont déroulées dans le réfectoire ou dans les espaces communs de l’établissement, d’ailleurs facilitées par nos interventions durant les heures de travail personnalisés afin d’expliciter notre démarche.

D’autre part, ces internats ont facilité le recrutement des enquêtés du fait des profils résidentiels des adolescents scolarisés en internat. En effet, notre hypothèse de départ selon laquelle les adolescents scolarisés en internat résident majoritairement dans petites communes rurales et excentrées de Seine-et-Marne,

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Ces formations en réalité représentent la majorité des effectifs des lycéens de l’établissement agricole, ainsi caractérisé par recrutement majoritairement féminin.

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Auxquels nous avons pu prendre part à de nombreuses reprises au lycée La Bretonnière de Coulommiers.

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68 s’est assez bien vérifiée puisque on a pu rencontrer un grand nombre d’adolescents relevant de ce profil68. Cela s’explique d’ailleurs assez bien d’une part par le fait que ces établissements offrent des formations assez spécialisées à l’échelle de l’Ile-de- France, et d’autre part parce que l’internat offre une bonne alternative à la réalisation des longs trajets quotidiens domicile-lycée pour les familles résidant dans des villages ruraux excentrés69. Ce motif a été ainsi largement évoqué par les adolescents au cours des entretiens pour justifier leur choix de scolarisation en internat, notamment comme relevant la plupart du temps d’une décision parentale. Un autre profil d’adolescents internes a été rencontré dans ces établissements, en l’occurrence des lycéens en situation de difficultés ou d’échec scolaire. Cela s’explique par le fait que l’internat constitue un cadre privilégié d’encadrement pédagogique en vue d’une inversion ou d’une revalorisation des carrières scolaires des lycéens, alimentées par l’ensemble des représentations qui y sont associées. En réalité, on a pu se rendre compte que ce profil concernait surtout des adolescents d’origine urbaine et issus de familles appartenant aux classes moyennes, c’est la raison pour laquelle ce profil est absent de notre échantillon.

Dans une autre mesure, les internats ont constitué des cadres privilégiés pour la réalisation des entretiens avec les adolescents. En effet, les deux établissements ont eu en commun de nous offrir à la fois des plages de temps et des lieux dédiés à la réalisation des entretiens. Ainsi, au sein du lycée professionnel à Provins, les entretiens ont été réalisés durant une heure consacrée au « travail personnel » durant laquelle les lycéens étaient incités à faire leurs devoirs scolaires70, le soir après les cours, dans un bureau de l’administration mis à disposition par la Conseillère Principale d’Education de l’établissement. Au lycée agricole de Coulommiers, les entretiens se sont à l’inverse déroulés durant une plage de temps libre des adolescents après le repas du soir, dans des salles de cours mis à disposition par les surveillants. Ce cadre nous a ainsi permis de réaliser notre enquête dans un cadre formel tout en ayant l’avantage de nous garantir une certaine

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Particulièrement dans les marges de la Brie seine-et-marnaise et dans le gâtinais.

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Un motif qui a largement été évoqué par les adolescents au cours des entretiens pour justifier leur choix de scolarisation en internat.

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Mais il faut aussi noter que les adolescents avaient aussi le choix de réaliser des activités de loisirs durant cette plage horaire.

69 marge d’autonomie dans notre travail d’enquête et particulièrement dans la réalisation des entretiens.

2- L’objectivation des biais méthodologiques.

Néanmoins, cette phase d’enquête et les méthodes de recueil des données associées comportent de nombreux « biais méthodologiques » (Olivier de Sardan J.P., 2008) qui ont altéré l’analyse de nos questions de recherches, paraissant au final assez inadaptées à l’analyse des liens entre mobilités et socialisation à l’adolescence. Ainsi, l’objectivation de ces nombreux « biais » au cours de cette phase d’enquête exploratoire nous a conduit à modifier profondément notre processus d’enquête et à adopter par la suite une toute autre méthode de recueil des données, en l’occurrence une ethnographie localisée.

a) Les internats.

Le biais le plus évident concerne le fait que cette enquête exploratoire porte sur des adolescents scolarisés en internat. En premier lieu, cela a induit une limitation en termes d’intervalles d’âges de l’échantillon d’étude : en effet, seuls les adolescents âgés de 15 à 19 ans ont ainsi été considérés du fait de la scolarisation en lycée, excluant de fait la préadolescence, âge dont de nombreux auteurs ont par ailleurs souligné l’importance dans les processus de socialisation à l’adolescence (Galland O., 2010 ; Glévarec H., 2010 ), et dont nos résultats de recherches montrent par la suite l’importance dans les processus d’apprentissage de la mobilité (Cf. chapitre 4). D’autre part, cette caractéristique des enquêtés a biaisé l’analyse de la mobilité des adolescents en l’amputant de toute une partie de leurs pratiques, en l’occurrence celles réalisées durant le temps libre en semaine. Ce temps libre en semaine apparaît en effet des plus restreints en internat en semaine et les possibilités de mobilité réalisées en dehors du cadre scolaire apparaissent minimes pour les adolescents, outre les quelques sorties le mercredi après-midi réalisées

70 autour des établissements, voire pour certains en « centre-ville »71. D’autant que ce temps libre restreint en semaine a des effets sur la mobilité adolescente du week-end puisque qu’on a pu mettre en évidence une particularité chez ces internes, en l’occurrence l’existence de formes de compensation dans la mobilité de fin de semaine, avec des séquences de mobilité caractérisées par un sur-investissement des pairs, prenant en quelque sorte la forme de « séquences de rattrapage interactionnel »72.

b) Les « biais statutaires ».

La deuxième forme de biais relève de ce qu’on nomme les « biais statutaires » (Olivier de Sardan, J.P., 2008 ; Ghasarian C., 2002), c’est-à-dire de biais liés aux propriétés sociales des enquêteurs et des enquêtés. Ici, ces « biais statutaires » entre enquêteur et enquêtés relèvent à la fois de différences de propriétés générationnelles mais aussi de propriétés sociales.

Pour ce qui relève des différences générationnelles, même si l’écart d’âge apparaît faible ici entre enquêteur et enquêtés73, la distinction symbolique entre le statut de « lycéens » et celui « d’étudiant » (Chamboredon C., 1991) est suffisante pour produire des effets dans l’interaction. Pour ce qui est des propriétés sociales, étant issu d’une famille de « petits-moyens » (Cartier M. et alii, 2008) d’origine rurale, faisant partie des classes populaires « établies » (Schwartz O., 1998), ou bien encore des « couches inférieures des classes moyennes » (Chauvel L., 2006), et ayant d’autre part poursuivi des études supérieures, j’ai ainsi souvent été assimilé par ces adolescents pour la plupart d’origine populaire à un « étudiant des classes moyennes », ce qui a contribué à biaiser la constitution de l’échantillon. Plus précisément, ces biais statutaires générationnels et sociaux ont semble-t-il contribué à une double sélection des adolescents en fonction d’une part de leurs aptitudes

71En l’occurrence ici de Provins et Coulommiers.

72 Pour reprendre l’expression de Dominique Pasquier dans « Cultures lycéennes. La

tyrannie de la majorité », 2005.

71 scolaires, d’autre part en fonction de leurs « compétences communicationnelles ». En effet, le statut « d’étudiant » de l’enquêteur conjugué au fait que les entretiens se sont déroulés dans un univers scolaire et institutionnalisé ont inévitablement conféré à l’enquête une connotation « scolaire »74 dans les représentations des adolescents, écartant « naturellement » les adolescents aux « mauvaises » performances scolaires75. Cette distance à l’égard de l’enquête a sans doute été encore plus forte, parmi ces jeunes aux « mauvaises » performances scolaires, pour ceux appartenant aux classes populaires quand on sait que « l’anti-intellectualisme » est une des formes usuelles de résistance populaire face à la culture légitime (Grignon C. et Passeron J.C., 1989). A l’inverse, il est apparu que ce sont préférentiellement les adolescents aux « bonnes » performances scolaires, en l’occurrence les plus « intéressés à la chose scolaire »76 et ayant un rapport conforme à l’institution scolaire, qui se sont portés volontaires pour participer à l’enquête.

D’autre part, une autre forme de sélection des adolescents s’est opérée en fonction de leurs « compétences communicationnelles ». On sait que la capacité à communiquer et à interagir des individus, notamment avec des « étrangers », et d’autant plus quand celui-ci est enquêteur, est inégalement distribuée (Gumperz J., 1989). De fait, l’enquête exploratoire étant basée sur le principe du volontariat77, les adolescents les moins dotés en ce « capital communicationnel », précisément les moins aptes dans la communication orale et l’interaction avec autrui, se sont en quelque sorte « auto-exclus » du processus d’enquête. Plus encore, les analyses de Pierre Bourdieu (Bourdieu P., 2001) ont montré à ce sujet les manières avec lesquelles pouvaient s’instaurer des rapports de domination symbolique dans toute forme de conversation, et plus particulièrement dans notre cas au cours d’entretiens, contribuant d’autant plus à écarter une partie des adolescents, en l’occurrence les plus socialement défavorisés, et donc à biaiser l’échantillon d’enquête. Ces « biais

74D’autant que dans chacun des établissements, les personnels encadrant et éducatifs sont

intervenus pour partie dans l’enquête

75C’est-à-dire en situation de difficultés ou d ‘échec scolaire. 76

Pour reprendre une expression de Pierre Bourdieu et Jean-claude Passeron dans « Les héritiers. Les étudiants et la culture » (Bourdieu P, Passeron J.C., 1964)

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Concrètement, il fallait que les adolescents fassent la démarche de nous rencontrer ou au moins prennent part activement à des conversations informelles avec nous afin de pouvoir participer au processus d’enquête.

72 statutaires » entre l’enquêteur et les adolescents vont pourtant réussir à être contrôlés dans la seconde phase de l’enquête de terrain. En effet, l’enquête ethnographique, par la durée de présence sur le terrain et l’implication personnelle de l’enquêteur, notamment dans la relation avec enquêtés, qui vont la caractériser, va en effet permettre progressivement de les effacer.

c) Les ambiguïtés des « campagnes » et du « rural ».

Une autre forme de « biais méthodologique» est apparue lors de cette phase de réalisation des entretiens exploratoires. Elle est liée à l’ambiguïté et à la relativité des définitions des notions de « rural » et de « campagne », ainsi qu’aux représentations qui leurs sont associées. En effet, de nombreux auteurs ont mis en évidence, à propos des territoires périphériques contemporains, la dissociation entre ce qui relève des « réalités géographiques » et d’autre part ce qui relève des « catégories de sens », c’est-à-dire concrètement entre les « campagnes » et la « ruralité » (Hervieu B. et Viard J., 2005 ; Rémy J., 1998). Cette idée reflète particulièrement la réalité de la Grande Couronne Francilienne où existent des territoires qu’on peut qualifier de « campagnes urbaines » 78 ou de « territoires périurbains », du fait de leurs liens fonctionnels avec l’agglomération parisienne ainsi que des modes de vie de leurs résidents majoritairement urbains79, les « campagnes rurales » étant quant à elles confinées aux franges de la région francilienne (Berger M., 2004).

Cette ambiguïté autour des catégories de « campagnes » et de « rural », et plus généralement l’ambiguïté entre catégories géographiques (villes/ campagnes) et catégories de sens (rural/urbain), dont on a pu se rendre compte qu’elle induisait une

78Pour reprendre l’expression de Pierre Donadieu dans « Campagnes urbaines », 1998 79

Cette dissociation entre catégories géographiques et catégories de sens ainsi que la diffusion de l’ « urbain » dans les campagnes a particulièrement été mis en évidence par Jean Viard et Bertrand Hervieu : « l’urbanité s’est échappée de la ville pour capter

l’ensemble de l’espace non-urbain » (Hervieu B. et Viard J., ibid.) ainsi que par Jean Rémy

73 confusion assez forte chez les adolescents80, a contribué fortement à biaiser notre