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Une société qui se victimise n‟offre-t-elle pas, de mauvaise foi, une seconde chance au

Section1 Des paradigmes concurrencés

B. Le rôle accru de la victime dans le procès pénal

43. Une société qui se victimise n‟offre-t-elle pas, de mauvaise foi, une seconde chance au

condamné? Le droit de la partie civile s‟est élargi à la victime puis à toute la société qui se sent concernée par le procès pénal. L‟opinion publique, commente les décisions de justice, sous l‟œil profane mais aiguisé de la presse et des médias. Il en découle des considérations politiques souvent biaisées qui concourent à la propagation de rumeurs ou de contrevérités. L'articulation entre la liberté de l'information et le secret de l'instruction

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Rapport de D. Boccon-Gibod et X. Salvat sur l‟expérimentation des citoyens assesseurs dans les ressorts des cours d‟appel de Dijon et Toulouse, remis à la Garde des Sceaux le 28 Fév 2013.

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C.Gayet, « Citoyen assesseurs : remise d‟un rapport critique sur l‟expérimentation », D.2013, p641.

280

P.Cassia, « Les citoyens assesseurs en apesanteur juridique », D.2013 p 2860.

281

Mme Taubira, garde des sceaux, La Chancellerie renonce aux jurés populaires en correctionnelle, Le figaro, 18 mars 2013.

282

Jurés en correctionnelle : la réforme en questions, Le figaro, 18 nov 2010.

283

C.Gayet, « Citoyen assesseurs… », op.cit., p 641.

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57 semble difficile. La présomption d‟innocence est un principe protecteur des droits individuels. La protection des informations confidentielles garantie de l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire285 et la séparation des pouvoirs. Les règles entourant le secret de l‟instruction n‟ont de cessé d‟être assouplies 286

dans l'intérêt l'instruction par une conférence de presse du procureur de la république afin d‟identifier des fugitifs, de faire des appels à témoins (portraits robots) ou de retrouver des objets volés287. La violation du secret de l‟instruction et du secret professionnel est étroitement interprété par la CEDH qui a condamné la France pour avoir condamné une avocate ayant divulgué les informations confidentielles d‟une expertise alors qu‟elle soulevait une question d'intérêt général de santé publique largement diffusées dans la presse288. Pour rétablir la vérité, les fenêtres de l‟instruction289

sont conçues comme des soupapes qui canalisent la pression populaire concernant le dysfonctionnement de la justice si l‟auteur présumé des faits est un récidiviste. Elles désamorcent les troubles à l‟ordre public (émeutes). Le ministère public peut soit d‟office soit à la demande de la juridiction d‟instruction ou des parties, s‟exprimer objectivement sur une affaire en cours, tout en respectant la présomption d‟innocence et le secret de l‟instruction. Cette fenêtre garantit la transparence de la justice. Elle est aussi un moyen de solliciter la bienveillance du citoyen dans la résolution accélérée de l‟affaire. Elle sert d‟appel à témoin ou d‟une demande directement adressée aux présumés auteurs et/ou complices. Les fenêtres de l‟instruction limitent l‟onde de choc des faits divers les plus graves qui alimentent les préjugés surtout si les présumés auteurs sont récidivistes. Les médias et les associations de victimes agissent en groupe pour contrôler et juger la justice. Ce droit légitime s‟accélère et peut contrevenir au bon déroulement de la justice et à la réhabilitation du condamné. Pourtant cette forme d‟ouverture est nécessaire face à la rapidité des échanges d‟informations sur internet nouvelle boite de pandore. Calomnies et haines y sont déversées par des images et des mots sans fondement290 qui créer et alimentent des préjugés imprégnés dans l‟esprit des êtres non éclairés291. L‟opinion publique distinguerait deux profils de récidivistes. D‟un côté, les précaires sans emploi ni revenus naturellement exclus en raison de leur fainéantise chronique. Ils ne font pas d‟effort dans le travail scolaire, dans leur insertion professionnelle. Ils cèdent aux addictions et aux comportements violents. Ils dépouillent les honnêtes citoyens (dégradation de bien publics, vols, agressions, aides sociales). D‟un autre côté, évoluent en toute impunité les dangereux pervers sexuels qui s‟en prennent violement et sexuellement aux femmes et aux enfants. La justice serait fautive car trop laxiste avec eux. Les discours du Front National, troisième force politique française en 2012, milite en faveur du retour de la peine de mort292. Auparavant les préjugés se fondaient sur des critères objectifs voire physiques. Les traces de mutilations portées par les récidivistes légitimaient les craintes. Dans la réalité des comparutions immédiates il est difficile de cacher cette vérité comme si les préjugés avaient eu gain de cause. Les

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Crim. 19 juin 2001, D. 2001. 2538, note Beignier et de Lamy.

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Art 11, art C. 24 et art 38, 3 bis et 39-1 de la loi modifiée du 29 juillet 1881.

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Circulaire du 22 avril 1985 qui sollicite le Procureur de la République à organiser une conférence de presse pour arreter la propagation des rumeurs qui nuisent au bon déroulement de la justice.

288

Arret MOR C/ France, CEDH 15 déc. 2011, req. no 28198/09, D. 2012. 100, obs. Lavric.

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Art 11 al. 3 du CPP.

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Il est ici question des Haters ou du Bashing qui dénigrent individuellement ou en groupe des personnes qui font l‟objet d‟une couverture médiatique ponctuelle (auteur présumé d‟un fait) ou récurrente les récidivistes).

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Exemple du réseau social Facebook dont une page recueille plus d‟1,5 millions de personnes soutenant la légitime défense pour un bijoutier de Nice qui aurait abattu un des braqueurs, Nice : le bijoutier mis en examen pour homicide volontaire, Le monde, 11sept 2013.

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58 récidivistes sont, en grande majorité, des délinquants toxicomanes, alcooliques ou personnes souffrants de troubles mentaux293. Les grands criminels pervers sexuels récidivistes représentent une minorité médiatisée. La tolérance zéro envers la récidive est le nouveau standard idéologique de la société post-moderne, issue du principe de précaution emprunté à l‟écologie294

qui oriente les discours politiques et s‟impose en droit comme un principe dictateur inquiétant295.

Aujourd‟hui, les revendications des victimes sont instrumentalisées et servent de justification au dictat sécuritaire. La récidive est le domaine de «prédilection de la

démagogie et du populisme »296 sécuritaire. Au-delà de la qualité de victime, les citoyens français sont favorables à une justice plus sévère et quels que soit les clivages politiques297. Les débats sont hermétiques aux discours et études scientifiques sur les maladies mentales et psychiques caractéristiques de la majorité des récidivistes. L‟intrusion de la politique, de la société à travers l‟instrumentalisation du droit des parties, ne peut se fonder que sur des éléments objectifs. Si la justice est rendue au nom du peuple, il n‟en reste pas moins profane devant la technicité de la procédure pénale et de la défense des droits de l‟homme. La preuve de cette lacune est le retour systématique des peines rétributives qui ne luttent pas contre la récidive. Pourtant, la culture tolérante du peuple sur la lutte contre la récidive est un enjeu qui dépasse la question judicaire. Il en va de l‟intérêt de la pacification d‟une société que de donner une réelle seconde chance au condamné, dans une société démocratique qui a aboli la peine de mort. La question de la récidive est au cœur de la sauvegarde des droits de l‟homme qui ne doit pas se résumer à sa simple déclaration de principes298. Le juge est le garde-fou des libertés et des droits fondamentaux aux cotés des avocats et de nombreux acteurs de réinsertion.