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La fragilité des fondements juridiques des instruments explique la difficulté d‟appliquer

le régime aux récidivistes. Il s‟impose une réflexion sur le changement de paradigme et l‟adoption de nouveaux instruments, aux vues de leur inefficacité et des atteintes aux droits de la défense. Pour comprendre la fragilité des instruments, il faut revenir sur l‟échec des paradigmes rétributifs et utilitaires qui ont concouru à créer pour les récidivistes un régime pénal autonome dérogatoire et attentatoire aux droits fondamentaux.

Les doctrines dominantes se concurrencent aux grés des aléas politiques. Les fonctions et les critères juridiques de la peine se modulent. L‟apparition de la récidive, en tant que phénomène, est concomitante aux vagues d‟humanisation des peines. L‟adoption de mesures de sûreté, conception hybride de la peine, tente de concilier la fonction rétributive et utilitaire de la peine. La mise en concurrence ces paradigmes fait ressurgir l‟existence d‟une spécificité de criminels récidivistes. En effet, l‟exigence structurelle indispensable au succès des instruments utilitaires, impose un temps plus long pour leur mise en place. Le retour d‟expérience indispensable à toute amélioration d‟un processus est ici impossible pour ces instruments utilitaires. Leur application est coupée dans leur élan par des mesures d‟urgence répressives. Des crises sécuritaires déclenchent l‟Etat d‟urgence, obligeant la création rapide d‟instruments rétributifs. Pour se débarrasser de la population gênante, les critères d‟incorrigibilité et de dangerosité justifient la création d‟un régime pénal autonome et dérogatoire. La relégation caractérise les dérives rétributives de la lutte contre la récidive. Le gouvernement français tire son avantage de cet instrument pénal pour repeupler ses colonies réputées très hostiles pour les métropolitains134. Déportée, cette population de criminels relégués, est livrée à elle-même à l‟issue de sa peine. Il est impossible de revenir en métropole. A leur libération ils seront les premiers ouvriers agricoles des nouvelles terres françaises. Les instruments servent les desseins d‟une stratégie politique et colonialiste. L‟incorrigible récidive est le bouc émissaire d‟une Société qui bannit avec fermeté les insurrections et les mouvements populaires ainsi que les disparités humaines. Quand à prévenir la récidive consistera en l‟étude des récidivistes par leur classification, leur fichage et leur surveillance. La dangerosité, reste une notion controversée au sein même de la psychiatrie. Elle est le critère de la relégation puis des mesures de sûreté. Ces présomptions d‟incorrigibilité et de dangerosité sont consacrent le paradigme rétributif du régime pénal des récidivistes. Le retour des peines répressives au XXIème siècle (peines planchers, rétention de sûreté) s‟explique par l‟élargissement continuel du champ d‟application des instruments. L‟état de récidive est relevé par anticipation. Le récidiviste est surveillé pour une durée indéterminée. Ses peines sont alourdies et leurs aménagements très limités. Echappée à cette sévérité, nécessite le déploiement d‟une défense efficace qui renverse la présomption d‟incorrigibilité et de dangerosité. Il s‟agit d‟un réel défi face à une réponse pénale qui se déjudiciarise et se dérèglemente. Les pouvoirs du Parquet sont renforcés. Le procureur négocie les aveux contre des peines moins sévères, alors que certaines fixe le premier ou le nouveau terme d‟une récidive légale. Cette autorité judiciaire dépendante des instructions générales du Ministère de la Justice est le bras armé d‟une répression centralisée. Les alternatives aux poursuites ne consistent pas à adoucir la peine des récidivistes mais plutôt à éviter un jugement équitable dans un souci de célérité et de désengorgement des tribunaux. Les préjugés sont consacrés en droit par un régime dérogatoire de présomptions de culpabilité. Que ce soit les fondements idéologiques ou les conditions d‟application élargies du régime, les instruments reposent sur des critères

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30 objectifs et subjectifs qui expliquent leur échec et les atteintes aux droits de la défense (PARTIE 1).

Le régime pénal des récidivistes, fondé sur des présomptions, élargit son champ d‟application ce qui induit une insécurité juridique dans un domaine où les libertés individuelles sont fondamentales. En conséquence, la mise en œuvre des instruments est défaillante. De nouveaux instruments se développent pour combler les lacunes du droit pénal. En effet, ils sont inefficaces parce que le récidiviste n‟est pas jugé mais préjugé par une justice qui emprisonne simplement sans faire l‟effort de réinsérer. Ainsi les instruments servent à condamner la personnalité de l‟homme et non seulement son acte. Son comportement antérieur est imputé au récidiviste au même titre que son méfait présent. Deux phases de préjugement sont mises en lumière. Concernant les multirécidivistes, les fichiers de police135 informent l‟OPJ sur l‟historique judicaire de l‟interpellé. Dès lors, le compte rendu fait au procureur de la République dans les plus brefs délais, préjuge déjà de la suite procédurale de l‟affaire. Rapidement déféré au Parquet, il est proposé, pour certains délits, une alternative aux poursuites. Pour les délits les plus graves, une comparution immédiate dans les heures qui suivent juge l‟affaire. La standardisation et la rapidité de ce procès, déshumanisent la justice au détriment des droits de la défense. Concernant les criminels les plus dangereux, une expertise psychiatrique de la dangerosité criminelle déclare l‟altération des facultés mentales durant le passage à l‟acte. Elle conduit au jugement de l‟irresponsabilité pénale qui sanctionne non par une peine mais par une hospitalisation d‟office. Dans les autres cas si l‟expertise ne préjuge du caractère incorrigible, elle prédit le risque de récidive en concluant par la dangerosité non pas psychiatrique mais criminelle, avant tout jugement. Ainsi, à tous les stades de la procédure dans le cadre d‟une mesure de sûreté, le rapport de l‟expert psychiatre donne un avis technique qui, normalement, ne lie pas le juge. Dans les faits, l‟expertise est devenue un mode de preuve qui s‟ajoute aux présomptions existantes. Il préjuge du caractère irrécupérable du délinquant ou récidiviste. La fiabilité des méthodes de diagnostic est aussi au cœur du débat. Les méthodes d‟évaluation et la place de l‟expert caractérisent une mise en œuvre complexe en raison du critère flou de la dangerosité, critère d‟application du régime. Mal jugé et mal défendu, le récidiviste qui ne comprend pas sa sanction, poursuit un parcours prédéterminé d‟infracteur dès sa sortie de l‟enfer carcéral. Le système pénitentiaire n‟est plus adapté à lutter contre la récidive. Il est un instrument de punition certes nécessaire, mais qui n‟assume plus ses fonctions de surveillance et de réinsertion. Les réformes pénitentiaires, conjoncturelles, sont insuffisantes pour réformer l‟anarchie hiérarchique et disciplinaire qui règne dans le monde pénitentiaire. Les conditions de détentions inhumaines remettent en cause le bienfondé de la prison. C‟est pourquoi, l‟Europe recommande aux prisons françaises d‟appliquer un contrôle permanent du règlement intérieur et du droit des détenus. Alors, la labélisation des prisons symbolise l‟engagement de l‟Etat dans l‟amélioration continue du service public de l‟administration pénitentiaire, pour réduire les mauvais traitements et l‟effet criminogène de la détention.

Le régime pénal des récidivistes étire au maximum les limites du droit pénal et de l‟exécution des peines. Son empiétement sur les droits fondamentaux remet en cause les critères d‟application des instruments. La lutte contre la récidive ouvre son horizon à d‟autres méthodes. La peine de probation, récemment adoptée en France, regroupe l‟ensemble des aménagements déjà existants pour l‟élever au rang de peine. Toutefois,

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31 elle a le mérite de vouloir se hisser à la même place que la peine d‟emprisonnement et de s‟appliquer aux récidivistes. Pourtant, sa mise en œuvre montrera qu‟elle n‟est qu‟une pâle copie de la Probation anglo-saxonne qui met au cœur du processus de la réinsertion, la désistance136. Si l‟intention est bien celle de modifier l‟angle de la lutte, sa portée risque d‟être fortement compromise par le blocage des cultures professionnelles qui s‟opposent et se chevauchent. La coopération des différents partenaires et l‟évaluation individuelle constitue la clef de voûte d‟une réinsertion réussie. Dans certains tribunaux, le JAP et le procureur organisent un suivi renforcé des anciens condamnés. Cette collaboration positive, ne repose que sur la volonté ponctuelle de certains acteurs sensibilisés aux moyens modernes de lutte contre la récidive. D‟une manière plus restreinte et pour certaines infractions, la victime s‟implique dans une justice restaurative. L‟instauration d‟un dialogue et d‟une confiance entre les parties victimes et auteurs, réparent et répondent à leurs besoins. La justice restaurative répond à la crise de la pénalité. La victime ne se venge plus, elle se reconstruit. L‟auteur répare et s‟amende. La récidive diminue, dès lors qu‟en dehors du prétoire, le temps est laissé au dialogue et à l‟individualisation d‟une réponse sociétale et non uniquement pénale. En se tournant vers l‟avenir, la fonction rétributive de la peine est écartée en faveur d‟une mise en œuvre de la responsabilisation du condamné (PARTIE II).

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