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situation de lecture

Guinet Hélène, helene.guinet02@etud.univ-paris8.fr, Laboratoire DysCo - Université Paris 8, France

Royer Carine, carine.royer@cyu.fr, Laboratoire Paragraphe - Cergy Paris Université, France Labat Hélène, helene.labat@cyu.fr, Laboratoire Paragraphe – Cergy Paris Université, France Guéraud Sabine, sabine.gueraud@univ-paris8.fr, Laboratoire DysCo - Université Paris 8, France

Mots-clés : Compréhension, Inférence, Activation, Validation

CADRE THEORIQUE, OBJECTIF ET HYPOTHESES

Comprendre un texte est une activité cognitive complexe qui repose sur l’articulation de deux ensembles de processus : ceux impliqués dans l’identification des mots écrits et ceux sous- tendant l’activité de compréhension (Gough & Tunmer, 1986). Cette recherche concerne ce second ensemble de processus et plus spécifiquement ceux sous-tendant le mécanisme de production d’inférences au cours de la lecture. Elle répond à un double objectif : étudier leur développement et, pour ce faire, mettre en place des méthodologies permettant leur étude en temps réel. En effet, si les recherches menées jusque-là mettent en lumière les grandes lignes du développement de l’habileté à produire des inférences (Barnes et al., 1996 ; Cain & Oakhill, 1999 ; Currie & Cain, 2015), les méthodes actuellement utilisées ne sont pas pertinentes pour étudier les processus cognitifs à l’œuvre. Face à cet écueil, notre étude a pour ambition d’examiner la production d’inférences chez l’enfant par une approche permettant l’étude des processus cognitifs impliqués dans la production d’inférences au moment même où ils opèrent.

Pour répondre à nos objectifs, nous proposons d’inscrire l’étude de ce mécanisme chez l’enfant dans le cadre du modèle RI-Val proposé pour rendre compte de la production des inférences chez le lecteur adulte (O’Brien & Cook, 2016). Ce modèle envisage la production d’inférences comme sous-tendue par trois processus : (i) un processus d’activation de l’inférence en mémoire, (ii) un processus d’intégration de celle-ci aux informations en cours de traitement et enfin, (iii) un processus de validation de la pertinence de l’inférence intégrée au regard des éléments du texte et des connaissances du lecteur. De plus, d’après ce modèle, un second élément serait impliqué dans la production d’une inférence : le seuil de cohérence que le lecteur se fixe – l’atteinte de ce seuil définissant le moment à partir duquel le lecteur déplace son attention vers les informations textuelles subséquentes. Il découle de ce modèle que deux principaux facteurs contribueraient à la production d’une inférence au cours de la lecture d’un texte : la rapidité d’accès aux informations en mémoire et le seuil de cohérence que le lecteur s’est fixé.

Notre étude vise ainsi à explorer si ces deux facteurs déterminent également la production d’inférences chez l’enfant. Précisément, elle en examine l’influence, chez des enfants de 8-10 ans, sur deux processus décrits dans le modèle RI-Val : les processus d’activation et de validation, et ce à l’aide de méthodologies on-line permettant l’étude distincte de ces processus.

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textuel sous-tendant la production d’une inférence a été manipulée. Quant au seuil de cohérence, son rôle dans la production d’inférences est étudié en manipulant la consigne de lecture donnée aux élèves. La production d’inférences est comparée dans une situation d’objectif de compréhension Minimum et une situation d’objectif de compréhension Elevé. Nous nous attendions à un impact plus important de la rapidité d’accès aux informations en mémoire sur l’activation des inférences au cours de la lecture et inversement une influence du seuil de cohérence que le lecteur se fixe sur la validation de l’inférence activée.

METHODE

Population

431 enfants scolarisés en classes de CE2 et CM1 dans Paris et ses environs, ont été sélectionnés parmi 670 enfants suite à la passation de pré-tests évaluant le raisonnement non-verbal (Matrice de Raven), les capacités de décodage (LUM), l’étendue du vocabulaire (EVIP), les capacités syntaxiques (ECOSSE) et le niveau de compréhension (épreuve « les enfants et la sorcière »).

Matériel et Procédure

Le matériel expérimental était constitué de 32 textes qui se déclinaient chacun en 4 versions selon deux facteurs croisés. Le premier facteur, Version du texte, impliquait directement la production ou non de l’inférence ciblée. Ainsi, une version Inférence était censée provoquer la production de l’inférence ciblée tandis qu’une version Contrôle n’était pas censée provoquer l’activation de cette même inférence. Le second facteur correspond à la Force du Contexte sous-tendant l’inférence qui était soit Faiblement

contraignant soit Fortement contraignant.

Afin d’étudier le processus d’activation, la lecture des textes était interrompue au moment supposé de l’activation de l’inférence et l’activation de l’inférence était testée via une tâche de décision lexicale permettant une mesure de l’activation des concepts en mémoire. La suite de lettres présentées représentait soit l’inférence supposée être produite pour les textes expérimentaux (i.e.

« jouer ») soit des pseudo-mots pour les textes de remplissage ajoutés à cet effet (i.e. raner). La méthodologie on-line permettant d’investiguer le processus de validation est proche de celle décrite pour le processus d’activation. La différence réside dans le fait que la validation est testée à partir d’une mesure des temps de lecture (Guéraud et al., 2018). Il est en effet supposé que le temps de traitement d’une phrase reflète la facilité avec laquelle l’inférence activée est intégrée puis validée au regard du contenu de l’information en cours de traitement. La validation de l’inférence est ainsi testée en présentant immédiatement après le moment supposé de l’activation de l’inférence, une phrase cible décrivant un événement ou une action qui se trouvent être incohérents avec l’inférence activée au cours de la lecture.

Enfin, chaque texte était suivi d’une question de compréhension, posée sous la forme d’une

affirmation, lorsque les participants étaient placés dans la condition expérimentale Objectif Minimum et de deux questions de compréhension dans la condition expérimentale Objectif Élevé. Les élèves ont été répartis aléatoirement dans un des protocoles, soit Activation soit Validation. Le facteur Consigne était également manipulé en inter-sujets.

RESULTATS

Des analyses de variance ont été réalisées sur les temps de réponses correctes pour la tâche de décision lexicale du protocole Activation et les temps de lecture de la phrase cible pour le protocole Validation. Le plan d’analyse comprend les facteurs Version du Texte et Force du Contexte en facteurs intra-sujets et le facteur Consigne de lecture en variable inter-sujets. Les moyennes de temps de réponses et temps de lecture sont présentées Tableau 1.

Analyse sur les TRC à la tâche de décision lexicale

L’analyse a révélé un effet du facteur Version du texte, F(1,203) = 9.84, p < .01. Cet effet indique que les enfants répondent plus rapidement lorsque la tâche de décision lexicale a lieu à la suite de la

(RIPSYDEVE). 8-9 Octobre 2020 – Nancy – Université de Lorraine

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lecture des textes en version Inférence plutôt qu’en version Contrôle. Les analyses post-hoc montrent que des temps de réponses plus courts sont observés uniquement lorsque le contexte était Fortement contraignant, t(399) = 2.66, ptukey= .04 bien que l’interaction Version Texte x Force du contexte ne soit pas significative, F< 1. Aucun autre effet simple ou en interaction n’a atteint le seuil de significativité.

Analyse sur les temps de lecture de la phrase cible

L’analyse a révélé un pattern de temps de lecture proche de celui observé sur les TRC. L’effet du facteur Version du texte, F(1,196) = 3.95, p < .05 indique un ralentissement des temps de lecture de la phrase cible à la lecture des textes en version Inférence par rapport à la version Contrôle. Les analyses post-hoc montrent que cette augmentation des temps de lecture tend à être significative uniquement lorsque le contexte était Fortement contraignant, t(392) = 2.45, ptukey = .07 bien que l’interaction Version Texte x Force du contexte ne soit pas significative, F (2, 196) = 2.17, p = .14. L’effet principal du facteur Consigne tend également à être significatif, F(1,196) = 2.99, p = .085, la consigne Objectif Elevé ayant engendré un ralentissement des temps de traitement. Aucun autre effet simple ou en interaction n’a atteint le seuil de significativité.

Tableau 1

Temps de réponses à la tâche de décision lexicale et Temps de lecture de la phrase cible en fonction des variables Consigne de lecture, Force du contexte et Version du texte

Contexte Faible Contexte Fort

Contrôle Inférence Contrôle Inférence

Protocole Consigne Moy. ET Moy. ET Moy. ET Moy. ET

TR Décision Lexicale en ms Minimum 1579 559 1509 497 1554 576 1485 486 Elevé 1611 512 1558 514 1627 595 1536 555 TL Phrase Cible en ms Minimum 3466 1034 3515 1075 3426 1059 3531 1016 Elevé 3781 1190 3768 1176 3631 1064 3757 1137 DISCUSSION

L’objectif de notre recherche était double. D’une part, il était d’explorer dans quelle mesure la rapidité d’accès aux connaissances ainsi que le seuil de cohérence influençaient la production d’inférences chez des enfants de 8-10 ans comme le prévoit le modèle RI-Val pour le lecteur adulte. Nos résultats indiquent que les enfants activent l’inférence supposée au cours de la lecture et ce plus particulièrement lorsque le texte contraignait fortement la production de cette inférence. Ils suggèrent ainsi qu’à cet âge, chez les enfants, tout comme chez les adultes, la probabilité d’activation d’une inférence dépend de la rapidité d’accès aux informations en mémoire. De plus, les données soulignent que les enfants de 8-10 ans semblent s’engager dans la validation de l’inférence générée. Ils semblent avoir pris en considération les objectifs de lecture, cependant les résultats n’indiquent pas d’influence de ces objectifs sur la validation de l’inférence.

Par ailleurs, notre recherche visait la mise en place de protocoles expérimentaux permettant de distinguer les différents processus impliqués dans la production d’inférences chez l’enfant. Les données confirment que les protocoles développés sont à même de nous renseigner sur le fonctionnement des processus d’activation et de validation auprès d’enfants de cet âge. Il est cependant important de souligner que le recours à ces méthodologies, basées sur le recueil de temps de traitement, nous confronte à la présence d’une grande variabilité dans les données et pose une fois encore la question de la manière de la prendre en considération. Dans les futurs protocoles de recherche, l’étude des processus sous-tendant la production d’inférences au moment où ils opèrent nous semble la voie à poursuivre pour apprécier au plus près la dynamique

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de développement de cette habileté essentielle à l’activité de compréhension. Un tel outil apparaitrait pertinent pour évaluer, prévenir les difficultés et y remédier.

BIBLIOGRAPHIE

Barnes, M. A., Dennis, M., & Haefele-Kalvaitis, J. (1996). The effects of knowledge availability and knowledge accessibility on coherence and elaborative inferencing in children from six to fifteen years of age. Journal of Experimental Child Psychology, 61(3), 216-241. https://doi.org/10.1006/jecp.1996.0015

Cain, K., & Oakhill, J. V. (1999). Inference making ability and its relation to comprehension failure in young children. Reading and Writing, 11(5-6), 489-503. https://doi.org/10.1023/A:1008084120205

Currie, N. K., & Cain, K. (2015). Children’s inference generation: The role of vocabulary and working memory. Journal of Experimental Child Psychology, 137, 57-75. https://doi.org/10.1016/j.jecp.2015.03.005

Gough, P. B., & Tunmer, W. E. (1986). Decoding, reading, and reading disability. Remedial and special

education, 7(1), 6-10. https://doi.org/10.1177/074193258600700104

Guéraud, S., Walsh, E. K., Cook, A. E., & O'Brien, E. J. (2018). Validating information during reading: the effect of recency. Journal of Research in Reading, 41,

85-101. https://doi.org/10.1111/1467-9817.12244

O'Brien, E. J., & Cook, A. E. (2016). Separating the activation, integration, and validation components of reading. In B. H. Ross (Ed.), The psychology of learning and motivation: Vol. 65. The psychology of

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