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Le développement des interactions sociales des enfants avec

TSA scolarisés dans des Unités d’Enseignement en Maternelle

Tsamitrou Stella, st.tsamitrou@gmail.com, Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé, Université de Paris-Institut de Psychologie, France

Plumet Marie-Hélène, marie-helene.plumet@u-paris.fr, Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé, Université de Paris-Institut de Psychologie, France

Mots-clés : Trouble du Spectre de l’Autisme, développement des interactions sociales, observation directe en milieu scolaire, étude longitudinale

INTRODUCTION

Les enfants avec Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) ont du mal à acquérir spontanément des compétences de communication et à utiliser de façon souple leurs ressources adaptatives (attentionnelles, sensori-motrices, imitatives, etc.) selon les contextes (Plumet, 2014 ; 2018). Ainsi, une prise en charge adaptée à leurs besoins est importante afin de ne pas accroître leur handicap. En 2014, des Unités d’Enseignement en Maternelle (UEM) sont créées en France pour favoriser l’inclusion scolaire des enfants avec TSA dès le niveau maternel. Dans ces classes implantées en école ordinaire à petit effectif (7 élèves), ils bénéficient d’un encadrement combinant méthodes pédagogiques, éducatives et thérapeutiques afin de mobiliser leurs capacités d’apprentissage et que ces enfants puissent profiter progressivement de l’enseignement en classe ordinaire. Des études internationales montrent des bénéfices des programmes d’inclusion scolaire par rapport aux structures spécialisées. Des progressions sont constatées en terme de QI et d’apprentissages (Harris, Handleman, Gordon, Kristoff &Fuentes, 1991, Peetsma, Vergeer, Roeleveld & Kartesen, 2001), du langage et de la communication (Ganz & Flores, 2008; Laushey & Heflin, 2000) ainsi qu’une augmentation de l’imitation et de l’attention conjointe (Lawton & Kasari, 2012; Wolfberg, DeWitt, Young & Nguyen, 2015). En parallèle, on constate une diminution de la sévérité des comportements autistiques. Toutefois, si l’inclusion plénière est la plus pratiquée à l’étranger, les progrès des enfants avec TSA en milieu scolaire varient selon les enfants, les situations et les partenaires, notamment au plan de la qualité et la quantité des interactions sociales. Des observations directes en classe ont montré une hétérogénéité fonctionnelle selon le partenaire (adulte/enfant) et les demandes cognitives de l’activité (structurée/libre) (Drain & Engelhardt, 2013 ; Hauck et al., 1995 ; Rice et al., 2016). Au cours du temps, les enfants prennent de plus en plus d’initiatives et combinent plus de moyens de communication (Drew, Baird, Taylor, Milne & Charman, 2006). Compte-tenu de ces données des études internationales, la politique éducative a évolué récemment en France en faveur de dispositifs inclusifs pour tous les enfants, en soulignant la priorité de leur associer des protocoles de recherche, afin de suivre la qualité du développement des enfants. De telles études sont encore rares dans les UEM, et notamment celles utilisant en longitudinal l’observation directe des comportements socio-communicatifs des enfants en classe. Comment la communication des enfants avec TSA évolue-t-elle, au plan des formes comme des fonctions, dans les différents contextes de l’école (activité structurée et libre) au cours de la 1ere année de scolarisation dans ces UEM, entre 3 et 4 ans ? C’est le focus de la recherche présentée ici.

METHODE

L’étude s’inscrit dans un programme collaboratif national plus large (projet AUTISCOL) de suivi longitudinal sur 3 ans de 6 classes en Ile-de-France et en Bretagne. Les données présentées ici portent sur 13 enfants (cf. Tableau 1) scolarisés dans 2 classes UEM en région parisienne suivis entre 3 à 4 ans. Les enfants sont observés en situation de jeu libre et de travail à table au début et à la fin de la première année scolaire en maternelle. Des évaluations standardisées sont

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également réalisées au début et tout au long de leur scolarisation pour évaluer le développement cognitif et social (PEP-3/B.E.C.S), la sévérité des troubles de comportement (ECA-R), la théorie de l’esprit (EASE), la dysrégulation sensorielle (SEQ), les comportements adaptatifs (Vineland-II), les fonctions exécutives (Brief-P), la motricité et latéralité. Les enregistrements filmés en classe font l’objet d’une microanalyse des interactions sociales avec une grille d’observation que nous avons élaborée. Les catégories de codage distinguent chez l’enfant et ses partenaires : les

initiatives/réponses ; les fonctions de la communication : à but instrumental, de partage social, de

partage d’états mentaux ; les formes communicatives (non verbales: regard, action, etc. ou verbales: orales ou via support imagé) et leur combinaison; enfin, nous codons la qualité de réponses des enfants aux sollicitations au plan pragmatique, en graduant le degré de prise en compte de l’intention du partenaire (qu’il soit à but instrumental ou social). Les analyses extraites ici portent sur l'évolution au cours de l’année 1 (T0/T1)

Tableau 1

Age développemental à T0 et genre des participants.

Enfant Genre Age de développement à T0 (B.E.C.S) Age de développement en communication à T0 (PEP-3) Age de développement en motricité à T0 (PEP-3) RMA F 8 à 11mois KTA G 8 à 11 mois ABE F 12 à 17 mois 30j CDA G 12 à 17 mois 30j ZGA G 12 à 17 mois 30j ZAM G 12 à 17 mois 30j CTH G 12 à 17 mois 30j

GAT G 16,7 mois 32 mois

GAN G 19,3 mois 25 mois

OFL F <12 mois <16 mois

KMA F <21,5 mois 27 mois

CFE G <16 mois 20 mois

HAM G <14 mois 19,7 mois

RESULTATS

Après avoir vérifié la distribution normale des données, nous avons réalisé des analyses ANOVA à mesures répétées ou pour celles qui ne suivent pas la normalité des analyses non paramétriques de Test de Friedman pour comparer les données entre le début (T0) et la fin (T1) de la première année scolaire des enfants en classe UEM, et dans 2 types d’activité : structurée (travail à table) vs. non structurée (jeu libre). Les résultats montrent que les enfants interagissent davantage avec les adultes qu’avec les pairs et que les enfants interagissent avec des partenaires plus souvent pendant l’activité de travail à table (M=82,23 ET=26,74) que pendant le jeu libre (M=42,15 ET=26,83) F(1,12)=14,31 p<0,05 de façon constante dans le temps. Les initiatives des

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enfants sont rares et nous observons une augmentation des réponses des enfants aux sollicitations des adultes pendant le jeu libre entre T0 (M=9,46 ET=8,8) et T1(M=20,46 ET=15,95) p<0,05. Concernant la qualité de la fonction des interactions des enfants, pendant le travail à table les enfants réalisent plus d’interactions à but instrumental (M=75,62 ET=21,88) que pendant le jeu libre (M=28,54 ET=15,55) p<0,05, mais en même temps les interactions instrumentales augmentent dans le temps entre T0 (M=8 ET=6,77) et T1 (M=20,54 ET=15,71) p<0,05 seulement pendant le jeu libre. Les interactions à but de partage d’états mentaux sont rares, mais nous constatons également une augmentation entre T0 (M=0,39 ET=0,65) et T1 (M=0,77 ET=2,49) p<0,05 pendant le jeu libre. Ensuite, il y a une augmentation de combinaison de 2 formes communicatives pendant le travail à table entre T0 (M=3,77 ET=2,27) et T1 (M=9,15 ET=6,12) p<0,05. Enfin les enfants développent un meilleur ajustement des réponses aux sollicitations instrumentales de leurs partenaires entre T0 (M=0,54 ET=0,66) et T1 (M=5,15 ET=6,19) p<0,05 pendant le jeu libre (voir Figure 1).

0 2 4 6 8 10 12 CCC+CCO CPC+CPO NC N o m br e de répo ns es des enfan ts T0 T1 * *

[

[

Note. Les barres d’erreurs indiquent l’écart type de moyennes. *=p<0,05. CCC=coopération complète, CCO= opposition complète, CPC=coopération partielle, CPO=opposition partielle et NC=réponses non adaptées.

Figure 1.

Développement des réponses des enfants aux sollicitations instrumentales des adultes pendant le jeu.

DISCUSSION

Nos résultats confirment plusieurs constats antérieurs en dispositifs éducatifs inclusifs : les enfants avec TSA interagissent majoritairement avec les adultes et de façon plus réduite avec les enfants ; les interactions sont plus fréquentes pendant les activités structurées, où les enfants sont davantage sollicités, que pendant les activités libres (Drain, S., & Engelhardt, 2013 ; Hauck et al., 1995 ; Rice et al., 2016) de façon constante dans le temps. Les initiatives restent rares, mais on observe un meilleur ajustement pragmatique des réponses des enfants aux sollicitations instrumentales des adultes dans le temps. Ainsi, même si l’éducation structurée tend à solliciter fréquemment des réponses de l’enfant, il semblerait important dans le dispositif d’accentuer les occasions et incitations aux initiatives des enfants. Concernant la qualité des actes communicatifs, on observe surtout des interactions à but instrumental mais les interactions à but de partage

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d’états mentaux augmentent dans le temps pendant le jeu libre. Sur la base de ces constats, il serait important de renforcer la communication à but de partage social dans les situations libres et structurées. Au plan des formes, à la fin de l’année scolaire les enfants combinent 2 actes communicatifs pendant le travail à table alors qu’ils tendent à n’en utiliser qu’1 seul au début de l’année (Drew, Baird, Taylor, Milne & Charman, 2006). Cet ensemble de résultats demande bien entendu à être articulé aux autres données recueillies (profils cognitifs, moteurs, sensoriels et cliniques des enfants) afin de mieux comprendre le développement sociocognitif des enfants avec TSA dans le milieu scolaire et les différences inter-individuelles. Ainsi, nous allons tester la corrélation entre les évaluations standardisées et observations directes et poursuivrons l’étude sur les 3 années de scolarisation des enfants en classes UEM. L’étude servira comme support afin de mieux ajuster la prise en charge pour aider les enfants à rejoindre les classes ordinaires.

BIBLIOGRAPHIE

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Supérieur.

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Atelier 4.

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