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Performances scolaires

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Les premières révélations éducatives (scolaires) de l’étude

Elfe

Fischer Jean-Paul, jean-paul.fischer@univ-lorraine.fr, Université de Lorraine, 2LPN, F-54000 Nancy, France

Mots-clés: école maternelle, situation sociale, rythme d’apprentissage, littéracie, numéracie INTRODUCTION

L’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) a recruté plus de 18000 nouveau-nés en 2011 dans toute la France métropolitaine (Charles et al., 2020). En 2015-2016, ces enfants fréquentaient généralement la moyenne section (MS) de l’école maternelle de leur lieu de résidence. Plusieurs enquêtes, incluses dans l’étude, permettent d’avoir de nombreux renseignements sur l’environnement, y compris scolaire, de ces enfants. Le présent article met en relation les résultats des enfants à une épreuve de littéracie et numéracie en MS et de nombreuses variables : individuelles (enfants et enseignants), de gestion de la classe, d’avis des enseignants, de situation familiale et des modes de garde.

METHODE

La présente étude porte sur les 4689 enfants Elfe à données complètes aux 59 items de littéracie et numéracie (voir deux exemples sur la Figure 1), à qualité psychométrique suffisante. L’attrition expérimentale, inhérente à toute étude longitudinale longue, a été considérablement augmentée par l’anonymat strict des enfants (dont les enseignants ignoraient, avant d’être sollicités, qu’ils appartiennent à la cohorte Elfe) et le volontariat des enseignants, à la fois pour faire passer les tests et les coder. Ces enfants ont un âge moyen de 57 mois (écart-type = 2,8) et sont des filles pour 49,6% d’entre eux.

Figure 1. Exemple d’item complété correctement (a) en littéracie et (b) en numéracie

Toutefois, afin de ne pas isoler l’enfant Elfe, initialement le seul concerné par le test, les concepteurs de la recherche Elfe ont demandé à son enseignant en MS de tester, si possible, en même temps trois autres élèves de leur classe, dont l’âge serait le plus proche de celui de l’enfant Elfe. Pour ces 9808 élèves non-Elfe nous ne disposons pas d’autant de données que pour les élèves Elfe et, en conséquence, ils ne seront pris en considération que dans certaines analyses. Leur moyenne d’âge est de 58 mois (écart-type = 3,2) et 51,5% sont des filles.

Les enseignants avaient à leur disposition, pour le dernier trimestre de l’année scolaire, quatre livrets pour élèves, un guide pour les consignes de passation, et une grille de codage des résultats. La partie du test consacrée aux items de littéracie durait environ 30 minutes et visait trois prédicteurs puissants de la réussite ultérieure en lecture : la connaissance du nom des lettres, les habiletés phonologiques et le vocabulaire (Ecalle & Magnan, 2015). Celle consacrée aux items de numéracie durait environ 25 minutes et visait des connaissances mathématiques symboliques ou

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non (pour une comparaison de ces deux types de connaissances, voir Fischer & Thierry, 2020). À cela il faut ajouter une courte mesure de l’attention qui demandait à l’enfant de barrer, en 1 min, un maximum de nounours sur une planche en comportant 15 mélangés à 60 autres images. La correction des résultats des enfants était effectuée par les enseignants, qui les renvoyaient ensuite à la coordination Elfe. Pour chaque élève, un score global (littéracie + numéracie) – appelé résultat Elfe (RE) dans la suite de ce texte – sur 59 a alors été établi en attribuant 1 ou 0 point suivant que l’item est réussi ou non.

RESULTATS

Analyse de corrélations

Dans les tableaux 1 à 3 suivants, nous présentons les corrélations entre le score (sur 59) obtenu au résultat de l’évaluation Elfe et de nombreuses variables. Les probabilités p ont été ajustées avec la procédure de Holm (1979) appliquée (séparément) pour chaque tableau.

Tableau 1. Corrélations entre quelques variables individuelles (des élèves) et le résultat Elfe Variable n |r| Significativité Direction du résultat (RE)

p simple p ajust.

Sexe 13782 0,061 < 0,0001 < 0,0001 RE filles > RE garçons Age 13150 0,210 < 0,0001 < 0,0001 RE s’accroît avec l’âge

Educat. prioritaire 14472 0,031 0,0002 0,0010 RE inférieur en Educ. Prioritaire Public_Privé 14472 0,017 0,0408 0,0817 RE inférieur en secteur Privé Enfant Elfe 14497 0,071 < 0,0001 < 0,0001 RE élève Elfe > RE élève non-Elfe Attention 14424 0,198 < 0,0001 < 0,0001 RE croît avec l’attention

Testé en Avril 14006 0,001 0,9058 0,9058 RE en Avril = RE en (Mai et Juin) Testé en mai 14006 0,031 0,0002 0,0010 RE en Mai < RE en (Avril et Juin) Testé en juin 14006 0,028 0,0009 0,0028 RE en Juin > RE en (Avril et Mai)

Tableau 2. Corrélations entre quelques variables de gestion de la classe et le résultat Elfe

Variable n |r| Valeur de p Direction du résultat

simple ajustée RE

Nombre d’élèves de la classe 13299 0,003 0,7294 0,7294 r quasiment nul Utilise un manuel ou logiciel en

langue 13448 0,027 0,0017 0,0052 RE supérieur si oui Utilise des photocopies en

langue 13551 0,049 < 0,0001 < 0,0001 RE supérieur si oui Utilise un cahier d’exercices en

langue 13172 0,042 < 0,0001 < 0,0001 RE supérieur si oui Utilise un manuel ou logiciel en

sciences 13131 0,023 0,0084 0,0168 RE supérieur si oui Utilise des photocopies en

sciences 13376 0,040 < 0,0001 < 0,0001 RE supérieur si oui Utilise un cahier d’exercices en

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Tableau 3. Corrélations entre les jugements des enseignants et le résultat Elfe

Variable n |r| Valeur de p Direction du résultat (RE) simple ajustée

Attentif aux

autres 4568 0,205 < 0,0001 < 0,0001 RE croît si le comportement croît Se plaint

souvent 4614 0,001 0,9459 0,9459 Corrélation quasiment nulle Partage

facilement 4574 0,130 < 0,0001 < 0,0001 RE croît si le comportement croît Obéissant 4604 0,177 < 0,0001 < 0,0001 RE croît si l’obéissance croît S’inquiète

souvent 4593 0,031 0,0357 0,0713 RE croît si l’inquiétude décroît Ne tient pas

en place 4604 0,147 < 0,0001 < 0,0001

RE croît si le jugement de ne pas tenir en place décroît

A au moins

un(e) ami(e 4609 0,129 < 0,0001 < 0,0001

RE croît plus l’affirmation est jugée vraie Facilement

distrait 4602 0,388 < 0,0001 < 0,0001

RE croît plus l’affirmation est jugée fausse

Anxieu(se)x

face nouveauté 4598 0,191 < 0,0001 < 0,0001

RE croît plus l’affirmation est jugée fausse

Aide les

autres 4592 0,189 < 0,0001 < 0,0001

RE croît plus l’affirmation est jugée vraie Réfléchit

avant d’agir 4583 0,383 < 0,0001 < 0,0001 RE croît plus l’affirmation est jugée vraie Maintient

l’attention 4603 0,418 < 0,0001 < 0,0001 RE croît plus l’affirmation est jugée vraie Etude de l’influence de deux facteurs causaux potentiels

Pour observer l’influence du nombre de frères et de sœurs, nous présentons les moyennes et écart-type sous forme de tableau (Tableau 4). Pour l’influence du mode de garde nous visualisons les moyennes et intervalles de confiance sous forme de graphique (Figure 2).

Tableau 4. Influence du nombre f de frères/demi-frères et soeurs/demi-soeurs à 2 ans Résultat Elfe (RE)

f n Moyenne /59 Ecart-type 0 1687 44,240 8,686 1 2022 43,083 9,196 2 719 42,284 9,576 3 133 41,729 9,448  4 44 38,398 10,338

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Figure 2. Résultats Elfe (moyennes) en fonction du mode de garde

Notes. APar = Autre Parent ; AsMa= Assistante Maternelle ; Autr = Autre ; Conj = Conjoint ; Crec = Crèche ; EmDo = Employée à Domicile ; GrPa, GPma et GPpa = Grand Parent maternel ou paternel ; ParR = Parent répondant (au questionnaire Elfe) ; MePe = Mère et Père. Les barres représentent les intervalles de confiance à 95%.

DISCUSSION

Les nombreux résultats rapportés ne peuvent être discutés de manière approfondie dans cette courte contribution. En effet, les analyses statistiques devraient être approfondies du fait de la confusion possible entre certains facteurs. Un exemple de confusion potentielle apparaît clairement dans la Figure 2 où ce sont les Employées à Domicile qui sont les plus « efficaces » : il faudrait ajuster la performance des élèves concernés avec, notamment, un indice du milieu socio- économique (vraisemblablement très favorisé) dont les enfants concernés sont issus. En outre, chaque sujet abordé nécessiterait sa revue de question propre incluant une revue des différentes théories explicatives. Par exemple, les résultats sur l’influence du nombre d’enfants dans la famille ne sont pas nouveaux (e.g., Peyre et al., 2016). Ou, encore plus nettement, la littérature sur la différence de performance cognitive entre sexes (ou genres) est presque infinie.

En fait, l’objectif de cet article est principalement d’alerter les lecteurs (ou auditeurs) sur les nombreuses questions que l’on peut aborder empiriquement à partir des données Elfe qui sont publiquement accessibles (sur demande au CADE Elfe : https://pandora.vjf.inserm.fr/public). De ce fait, il était important de vérifier que les données de littéracie et de numéracie sont appropriées pour de nombreuses analyses. Cela n’était pas totalement évident a priori, non seulement à cause de l’attrition expérimentale, mais aussi du fait que des enseignants qui évaluent en fin d’année scolaire leurs propres élèves évaluent aussi leur enseignement (en partie au moins). Mais, au vu des résultats, les analyses causales ou comparatives que nous avons présentées semblent échapper au biais que pourraient engendrer ces faiblesses méthodologiques. En effet, si l’on regarde les corrélations rapportées dans les Tableaux 1 à 3, on voit, respectivement, l’influence comparativement forte de l’âge, le rôle relativement modeste des facteurs de gestion de la classe, et l’influence positive du maintien de l’attention par l’élève (et l’influence négative de sa distraction). Nos résultats, présentés sous forme de corrélations, sont donc non seulement plausibles au vu de la littérature, mais permettent aussi des comparaisons entre l’influence des différentes variables. En outre, ils gardent un intérêt certain lorsque la corrélation n’est pas significative du fait que l’effectif imposant confère une grande puissance de rejet aux tests statistiques de l’hypothèse nulle.

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BIBLIOGRAPHIE

Charles, M. A., Thierry, X., Lanoë, J. L., Bois, C., Dufourg, M. N., Popa, R., Cheminat, M., Zaros, C. & Geay, B. (2020). Cohort Profile: The French national cohort of children ELFE: birth to 5 years. International Journal of Epidemiology, 49(2), 368-369j. https://doi.org/10.1093/ije/dyz227

Ecalle, J., & Magnan, A. (2015). L'apprentissage de la lecture et ses difficultés. Paris : Dunod (2e édition révisée).

Fischer, J. P., & Thierry, X. (2020). Are differences between social classes reduced by non- symbolic numerical tasks? Evidence from the ELFE cohort. British Journal of Educational

Psychology. https://doi.org/10.1111/BJEP.12363

Holm, S. (1979). A simple sequentially rejective multiple test. Scandinavian Journal of Statistics,

6(2), 65-70.

Peyre, H., Bernard, J. Y., Hoertel, N., Forhan, A., Charles, M. A., De Agostini, M., Heude, B. & Ramus, F. (2016). Differential effects of factors influencing cognitive development at the age

of 5-to-6 years. Cognitive Development, 40, 152-162.

https://doi.org/10.1016/j.cogdev.2016.10.001

Remerciements. L’enquête Elfe est une réalisation conjointe de l’Ined, de l’Inserm, de l’EFS, de SpF, de l’Insee, de la DGS, de la DGPR, de la Drees, du DEPS, et de la Cnaf, avec le soutien du MESRI et de l’INJEP. Dans le cadre de la plateforme RECONAI, elle bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’ANR au titre du PIA portant la référence ANR-11-EQPX-0038.

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Relations entre motricité fine, représentation mentale des

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