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Performances cognitives au collège : rôle des émotions et de l’estime de so

Yakimova Sonya, sonya.yakimova@univ-tours.fr, Psychologie des âges de la vie et Adaptation (PAVéA) - EA 2114, Université de Tours, France

Maintenant Célia, celia.maintenant@univ-tours.fr, Psychologie des âges de la vie et Adaptation (PAVéA) - EA 2114, Université de Tours, France

Taillandier-Schmitt Anne, anne.taillandier@univ-tours.fr, Psychologie des âges de la vie et Adaptation (PAVéA) - EA 2114, Université de Tours, France

Mots-clés : émotions, estime de soi, performances cognitives, collège, adolescence INTRODUCTION

Concernant l'influence des émotions sur les performances cognitives et scolaires au collège il y a peu d’éléments dans la littérature (Yakimova, Maintenant, & Taillandier-Schmitt, 2021). Bien que les résultats chez les adultes soient parfois contradictoires et dépendent de l'émotion spécifique perçue, l'état affectif est susceptible d'influencer la cognition (Blanchette & Richards, 2010). Plus précisément, des émotions négatives conduiraient à une baisse des performances cognitives (e.g. Fartoukh, Chanquoy, & Piolat, 2014 ; Tricard, Maintenant & Pennequin, 2018) ; des émotions positives conduiraient à une augmentation des performances cognitives (Bryan & Bryan, 1991 ; Caparos & Blanchette, 2015 ; Giroux, Blanchette, & Gosselin, 2014). Dans l’étude des performances cognitives dans une perspective développementale, c’est le raisonnement qui est le plus souvent étudié (Byrnes, 2008) et il est mesuré par des syllogismes (par exemple, Prémisse 1 – Les animaux à quatre pattes peuvent marcher / Prémisse 2 – Les tigres sont des animaux à quatre pattes / Conclusion – Les tigres peuvent marcher) qui se réfèrent généralement au raisonnement déductif (Tricard et al., 2018).

L'estime de soi est aussi liée aux performances scolaires et cognitives (Simon & Simon, 1975). En examinant les recherches actuelles sur l'estime de soi, nous observons qu'elles traitent souvent de l'estime de soi globale. Pourtant, il existe une manière plus précise de comprendre l'estime de soi qui prend en compte de différents domaines (Harter, 1988) tels que les domaines scolaire et social. La nécessité d'examiner à la fois les estimes de soi globale et spécifiques est particulièrement pertinente pour les adolescents car ces derniers font des distinctions importantes lorsqu'ils décrivent et évaluent leurs capacités dans divers domaines (Marsh, Craven & Martin, 2006). Ainsi, nous visons à améliorer la connaissance des liens entre les émotions, les différentes formes d'estime de soi et les performances cognitives à la période cruciale du début et du milieu de l'adolescence.

Nous faisions l’hypothèse qu’une faible estime de soi scolaire puisse entrainer un état affectif négatif vis à vis de l’école qui pourrait lui-même entrainer une baisse des performances cognitives ; qu’une forte estime de soi scolaire puisse entrainer un état affectif positif qui pourrait lui-même entrainer une baisse des performances cognitives. L’estime de soi scolaire devrait être positivement relié aux performances cognitives.

METHODE

153 collégiens de 6ème et de 5ème avec un âge moyen de 12 ans (11-14 ans, ET = 0.71), dont 73 filles et 80 garçons, ont participé à notre étude. Nous avions prévu d’avoir 400 collégiens de la 6ème à la 3ème mais la crise sanitaire a temporairement stoppé notre recueil de données. Nous avons demandé aux participants de remplir la version française de Differential Emotion Scale (Galand & Philippot, 2005) pour mesurer les émotions, la version française de Self-Perception

profile for adolescents (Terriot, Vignoli, Lallemand, & Bourcier, 2017) pour mesurer les différentes

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Les analyses par pistes causales ont été réalisées avec AMOS (Barnidge & Gil de Zúñiga, 2017). Le reste des analyses a été réalisé avec JAMOVI (The Jamovi Project, 2019) du logiciel R (R Core Team, 2018).

RESULTATS

Concernant les statistiques descriptives (tableau 1), les différentes estimes de soi ont un taux plutôt élevé dans cet échantillon. Le taux d’émotions négatives déclarées est faible et celui des émotions positives élevées. Le taux de réussite aux syllogismes est entre moyen et un peu faible.

Tableau 1. Statistiques descriptives : Estimes de soi, Emotions, Performances cognitives

Score ESG Score Essco Score Essoc NEMO PEMO Score Syllo

Moyenne 2.96 2.79 2.96 2.03 3.10 8.65 Médiane 3.00 2.80 3.00 1.96 3.10 8 Ecart-type 0.589 0.430 0.545 0.585 0.549 2.53 Minimum 1.40 1.60 1.10 1.00 1.70 3 Maximum 4.00 3.90 4.00 3.77 4.90 18 25ème percentile 2.60 2.50 2.60 1.54 2.80 7.00 50ème percentile 3.00 2.80 3.00 1.96 3.10 8.00 75ème percentile 3.40 3.00 3.30 2.38 3.50 10.0

Note. Score ESG = Score d’Estime de soi globale ; Score Essco = Score d’Estime de soi scolaire ; Score

Essoc = Score d’Estime de soi sociale ; NEMO = Score d’Emotions négatives ; PEMO = Score d’Emotions positives ; Score Syllo = Score aux syllogismes (Performances cognitives).

Concernant les corrélations (tableau 2), les différentes estimes de soi sont positivement corrélées entre elles. Les émotions négatives et positives ne sont pas significativement corrélées. Les performances aux syllogismes sont positivement corrélées avec l’estime de soi scolaire et les émotions positives. Ces deux dernières variables sont aussi positivement reliées l’une à l’autre. Concernant les émotions négatives, elles sont négativement corrélées avec les différentes estimes de soi.

Tableau 2. Matrice des corrélations

Score

ESG

Score Essco

Score

Essoc NEMO PEMO

Score Syllo Sexe Score_ESG — Score_Essco 0.373*** — Score_Essoc 0.243** 0.347*** — NEMO -0.526*** -0.247** -0.266*** — PEMO 0.112 0.207* 0.047 0.142 — ScoreSyllo 0.044 0.309*** 0.138 -0.029 0.211** — Sexe -0.193* -0.074 -0.037 0.143 -0.079 0.066 — Age 0.046 -0.258** -0.007 -0.009 -0.127 0.026 -0.204*

Note. Score ESG = Score d’Estime de soi globale ; Score Essco = Score d’Estime de soi scolaire ; Score

Essoc = Score d’Estime de soi sociale ; NEMO = Score d’Emotions négatives ; PEMO = Score d’Emotions positives ; Score Syllo = Score aux syllogismes (Performances cognitives). * p < .05, ** p < .01, *** p < .001.

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Nous avons testé nos hypothèses dans un seul modèle en pistes causales (Figure 1 A). L’ajustement n’est pas bon (χ²/DDL = 6.474 ; p = 0.011 ; CFI = 0.828 ; RMSEA = 0.189, IC 90% [0.072 – 0.339], p = 0.028) et nous ne trouvons pas un effet significatif de l’estime de soi scolaire sur les émotions négatives. Ces dernières n’ont pas d’effet non plus sur les performances cognitives.

Nous avons gardé les pistes significatives du modèle précédent et avons inclus dans les analyses les deux autres estimes de soi (Figure 1 B). Nous avons testé des effets en accord avec les liens significatifs dans la matrice des corrélations. L’estime de soi globale a un effet négatif sur les émotions négatives. Les effets des estimes de soi sociale et scolaire sur les émotions négatives n’ont pas été significatifs à l’inverse des corrélations significatives entre ces variables. Nous avons donc enlevé ces deux pistes et avons abouti à un modèle avec un bon ajustement (χ²/DDL = 2.259 ; p = 0.036 ; CFI = 0.927 ; RMSEA = 0.083, IC 90% [0.020 – 0.140], p = 0.150).

Nous avons gardé les pistes significatives entre estime de soi scolaire, émotions positives et performances cognitives et avons ajouté l’âge (Figure 1 C), en nous basant sur les corrélations significatives. Il y a un bon ajustement (χ²/DDL = 2.031 ; p = 0.131 ; CFI = 0. 932 ; RMSEA = 0.082, IC 90% [0.000 – 0. 198], p = 0.233). L’âge a un effet négatif sur l’estime de soi scolaire et cette dernière a un effet positif sur les performances cognitives. L’estime de soi scolaire a aussi un effet positif sur les émotions positives, qui, de leur côté, ont un effet positif sur les performances cognitives.

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Figure 1

Modèle avec l’Estime de soi scolaire, les Emotions et les Performances cognitives (A), Modèle avec les Estimes de soi, les Emotions et les performances cognitives (B), Modèle avec l’Age, l’Estime de soi scolaire, les Emotions positives et les Performances cognitives (C).

DISCUSSION

Nos hypothèses ont été partiellement validées. L’estime de soi scolaire a un effet positif sur les émotions positives qui ont un effet positif sur les performances cognitives. L’estime de soi scolaire a aussi un effet positif sur les performances cognitives. Par contre, nous n’avons pas trouvé d’effet significatif de l’estime de soi scolaire sur les émotions négatives, ni d’effet de ces dernières sur les performances cognitives. Les émotions négatives ont-elles un double effet : à la fois positif et négatif ? Melton (1995) avait déjà trouvé que les émotions négatives peuvent rehausser les performances cognitives. Nous avons trouvé un effet négatif de l’âge sur l’estime de soi scolaire : cela peut expliquer pourquoi on peut avoir une baisse des performances et éventuellement un désengagement scolaire avec l’avancement de l’âge. Nous avons aussi trouvé un effet négatif de l’estime de soi globale sur les émotions négatives : cela pourrait jouer sur la motivation qui, de son côté, va avoir une répercussion sur les performances cognitives et scolaires (e.g. Valiente, Swanson & Eisenberg, 2012). Nos résultats soulignent ainsi l’importance de la préservation et l’amélioration des estimes de soi scolaire et globale, surtout avec l’avancement

A)

B)

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dans l’âge, afin de favoriser chez les élèves des expériences affectives positives, de les protéger d’une baisse des performances et éviter le décrochage scolaire.

Concernant les limites de notre étude, la taille de notre échantillon est plus petite que prévue. Pour pouvoir étudier la part de la variance expliquée par les effets directs et indirects, Kline (2016) préconise d’avoir un échantillon de 400-500 participants. Nous avons besoin d’inclure d’autres classes de collège (3ème et 4ème) et pourrions ainsi étudier l’influence de l’âge. Nous pourrions aussi voir si on obtient les mêmes résultats aux syllogismes avec les classes de 3ème et 4ème et si notre matériel est difficile malgré la déclaration de nos participants que ce n’est pas le cas. Une telle déclaration ainsi que le score élevé des estimes de soi peuvent nous faire penser à un éventuel effet de désirabilité sociale qui serait important à investiguer. Ce serait également intéressant de refaire les analyses avec un niveau plus spécifique des estimes de soi scolaire (facettes compétence scolaire et conduite comportementale) et sociale (facettes acceptation sociale et amitié intime). Nous voulons aussi poursuivre cette recherche en investiguant les liens de nos variables avec le décrochage scolaire afin de fournir des pistes de prévention.

BIBLIOGRAPHIE

Blanchette, I., & Richards, A. (2010). The Influence of Affect on Higher Level Cognition: A Review of Research on Interpretation, Judgement, Decision Making and Reasoning. Cognition &

Emotion, 24, 37-41. https://doi.org/10.1080/02699930903132496

Fartoukh, M., Chanquoy, L., & Piolat, A. (2014). Mood Induction in Children: Effect of the Affective Valence of a Text on Phonological Working Memory. Advances in Cognitive Psychology,

10,113–118. https://doi.org/10.5709/acp-0162-z

Melton, R. J. (1995). The role of positive affect in syllogism performance. Personality and Social

Psychology Bulletin, 21, 788-794. https://doi.org/10.1177/0146167295218001

Valiente, C., Swanson, J., & Eisenberg, N. (2012). Linking Students’ Emotions and Academic Achievement: When and Why Emotions Matter. Child Development Perspectives, 6, 129- 135. https://doi.org/10.1111/j.1750-8606.2011.00192.x

Yakimova, S., Maintenant, C., & Taillandier-Schmitt, A. (2021). Examining how positive and negative emotions influence cognitive performance in secondary schools. In C. Pracana & M. Wang (Eds.), Psychology Applications & Developments VI (pp 255-267). Lisbon, Portugal : InScience Press

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Atelier 5.

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