• Aucun résultat trouvé

Une étude écologique et longitudinale

Trémaud Maëla, maela.tremaud@etu.univ-amu.fr, Aix-Marseille Université, Centre de recherche en Psychologie de la Connaissance, du Langage et de l’Emotion (PSYCLE, EA 3273), Adapei des Pyrénées-Atlantiques, Centre de Formation et de Recherche, France

Aguiar Yuska, yuska@dcx.ufpb.br, Université Fédérale de Paraíba (UFPB-Campus IV), Brésil Pavani Jean-Baptiste, jean-baptiste.pavani@univ-amu.fr Aix-Marseille Université, Centre de recherche en Psychologie de la Connaissance, du Langage et de l’Emotion (PSYCLE, EA 3273), France

Arciszewski Thomas, thomas.arciszewski@univ-amu.fr, Aix-Marseille Université, Centre de recherche en Psychologie de la Connaissance, du Langage et de l’Emotion (PSYCLE, EA 3273), France

Gepner Bruno, bruno.gepner@univ-amu.fr, Aix-Marseille Université, Institut de Neurophysiopathologie (INP, UMR CNRS 7051), France

Tardif Carole, carole.tardif@univ-amu.fr, Aix-Marseille Université, Centre de recherche en Psychologie de la Connaissance, du Langage et de l’Emotion (PSYCLE, EA 3273), France

Mots-clés : outils numériques, tablette tactile, enfants avec TSA, compétences socio- communicatives et adaptatives

INTRODUCTION

Le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental qui se manifeste par des déficits de la communication sociale, et un caractère restreint et répétitif des comportements, intérêts ou activités auxquels s’ajoutent depuis 2013 (DSM-5, APA) une hyper ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles mettant ainsi en exergue l’existence de particularités sensorielles. Elles sont très largement présentes dans les témoignages des personnes avec TSA, mais aussi dans la littérature, comme à travers le modèle des Désordres du Traitement Temporo- Spatial des flux multisensoriels (DTTS, Gepner, 2014), qui pointe les anomalies du traitement sensoriel et perceptif comme étant au cœur des difficultés de communication sociale et comportementales du TSA. Ces désordres multisensoriels, et plus particulièrement visuels et auditifs, génèrent des difficultés du traitement de l’information véhiculée entre les individus lors des échanges, et donc des défauts d’ajustement dans les interactions et communications sociales. Afin d’améliorer ces dysfonctionnements, les interventions prenant appui sur les outils numériques se sont développées auprès du public avec TSA.

Les tablettes tactiles avec leurs applications s’avèrent être intéressantes car les stimulations sensorielles non pertinentes sont réduites (Murray, 1997). Elles répondent aux spécificités de traitement perceptif et temporel observées dans l’autisme et évitent les difficultés inhérentes à l’interaction avec autrui (Virole, 2014). L’utilisation de ces applications montrent des bénéfices pour développer la communication (Kagohara et al., 2013), l’autonomie (Mercier et al., 2018), et la socialisation (Fletcher-Watson et al., 2016) des personnes avec un TSA. Cependant, même si ces études montrent le potentiel de ces outils numériques, elles présentent aussi des limites : peu de comparaisons des effets obtenus dans les prises en charge avec un support traditionnel (Grossard & Grynszpan, 2015) et surreprésentation des personnes avec TSA présentant un quotient intellectuel moyen ou supérieur à la moyenne (Grynszpan et al., 2014) alors que le TSA s’accompagne d’une déficience intellectuelle dans 50 à 70% des cas (Tardif & Gepner, 2019).

C’est pourquoi notre étude vise à explorer l’effet de l’utilisation d’un outil numérique comparé à un outil traditionnel sur les compétences en socialisation, autonomie et communication d’enfants avec TSA répartis dans deux groupes (avec outil numérique versus traditionnel). Ces

79

compétences sont travaillées lors de 3 séances hebdomadaires de 15 min, en contexte écologique au sein de leur établissement. Nous posons l’hypothèse suivante : après un an de travail sur les compétences en communication, autonomie et socialisation, les enfants du groupe expérimental utilisant l’outil numérique progressent significativement plus que ceux du groupe contrôle utilisant l’outil traditionnel. Ces progrès devraient se traduire par des scores significativement plus élevés dans les domaines évalués à la VINELAND-II et par des scores significativement plus faibles dans les domaines évalués à la CARS-T.

METHODE

Pour cela, la méthode est la suivante : auprès du groupe expérimental, nous avons utilisé les applications de la tablette AMIKEO développées par la société Auticiel (société qui conçoit des solutions numériques d’aide à l’apprentissage et à l’autonomie des personnes avec un handicap cognitif et/ou mental) comme Voice (classeur de communication numérique) ; Séquences (pour réaliser des tâches étape par étape) ; Social Handy (pour travailler les interactions). Auprès du groupe contrôle, nous avons utilisé des outils traditionnels correspondants : classeur PECS, séquences visuelles en papier, jeux interactifs.

Le groupe expérimental est composé de 11 enfants (3 filles/8 garçons, âge moyen=9 ans 8 mois, ET=3,7) et le groupe contrôle de 11 enfants (1 fille/10 garçons, âge moyen=9 ans 2 mois, ET =3,3). Ces 22 enfants présentent un TSA (diagnostiqués selon les critères de la CIM-10 ou du DSM-5). Afin de définir le profil des enfants à T0 (début de l’étude), des évaluations sont réalisées à l’aide d’entretiens auprès des professionnels qui accompagnent ces enfants et mettent en avant un degré d’autisme modéré à sévère (mesuré à la CARS-T) et des niveaux faibles de développement en communication, autonomie et socialisation (mesurés à la VINELAND-II) (voir Tableau 1). Comme cela est indiqué par les t de student inscrits dans ce Tableau 1, ces deux groupes ne sont pas différents au départ.

Tableau 1

Caractéristiques des enfants avec TSA du groupe expérimental et du groupe contrôle

Variables Groupe expérimental

(N=11)

Groupe contrôle (N=11)

Sévérité autisme (CARS-T)

(score moyen ± Ecart-type) M = 36,50 ± 6,03 M = 38,55 ± 5,15

Age de fonctionnement adaptatif (VINELAND-II) (en mois, moyen ± Ecart-type)

Communication expressive M = 33,00 ± 24,16 M = 27,55 ± 20,81 t de student p = 0,577 Autonomie personnelle M = 50,00 ± 35,93 M = 39,27 ± 16,21 t de student p = 0,377 Adaptation M = 26,64 ± 15,58 M = 24,91 ± 12,17 t de student p = 0,775

Afin de mesurer leur progression, qui doit donner lieu à un gain de performances sur les compétences en communication, autonomie et socialisation mesuré avec les scores à VINELAND- II et à une diminution de la sévérité d’autisme mesurée avec les sores à la CARS-T, les enfants de ces deux groupes sont à nouveau évalués à T1 (un an après) à l’aide d’entretiens auprès des mêmes professionnels.

80

Pour traiter les résultats, l’analyse effectuée est une extension des analyses de régression classiques, appelée modèle linéaire à effets mixtes (LMM) dont l’intérêt est de prendre en considération le caractère hiérarchique de nos données (scores des enfants, emboîtés dans plusieurs types de tests, emboîtés dans plusieurs individus), grâce à un intercept aléatoire par type de test et un intercept aléatoire par individu. La variable dépendante est le score des enfants à T1 obtenus aux tests (CARS-T et VINELAND-II). Les variables indépendantes sont : le groupe, variable catégorielle à deux modalités (contrôle et expérimental) ; le type de test (CARS-T et VINELAND-II) et l’interaction entre le groupe et le type de test1.

RESULTATS

Si les enfants travaillant avec l’outil numérique n’ont pas produit, en moyenne et de façon globale, une augmentation de leurs scores entre T0 et T1 plus importante que ceux travaillant avec l’outil traditionnel, comme l’indique l’effet non significatif du groupe (b = 0,02 ; p = 0,89), leurs scores ont en revanche significativement plus augmentés dans les domaines évalués à la VINELAND-II, comme l’indique l’effet d’interaction significatif entre le groupe et le type de test (b = 0,27 ; p < 0,05) (voir Figure 1). Entre le début (T0) et la fin de l’étude (T1+12mois), les enfants du groupe expérimental bénéficiant de l’intervention avec outil numérique ont davantage développé leurs compétences dans les domaines de la communication, de l’autonomie et de la socialisation que ceux du groupe contrôle bénéficiant de l’intervention avec outil traditionnel.

Note. La droite verte clair correspond à la CARS-T pour le groupe contrôle et la droite vert foncé à la CARS-T pour le groupe expérimental. La droite bleu clair correspond à la VINELAND-II pour le groupe contrôle et la droite bleu foncé à la VINELAND-II pour le groupe expérimental.

Figure 1

Evolution des scores des enfants en fonction du groupe et du type de test, entre T0 et T1

DISCUSSION

1 Exprimé à l’aide de la notation de Wilkinson et Rogers (1973) le modèle est : Score à T1 ~ 1 + Groupe *

81

Les effets bénéfiques de l’intervention avec l’outil numérique proviennent de l’effet attractif et ludique de la tablette, qui semble supérieur à celui de l’outil traditionnel comme nos observations le notent, et, de ce fait, cela favorise la motivation et l’attention des enfants. En outre, l’atout principal de cet outil numérique semble être la possibilité d’adapter et de personnaliser l’application aux besoins et au fonctionnement des enfants avec TSA. Les applications personnalisables offrent en effet une possibilité d’apprentissage intéressante pour répondre à l’hétérogénéité des profils des individus avec TSA (Renaud & Cherruault-Anouge, 2018). Les applications AMIKEO ont été conçues de manière à pouvoir personnaliser et adapter l’interface de l’application mais également son contenu. Avec cette personnalisation, nous avons pu être au plus proche des besoins des utilisateurs et nous adapter à leurs particularités sensorielles. Par exemple, pour la modalité visuelle, il était possible de paramétrer l’application en choisissant une grande taille d’images et un fond d’interface foncé. Pour la modalité auditive, nous avons pu définir une synthèse vocale avec une vitesse d’élocution lente afin de permettre aux enfants de mieux traiter l’information, selon les recommandations des études menées sur l’impact du ralenti (Gepner, 2014). Tous ces paramétrages et fonctionnalités ne sont pas réalisables avec l’outil traditionnel. Il semble donc que l’outil numérique apporte des ajustements supplémentaires d’une part, et respecte d’autre part davantage les particularités et spécificités de traitement perceptif et temporel observées dans l’autisme (Virole, 2014).

BIBLIOGRAPHIE

American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders

(5th ed.). Arlington, VA: Amerian Psychiatric Association.

Fletcher-Watson, S., Petrou, A., Scott-Barrett, J., Dicks, P., Graham, C., O’Hare, A., Pain, H., & McConachie, H. (2016). A trial of an iPad TM intervention targeting social communication skills in children with autism. Autism, 20(7), 771‐782. https://doi.org/10.1177/1362361315605624

Gepner, B. (2014). Autismes ralentir le monde extérieur, calmer le monde intérieur. O. Jacob. Grossard, C., & Grynszpan, O. (2015). Entraînement des compétences assistées par les

technologies numériques dans l’autisme : Une revue. Enfance, 2015(01), 67‐85. https://doi.org/10.4074/S0013754515001056

Grynszpan, O., Weiss, P. L. (Tamar), Perez-Diaz, F., & Gal, E. (2014). Innovative technology- based interventions for autism spectrum disorders : A meta-analysis. Autism, 18(4), 346‐361. https://doi.org/10.1177/1362361313476767

Kagohara, D. M., van der Meer, L., Ramdoss, S., O’Reilly, M. F., Lancioni, G. E., Davis, T. N., Rispoli, M., Lang, R., Marschik, P. B., Sutherland, D., Green, V. A., & Sigafoos, J. (2013). Using iPods® and iPads® in teaching programs for individuals with developmental disabilities : A systematic review. Research in Developmental Disabilities, 34(1), 147‐156. https://doi.org/10.1016/j.ridd.2012.07.027

Mercier, C., Marine, G., Guffroy, L., Sauvage, L., & Serena, L. (2018). Effet d’un agenda numérique sur le développement des compétences socio-cognitives chez des personnes avec autisme. Education & Formation, 75‐88.

Murray, D. K. C. (1997). Autism and information technology : Therapy with computers. In Autism

and Learning : A Guide to Good Practice (Powell, S. and Jordan, R.).

Renaud, J., & Cherruault-Anouge, S. (2018). Applications numériques pour l’autonomie des personnes avec trouble du spectre de l’autisme. Enfance, N° 1(1), 131‐146.

Tardif, C., & Gepner, B. (2019). L’autisme.

Virole, B. (2014). Autisme et tablettes numériques. Enfances & Psy, 63(2), 123. https://doi.org/10.3917/ep.063.0123

Wilkinson, G. N., & Rogers, C. E. (1973). Symbolic Description of Factorial Models for Analysis of Variance. Applied Statistics, 22(3), 392. https://doi.org/10.2307/2346786

82

Outline

Documents relatifs