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La situation de confusion de registres :

Analyse de la variation diaphasique

3. L’alternance de registres :

3.2. La situation de confusion de registres :

C’est la situation la plus dominante, elle caractérise généralement les séquences d’explication des cours.

Dans ce genre de séquences, les thèmes abordés portent sur le contenu du cours ce qui leur donne la même nature « thèmes didactiques ». Ici, nous avons remarqué la présence de tous les registres avec des fréquences d’emploi

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très variées d’un registre à l’autre. Toutefois, le registre familier demeure le plus utilisé.

Extrait du cours N°1 :

P : donc on va essayer un p’tit peu de progresser s’il vous plaît /../ avec votre permission ˂ /../ eu ::h donc vous allez directement à la ligne /…/ c’est la suite euh toujours concernant l’erreur donc en dernière phrase d’ eu ::h

L’observation de cette intervention de l’enseignant montre qu’il utilise deux registres de langue au sein d’un même tour de parole, le registre familier (« on » au lieu de nous et « p’tit » au lieu de petit) et soutenu (les deux formules : s’il vous plaît + avec votre permission).

Extrait du cours N°1 :

P : bien /./ point /./ il est vrai que cette façon /../ il est vrai /./ que cette façon /…/ il est vrai que cette façon de procéder > /../ il est vrai que cette façon de procéder comporte certains risques /../ comporte certains risques /../ puisqu’on demande à l’élève /../ puisqu’on demande à l’élève /./ en question /./ puisqu’on demande à l’élève en question /../ l’élève en question /./ d’expliciter > /./ l’élève en question /./ d’expliciter quelque chose /./ d’expliciter quelques chose /../ qui ne l’est pas forcément /./ d’expliciter quelque chose qui n’l’est pas forcément /../ qui /./ ne /./ l’est L apostrophe E N T qui ne l’est pas forcément /../ donc il peut pas tout l’temps expliciter ou dire directement eu ::h qu’est ce qu’il veut dire par ceci ou cela ou bien comment > il a pu eu ::h avoir tel ou tel résultat par rapport à son cheminement de penser donc il peut pas toujours interpréter la chose /./ à la ligne s’il vous plaît /../ l’élève se construit /../ l’élève se construit /./ son propre système /../ se construit son propre système linguistique

Dans cette intervention, nous remarquons que l’enseignant dictait une partie du cours. Ce qui a attiré notre attention dans ce passage, c’est le fait que

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l’enseignant utilise deux registres de langues pour prononcer la même phrase pendant la dictée. En effet, l’enseignant a prononcé l’expression « qui ne l’est

pas forcément » avec une bonne prononciation. Il s’agit ici, d’une lecture d’un

texte scientifique écrit, il n’y a pas de raison donc pour que cette phrase n’appartienne pas au registre courant.

Après une courte pause, l’enseignant voulant reprendre la même phrase pour donner un peu plus de temps aux étudiants qui n’arrivent pas à écrire au même rythme que la lecture de l’enseignant, il prononce « qui n’l’est pas

forcément ». Nous relevons donc une apocope avec l’abandon du e du « ne »

de la négation.

Après avoir terminé la dictée de cette partie du cours, l’enseignant est passé immédiatement au registre familier pour expliquer ce qu’il venait de dicter. Ce que nous relevons dans cette partie de l’intervention, c’est le passage au registre soutenu en demandant aux étudiants de reprendre l’écriture « à la

ligne s’il vous plaît ».

Extrait du cours N°1 :

P : pourquoi nous avons ici /../ utilisé le mot cristallisent vient du cristal /../ c’est dans le sens ou /./ si/./ justement de fausses hypothèses (liaisons) se fixent donc il n’y a pas eu d’ correction /./ là on vas parler d’erreurs persistantes /./ donc des erreurs qui vont pas disparaitre /./ euh même a a a a après vingt ans /../ y a certaines personnes qui eu ::::h après un certains laps de temps /./ en leur eu ::::h disant /./ on n’écrit pas ce mot de euh de cette façon, mais /./ comme ça par exemple > /./ donc la il va vous dire oui eu :::h y a pas d’souci et eu :::h la prochaine fois il vas répéter la même chose > pourquoi parc' que c’est bon pour lui ce mot là c’écrit juste de cette façon /./ et nul autre /./ donc on parle ici d’erreurs persistantes > qui peut pas être euh effacé facilement euh dans certains ouvrages aussi vous pouvez trouver euh l’expression faucille /./ des erreurs fossilisées /./ donc c’est des erreurs qui se fixent /./ qui s’eu :::::::h qui disparaissent pas /../

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XXX 'oilà c’était de l’époque des dinosaures /../ donc euh euh on parle d’erreurs dites persistantes >

L’observation de cette intervention de l’enseignant, révèle l’utilisation de deux registres de langue au sein de cette même intervention sans pour autant qu’il n’y ait une raison apparente. Au début de ce tour de parole, nous remarquons l’utilisation d’une langue correcte appartenant au registre courant. Nous avons relevé donc une bonne prononciation, la réalisation de la liaison dans « de fausses hypothèses », négation bien réalisée dans « donc il n’y a

pas » etc.

Pour des raisons que nous ne pouvons pas déceler, la suite de l’intervention de l’enseignant se réalise exclusivement en registre familier. En effet, beaucoup de caractéristiques de ce registre sont facilement repérable dans cette suite de l’intervention.

Extrait du cours N°2 :

P : mmm oui /./ sympa /./ oui au oui madame (en s’adressant à une étudiante) /./ déjà le début /./ oui, mais un peu plus fort hein pac’que là j’entends pas du tout avec le bruit d’à côté

Dans cette intervention, nous remarquons l’alternance entre le registre familier et soutenu. Nous relevons d’abord l’emploi de l’apocope « sympa » puis l’utilisation du terme « madame » pour s’adresser à l’une des étudiantes. À la fin de l’intervention, nous relevons le retour vers le registre familier à travers la phrase « pac’que là j’entends pas du tout ».

Extrait du cours N° 2 :

P : nous on ne dis pas tu et comme c’est pas son ami ce n’est pas son camarade ou un membre de sa famille /../ Proust /…/ (bruit) ça commence bien avec le je (en parlant à un étudiant) /…/ c’est le groupe douze ah

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Ce qui est à relever dans cette intervention, c’est la réalisation de la négation de deux façons différentes appartenant à deux registres différents. Ce qui est encore étonnant, c’est le fait que les deux négations sont juxtaposées dans l’intervention « c’est pas son ami ce n’est pas son camarade ».

Extrait du cours N°8 : E5 : Abderrezak Sami

P : alors Sami /./ Abderrezak /…/ tu vas choisir un roman E5 : XXX

P : mais tu es un peu faire euh tu veux travailler sur autre chose ˃ E5 : XXX

P : moi j’essaie de te faciliter c’est par rapport à l’objet d’étude maint’nant si tu veux pas travailler sur un roman [rabi ysehel] (que vous ayez l’aide de Dieu) eu ::h on peut changer hein je peux trouver autre chose /./ alors dites-moi sur quoi vous voulez travailler /./ j’ai plusieurs idées en tête, mais ne n’sais pas eu :::h est-c’que euh /./ alors je me pose la question sur la faisabilité de la chose est-c’que c’est faisable ou pas est-c’que vous pouvez le faire ou pas /./ alors y a eu ::h proposition d’un projet de recherche

Cette séquence est une interaction entre l’enseignante et l’un de ses étudiants. Pour préparer un exposé ou un compte rendu, l’étudiant propose le titre d’un roman. L’enseignante ne s’est pas montrée motivée pour l’idée de l’étudiant et essaie de le convaincre, mais aussi de l’aider à choisir un autre travail. Ce que nous avons relevé dans cet échange, c’est le fait que l’enseignante a commencé par tutoyer l’étudiant « tu vas choisir un roman ? », « mais tu es

un peu », « moi j’essaie de te faciliter ».

Nous ignorons les raisons pour lesquelles l’enseignant bascule vers le vouvoiement dans le même tour de parole et en s’adressant au même étudiant en l’interrogeant « alors dites-moi sur quoi vous voulez travailler ? » ou encore en l’informant de la difficulté du travail qu’il a choisi « alors je me

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pose la question sur la faisabilité de la chose est-c’que c’est faisable ou pas est-c’que vous pouvez le faire ou pas ? ».

Extrait du cours N°11 :

P : etcetera et cetera /./ bon Nadia j’ai bien aimé votre exposé vous avez deux plus

E1 : merci

P : voilà /./ c’est très bien /./ alors on vous conseille Nadia de chercher sur internet /./ Voltaire en Angleterre et Shakespeare en France vous allez trouver beaucoup d’éléments qui vont enrichir votre travail et donner plus de crédibilité à votre eu ::h rédaction à votre texte

Ce que nous voulions souligner dans cet exemple, c’est le fait que l’enseignant s’adresse à l’étudiante en employant uniquement son prénom, c’est-à-dire sans le précédé d’un terme d’adresse (madame ou mademoiselle par exemple). Toutefois, nous remarquons le vouvoiement avec cette étudiante. Il s’agit de deux styles différents qui renvoient à deux registres de langue différents. Le premier style marque une certaine familiarité avec la personne et le deuxième marque une certaine distance.

Extrait du cours N°4 :

P : deux enseignantes qui étaient là /./ elles étaient en train de parler d’une troisième personne qui n’était pas présente [mbaʕd ana] (après moi) j’ai dit euh [goultelhoum] (je leur ai dit) s’il vous plaît [wallah ghir akhtiwna] (au nom de Dieu laissez-nous tranquille) foutez nous la paix laissez euh [matahkiwlich] (ne m’en parlez pas) ne m’en parlez pas [gatli wahda gatli wach ghadak lhal ʕliha ˃ ] (quoi tu as de la peine pour elle ?) ça veut dire t’as d’ la peine pour elle hein /./ [gatlli] (elle m’a dit) pourquoi c’est ton amie ˃ [goutelha] (je lui ai dit) non c’est pas la question c’est contre mes principes

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Cet extrait est une intervention que nous avons déjà analysée plus haut. Nous voulions y retourner ici pour souligner les deux formulations « s’il vous plaît,

foutez nous la paix ». Il s’agit ici, d’une situation de confusion de registres où

sont juxtaposés les registres soutenu et populaire. Extrait du cours N°2 :

E5 : XXX

P : oui vous pouvez changer de place ça me dérange pas /../ est-ce que vous avez compris c’que j’ veux

E6 : oui

Dans cette séquence, nous remarquons que l’enseignante répond à l’un des étudiants qui demande la permission de changement de place. Dans la courte réponse de l’enseignante, nous relevons les caractéristiques de deux registres de langue. Le registre soutenu à travers le vouvoiement dans la phrase « oui

vous pouvez changer de place » et juste après, le registre familier à travers la

contraction du pronom « cela » en « ça » et la suppression de « ne » dans la locution négative « ça me dérange pas ».

Après avoir permis à l’étudiant de changer sa place, l’enseignante retourne vers les autres étudiants pour continuer son cours. Nous relevons également ici une situation d’alternance inexplicable lorsqu’elle interroge les étudiants en employant le registre courant « est-ce que vous avez compris ? » puis elle bascule vers le registre familier pour la deuxième partie de l’interrogation « c’que j’ veux ».

Ce genre d’intervention est constaté chez la plupart des enseignants enregistrés. Nous pouvons confirmer à partir de l’examen de notre corpus que les enseignants du département de français confondent les différents registres de langue. Cette situation peut être liée au degré de liberté dont disposent les enseignants dans leurs pratiques langagières. À notre avis, l’origine de cette liberté ne repose pas uniquement sur l’usage personnel de chaque enseignant,

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mais elle peut également être liée à l’absence de contrôle des activités des enseignants universitaires ainsi que l’absence de directives et d’instructions institutionnelles dans ce sens.