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La variation linguistique

4. Les registres de langue :

Le concept de « registres de langue », appelé également niveaux de langue, est généralement utilisé pour désigner les différents parlers associés à la

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AUGER J., 1997, «Styles contextuels ». In Sociolinguistique. Concepts de base, Liège, Mardaga. P.277.

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SIMONIN Jacky, WHARTON Sylvie, 2013, Sociolinguistique du contact. Dictionnaire des termes

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variation diaphasique, en d’autres termes, il renvoie aux différentes façons d’exprimer une même réalité au sein d’une même communauté linguistique. Ces différentes manières d’exprimer un même message sont gouvernées par plusieurs facteurs qui peuvent être liés à la diversité des situations de communication.

Le fait d’évoquer la situation de communication nous rappelle la notion de « classification ». Les registres représentent donc une classification hiérarchisée des usages d’une langue portant des jugements de valeur pour chacun des registres, les uns sont jugés positivement, les autres sont stigmatisés.

D’un point de vue théorique, les registres jugés positivement représentent les registres valorisés et recommandés au sein de la communauté, ce sont ceux qui correspondent à la norme, au bon usage.

Chaque locuteur, qu’il soit natif ou non, dispose généralement d’une gamme variée de registres, ce qui le rend capable de varier son discours selon la situation de communication, mais aussi, selon les divers contextes. Ainsi, il exprime des messages ayant le même contenu sémantique en utilisant des formes variées pouvant affecter plusieurs aspects de la langue notamment : phonétique, morphologique, lexical, syntaxique.

Le fait de maîtriser une langue impose la maîtrise des registres qui y sont disponibles. Dans certains cas, un locuteur peut ne pas être capable de produire des énoncées dans l’un ou l’autre des registres tout en ayant la capacité de comprendre et de lui attribuer sa signification sociale, on peut parler ici d’une maîtrise passive des registres de langue.

Il importe de mentionner qu’il n’existe pas jusqu’à aujourd’hui un consensus pour une classification unifiée des différents registres de langue. Celui qui consulte plusieurs travaux traitant ce sujet risque de ne pas retrouver le même

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nombre de registres distingués ni parfois les mêmes dénominations attribuées aux registres. Toutefois, il importe de signaler que les registres les plus répandus sont : soutenu, courant, familier, populaire. Pour illustration, nous donnons le classement des différents registres selon le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues :

« Le mot « registre » renvoie aux différences systématiques entre les variétés de langues utilisées dans des contextes différents. […] :

– officiel Messieurs, la Cour !

– formel La séance est ouverte.

– neutre Pouvons-nous commencer ?

– informel On commence ?

– familier On y va ?

– intime Alors, ça vient ? »80

Pour cette recherche, nous avons choisi d’adopter la classification des registres proposée par Françoise Gadet qu’elle résume dans le tableau suivant81 :

Terme Synonymes présumés

soutenu recherché, soigné, élaboré, châtié, cultivé, tenu, contrôlé, tendu

standard standardisé, courant, commun, neutralisé, usuel

familier relâché, spontané, ordinaire

populaire vulgaire, argotique

Comme elle le confirme, cette classification est celles des manuels scolaires, les dictionnaires et grammaires ou à la pratique courante.

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Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues P. 94. 81

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Malgré le fait que nous avons défini les registres de langue dans nos travaux précédents, nous avons jugé utile, pour la présente recherche, de les aborder en approfondissant le regard sur le concept dans le but de mieux les définir.

4.1. Le registre soutenu :

Appelé également « soigné », « recherché », ce registre demande une grande concentration au locuteur lors de l’interaction. Il est utilisé dans des situations formelles. À l’oral, ce registre se caractérise par une prononciation très claire d’une grande proximité avec l’écrit. Dans le souci de bien s’exprimer, tous les mots et expressions de ce registre sont recherchés ce qui écarte toute spontanéité de la communication.

D’un point de vue théorique, le registre soutenu (à l’écrit comme à l’oral) doit être exempt d’hésitations, des pauses et des mots d’appui tels que : euh, bien, donc, bon, etc. Or, la nature et la réalité des discours oraux éprouvent que la présence de tels phénomènes est inévitable quel que soit le registre, autrement dit, ce n’est pas la présence de ces phénomènes qui est signifiante mais c’est la nature et la fréquence de ces derniers qui est pertinente.

Les principales caractéristiques de ce registre sont :

• Une syntaxe souvent complexe avec des phrases pouvant être longues et des tournures élaborées ainsi qu’une rigoureuse concordance des temps.

• Un vocabulaire rare, précis et varié. • Des figures de style recherchées.

• L’emploi de l’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif aussi bien que le passé simple et le passé antérieur de l’indicatif.

• Inversion du sujet dans la forme interrogative directe.

• Inversion du sujet après certains adverbes (aussi, ainsi, peut-être, etc.). • Le vouvoiement.

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Le registre soutenu est celui qu’on relève dans la plupart des situations linguistiques. Dans une prononciation relativement claire, il prend l’écrit comme modèle. L’emploi de ce registre dans une situation où il n’est pas adapté peut le faire apparaître comme déplacé, voire même prétentieux et abusif.

4.2. Le registre courant :

Appelé également « neutre », « standard » ou « correct », ce registre est aussi utilisé dans des situations formelles, mais qui demandent moins de surveillance et de concentration que le registre soutenu. Ce registre représente la variété la plus comprise dans toute la communauté, bien qu’il ne soit utilisé que par une partie de cette communauté.

Le registre courant est le registre qui pourrait servir de point commun entre tous les locuteurs étant donné qu’il ne marque aucun écart par rapport à la norme prescriptive. C’est le registre qui servira de repère pour définir les autres registres. Il ne retient pas l’attention et donne le sentiment d’une langue correcte.

Il est utilisé par les journalistes, les professeurs, dans la vie professionnelle, etc. Le registre courant est le registre privilégié pour ne pas dire exigé dans le domaine de l’enseignement. En effet, les enseignants sont tenus à utiliser un langage ordinaire, mais aussi correct dans toute circonstance, et ce afin d’éviter tout apprentissage en écart avec la norme.

Les principales caractéristiques de ce registre sont :

Un vocabulaire correspondant à celui des dictionnaires usuels (des mots compris par tout le monde et qui paraissent neutres, c’est-à-dire pas trop recherchés).

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Une syntaxe correcte avec des phrases quelquefois complexes, les principales règles de grammaire sont respectées.

Des phrases bien construites, mais sans recherche stylistique.

4.3. Le registre familier :

Ce registre correspond à la langue utilisée dans des contextes informels. La plupart des locuteurs d’une langue utilisent ce registre, car il caractérise les échanges entre amis et proches, avec les parents ou plus généralement avec des personnes avec lesquelles on se sent à l’aise dans des échanges qui se déroulent en toute spontanéité. Il est plutôt utilisé aux échanges oraux et comprend des mots et des expressions qui ne peuvent être employés à l’écrit. Le langage familier n’est pas totalement correct, mais il reste tout de même admis sous certaines conditions.

Les principales caractéristiques de ce registre sont :

• Une syntaxe simplifiée et souvent approximative : des phrases courtes, parfois inachevées, ou au contraire, interminables; des phrases nominales, souvent asyntaxiques (anacoluthes, thématisations agrammaticales); des interjections fréquentes; un grand usage de l’ellipse; des pléonasmes abusifs; l’utilisation de la juxtaposition paratactique, etc.

• De nombreuses abréviations (non lexicalisées).

• Forme interrogative directe simple et sans inversion du sujet : • Un vocabulaire relâché.

• Remplacement de « nous » par le pronom sujet « on ». • La suppression de « ne » dans les locutions négatives : • L’utilisation abusive du présent de l’indicatif.

• Une prononciation plus rapide et moins soignée des mots (notamment par l’abandon de nombreux e muets causant des rencontres de consonnes alors simplifiées et modifiées ─ simplification qui s’étend aussi à d’autres groupes

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de consonnes, surtout en fin de mots ─, par des métaplasmes comme la syncope, la métathèse, l’apocope, l’aphérèse).

• Consonnes géminées.

• Assourdissement des consonnes sonores en contact avec des consonnes sourdes.

• L’utilisation fréquente d’expressions idiomatiques. • Le tutoiement

• Les répétitions.

• Un moins grand nombre de liaisons. • Concordance des temps non réalisée. • Etc.

4.4. Le registre populaire :

Le registre populaire correspond à la langue utilisée dans des situations informelles et intimes, il est généralement utilisé par des locuteurs se trouvant au bas de l’échelle sociale et généralement moins scolarisés, ce qui signifie que ce registre est socialement stigmatisé. Son emploi est pour la plupart du temps jugé négativement.

Ce registre se caractérise par :

Une prononciation énormément relâchée, Il inclut souvent des jurons.

Des termes impropres. Des termes péjoratifs. Des verbes mal conjugués. Des mots anglais.

Des mots tronqués. Des phrases brisées. Etc.

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Le registre populaire peut se transformer dans certains cas en registre argotique lorsqu’il contient un nombre important de mots et d’expressions venues des milieux défavorisés. Le « verlan » en est une variété.

4.5 Le registre vulgaire :

Le Petit Larousse définit le mot « vulgaire » comme : « quelque chose ou quelqu’un qui manifeste un manque de délicatesse, d’éducation, grossier ». Il est perçu comme contraire à la bienséance, à la politesse, aux usages.

Le registre vulgaire est un registre socialement inacceptable, il se caractérise par l’emploi de tout ce qui est jurons, injures, insultes, etc. souvent considérés comme de gros mots.