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1.3. L’ ÉVALUATION DU BURNOUT

1.3.5. Shirom Melamed Burnout Measure (SMBM)

Conformément à la définition du burnout proposée par l’auteur, Le Shirom Melamed Burnout Measure (SMBM ; Shirom & Melamed, 2006) est destiné à mesurer l’épuisement des ressources personnelles résultant d’une exposition chronique à des facteurs de stress. Il est composé de trois dimensions : la fatigue physique, l’épuisement émotionnel et la lassitude cognitive. La première dimension est déjà présente dans certains outils d’évaluation, tels que le BM, et fait référence à une sensation de fatigue et de manque d’énergie. La seconde est celle qui est commune à toutes les mesures du burnout (c’est-à-dire un épuisement des ressources émotionnelles se manifestant par le sentiment de ne pas avoir l’énergie nécessaire pour s’investir dans les relations avec les autres), alors que la troisième n’est intégrée dans aucune des mesures existantes et reflète les aspects liés aux difficultés à se concentrer ainsi qu’à mobiliser ses capacités intellectuelles rapidement. Bien que relativement peu d’études s’y soient intéressées, plusieurs d’entre elles relèvent que des problèmes de concentration et de mémoire sont généralement rapportés par les personnes souffrant de burnout (Öhman et al., 2007; Österberg et al., 2009; Sandström et al., 2005; D. Van der Linden et al., 2005), ce qui confirme la nécessité d’inclure une telle dimension dans l’évaluation de l’épuisement professionnel. Le SMBM offre ainsi l’avantage de se focaliser exclusivement sur des symptômes et de ne pas présenter de chevauchement avec d’autres concepts, tels que le

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antécédents et/ou les stratégies de coping de l’épuisement professionnel (Shirom, 2011; Shirom

& Melamed, 2006). Une autre de ses avantages est que cette échelle se centre sur la notion la plus robuste du burnout, à savoir l’épuisement tout en proposant une évaluation plus complète puisque cette dernière permet d’évaluer l’épuisement à la fois physique, cognitif et émotionnel.

Toutefois, bien que la fiabilité et la validité de même que la structure factorielle à trois dimensions de l’échelle de la version anglaise originale (Armon et al., 2008, 2010; Grossi et al., 2003) et de sa traduction française (Sassi & Neveu, 2010) aient été démontrées dans de nombreuses études, les items de chacune des dimensions sont présentés ensemble (items 1 à 6 pour la fatigue physique, items 7 à 11 pour la lassitude cognitive et items 12 à 14 pour l’épuisement émotionnel), ce qui laisse planer un doute sur la structure factorielle et les qualités psychométriques de l’instrument. Il a en effet été montré que l’ordre de présentation des items d’un questionnaire pouvait avoir des implications méthodologiques (Franke, 1997).

Les items appartenant à une même dimension sont généralement répartis au sein d’un questionnaire afin d’éviter que les participants ne devinent ce que le questionnaire cherche à mesurer. Cette manière de faire permet de réduire l’influence de différents biais de réponse, notamment ceux liés à la désirabilité sociale et à la consistance cognitive (Schriesheim et al., 1989; E. Solomon & Kopelman, 1984), et de minimiser l’impact de ces derniers sur les propriétés psychométriques d’une mesure.

En conclusion, la plupart des échelles de mesure décrites dans les paragraphes précédents ont été inspirées du modèle de Maslach et al. (1996) et souffrent donc des mêmes limites. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, de nombreuses études (p. ex. Diestel et al., 2013;

Kleinsorge et al., 2014) utilisant le MBI comme échelle de mesure ne s’intéressent qu’à la dimension d’épuisement émotionnel, cette dernière étant la plus consensuelle et celle permettant d’expliquer la plus grande part de variance pour le burnout (Bekker et al., 2005;

Brenninkmeijer & Van Yperen, 2003; Shirom, 2003). Toutefois, de notre point de vue, le choix d’un instrument de mesure devrait reposer à la fois sur sa capacité à évaluer les principales manifestations de ce qu’il est censé mesurer (plutôt qu’un ensemble de manifestations mélangeant causes, symptômes et conséquences), de même que sur son ancrage théorique et ses propriétés psychométriques. C’est pourquoi, dans ce travail de thèse, et malgré l’utilisation massive du MBI, il nous a semblé plus judicieux de nous tourner vers un instrument de mesure

correspondant mieux aux différents critères évoqués ci-dessus, et avons donc opté pour la version française du SMBM (Sassi & Neveu, 2010). Ainsi, dans la suite de ce travail, nous parlerons désormais d’épuisement professionnel plutôt que de burnout, ce terme reflétant mieux ce qu’il est censé représenter. Bien que cette échelle ne soit pas exempte de limites, elle présente néanmoins un certain nombre d’avantages, en particulier celui de se focaliser uniquement sur les manifestations symptomatiques de l’épuisement (dans leurs dimensions physiques, cognitives et émotionnelles), permettant ainsi de clairement distinguer ce qui relèverait des antécédents, des stratégies de coping ou des conséquences de l’épuisement professionnel (Shirom & Melamed, 2006). De plus, son ancrage théorique au sein de la théorie de la conservation des ressources (COR ; Hobfoll, 1989; Hobfoll & Freedy, 1993; Hobfoll &

Shirom, 1993, 2001), de même que sa centration sur la notion la plus robuste du burnout (c.-à-d. l’épuisement) en font, de notre point de vue, l’instrument le mieux adapté à l’heure actuelle.

Par ailleurs, la définition de l’épuisement professionnel proposée par Shirom (Shirom, 2003, 2005) correspond en tout point à la définition la plus consensuelle2 du burnout. De manière à pallier certaines des critiques associées à cet instrument (que nous avons évoquées précédemment), en particulier celles relatives au regroupement des items par dimension, la première étude de ce travail aura pour objectif de modifier l’ordre de présentation des items de la version française du SMBM (Sassi & Neveu, 2010) de manière aléatoire, de sorte qu’il pourra varier d’un participant à l’autre. Cette manière de faire permettra de neutraliser l’éventuel effet du regroupement des items et de lever les doutes quant à la structure factorielle et les qualités psychométriques de l’échelle.

Malgré l’intérêt et les avantages que peut représenter le choix de l’instrument d’évaluation proposé par Shirom et Melamed (2006), nous avons pu voir, au fil des sections précédentes, qu’une difficulté possible associée à ce choix est liée aux fortes relations généralement observées entre l’épuisement émotionnel et la dépression. Plusieurs travaux ont en effet mis en évidence une forte corrélation entre l’épuisement émotionnel (mesuré au moyen des 9 items du MBI relatif à cette dimension) et la dépression (Ahola & Hakanen, 2007;

Glass & McKnight, 1996; Schaufeli & Enzmann, 1998) et il pourrait donc s’avérer difficile de les distinguer. Dans la mesure où la définition proposée par Shirom (1989, 2003) et l’instrument

2 C’est-à-dire que le burnout est une réponse affective liée à un stress professionnel chronique, dont l’aspect

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qui lui est associé se centrent exclusivement sur la notion d’épuisement, dans la section qui suit nous aborderons la question de la similitude entre l’épuisement professionnel et la dépression. Nous verrons qu’elle fait l’objet de nombreuses controverses dans la littérature du domaine.