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Une approche multifactorielle et intégrative de l'épuisement professionnel

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Une approche multifactorielle et intégrative de l'épuisement professionnel

PERRUCHOUD, Sandrine

Abstract

De nombreux risques psychosociaux participent à l'émergence et au maintien de l'épuisement professionnel. Cependant, l'implication des processus psychologiques (notamment cognitifs et affectifs) demeure encore très peu investiguée. Les objectifs de ce travail de thèse ont donc consisté à explorer la contribution à l'épuisement professionnel des facettes de l'impulsivité et du mode de traitement de l'information, notamment dans leurs liens avec la régulation émotionnelle et les pensées et émotions contrefactuelles au moment de l'endormissement.

Notre ambition était d'intégrer l'ensemble de ces variables dans une interprétation psychologique qui prenne en compte à la fois la variabilité individuelle et le caractère multidéterminé de l'épuisement professionnel. Nos résultats ont montré que les facettes de l'impulsivité, le mode de traitement de l'information, les émotions contrefactuelles et la régulation émotionnelle contribuaient à la perception de l'environnement de travail ainsi qu'à l'émergence et au maintien de l'épuisement professionnel.

PERRUCHOUD, Sandrine. Une approche multifactorielle et intégrative de l'épuisement professionnel. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2020, no. FPSE 754

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:137688 URN : urn:nbn:ch:unige-1376885

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:137688

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Sous la direction du Professeur Martial Van der Linden et la co-direction du Professeur Nicolas Favez

__________________________________________________________________________

Une approche multifactorielle et intégrative de l’épuisement professionnel

THESE

Présentée à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur en psychologie

Par

Sandrine PERRUCHOUD

De Genève (GE) Thèse No : 754

GENEVE

Mai 2020

N° d’étudiant 00335158

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Une approche multifactorielle et intégrative de l’épuisement professionnel

Sandrine Perruchoud

Candidate au titre de Docteur en Psychologie

Membres du jury

Professeur Martial Van der Linden, Université de Genève

Professeur Nicolas Favez, Université de Genève

Professeur Paolo Ghisletta, Université de Genève

Docteur Renzo Bianchi, Université de Neuchâtel

Docteur Lucien Rochat, Université de Genève

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Mes premiers remerciements vont au Professeur Martial Van der Linden, pour qui j’ai la plus grande admiration et qui nous a malheureusement quittés l’an dernier. Je tiens tout particulièrement à lui rendre hommage et à le remercier sincèrement et chaleureusement pour m’avoir offert la possibilité de faire ce travail de thèse, malgré mon profil « atypique ». Son ouverture d’esprit, sa rigueur scientifique et ses remarques percutantes m’ont permis de mener à bien ce travail. Ne pas avoir pu bénéficier de ses précieux conseils en fin de thèse restera un de mes plus grands regrets.

Je tiens également à remercier le Professeur Nicolas Favez, qui a eu la lourde tâche de reprendre le flambeau alors que ce travail était proche d’aboutir, mais nécessitait encore de nombreux ajustements.

Merci au Professeur Paolo Ghisletta, qui m’a guidée et accompagnée durant toute la période de ce travail, aussi bien sur les aspects méthodologiques que théoriques.

Merci au Docteur Lucien Rochat pour avoir accepté de rejoindre mon jury de thèse au dernier moment, ainsi qu’au Docteur Renzo Bianchi qui m’a fait l’honneur d’accepter de faire partie de mon jury de thèse.

Un grand merci également à Marie-Claire Cors-Huber, directrice des ressources humaines de l’Université de Genève et au Professeur Jean-Luc Veuthey, vice-recteur au moment ou j’ai débuté ce travail et qui m’ont permis de présenter mon projet de thèse au Conseil Rectorat-Doyen (CRD) et d’obtenir l’autorisation de récolter mes données auprès des membres du personnel de l’université.

Merci aux membres du CRD et à toutes les personnes au sein de l’Université de Genève qui ont pris le temps de répondre aux différents questionnaires que j’ai envoyé et sans qui je n'aurai pas pu mener à bien ce travail de thèse.

Je tiens enfin à remercier mon « chéri », pour avoir pris le temps de relire mon travail à un moment critique et qui m’a ainsi permis de reprendre mes esprits !

Pour terminer, une pensée très émue pour mon papa qui aurait été si fier de me voir terminer ce travail et à qui j’aurai tant aimé pouvoir le présenter.

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TABLES DES MATIERES

INTRODUCTION THÉORIQUE ... 1

LE BURNOUT : CONTEXTE HISTORIQUE, DÉFINITIONS ET MODÈLES, ÉVALUATION, LIEN AVEC LA DÉPRESSION ... 1

1.1. CONTEXTE HISTORIQUE : LÉMERGENCE DU CONCEPT DE BURNOUT ... 1

1.2. LES DÉFINITIONS ET MODÈLES DU BURNOUT ... 3

1.2.1. La définition et le modèle de Maslach et Jackson ... 3

1.2.2. Les autres définitions et modèles explicatifs de l’épuisement professionnel ... 5

1.3. L’ÉVALUATION DU BURNOUT ... 12

1.3.1. Maslach Burnout Inventory (MBI) ... 12

1.3.2. Oldenburg Burnout Inventory (OLBI) ... 13

1.3.3. Burnout Measure (BM) ... 14

1.3.4. Copenhagen Burnout Inventory (CBI) ... 14

1.3.5. Shirom Melamed Burnout Measure (SMBM) ... 15

1.4. ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ET DÉPRESSION ... 18

1.5. POUR UNE AUTRE APPROCHE DE LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ... 27

1.5.1. Critique de l’approche catégorielle ... 28

1.5.1.1. La nature dimensionnelle des difficultés psychologiques ... 28

1.5.1.2. L’hétérogénéité clinique des difficultés psychologiques ... 30

1.5.2. Pour une approche dimensionnelle des difficultés psychologiques ... 33

1.5.2.1. Vers une approche du type Mechanistic Property Cluster (MPC) ... 35

LES FACTEURS INFLUENÇANT LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL : ÉTAT DES LIEUX. ... 39

2.1. LE STRESS ... 39

2.1.1. Les approches ergonomiques du stress ... 40

2.1.1.1. Le Job Demand-Control-Support model (JDCS) ... 40

2.1.1.2. L’Effort-Reward Imbalance (ERI) ... 42

2.1.1.3. Le Job-Demands-Resources Model (JD-R) ... 44

2.1.2. Les approches biologiques ... 46

2.1.3. L’approche cognitive et transactionnelle ... 48

2.1.3.1. Les stratégies d’adaptation (coping) ... 49

2.2. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA PERSONNALITÉ ... 54

2.3. LES CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES ... 57

2.4. LE SOMMEIL... 59

UNE APPROCHE PSYCHOLOGIQUE MULTIFACTORIELLE ET INTÉGRATIVE DE

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Tables des matières

3.1. LE MODÈLE EN RÉSEAU ... 64

3.1.1. Le développement des méthodologies associées au modèle en réseau ... 66

3.2. LE COPENHAGEN PSYCHOSOCIAL QUESTIONNAIRE : UN OUTIL QUASI EXHAUSTIF POUR ÉVALUER LA PERCEPTION DE LENVIRONNEMENT PSYCHOSOCIAL DE TRAVAIL. ... 69

3.3. DES PROCESSUS COGNITIFS ET AFFECTIFS SPÉCIFIQUES POUR MIEUX COMPRENDRE LE DÉVELOPPEMENT ET LE MAINTIEN DE LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ... 73

3.3.1. La régulation émotionnelle... 74

3.3.1.1. Régulation émotionnelle et épuisement professionnel ... 79

3.3.2. Le niveau d’abstraction des pensées répétitives (ou mode de traitement des pensées répétitives) ... 84

3.3.2.1. Niveau d’abstraction des pensées répétitives et épuisement professionnel ... 87

3.3.3. Capacités d’autocontrôle... 89

3.3.3.1. Impulsivité ... 90

3.3.3.2. Impulsivité et épuisement professionnel ... 91

3.3.3.3. Impulsivité, niveau d’abstraction des pensées répétitives et épuisement professionnel ... 94

3.3.3.4. Impulsivité, sommeil et épuisement professionnel... 95

3.4. SYNTHÈSE GÉNÉRALE DE LA PROBLÉMATIQUE ... 100

PARTIE EMPIRIQUE ... 105

1. OBJECTIFS ... 105

2. MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE CONCERNANT LE RECRUTEMENT DES PARTICIPANTS AUX 4 ÉTUDES ... 107

3. ÉTUDE 1 :UNE MESURE DES PRINCIPAUX SYMPTÔMES DE LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ... 109

4. ÉTUDE 2 :ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ET DÉPRESSION : UNE ÉVALUATION CENTRÉE SUR LES PERSONNES ... 125

5. ÉTUDE 3 :UNE APPROCHE EN RÉSEAU INTÉGRATIVE DE LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL : LES INTERACTIONS COMPLEXES ENTRE LIMPULSIVITÉ, LA RÉGULATION ÉMOTIONNELLE, LE MODE DE TRAITEMENT DES PENSÉES RÉPÉTITIVES ET LES SYMPTÔMES DÉPUISEMENT DANS UN CONTEXTE PROFESSIONNEL ... 137

6. ÉTUDE 4 :DIFFICULTÉS DE SOMMEIL ET ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL : LE MODÈLE EN RÉSEAU POUR EXPLORER LA CONTRIBUTION DE LIMPULSIVITÉ, DES PENSÉES ET ÉMOTIONS CONTREFACTUELLES, DU CONTRÔLE DES PENSÉES ET DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX. ... 163

DISCUSSION GÉNÉRALE ... 195

1 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS ... 195

1.1 ÉTUDE 1 ... 195

1.2 ÉTUDE 2 ... 196

1.3 ÉTUDE 3 ... 197

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1.4 ÉTUDE 4 ... 200

2 APPORTS ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 202

2.1 DISCUSSION DE LÉTUDE 1 : LÉVALUATION DE LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ... 202

2.2 DISCUSSION DE LÉTUDE 2 : LA VARIABILITÉ INTERINDIVIDUELLE DANS LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ET LA DÉPRESSION ... 204

2.3 DISCUSSION DES ÉTUDES 3 ET 4 : LE MODÈLE EN RÉSEAU COMME CADRE INTÉGRATIFPOUR EXPLORER LES RELATIONS COMPLEXES ENTRE PROCESSUS PSYCHOLOGIQUES, DIFFICULTÉS DE SOMMEIL, PERCEPTION DE LENVIRONNEMENT DE TRAVAIL ET LEUR CONTRIBUTION À LÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ... 208

2.3.1 Discussion de l’étude 3 : les contributions spécifiques de l’impulsivité, du mode de traitement des pensées répétitives, de la suppression et de l’insatisfaction professionnelle aux symptômes de l’épuisement professionnel ... 209

2.3.1.1 Fatigue physique, insatisfaction au travail et conflit travail-famille ... 210

2.3.1.2 Fatigue physique, régulation émotionnelle et satisfaction au travail ... 214

2.3.1.3 Fatigue physique manque de persévérance et perte du sens du travail ... 216

2.3.1.4 Épuisement émotionnel et confiance entre collègues ... 218

2.3.1.5 Épuisement émotionnel, confiance entre collègues et suppression ... 219

2.3.1.6 Lassitude cognitive et mode de traitement de l’information : l’urgence comme facteurs prédisposant aux pensées répétitives abstraites ... 220

2.3.1.7 Lassitude cognitive et régulation émotionnelle : le mode de traitement de l’information comme processus sous-tendant le caractère fonctionnel ou dysfonctionnel des stratégies de régulation ... 222

2.3.2 Discussion de l’étude 4 : impulsivité, difficultés de sommeil et épuisement professionnel .. ... 224

2.4 INTÉGRATION DES RÉSULTATS DES ÉTUDES... 230

2.5 LIMITES ET PERSPECTIVES ... 240

3 CONCLUSIONS ... 243

BIBLIOGRAPHIE ... 245

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Préambule

Phénomène très largement médiatisé aujourd’hui, les premières publications faisant référence au terme de « burnout » sont apparues dans le courant des années 1970 (Freudenberger, 1974; Maslach, 1976). Sur le plan scientifique, de nombreux chercheurs essentiellement issus des courants de la psychologie sociale et de la psychologie organisationnelle vont se spécialiser dans l’étude de ce phénomène, et la grande majorité des travaux va se focaliser sur la recherche des antécédents du « burnout » dans l’environnement de travail (surcharge de travail, traitement inéquitable, support social, manque de participation aux prises de décision, ambiguïté de rôle, etc.) (Greenglass et al., 2001; Jenkins &

Elliott, 2004) et ne s’intéressera que très peu aux aspects individuels (Shirom, 2011; Swider &

Zimmerman, 2010). Toutefois, malgré le nombre impressionnant de travaux et la consistance des liens entre stresseurs professionnels et « burnout », les résultats des études ayant exploré ces relations ne permettent pas de comprendre pourquoi les symptômes et le niveau de burnout manifesté par les employés d’une même entreprise peuvent être très différents d’un individu à l’autre, suggérant ainsi que des facteurs individuels contribuent très probablement à l’émergence de l’épuisement professionnel (Langelaan et al., 2006; Zellars et al., 2000).

Quelques études se sont donc intéressées aux caractéristiques individuelles, cherchant notamment à comprendre pourquoi, dans un environnement donné, certains employés rapportent un haut niveau de « burnout », alors que d’autres, travaillant dans des conditions similaires, ne sont que peu ou pas touchés (Bühler & Land, 2003; Ghorpade et al., 2011;

Gustafsson et al., 2009). Ainsi, un certain nombre de travaux s’est intéressé aux caractéristiques biographiques (sexe, âge, etc.), tandis que d’autres se sont focalisés sur les aspects du fonctionnement psychologique et en particulier sur les dispositions liées à la personnalité (Alarcon et al., 2009; Bakker et al., 2006; Ghorpade et al., 2007, 2011; Goddard et al., 2004;

Swider & Zimmerman, 2010), ainsi que sur les stratégies de coping utilisées par les individus pour tenter de s’adapter aux exigences du travail (Truchot, 2004). D’autres travaux se sont penchés sur les difficultés de sommeil, ces dernières étant très fréquemment rapportées par les individus professionnellement épuisés (Ekstedt et al., 2006; Vela-Bueno et al., 2008).

Cependant, la plupart des recherches réalisées dans ce domaine se sont intéressées à ces différents facteurs indépendamment les uns des autres, et très peu d’entre elles les ont évalués

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l’épuisement professionnel de caractéristiques psychologiques individuelles se sont surtout intéressés à des dimensions générales de la personnalité et la compréhension des processus impliqués dans l’épuisement professionnel demeure encore très peu précise.

Ce travail de thèse a donc pour objectif de contribuer à une meilleure compréhension des processus associés à l’épuisement professionnel. En particulier, il vise à explorer différents processus psychologiques (affectifs et cognitifs) en tentant de les intégrer dans une interprétation psychologique qui prenne en compte à la fois la variabilité individuelle et le caractère multidéterminé de l’épuisement professionnel.

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INTRODUCTION THÉORIQUE

Le burnout : contexte historique, définitions et modèles, évaluation, lien avec la dépression

1.1. Contexte historique : l’émergence du concept de burnout

« Burnout » signifie littéralement en anglais, s’éteindre, brûler jusqu’au bout, griller (Nicholson, 2010). Ce terme a été pour la première fois utilisé par Bradley (1969), pour décrire un stress particulier lié au travail. Les premières réflexions théoriques sur le sujet sont apparues quelques années plus tard avec les articles de Freudenberger (1974) et de Maslach (1976). Psychothérapeute et psychiatre, Freudenberger (1974) tente de décrire de manière détaillée le phénomène. Il observe en effet chez de jeunes bénévoles travaillant dans l’hôpital de jour qu’il dirige, une perte progressive d’énergie, de motivation et d’engagement, accompagnée d’un grand nombre de symptômes physiques et mentaux. Dans sa description du phénomène, il insiste davantage sur les facteurs individuels, qui ont, selon lui, un rôle important dans le développement du burnout. Il brosse en effet le portrait d’un individu submergé par ses émotions, en colère, irrité et incapable de faire face aux tensions et aux nouvelles situations qu’il rencontre, adoptant des attitudes négatives et faisant preuve de cynisme. Il souligne également une perte d’énergie et relève encore que certains individus adoptent des stratégies de surenchère en augmentant le temps passé au travail tout en étant totalement inefficaces, ou au contraire des stratégies d’évitement en s’isolant et en refusant le contact avec les collègues.

Presque simultanément, Maslach (1976), publie un article qui décrit les premiers résultats d’une série d’investigations qu’elle a menée auprès de professionnels du domaine médical. Initialement, les entretiens réalisés visaient à explorer les stratégies utilisées par les médecins pour faire face aux états d’activation émotionnelle dans lesquels ils se trouvent lorsqu’ils ont à soigner des patients atteints de maladies graves ou dans un état particulièrement préoccupant. Ses analyses révèlent que les expériences émotionnelles sont décrites le plus souvent comme stressantes, que les professionnels sont incapables de se

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Introduction

interprètent leurs expériences émotionnelles comme des échecs, ce qui les amène à remettre en question leurs compétences et leur capacité à travailler dans ce secteur. Sur la base de ces observations, Maslach émet l’hypothèse que les aspects relationnels au travail sont au cœur du phénomène. Elle étendra ainsi ses recherches à d’autres groupes professionnels dont l’activité suppose des relations interpersonnelles fréquentes et mettra systématiquement en évidence de l’épuisement émotionnel (c.-à-d. un manque d’énergie, une perte d’entrain et de motivation envers son travail qui devient une corvée, de la frustration et des tensions) des attitudes distantes et négatives envers les clients ou les patients, ainsi qu’un sentiment d’incompétence (Maslach, 1993). Ces écrits, essentiellement descriptifs, reflètent les conceptions théoriques de leurs auteurs et auront un impact majeur sur le développement du concept de burnout en tant qu’objet d’étude.

Dès lors, deux courants relativement séparés vont s’intéresser à ce phénomène : l’approche clinique et l’approche de recherche. À cette époque, la première, pour laquelle les facteurs individuels sont prépondérants, repose essentiellement sur des observations et des descriptions cliniques faites par des praticiens. Les premières publications apparaissent dans des journaux et des magazines destinés à un large public, ce qui va populariser le burnout qui devient alors un concept fourre-tout (Schaufeli & Enzmann, 1998). La nature non empirique de l’approche clinique du burnout ainsi que la popularité dont il fait l’objet, amène la communauté scientifique à le considérer comme pseudo-scientifique et à s’en détourner (Truchot, 2004). Ce n’est que quelques années plus tard que les premières recherches empiriques systématiques seront publiées (Schaufeli & Enzmann, 1998; Truchot, 2004), notamment avec les travaux de Maslach (Maslach & Jackson, 1981) et de Cherniss (Cherniss, 1980a, 1980b). L’approche de recherche, composée majoritairement d’auteurs issus des courants de la psychologie sociale et/ou organisationnelle, se centrera alors principalement sur les aspects interpersonnels du syndrome (Maslach, 1982) ainsi que sur les facteurs liés à l’environnement de travail (Cherniss, 1980a, 1980b).

Le terme de « burnout » dans le monde du travail fait donc référence à un phénomène relativement récent, reposant par ailleurs sur l’identification d’un problème social et non pas sur un construit théorique a priori. Dès les années 1980, le nombre de travaux sur le sujet va se multiplier et nous verrons dans la suite de ce chapitre que de nombreuses définitions et approches théoriques seront dès lors proposées.

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1.2. Les définitions et modèles du burnout

Nous venons de voir que le burnout n’est pas issu d’un concept théorique a priori, et que les travaux de Maslach (1982; Maslach & Jackson, 1981, 1986) ont largement contribué à donner aux recherches sur le sujet l’ancrage universitaire leur faisant défaut jusque-là. Dans la suite de ce chapitre, nous présenterons quelques-unes des définitions (et les modèles explicatifs qui leur sont associés lorsque les auteurs en ont proposé un) les plus fréquemment utilisées par les chercheurs, et nous montrerons que sous l’apparente simplicité du concept, se cache une réalité complexe et particulièrement difficile à appréhender. Ces définitions décrivent le burnout en tant qu’état (elles offrent alors une vision de l’état final et des principaux éléments constitutifs du burnout en tant que problème psychologique), en tant que processus, ou encore intègrent ces deux composantes.

En raison de la place centrale qu’il occupe dans la littérature sur le sujet, nous nous pencherons dans un premier temps sur la définition de Maslach (Maslach, 1976; Maslach &

Jackson, 1981, 1986), puis nous examinerons ensuite quelques autres définitions, qui pour la plupart s’inspirent largement de celle de Maslach et de ses collaborateurs (Maslach, 1976;

Maslach & Jackson, 1981).

1.2.1. La définition et le modèle de Maslach et Jackson

À l’heure actuelle, plus de 90 % des travaux sur le burnout se réfèrent à la définition de Maslach et Jackson (Maslach, 1982; Maslach & Jackson, 1981), faisant de cette conception l’approche dominante (Schaufeli & Enzmann, 1998) et quasi exclusive. Ces auteurs ont initialement défini le burnout comme un syndrome1 tridimensionnel, composé d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel, apparaissant exclusivement chez les individus dont le travail consiste à aider les gens et/ou à interagir directement avec eux (étudiants, patients, clients, délinquants, etc.). L’épuisement émotionnel décrit un individu dont les ressources émotionnelles sont épuisées, qui n’a plus d’énergie, se sent vidé nerveusement, ne ressent plus de plaisir dans son travail qui devient source de frustration et de tension. La dépersonnalisation fait référence aux aspects interpersonnels du burnout, l’individu développe en effet des attitudes impersonnelles,

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Introduction

détachées, voire méprisantes envers ses destinataires qu’il traite davantage comme des objets, enfin, la réduction de l’accomplissement personnel exprime le fait que la personne dévalorise son travail et ses compétences, est convaincue qu’elle est incapable de répondre aux attentes de son entourage, se sent coupable et démotivée. Selon les auteurs, les fortes demandes émotionnelles associées aux interactions sociales dans les métiers caractérisés par une relation d’aide, de soins ou de formation engendreraient le stress à l’origine du développement du burnout. Cependant, le phénomène ayant été observé dans d’autres catégories professionnelles, la définition a par la suite été élargie (Maslach & Leiter, 1997). Ainsi, lorsqu’il concerne d’autres professions que celles liées à l’aide aux personnes, le burnout est décrit comme une crise dans la relation au travail en général et n’est plus exclusivement lié aux interactions sociales. Sans véritablement proposer de nouvelle définition, les auteurs se sont contentés de renommer et redéfinir deux des dimensions de leur concept original pour qu’elles ciblent moins les aspects relationnels. Ainsi, la dépersonnalisation devient le cynisme, et représente une attitude indifférente, distante, voire cynique, envers le travail en général, provoquée par les aspects organisationnels (p.ex. la charge de travail ou le manque de clarté des rôles). Quant à l’accomplissement personnel, il est renommé « efficacité professionnelle », et renvoie aux auto-évaluations relatives à l’efficacité, l’accomplissement, la productivité et le niveau de compétences ressentis par les individus au travail (Schaufeli et al., 1996).

Bien que la définition proposée par Maslach et Jackson soit statique (un individu donné étant considéré comme professionnellement épuisé lorsqu’il présente, à un moment donné, de hauts niveaux d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation/cynisme ainsi qu’un faible niveau d’accomplissement personnel/d’efficacité professionnelle), le modèle proposé par les auteurs suggère que le burnout se développe de manière séquentielle (Maslach et al., 1996).

En effet, selon Maslach et Jackson, les individus se sentiraient, dans un premier temps, submergés par de fortes exigences (p. ex., une surcharge de travail ou des conflits), ce qui provoquerait du stress et engendrerait graduellement de l’épuisement émotionnel. La dépersonnalisation/cynisme, c’est-à-dire l’adoption d’une attitude distante envers les patients ou le travail, interviendrait en second et constituerait un moyen inapproprié de faire face à l’épuisement émotionnel, ce qui provoquerait une baisse du sentiment d’accomplissement ou d’efficacité personnelle, reflétant un sentiment d’échec professionnel. À l’heure actuelle, la plupart des auteurs dont les travaux reposent sur le modèle de Maslach s’accordent sur le fait

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que le burnout est un processus qui se développe à travers le temps et qu’il existe des relations causales entre les trois dimensions qui le composent (Schaufeli & Enzmann, 1998). De récents travaux tendent à confirmer qu’un haut niveau d’épuisement émotionnel engendre la dépersonnalisation, qui à son tour provoque une réduction de l’accomplissement personnel (Taris et al., 2005). Ces auteurs ont cependant également mis en évidence une boucle rétroactive entre la dépersonnalisation et l’épuisement émotionnel, suggérant que la dépersonnalisation représente une stratégie de coping dysfonctionnelle. Les travaux de Houkes, Winants, Twellaar, et Verdonk (2011) confirment cette séquence développementale, mais uniquement pour les femmes, leurs résultats indiquant que pour les hommes, la dépersonnalisation interviendrait en premier et engendrerait l’épuisement émotionnel, l’accomplissement personnel se développant quant à lui indépendamment des deux autres dimensions. Pour les auteurs, ces résultats pourraient être en partie expliqués par le fait que les caractéristiques individuelles des hommes et des femmes diffèrent, ce qui aurait une incidence sur le développement du burnout.

Le paragraphe qui suit, loin d’être exhaustif, examine quelques-unes des principales autres définitions du burnout ainsi que les modèles explicatifs (lorsque les auteurs en ont proposé un), plus ou moins proches conceptuellement de celui de Maslach (Maslach, 1976;

Maslach & Jackson, 1981), qui y sont parfois associés.

1.2.2. Les autres définitions et modèles explicatifs de l’épuisement professionnel

Parmi les autres définitions proposées, celle de Freudenberger et Richelson (1980, p.

13) se centre plus particulièrement sur les aspects affectifs. Pour ces auteurs, le burnout est

« un état de fatigue et de frustration, de dépression, provoqué par l’engagement dans une cause, un mode de vie ou une relation et qui échoue à produire les résultats escomptés ». Un engagement excessif en réponse à une demande trop intense serait à l’origine de ce qu’ils appellent « la maladie du battant ». Les personnes les plus engagées seraient les plus touchées, notamment lorsqu’elles sont caractérisées par un certain idéalisme et motivées par la recherche de reconnaissance et de gratitude, ce qui rendrait la confrontation à la réalité particulièrement brutale (Freudenberger, 1974).

Dans le même ordre d’idée, Pines et Aronson (1988 ; Pines, Aronson, & Kafry, 1981) considèrent que le travail représente une quête existentielle qui, lorsqu’elle échoue, provoque

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Introduction

émotionnel et mental provoqué par une longue implication dans des situations émotionnellement exigeantes » (Pines & Aronson, 1988, p. 9). L’état de fatigue et d’épuisement émotionnel serait le résultat d’un processus graduel de désillusion faisant suite à une implication et à une motivation initiales élevées. Lorsqu’un individu ne peut utiliser ses compétences, il lui est impossible de trouver le sens qu’il recherche dans son travail et il finit par s’épuiser. La recherche de sens et le sentiment d’être utile à son prochain motiveraient les individus à choisir des professions de la relation d’aide.

La définition proposée par Edelwich et Brodsky (1980) rejoint partiellement celle de Pines et Aronson (1988). Ces auteurs considèrent en effet que le burnout est avant tout un processus de désillusionnement progressif. Il s’agirait d’une « perte progressive d’idéalisme, d’énergie et de motivation, expérimentée par les personnes dans les professions d’aide en raison de leurs conditions de travail » (1980, p. 14). Comme beaucoup d’auteurs, il considère que les attentes idéalistes et les nobles aspirations des personnes peuvent être source de frustration et favoriser le développement du burnout. Il propose un processus en quatre phases : 1) une phase initiale d’enthousiasme, au cours de laquelle on peut observer une grande énergie, un travail assidu, de l’enthousiasme, des attentes élevées et irréalistes ; 2) une phase de stagnation, durant laquelle les attentes initiales sont fortement réduites ; 3) une phase de frustration, qui se développe en raison d’un sentiment grandissant d’impuissance ; 4) et finalement, une phase d’apathie, durant laquelle le professionnel va se désinvestir de son travail aussi bien physiquement que mentalement.

Farber (2000), quant à lui, estime que le burnout résulte essentiellement du sentiment ressenti par les professionnels de services à la personne de ne pas être important ou signifiant, c’est-à-dire que leurs efforts pour aider les autres ont été inefficaces, que la tâche est sans fin, et qu’ils n’ont pas obtenu les gains personnels auxquels ils s’attendaient pour leur travail (en termes d’accomplissement, de reconnaissance, de promotion ou d’appréciation). Cet auteur propose trois profils de burnout : le type frénétique, le type sous-stimulé et le type épuisé. Le premier est caractérisé par une forte implication dans le travail, une ambition élevée, un besoin d’approbation et une surcharge de travail. En raison de sa persévérance et de son acharnement, le sujet frénétique obtient les résultats escomptés et culpabilise lorsqu’ils ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Il lui est difficile d’admettre ses limites et il a tendance à négliger ses propres besoins pour atteindre les objectifs institutionnels. Le second se caractérise par de

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l’indifférence, de l’ennui et par un manque de stimulation et de perspective professionnel. Il considère ses tâches comme monotones et sans intérêt, se sent pris au piège, ce qui provoque de la détresse et de l’apathie. Enfin, le type épuisé est caractérisé par de la négligence et par un désinvestissement du travail. Il ne cherche plus à réussir dans des situations qui semblent sans espoir. L’expérience continue de situations difficiles associées au sentiment de n’avoir aucun contrôle sur les résultats a eu raison de son sentiment d’autoefficacité et de sa volonté d’y faire face. Il réagit au stress en travaillant moins de manière à équilibrer l’écart entre ce qu’il donne et ce qu’il reçoit. Ces trois types de burnout peuvent toutefois être mis en relation avec les trois phases du modèle de Maslach et Jackson (voir section 1.2.1), le type frénétique constituerait la première phase durant laquelle on peut observer un surinvestissement et de l’hyperactivité, le type sous-stimulé correspondrait à la phase de distanciation et d’indifférence, considérée comme une manière de faire face à l’épuisement, et le type épuisé à la dernière phase au cours de laquelle on observe une baisse du sentiment d’efficacité (Montero-Marín & García-Campayo, 2010).

Parmi les définitions en termes de processus, Cherniss (1980a) a été le premier à offrir à la fois une vision dynamique et transactionnelle (c.-à-d. une transaction entre l’individu et son environnement) du burnout. Selon cet auteur, l’épuisement professionnel proviendrait d’un déséquilibre entre les ressources personnelles et organisationnelles disponibles et les exigences du travail. Il définit le burnout comme « un processus dans lequel un professionnel précédemment engagé se désengage de son travail en réponse au stress et aux tensions ressenties » (1980b, p. 18). Ce processus se déroulerait en trois étapes : (1) l’individu percevrait du stress en raison d’un déséquilibre entre les exigences du travail et ses ressources (personnelles et organisationnelles) (2) il en résulterait une tension (strain), c’est-à-dire une réponse émotionnelle, constituée de fatigue physique, d’épuisement émotionnel, de tension et d’anxiété (3) des changements attitudinaux et de comportements composeraient la dernière étape. En particulier une réduction des buts initiaux, de l’idéalisme, de même que le développement d’attitudes cyniques et détachées ainsi que des demandes de gratifications sont observées. Cette dernière étape est considérée par Cherniss comme une manière défensive de faire face à la situation (coping défensif). Il a été l’un des premiers à considérer le burnout comme un processus résultant d’interactions entre des facteurs individuels (p. ex.

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travail, autonomie, isolement social, etc.). Une inadéquation entre les attentes initiales et la réalité du terrain seraient à l’origine de ce déséquilibre, notamment en raison d’une vision souvent idéalisée de la relation d’aide ou de l’enseignement (ces recherches ayant été menées auprès d’avocats, d’enseignants, d’infirmières ou de psychologues dans leur première année d’exercice).

D’autres définitions mettent davantage en avant les composantes cognitives et comportementales du burnout. C’est le cas de celle proposée par Meier (1983), qui, même s’il reconnaît l’importance de l’épuisement émotionnel, déplore la centration sur les aspects affectifs des définitions proposées par Freudenberger (1974) ou par Maslach (1982). Il va donc mettre l’accent sur les aspects cognitifs et comportementaux. S’appuyant sur les travaux de Bandura (1977) sur l’autoefficacité, il se centre sur les attentes (de renforcements, de résultats et d’efficacité) des individus au travail. Il va mettre en avant quatre éléments : 1) les attentes de renforcement, c’est-à-dire les résultats obtenus répondent-ils aux objectifs souhaités ; 2) les attentes de résultats, c’est-à-dire la connaissance des comportements nécessaires à la production des résultats souhaités ; 3) les attentes d’efficacité, c’est-à-dire la possession des compétences personnelles permettant d’exécuter le comportement ; 4) le traitement de l’information contextuelle. Il définit ainsi le burnout comme : « un état résultant d’expériences professionnelles répétées dans lequel un individu s’attend à : (a) peu de renforcements positifs et un grand nombre de punitions ; (b) de faibles possibilités de contrôler la présence des renforcements ; (c) ne pas posséder les compétences qui lui permettraient de réaliser les comportements nécessaires au contrôle des renforcements » (Meier, 1983, p. 900). Ces attentes peuvent être différentes d’un individu à l’autre que ce soit en termes de valeur ou de signification. Un individu donné peut en effet être très satisfait d’un résultat donné (p. ex.

avoir des élèves qui posent beaucoup de questions durant un cours), alors que son collègue pourrait se révéler très insatisfait du même résultat (p. ex. parce qu’il préfère que les étudiants n’interviennent pas durant sa leçon).

Plus récemment, s’inspirant des travaux de Maslach, Gil-Monte (2012) définit le burnout comme « un syndrome non psychiatrique, caractérisé par une détérioration cognitive (c’est-à-dire une perte d’enthousiasme envers le travail ou un sentiment de faible accomplissement personnel), une détérioration émotionnelle (c’est-à-dire un épuisement psychologique) ainsi que des comportements et des attitudes de retraits et d’indifférence

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envers les clients (c’est-à-dire de l’indolence ou dépersonnalisation) ». Les comportements d’indolence sont considérés comme une manière de faire face (stratégies de coping) à la détérioration cognitive (c’est-à-dire la perte d’enthousiasme envers le travail) et émotionnelle (c’est-à-dire l’épuisement psychologique). Toutefois, alors que pour certains professionnels ces stratégies sont efficaces et permettent de diminuer les tensions ressenties, pour d’autres, elles déclenchent de l’inconfort et les amènent à développer un sentiment de culpabilité (Gil-Monte, 2008). La culpabilité ressentie engendrerait alors de la dépression, ce qui, selon l’auteur, permettrait de rendre compte des liens observés entre le burnout et la dépression.

À l’inverse, pour Hallsten (1993, p. 99), « le burnout est une forme de dépression qui résulte du processus d’épuisement, qui est une cause nécessaire du burnout ». Pour cet auteur, l’état de burnout n’est pas un phénomène unique, bien qu’il puisse y avoir quelques différences mineures avec certaines expressions de la dépression. L’aspect intéressant du phénomène se trouve dans son étiologie. Le processus d’épuisement est en effet supposé apparaître lorsque l’adoption d’un rôle actif et autodéfinitionnel est menacée ou interrompue, sans qu’il y ait d’autres alternatives possibles. Il y aurait d’abord une première phase d’engagement dans laquelle la personne est totalement absorbée par son travail. Elle serait suivie d’une phase de frustration durant laquelle la personne n’arrive pas à obtenir les résultats souhaités. Ces deux premières phases constituent les aspects centraux du processus, qui peut, mais pas nécessairement, évoluer vers une forme de dépression, ou au contraire vers la recherche de solutions (une réorientation ou restructuration personnelle).

Pour terminer, Shirom (1989, 2003) définit l’épuisement professionnel comme résultant du sentiment d’être à la fois émotionnellement épuisé, physiquement fatigué et cognitivement usé. Contrairement à la plupart des autres auteurs, sa définition repose sur un modèle théorique : la théorie de la conservation des ressources (COR; Hobfoll, 1989; Hobfoll & Freedy, 1993; Hobfoll & Shirom, 1993, 2001). Un des principes au cœur de cette théorie est que les gens sont fondamentalement motivés à obtenir, retenir et protéger les ressources qu’ils valorisent.

Lorsque ces dernières sont menacées (p. ex. en cas de surcharge de travail), ils vont non seulement utiliser les ressources à disposition dans le contexte professionnel (p. ex.

l’autonomie ou le soutien des collègues), mais également investir de l’énergie (c.-à-d. des ressources personnelles, p. ex. de la vigueur, de la vitalité émotionnelle ou de la vivacité

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Introduction

énergétiques pour faire face aux exigences de l’environnement de travail sont davantage susceptibles de subir des cycles de pertes, ce qui peut les conduire à l’épuisement (Shirom et al., 2006). En d’autres termes, ce modèle se focalise sur les symptômes d’épuisement des ressources à la fois cognitives, émotionnelles et physiques des individus.

Les quelques définitions et modèles explicatifs énumérés dans les sections qui précèdent nous montrent à quel point le phénomène est complexe. À partir de ces dernières, il est en effet difficile d’appréhender ce qu’est réellement le burnout, notamment parce que le niveau d’analyse n’est pas systématiquement le même. Certaines décrivent ce qu’elles considèrent comme un syndrome (composé d’une ou de plusieurs dimensions), d’autres un état, ou encore un processus ou les deux, ce qui ne facilite pas la compréhension du phénomène. Il convient cependant de souligner que la plupart des des définitions et des modèles explicatifs proposés se complètent plutôt que ne s’opposent, ce qui montre bien la complexité du phénomène et sa nature multifactorielle, un grand nombre d’aspects étant impliqués et imbriqués (p. ex. l’organisation du travail, les relations interpersonnelles, la personnalité, les affects, l’identité, la motivation, la cognition, etc.).

Une autre limite tient au fait qu’une grande partie des modèles proposés visent à expliquer le burnout tel qu’il a été conceptualisé par Maslach et ses collaborateurs, alors même que ce dernier est largement critiqué. Une difficulté majeure associée à ce modèle tient au fait qu’en raison du manque de fondement théorique de cette approche (Shirom, 2011), il est quasiment impossible de distinguer le modèle conceptuel de l’instrument de mesure qui lui est associé (qui sera décrit dans la section 1.4.1). La définition du burnout et l’instrument qui le mesure, le Maslach Burnout Inventory (MBI ; Maslach et al., 1996) résultent en effet tous deux de la même approche inductive, induisant de sérieux problèmes de circularité : le burnout est ce que le MBI mesure et le MBI mesure ce qu’est le burnout (Schaufeli & Enzmann, 1998). De plus, considérer que les individus adoptent une attitude distante (cf. la dépersonnalisation ou le cynisme) pour se protéger de l’épuisement suggère qu’il s’agit d’une conséquence de l’épuisement, laquelle provoquerait une autre conséquence, à savoir une baisse de l’efficacité professionnelle. Cette vision de l’efficacité professionnelle est largement controversée, d’une part parce qu’elle n’est que faiblement, voire pas du tout reliée aux deux autres dimensions (Kristensen, Borritz, et al., 2005), et d’autre part parce que de l’aveu même des auteurs, elle est spécifiquement destinée à évaluer les croyances d’autoefficacité (Maslach et al., 1996) et

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présente donc un chevauchement conceptuel avec ce construit. En ce sens, elle reflète davantage une caractéristique personnelle et pourrait être à la fois une cause et une conséquence de l’épuisement plutôt qu’une dimension du burnout. La dépersonnalisation (ou cynisme), quant à elle, renverrait à plusieurs attitudes distinctes telles que la distanciation, l’hostilité, le rejet et l’indifférence (Garden, 1987). Salanova et al. (2005) ont suggéré qu’elle était composée de deux formes de prise de distance, la première envers les personnes et la seconde envers le travail. Du reste, Kristensen et al. (2005) considèrent qu’elle devrait être analysée en tant que stratégie de coping ou de régulation émotionnelle, ce qui a récemment été confirmé par Diestel et Schmidt (2010b) qui ont montré que la dépersonnalisation reflétait une stratégie de coping dysfonctionnelle plus spécifiquement adoptée lorsque l’épuisement émotionnel était élevé. Ce point de vue n’est toutefois pas partagé par tous les chercheurs du domaine, certains considérant la dépersonnalisation comme faisant partie intégrante du syndrome (Demerouti et al., 2003). De plus, bien que Maslach et Jackson (1996; 1986) défendent l’idée d’une approche dimensionnelle, il existe une certaine contradiction à considérer qu’un individu ne souffre de burnout que s’il présente les manifestations associées aux trois dimensions. De nombreux travaux ont en effet relevé que le niveau d’épuisement pouvait être élevé, sans que le niveau de dépersonnalisation/cynisme le soit, et/ou que le sentiment d’accomplissement personnel/efficacité professionnelle soit faible (Boersma & Lindblom, 2009). Cette manière de concevoir le burnout fait donc clairement l’impasse sur les différences individuelles. Ainsi, parmi les trois dimensions composant ce modèle, seule celle relative à l’épuisement émotionnel fait l’objet d’un réel consensus (Kristensen, Borritz, et al., 2005), la plupart des auteurs la considérant comme étant au cœur du burnout (Schaufeli & Enzmann, 1998). Un grand nombre d’entre eux s’accordent en effet sur le fait que le burnout est une réponse affective liée à un stress professionnel chronique, dont l’aspect central est un épuisement graduel des ressources individuelles déployées pour y faire face (Moore, 2000;

Schaufeli & Enzmann, 1998; Shirom, 2003).

De manière à permettre une évaluation du burnout en accord avec les définitions et modèles explicatifs proposés, un certain nombre de questionnaires ont été développés. Dans la section qui suit, nous en décrirons quelques-uns et présenterons les avantages et inconvénients qui leur sont associés. Nous verrons qu’à l’exception d’un certain nombre

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Introduction

1.3. L’évaluation du burnout

De nombreuses échelles autorapportées ont été développées afin d’évaluer le burnout.

Nous présenterons tout d’abord le Maslach Burnout Inventory, ce questionnaire étant le plus fréquemment utilisé, avant de passer en revue quelques autres instruments de mesure actuellement utilisés dans les recherches sur le burnout. Relevons toutefois que la plupart de ces outils ont été développés à partir de la définition de Maslach et Jackson (1996).

1.3.1. Maslach Burnout Inventory (MBI)

Maslach et Jackson (1981) ont été les premières à développer un instrument permettant de mesurer le niveau de burnout, ce qui a probablement contribué au succès de cette approche.

Ce questionnaire, tout comme la définition du burnout proposée par ces auteurs (voir section 1.2.1), repose sur une approche inductive et n’est donc pas basé sur une construction théorique a priori, mais sur les analyses d’une cinquantaine d’items représentant les manifestations (c.-à-d. les attitudes et les sentiments) les plus représentatives du syndrome, recueillies au cours d’entretiens préliminaires. La première version du MBI, intitulée MBI Human services survey (MBI-HSS), reflète la conception initiale des auteurs, c’est-à-dire la nature exclusivement interpersonnelle du burnout. Elle est ainsi destinée aux professionnels de l’aide et est composée de 22 items, 9 pour l’épuisement émotionnel (p. ex. j’ai l’impression d’être au bout du rouleau) ; 5 pour la dépersonnalisation (p. ex. j’ai l’impression de traiter certains patients comme s’ils étaient des « objets » impersonnels) ; et 8 pour l’accomplissement personnel (p. ex. je me sens « regonflé-e, ranimé-e » quand je peux suivre de près le cas de mes patients). Chaque item est évalué sur une échelle allant de 0 (jamais) à 6 (tous les jours).

Différentes versions de cette première échelle ont été adaptées par la suite afin de permettre une évaluation du burnout dans toutes les catégories professionnelles. Ainsi, il en existe à l’heure actuelle au moins deux autres, le MBI Educators Survey (MBI-ES), utilisé pour le secteur de l’éducation et le MBI General Survey (MBI-GS) qui peut être employé dans toutes les professions (Maslach et al., 1996). Le MBI-ES est une réplique exacte du MBI-HSS, seule la formulation de certains items a été modifiée pour y inclure le terme « élève » à la place de

« patient ». Quant au MBI-GS, la plupart de ses items ont été reformulés et ne font plus spécifiquement référence aux aspects relationnels, mais au travail en général (Maslach &

Leiter, 1997). Il est composé de 16 items, 5 pour l’épuisement émotionnel (p. ex. je suis épuisé-

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e à la fin d’une journée de travail) ; 5 pour le cynisme (p. ex. je suis moins intéressé(e) par mon métier depuis que je suis dans cette entreprise) ; et 6 pour l’efficacité professionnelle (p. ex. je peux résoudre efficacement les problèmes qui surviennent dans mon travail). Le burnout est envisagé dans une perspective dimensionnelle, et pour chacune des sous-échelles un score moyen est calculé. Les auteurs recommandent de ne pas combiner ces scores et de les considérer séparément (Maslach & Jackson, 1986; Schaufeli et al., 1996). Un haut niveau de burnout est reflété par des scores élevés sur les dimensions d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation et par un faible score d’accomplissement personnel. La validité factorielle des différentes versions du MBI a été largement établie (Bakker et al., 2002; Schaufeli &

Dierendonck, 1993; Schaufeli & Enzmann, 1998). Schaufeli et Enzmann (1998) relèvent qu’il a été utilisé dans 91 % des recherches doctorales et dans 93 % des articles publiés entre 1976 et 1996. Dans le même ordre d’idée, Truchot (2004) indique que 94 % des recherches sur le sujet effectuées en 2003 ont fait appel à cet instrument.

Malgré l’utilisation massive du MBI au sein de la communauté scientifique, nous avons pu voir dans la section consacrée aux définitions et modèles explicatifs du burnout (voir section 1.2) que de nombreuses critiques ont été adressées au modèle de Maslach et Jackson (1996). À l’heure actuelle, de nombreuses études (p. ex. Diestel et al., 2013; Kleinsorge et al., 2014) utilisant le MBI comme échelle de mesure ne retiennent ainsi que la dimension d’épuisement émotionnel.

1.3.2. Oldenburg Burnout Inventory (OLBI)

L’Oldenburg Burnout Inventory (OLBI ; Demerouti et al., 2003), composé de 16 items reprenant les deux dimensions principales (Bakker et al., 2014) du MBI (épuisement émotionnel et désengagement), a été construit avec un mélange d’items positifs et négatifs.

Selon Demerouti et al. (2003), ce mélange permettrait d’éviter les biais de réponses et d’augmenter la validité des mesures évaluant le burnout. Toutefois, il a été montré que les états affectifs positifs et négatifs avaient des antécédents différents (R. F. Baumeister et al., 2001), pouvaient fonctionner de manière relativement indépendante (Davis et al., 2004) et étaient différemment représentés dans le comportement des personnes (Gendolla, 2000).

Cette manière d’évaluer le burnout peut donc poser des problèmes d’interprétation.

C’est exactement ce qu’a montré une étude de Qiao et Schaufeli (2011) visant à tester la

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Introduction

résultats de cette étude ont en effet mis en évidence qu’un modèle composé de 4 facteurs, deux représentant les items négatifs (épuisement et désengagement) et deux les items positifs (énergie et engagement) présentait un meilleur ajustement que le modèle à deux facteurs proposés par les auteurs. De plus, cet instrument est conceptuellement et statistiquement très proche de la version générale du MBI-GS (Halbesleben & Demerouti, 2005) et souffre donc des mêmes limites.

1.3.3. Burnout Measure (BM)

Un autre instrument très fréquemment utilisé (Schaufeli & Enzmann, 1998), le Burnout Measure (BM ; Pines et al., 1981), est une mesure unidimensionnelle de l’épuisement, qui présente la particularité d’être utilisable non seulement dans tous les domaines professionnels, mais également dans d’autres groupes tels que les étudiants, les couples, les parents, les femmes au foyer, etc. Il est proposé dans une version longue de 21 items, et dans une version courte de 10 items (Pines, 2005). Un score unique est obtenu en additionnant l’ensemble des items (après avoir inversé les scores des items positifs).

Une des critiques majeures adressées à l’instrument concerne la définition sur laquelle il repose et sa structure factorielle (Enzmann et al., 1998). Pines et Aronson (1988, p. 9) proposent en effet une définition multidimensionnelle du burnout (voir section 1.2.2), décrit comme « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental causé par l’engagement à long terme dans des situations émotionnellement exigeantes », ce qui entre en contradiction avec la mesure décrite comme étant unidimensionnelle (Enzmann et al., 1998). De plus, la définition opérationnelle ne correspond en rien à la définition conceptuelle puisque le burnout y est décrit comme un syndrome composé d’un ensemble de symptômes incluant l’impuissance, le désespoir, le sentiment d’être piégé, une baisse de l’enthousiasme, de l’irritabilité et une baisse de l’estime de soi, en plus de la fatigue physique et émotionnelle (Shirom & Ezrachi, 2003).

1.3.4. Copenhagen Burnout Inventory (CBI)

Kristensen et al. (2005) propose une alternative au MBI, le Copenhagen Burnout Inventory (CBI). Cette mesure destinée à tous les domaines est composée de trois échelles : le burnout personnel, le burnout relié au travail et le burnout relié aux relations avec les clients. En accord avec le développement historique du concept de burnout, la fatigue et l’épuisement sont au cœur de cet instrument. La sous-dimension de burnout personnel est destinée à évaluer le

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degré de fatigue et d’épuisement indépendamment du statut professionnel (chômeurs, retraités, etc.). La différence entre les deux autres échelles réside dans la perception par les participants, de la cause de l’épuisement et de la fatigue (le travail ou les relations avec les clients).

Cet instrument fait toutefois l’objet de réserves, notamment en raison de la proximité du burnout personnel avec la notion de dépression (Shirom, 2005). D’autre part, il semble assez évident que les trois domaines auxquels il fait référence (la vie en général, le travail et les clients) sont imbriqués les uns dans les autres. Ainsi, le burnout relié aux clients est imbriqué dans le burnout relié au travail qui est lui-même imbriqué dans le burnout relié à la vie en général, ce qui pose la question de la raison pour laquelle ces trois échelles devraient être considérées comme relativement indépendantes les unes des autres et mesurées comme des entités distinctes (Shirom, 2005).

1.3.5. Shirom Melamed Burnout Measure (SMBM)

Conformément à la définition du burnout proposée par l’auteur, Le Shirom Melamed Burnout Measure (SMBM ; Shirom & Melamed, 2006) est destiné à mesurer l’épuisement des ressources personnelles résultant d’une exposition chronique à des facteurs de stress. Il est composé de trois dimensions : la fatigue physique, l’épuisement émotionnel et la lassitude cognitive. La première dimension est déjà présente dans certains outils d’évaluation, tels que le BM, et fait référence à une sensation de fatigue et de manque d’énergie. La seconde est celle qui est commune à toutes les mesures du burnout (c’est-à-dire un épuisement des ressources émotionnelles se manifestant par le sentiment de ne pas avoir l’énergie nécessaire pour s’investir dans les relations avec les autres), alors que la troisième n’est intégrée dans aucune des mesures existantes et reflète les aspects liés aux difficultés à se concentrer ainsi qu’à mobiliser ses capacités intellectuelles rapidement. Bien que relativement peu d’études s’y soient intéressées, plusieurs d’entre elles relèvent que des problèmes de concentration et de mémoire sont généralement rapportés par les personnes souffrant de burnout (Öhman et al., 2007; Österberg et al., 2009; Sandström et al., 2005; D. Van der Linden et al., 2005), ce qui confirme la nécessité d’inclure une telle dimension dans l’évaluation de l’épuisement professionnel. Le SMBM offre ainsi l’avantage de se focaliser exclusivement sur des symptômes et de ne pas présenter de chevauchement avec d’autres concepts, tels que le

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Introduction

antécédents et/ou les stratégies de coping de l’épuisement professionnel (Shirom, 2011; Shirom

& Melamed, 2006). Une autre de ses avantages est que cette échelle se centre sur la notion la plus robuste du burnout, à savoir l’épuisement tout en proposant une évaluation plus complète puisque cette dernière permet d’évaluer l’épuisement à la fois physique, cognitif et émotionnel.

Toutefois, bien que la fiabilité et la validité de même que la structure factorielle à trois dimensions de l’échelle de la version anglaise originale (Armon et al., 2008, 2010; Grossi et al., 2003) et de sa traduction française (Sassi & Neveu, 2010) aient été démontrées dans de nombreuses études, les items de chacune des dimensions sont présentés ensemble (items 1 à 6 pour la fatigue physique, items 7 à 11 pour la lassitude cognitive et items 12 à 14 pour l’épuisement émotionnel), ce qui laisse planer un doute sur la structure factorielle et les qualités psychométriques de l’instrument. Il a en effet été montré que l’ordre de présentation des items d’un questionnaire pouvait avoir des implications méthodologiques (Franke, 1997).

Les items appartenant à une même dimension sont généralement répartis au sein d’un questionnaire afin d’éviter que les participants ne devinent ce que le questionnaire cherche à mesurer. Cette manière de faire permet de réduire l’influence de différents biais de réponse, notamment ceux liés à la désirabilité sociale et à la consistance cognitive (Schriesheim et al., 1989; E. Solomon & Kopelman, 1984), et de minimiser l’impact de ces derniers sur les propriétés psychométriques d’une mesure.

En conclusion, la plupart des échelles de mesure décrites dans les paragraphes précédents ont été inspirées du modèle de Maslach et al. (1996) et souffrent donc des mêmes limites. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, de nombreuses études (p. ex. Diestel et al., 2013;

Kleinsorge et al., 2014) utilisant le MBI comme échelle de mesure ne s’intéressent qu’à la dimension d’épuisement émotionnel, cette dernière étant la plus consensuelle et celle permettant d’expliquer la plus grande part de variance pour le burnout (Bekker et al., 2005;

Brenninkmeijer & Van Yperen, 2003; Shirom, 2003). Toutefois, de notre point de vue, le choix d’un instrument de mesure devrait reposer à la fois sur sa capacité à évaluer les principales manifestations de ce qu’il est censé mesurer (plutôt qu’un ensemble de manifestations mélangeant causes, symptômes et conséquences), de même que sur son ancrage théorique et ses propriétés psychométriques. C’est pourquoi, dans ce travail de thèse, et malgré l’utilisation massive du MBI, il nous a semblé plus judicieux de nous tourner vers un instrument de mesure

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correspondant mieux aux différents critères évoqués ci-dessus, et avons donc opté pour la version française du SMBM (Sassi & Neveu, 2010). Ainsi, dans la suite de ce travail, nous parlerons désormais d’épuisement professionnel plutôt que de burnout, ce terme reflétant mieux ce qu’il est censé représenter. Bien que cette échelle ne soit pas exempte de limites, elle présente néanmoins un certain nombre d’avantages, en particulier celui de se focaliser uniquement sur les manifestations symptomatiques de l’épuisement (dans leurs dimensions physiques, cognitives et émotionnelles), permettant ainsi de clairement distinguer ce qui relèverait des antécédents, des stratégies de coping ou des conséquences de l’épuisement professionnel (Shirom & Melamed, 2006). De plus, son ancrage théorique au sein de la théorie de la conservation des ressources (COR ; Hobfoll, 1989; Hobfoll & Freedy, 1993; Hobfoll &

Shirom, 1993, 2001), de même que sa centration sur la notion la plus robuste du burnout (c.-à- d. l’épuisement) en font, de notre point de vue, l’instrument le mieux adapté à l’heure actuelle.

Par ailleurs, la définition de l’épuisement professionnel proposée par Shirom (Shirom, 2003, 2005) correspond en tout point à la définition la plus consensuelle2 du burnout. De manière à pallier certaines des critiques associées à cet instrument (que nous avons évoquées précédemment), en particulier celles relatives au regroupement des items par dimension, la première étude de ce travail aura pour objectif de modifier l’ordre de présentation des items de la version française du SMBM (Sassi & Neveu, 2010) de manière aléatoire, de sorte qu’il pourra varier d’un participant à l’autre. Cette manière de faire permettra de neutraliser l’éventuel effet du regroupement des items et de lever les doutes quant à la structure factorielle et les qualités psychométriques de l’échelle.

Malgré l’intérêt et les avantages que peut représenter le choix de l’instrument d’évaluation proposé par Shirom et Melamed (2006), nous avons pu voir, au fil des sections précédentes, qu’une difficulté possible associée à ce choix est liée aux fortes relations généralement observées entre l’épuisement émotionnel et la dépression. Plusieurs travaux ont en effet mis en évidence une forte corrélation entre l’épuisement émotionnel (mesuré au moyen des 9 items du MBI relatif à cette dimension) et la dépression (Ahola & Hakanen, 2007;

Glass & McKnight, 1996; Schaufeli & Enzmann, 1998) et il pourrait donc s’avérer difficile de les distinguer. Dans la mesure où la définition proposée par Shirom (1989, 2003) et l’instrument

2 C’est-à-dire que le burnout est une réponse affective liée à un stress professionnel chronique, dont l’aspect

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Introduction

qui lui est associé se centrent exclusivement sur la notion d’épuisement, dans la section qui suit nous aborderons la question de la similitude entre l’épuisement professionnel et la dépression. Nous verrons qu’elle fait l’objet de nombreuses controverses dans la littérature du domaine.

1.4. Épuisement professionnel et dépression

La nature des liens entre l’épuisement professionnel et la dépression, et plus spécifiquement sa singularité en regard de la dépression ont été régulièrement questionnées au cours de ces dernières décennies (Ahola & Hakanen, 2007; Bianchi, Schonfeld, et al., 2014;

Glass & McKnight, 1996). Selon le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013), un épisode dépressif caractéristique est diagnostiqué lorsque cinq sur les neuf symptômes suivants sont présents durant deux semaines consécutives : anhédonie (c’est-à-dire la perte d’intérêt et de plaisir), humeur dépressive, perturbation de l’appétit et/ou du poids, insomnie ou hypersomnie, agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue ou perte d’énergie, sentiment d’inutilité et/ou de culpabilité, difficulté de concentration et/ou de prise de décision, idéation suicidaire. Un de ces 5 symptômes doit être l’anhédonie ou l’humeur dépressive, ces derniers étant considérés comme les plus caractéristiques de la dépression.

Si l’on se réfère aux différentes définitions de l’épuisement professionnel décrites dans la section 1.2 de ce manuscrit, on s’aperçoit rapidement que ce dernier partage un certain nombre de caractéristiques avec les états dépressifs. Par exemple, Schaufeli et al. (1996) décrivent notamment un manque d’énergie, une perte de plaisir ressentie dans son travail, une dévalorisation de soi et de ses compétences ainsi que de la culpabilité, Freudenberger et Richelson (1980) évoquent des états de fatigue, de frustration et de dépression et Shirom y ajoute des difficultés de concentration et de réflexion (1989, 2003). D’ailleurs, plusieurs études ont mis en évidence de fortes relations entre l’épuisement professionnel et la dépression (Ahola et al., 2005; Glass & McKnight, 1996), et Schaufeli et Enzmann (1998) relèvent que parmi 12 études ayant rapporté des corrélations entre la dépression et l’épuisement professionnel, la dimension d’épuisement émotionnel partage entre 12 et 38 % de sa variance avec les états dépressifs. De plus, tout comme pour l’épuisement professionnel, il a été suggéré que parmi les facteurs jouant un rôle dans l’étiologie de la dépression, des évènements associés au travail

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