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1 I. – Après l’article L. 62 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 62 A ainsi rédigé :

2 « Art. L. 62 A. – Les bénéfices transférés, au sens de l’article 57, ou les produits mentionnés à l’article 238 A et qualifiés de revenus distribués sur le fondement des 1°

et 2° du 1 de l’article 109 et du c de l’article 111 au profit d’entreprises liées, au sens du 12 de l’article 39, peuvent, sur demande écrite du redevable, ne pas être soumis à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis si les conditions cumulatives suivantes sont satisfaites : 3 « 1° La demande du redevable de la retenue à la source

intervient avant la mise en recouvrement des rappels de retenue à la source ;

4 « 2° Le redevable accepte, dans sa demande, les rehaussements et pénalités afférentes qui ont fait l’objet de la qualification de revenus distribués ;

5 « 3° Les sommes qualifiées de revenus distribués par l’administration sont rapatriées au profit du redevable.

Ce rapatriement intervient dans un délai de soixante jours à compter de la demande ;

6 « 4° Le bénéficiaire des sommes qualifiés de revenus distribués n’est pas situé dans un État ou un territoire non coopératif, au sens de l’article 238-0 A. »

7 II. – La mise en œuvre de la procédure prévue au I fait l’objet d’un complément au rapport d’information prévu à l’article 136 de la loi no 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.

M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d'État, je suis quelque peu interloqué par cet article introduit à l'Assemblée nationale.

Il est assez rare, même si cela peut évidemment arriver, qu’une commission des finances dont la majorité des membres appartiennent à la majorité nationale– et c’est, a priori, toujours le cas de celle de l’Assemblée nationale – ne suive pas le Gouvernement.

Nous sommes là en présence de dispositions qui ont trait à des cas de fraude fiscale au moyen d’un transfert de bénéfices dans un pays étranger. Elles définissent un mode de régula-risation susceptible d’être appliqué à des procédures en cours, ce qui m’étonne un peu, car le fait n’est guère habituel.

Tout à l’heure, à propos des pénalités que l’État était amené à verser dans un certain dossier, nous avons fini par apprendre que l’entreprise concernée était Vivendi. De la même façon, je souhaite que M. le secrétaire d’État nous apporte quelques éclaircissements sur la raison d’être de cet article, que le Gouvernement approuve quoiqu’il ne l’ait pas proposé, puisqu’il est issu d’un amendement parlementaire.

Ces dispositions rendront-elles la lutte contre la fraude fiscale plus efficace ? Certaines situations nécessitent-elles des mesures urgentes dans ce domaine ? Comment le mécanisme prévu s’articule-t-il avec les dispositifs mis en place, en matière de fraude fiscale, à destination des sociétés qui possèdent des antennes ou des filiales dans ce qu’on appelle communément des paradis fiscaux ?

M. le président. L'amendement no 269, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2 Après les mots : l'article 57

insérer les mots :

du code général des impôts II. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

au rapport d'information prévu par les mots :

à l'annexe à la loi de finances prévue La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commis-sion des finances. Cet amendement est purement rédac-tionnel, mais, à la suite de Michel Bouvard, je souhaite obtenir de M. le secrétaire d’État certaines précisions.

Cet article, introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, a suscité un débat au sein de notre commis-sion. En consultant le compte rendu intégral des débats de l’Assemblée nationale, nous avons constaté que Mme Valérie Rabault, rapporteur générale de la commission des finances, s’était très longuement interrogée sur la portée de ces dispo-sitions, qu’elle jugeait un peu curieuses. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas très bien compris ni l’objet ni la portée de cette procédure, qui nous a paru assez étrange.

Si une entreprise visée par un contrôle fiscal s’engageait dans le mécanisme prévu, la procédure contentieuse serait- elle abandonnée ? Dans cette hypothèse, l’entreprise aurait tout gagné : la levée de la retenue à la source sans rehausse-ment du prix de transfert. Cette procédure, parfaiterehausse-ment dérogatoire aux règles de notre droit fiscal, nous a laissés d’autant plus dubitatifs que, ayant été introduite par la voie d’un amendement parlementaire, elle n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact.

Notre amendement vise à laisser cet article dans la navette et à ne pas éteindre le débat, mais il serait bon que M. le secrétaire d’État nous éclaire dès ce soir sur l’intérêt du dispositif. S’agit-il de dégager des recettes immédiates au titre de la lutte contre la fraude fiscale, sur le modèle du dispositif en vigueur pour le rapatriement des avoirs étran-gers, auquel cas nous pourrions en concevoir l’avantage ? La procédure pourrait-elle s’appliquer à des entreprises visées par des contrôles en cours ? Enfin, puisqu’un gage était prévu dans l’amendement déposé à l’Assemblée nationale, quel serait le coût de ce dispositif pour l’État ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vos interrogations sont légitimes.

En matière de contentieux sur la correction des prix de transfert, il faut avoir à l’esprit que les procédures sont inter-minables.

Ainsi, en l’état actuel du droit, lorsque l’administration fiscale notifie un redressement, avec toutes les difficultés que cette opération comporte pour disposer des informations nécessaires à l’évaluation des prix de transfert – même si nous avons déjà beaucoup fait évoluer les obligations des entre-prises en matière de documentation détaillée des modes de calcul de ces prix –, l’entreprise peut saisir, et elle le fait dans 99 % des cas, une commission dite « amiable » qui réunit les trois parties : la France, l’entreprise et le pays d’accueil. Ce sont alors des allers et retours sans fin, sans qu’aucune recette soit perçue par l’administration fiscale, malgré la notification.

Vous me demandez s’il y a des cas. Oui, il y en a.

L’administration constate que la progression de la procé-dure est très largement bloquée, soit que l’entreprise fasse preuve de mauvaise volonté, ce qui arrive très souvent, soit que l’État étranger qui intervient dans la procédure amiable ne coopère pas de manière satisfaisante.

Je vais vous faire une confidence, à propos d’un cas dont je ne suis pas sûr qu’il puisse être concerné par la procédure dont nous parlons : lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, je m’étais intéressé, étant lorrain, à la situation d’ArcelorMittal, après que des reportages télévisés eurent fortement suggéré que des ruling avaient été organisés avec le Luxembourg. Ayant obtenu communication du dossier, j’avais connaissance du montant du redressement demandé – ce fait est assez large-ment connu, mais je ne peux évidemlarge-ment vous en dire plus, en vertu du secret fiscal. J’avais alors fait le constat que les choses n’avançaient pas. Un an plus tard, si ce n’est deux, je fais un constat identique.

Il s’agit aujourd’hui d’inscrire dans la loi une pratique déjà en vigueur, puisque la procédure est prévue dans le Bulletin officiel des finances publiques-impôts, sous réserve qu’il y ait ouverture et clôture d’une procédure amiable, au sens du droit français – il ne s’agit pas de la commission dont j’ai parlé il y a quelques instants. L’objectif est clairement d’accé-lérer les dossiers lorsqu’il y a une reconnaissance du montant du prix de transfert. Sinon, les procédures n’en finissent pas ! L’intérêt du dispositif est de permettre de solder des cas lorsqu’il est possible de trouver un accord. Je ne sais pas si de nombreux cas pourront ainsi être soldés, mais quelques-uns le seront probablement. En tout cas, c’est une possibilité qui sera offerte. Elle n’empêchera pas que, le cas échéant, les procédures aillent à leur terme, mais dans des délais qui sont absolument effarants.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d’État, je m’attendais à des réponses beaucoup plus précises et circons-tanciées aux questions que vous ont posées et M. Bouvard et M. le rapporteur général.

Cet amendement paraît avoir fait l’objet d’un examen critique de Mme la rapporteur générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il semblerait que quelques entreprises seulement soient concernées, voire une seule. Nous aimerions savoir s’il s’agit d’un cas général ou si des entreprises particulières sont concernées.

Par ailleurs, nous souhaitons connaître le coût du redres-sement et savoir pourquoi, en plein milieu d’un contrôle fiscal, un article est introduit par voie d’amendement dans un projet de loi de finances rectificative.

Je trouve, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’avez pas donné les raisons exactes qui justifient cet article. Veuillez s’il vous plaît nous dire s’il s’agit d’une entreprise ou de plusieurs, et quel sera le coût de ce dispositif pour l’État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs dizaines de situations sont concernées.

Il n’y en en a pas une, ni cinq, mais plusieurs dizaines, et même plus de cinq dizaines. Je ne puis pas en dire davantage, le secret fiscal m’obligeant à rester discret sur ces affaires.

Si vous avez lu attentivement le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale, vous aurez sans doute observé que les différences d’appréciation entre la commission des finances et le Gouvernement ne se sont pas limitées à ce seul article !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commis-sion des finances. Nous n’allons pas clore le débat ce soir, et cet article va rester dans la navette si notre amendement est adopté. Simplement, nous aurions aimé, monsieur le secré-taire d’État, que vous nous donniez quelques précisions sur le coût de ce dispositif ; il y en a un puisqu’un gage a été prévu.

M. Philippe Dominati. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce gage était purement technique. Des procédures sont en cours, qui durent depuis un certain temps. Pour certaines d’entre elles, des recettes sont estimées, mais les montants en cause font l’objet de contestations et il n’est pas possible de savoir si, au terme des procédures, le rendement attendu sera effec-tivement obtenu. En effet, nous ne pouvons pas prévoir la conclusion de ces opérations, dont je répète qu’elles s’étalent souvent sur plusieurs années.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 269.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 30 septdecies, modifié.

(L'article 30 septdecies est adopté.)

Article additionnel après l’article 30 septdecies M. le président. L'amendement no 261, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 30 septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié : 1° Au premier alinéa de l'article L. 208, après les mots :

« à la suite », sont insérés les mots : « d’une procédure amiable ou » ;

2° L’article L. 277 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le contribuable qui a sollicité l’ouverture d’une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposi-tion entre la France et un autre État ou territoire sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale ou de la convention relative à l'élimination des doubles imposi-tions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (90/436/CEE) du 23 juillet 1990 peut égale-ment bénéficier du différé de paieégale-ment égale-mentionné au premier alinéa pour les sommes mises à sa charge au titre desquelles il a introduit cette demande. À cet effet, il doit formuler une demande expresse précisant les montants sur lesquels celle-ci porte. » ;

b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou jusqu’au refus de l’ouverture ou à la clôture de la procé-dure amiable » ;

c) Au troisième alinéa, après le mot : « premier » sont insérés les mots : « ou au deuxième » ;

d) À la première phrase du cinquième alinéa, les mots :

« quatrième alinéa » sont remplacés par les mots :

« cinquième alinéa ».

3° Le 1 de l’article L. 257-0 A est ainsi modifié : a) Après les mots : « en l’absence d’une réclamation », sont insérés les mots : « ou d’une demande d’ouverture de procédure amiable » ;

b) Les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à ».

4° Le 2. de l’article L. 257-0 B est ainsi modifié : a) Après les mots : « en l’absence d’une réclamation », sont insérés les mots : « ou d’une demande d’ouverture de procédure amiable » ;

b) Les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à ».

II. – Le I s’applique aux procédures amiables ouvertes à compter du 1er janvier 2014.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commis-sion des finances. Cet amendement vise à permettre aux contribuables ayant sollicité l’ouverture d’une procédure amiable de bénéficier d’un sursis de paiement.

Je rappelle que, en vertu des conventions fiscales interna-tionales, les contribuables peuvent demander l’ouverture d’une procédure amiable en vue d’éviter une double imposi-tion. Jusqu’en 2014, le contribuable ayant demandé l’ouver-ture d’une telle procédure pouvait bénéficier, le temps du dialogue, d’une suspension de la mise en recouvrement. Or l’article 101 de la loi de finances pour 2014, introduit par amendement parlementaire, a supprimé le caractère automa-tique de la suspension du recouvrement de l’impôt pendant la durée de la procédure amiable.

Le présent amendement ne vise pas à remettre en cause cette mesure, mais à en modérer les effets. En effet, la suppression de la suspension de paiement peut entraîner sur la trésorerie des entreprises des conséquences non négli-geables et susceptibles de durer plusieurs années.

Contrairement aux contribuables qui engagent une procé-dure contentieuse interne, les contribuables sollicitant l’ouverture d’une procédure amiable ne peuvent pas bénéfi-cier d’un sursis de paiement. Nous proposons de leur ouvrir cette possibilité de manière encadrée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces questions sont voisines de celles que nous venons d’évoquer.

Auparavant, lorsqu’une entreprise subissait un contrôle à la suite d’une contestation de l’administration sur la fiscalité relative à des transferts, elle pouvait, en saisissant la commis-sion amiable dont j’ai parlé il y a quelques instants, se dispenser de payer quoi que ce soit.

Comme les procédures durent des années – raison pour laquelle l’article précédent a été introduit dans le projet de loi de finances rectificative –, le Parlement a décidé, sur l’initia-tive d’un parlementaire que j’ai bien connu, qu’un paiement serait exigé, quitte à ce que, à l’issue d’une procédure évidem-ment contradictoire, une régularisation soit opérée en faveur

de l’entreprise, en tenant compte des intérêts. Le Gouverne-ment avait eu du mal à se laisser convaincre, en considération de ce dernier point, mais nous avions fini par trouver cette solution pour contraindre l’entreprise à intégrer la procédure dans ses comptes.

Dès lors, faut-il prévoir une disposition dérogatoire ? Je ne suis pas radicalement opposé à toute forme de dérogation, mais à la condition qu’un jugement intervienne dans le processus, c'est-à-dire qu’une autorité accorde cette déroga-tion, pour autant qu’elle soit suffisamment motivée.

C'est pourquoi la rédaction de cet amendement ne convient pas au Gouvernement, dont l’avis est donc défavo-rable.

On ne peut exclure – et c'était l’objet des discussions de l’époque – qu’un sursis de paiement concernant un redres-sement notifié par l'administration puisse être accordé en fonction de motivations particulières. J’observe cependant que les affaires antérieures à l’amendement que j’ai évoqué n’ont donné lieu à aucune recette pour l’État, et que s'éter-nisent des procédures portant sur des sommes souvent très importantes. J’ai parlé tout à l'heure d’un cas bien connu, mais il y en a beaucoup d’autres, que le secret fiscal m'empêche de citer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commis-sion des finances. J’admets que notre amendement est perfec-tible, mais je préconise de le faire entrer dans la navette, de manière qu’un « point d’atterrissage » puisse être trouvé à l’Assemblée nationale. (M. le secrétaire d'État s'exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 261.

(L'amendement n'est pas adopté.)