• Aucun résultat trouvé

Etude expérimentale des 500 premières millisecondes

 QUEL TYPE DE PAS EST REALISE ?

4.3. Hypothèses sur les causes de la chute

4.3.1. Sensibilité et Variabilité inter-individuelle à la chute

Un effet-sujet était systématique sur toutes les variables dépendantes, et a donc été pris en compte dans l’analyse statistique (ajustement sur le sujet dans le modèle linéaire généralisé). Une variabilité inter- individuelle importante a effectivement été constatée, concernant l’issue des essais (cf. scores d’équilibre enregistrés) mais qui se prolongeait aussi dans les réponses posturales mises en oeuvre. Concernant la chute, les individus pouvaient se classer en trois catégories: les sujets qui tombent toujours ou beaucoup, les sujets qui tombent rarement ou jamais et ceux qui parfois se rattrapent, parfois tombent. La constitution de ces groupes était légèrement modifiée selon la direction de la perturbation. La majorité des sujets appartenait néanmoins au groupe intermédiaire, mais il faut souligner la forte disparité et l’écart important entre les deux autres groupes (« toujours » vs. « jamais »)

Les variables explicatives de la récurrence d’une chute auraient pu être liées à des propriétés intrinsèques, caractéristiques qui rendraient certains individus plus à risques de chute avant même que l’expérience ne débute. Les spécificités de la perturbation qui est appliquée pouvaient en effet rendre certains sujets plus vulnérables à la déstabilisation, comme les individus les plus petits et/ou les plus légers. En l’absence d’une réponse active, nous pouvons supposer que les participants les plus légers ont moins de résistance inertielle et expérimentent de plus fortes accélérations (traduite par le déplacement passif du corps). Sturnieks et coll. (2012) ont par-ailleurs montré que le poids du sujet influence le seuil auquel un pas doit être initié.Bien que nous n’ayons pas identifié ici d’effet significatif de la taille, de la masse ou d’une autre variable intrinsèque connue, des tendances sont apparues, confirmant ce qui a déjà été suspecté. Notre petit échantillon ne permet pas de tirer des conclusions définitives; et d’autres expériences sont requises pour une évaluation correcte de l’effet des variables précédemment citées : par-exemple, il serait intéressant à l’avenir de mener des pré-tests pour adapter l’intensité de la perturbation de telle sorte qu’il affecte chaque personne de façon similaire. Dans tous les cas, cette absence d’effet significatif était en accord avec nos attentes, car le groupe d’étude a été constitué de façon à ce qu’il soit le plus homogène que possible. Cependant, le recrutement étant basé sur le volontariat, une dispersion des données était inévitable.

Il faut aussi souligner la forte variabilité inter-individuelle dans les réponses posturales observées. Par- contre la consistance est remarquable au niveau intra-individuel. En effet, considérant tous les individus et tous les essais, les patrons cinématiques individuels sont identifiables et singulièrement reproduits de façon stricte d’un essai à l’autre, comme si le sujet avait adopté un archétype de stratégie de réponse

posturale. Cette « non-adaptation » peut s’avérer dommageable si la stratégie mise en œuvre conduit systématiquement à une chute.

Une hétérogénéité des fonctions sensorimotrices existe chez le sujet sain. Au-niveau sensoriel la façon dont le SNC traite les informations sensorielles dépend de l’expérience sensorimotrice de chaque individu, façonnée par l’âge, les sports pratiqués, les métiers, et sans doute par des facteurs génétiques (Chambaz, 2009). Chacun tend à développer une préférence pour une modalité sensorielle particulière, qui est alors sollicitée (et/ou utilisée) de façon prédominante. La préférence visuelle semble être la plus fréquente, et a en tout cas été bien décrite. Elle est courante chez les personnes âgées, les patients atteints de la maladie de Parkinson, d’une pathologie vestibulaire ou suite à un AVC. Cette sélection systématique d’un mode perceptif s’avère peu adaptée pour répondre à une situation nouvelle ou inattendue ; c’est donc un mode de fonctionnement susceptible d’entraîner une chute.

L’utilisation des informations sensorielles dépend aussi du type d’activité physique pratiquée. Golomer et coll. (1998) ont évalué le contrôle postural et les tactiques d’équilibration sur une plate-forme mobile servo-commandée selon la spécialité sportive : des différences inter-individuelles sont apparues ; par- exemple, les acrobates et les véliplanchistes étaient les plus stables, les premiers probablement à cause d’une très bonne représentation interne du schéma corporel (Pozzo et coll. 1989) ; les seconds du fait d’une bonne sensibilité cutanée plantaire (Berger et coll. 1990). Dans leur étude, Crémieux et Mesure (1994) montrent quant à eux que l’équilibre des judokas est moins visuo-dépendant que celui des danseuses ; et que le contrôle postural des judokas confirmés est plus effectif que celui des novices, ce dans différentes conditions expérimentales (sol dur/mou, éclairage normal/stroboscopique).

La condition physique est donc associée à des capacités posturales différentes. « Les sportifs possèdent une

maîtrise admirable de leur propre verticalité » (D. Riva). Un sujet sportif démontre des stratégies et tactiques d’équilibration spécifiques. Placés sur une plateforme à bascule, les sportifs adoptent une régulation de type ‘’top down’’ : ce sont les membres inférieurs qui doivent s’adapter à la verticalité du tronc ; or dans la population générale, même non pathologique, nous faisons le contraire: l’influence s’exerce de bas en haut i.e. on balance le corps et on utilise les bras pour compenser les déséquilibres de la base. Le tronc doit rattraper les déséquilibres du pied. La stabilité de la jambe d’appui est compromise, par conséquent, la totalité de la stabilité posturale sera grossière. Riva et Trevisson (2004)ont ainsi montré qu’une stratégie visuo-proprioceptive caractérisait les champions et qu’une stratégie vestibulaire, au contrôle plus imprécis caractérise le sédentaire, à l’image du « chêne et du roseau » (Goetghebuer, 2002). Les changements de position et accélération auxquels la tête est soumise prennent le dessus, les latences sont supérieures, le sujet se base sur des mouvements continus du tronc, des hanches, des membres supérieurs, toujours excessifs par rapport à la situation biomécanique à gérer,.). L’effet de la condition physique et de la spécialité sportive, de la familiarisation à la chute et de la fréquentation quotidienne ou non des transports publics (bus, métro) mériterait donc d’être étudié par la suite.

Enfin, une autre tendance observée concerne les femmes, qui tomberaient plus que les hommes. Ce résultat a été observé par-ailleurs mais n’a jamais suscité d’études spécifiques. Les raisons sous-jacentes à ce constat récurrent constituent donc une question ouverte : est-ce en raison de critères biomécaniques et si oui, lesquels ? En effet, une explication possible pourrait être liée aux différences

anatomiques (structure du pelvis notamment) : parmi les résultats connus dans la littérature sur les différences liées au sexe, lors d’un pas médiolatéral, les femmes choisiraient plutôt de croiser la jambe oscillante derrière la jambe d’appui quand les hommes adoptent plus rarement cette stratégie) ; la différence se joue t-elle du fait d’un câblage neuronal spécifique, de spécificités qui nous viennent de l’évolution, ou les facteurs sont-ils plus psychologique ? On sait aussi que l’amplitude et la latence d’un startle varie avec l’âge et le sexe (Kofler et coll. 2001) : les femmes ont une probabilité plus élevée de SR et des réponses plus importantes ; les personnes âgées ont des réponses plus élevées au niveau des muscles des jambes (pas au niveau facial/cervical); Les femmes seraient aussi plus enclines à se rigidifier, en écartant les corrélations possibles liées à au poids ou à la taille(Vibert et coll. 2001, 2006)

Pour conclure, il faut aussi considérer quelques biais méthodologiques éventuels, comme l’interprétation de la consigne selon les sujets : les instructions données aux sujets étaient simples (‘essayer de se rattraper’), mais nous avons assisté pour certains à une stratégie de « laisser faire ». Le fait de porter un harnais pourrait avoir été source de malentendus. De manière générale, certains facteurs psychologiques non évalués dans l’étude pourraient expliquer l’hétérogénéité des réponses: anxiété, interprétation des consignes, connaissance de l’objet de l’étude, proximité affective, motivation,...

Outline

Documents relatifs