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Etude expérimentale des 500 premières millisecondes

2. PROTOCOLE EXPERIMENTAL

3.3. Différences Chute vs Rattrapage

3.3.3. Mécanismes liés à la chute : analyse de l’action correctrice engagée

Les réponses posturales ont été caractérisées selon quatre groupes de variables : la cinématique articulaire (variations angulaires, stabilisation de la tête, coordination motrice,...), la présence d’un pas et son paramétrage, les activités musculaires et la contribution des bras. Des variables discriminantes entre le groupe chute et non-chute et issues de ces différentes catégories ont été identifiées.

Aucune instruction n’était donnée aux sujets sur la manière de répondre à la perturbation posturale. Cependant, une stratégie préférentielle a émergé : la stratégie à changement de support par la réalisation d’un pas au moins. Un pas compensateur est en effet apparu dans 92% des essais. Sur les 479 essais contenant au moins un pas, 18,4% d’entre eux ne contenaient qu’un seul pas. Lorsqu’ils conduisaient à un rattrapage, ces réactions sont essentiellement apparues en condition lente (78,5%) ; par contre, lorsqu’ils se traduisaient par une chute, ils avaient lieu en majorité en condition rapide (82%).

E ssais rapides : analyse des réponses avec un pas (au m oins) a) Cinématique articulaire

 

Tout d’abord, il faut souligner le contraste entre une importante variabilité inter-individuelle des réponses posturales observées dans le cadre de notre expérimentation et une faible variabilité intra- individuelle. La Figure 48 met en évidence la forte reproductibilité des stratégies mises en œuvre par un sujet lors d’un rattrapage qui sera réussi ou non. Les 5 sujets chuteurs et les 4 sujets non-chuteurs représentés sont identifiables par leurs seules traces cinématiques. Chaque chute pourrait donc s’expliquer par des mécanismes différents et inversement, chaque rattrapage peut correspondre à une « typologie » individuelle. Par exemple, le sujet violet présente un retard temporel dans l’initiation de ses réactions compensatoires quand bien même les amplitudes des mouvements articulaires déployés sont similaires à celles que l’on peut observer dans le cadre d’un rattrapage.

 

 

Figure 48 : Faible variabilité intra-individuelle dans les réponses cinématiques mises en œuvre (cond. Ff)

Superposition, par couleur, de 5 sujets chuteurs (cadre du haut) et de 4 sujets qui se sont rattrapés (cadre du bas)

 

Lorsque nous avons essayé d’identifier plus avant les différences pouvant exister entre les chutes et les rattrapages au niveau de la cinématique articulaire, quelques indicateurs ont émergé, illustrés pour certains dans la représentation d’une chute et d’un rattrapage réussi en Figure 49.

 

Les chutes se caractérisent globalement par une dispersion des réponses plus importante, et une latence plus élevée dans le déclenchement des réponses compensatoires, qui s’observe à plusieurs niveaux articulaires. De plus, certaines chutes présentent des spécificités comme une absence d’utilisation des bras (en abduction); et certains rattrapages se distinguent par une stabilisation marquée de la tête. Nous détaillons ci-après les différences provenant d’une analyse menée suite à une TSS avant (i.e. provoquant un déséquilibre vers l’arrière du corps). La Figure 50 superpose le corridor des variations angulaires dans les essais ayant conduit à une chute (rouge) et à un rattrapage (vert).

Au-niveau de la cheville, le mouvement d’extension initial est identique dans le cas d’une chute et d’un rattrapage. Par contre, chez certains chuteurs, cette extension se prolonge jusqu’à 200 ms environ, ce qui était vérifié statistiquement (cf. Tableau 8). La flexion signait le démarrage de la compensation du déséquilibre. Nous constatons que le corridor regroupant les essais « Rattrapages » est plus étroit, signifiant un pattern en flexion similaire en termes d’amplitude, de durée et de pente d’un essai à l’autre. Concernant la jambe d’appui, il n’y a pas de différence flagrante entre les chutes et les rattrapages, résultat qui se retrouve à d’autres niveaux articulaires.

Au niveau du genou, une compensation du déséquilibre a lieu plus tôt lors des rattrapages (avec une flexion qui débute jusqu’à 100 ms avant les chutes). A noter cependant une cinématique semblable aux rattrapages dans certaines chutes. Une fois encore, le corridor de flexion du genou oscillant est plus étroit concernant les rattrapages même si les pentes sont similaires. L’extension suivant cette flexion du genou intervient également plus tôt dans les rattrapages.

Au niveau de l’articulation de la hanche, le début de flexion dans certains rattrapages précède le pire des scénari donnant lieu à une chute. Cependant, certaines chutes s’assimilent toujours à certains rattrapage au niveau du pattern cinématique décrit (ex : temps mis pour atteindre une amplitude maximale). L’extension subséquente de la hanche se fait plus tôt dans les rattrapages.

b) Stabilisation de la tête

 

Une stabilisation franche de la tête est possible dans certains rattrapages et jamais observée dans le cas des chutes. Par-contre, pour d’autres, la tête présente une rotation vers l’avant similaires aux chutes. En somme, ces courbes traduisent des stratégies différentes. En condition rapide vers l’avant (Ff), la tête était plus longtemps stable (ou stabilisée) dans l’espace dans les groupes des rattrapages. En condition lente, il n’y avait pas de différences entre les deux groupes ; sauf en direction latérale, où elle était, à nouveau significativement plus stable chez les Non Chuteurs (C : 205 ms vs. NC : 298 ms).

Figure 49 :

Variations angulaires (°) au cours des 500 premières msecs, représentatives d’une chute et d’un rattrapage

(jambe oscill.)  Déplacement passif  Mouvement compensatoire 

Tmax (ms)  AngleMax (°)  Tmax2 (ms)  AngleRel2 (°) 

cheville  184 

} * 

} * 

355 

} * 

‐15,3  0,09  144  4,5  312  ‐12,4  genou  139  0,1  2,3  0,08  366 

} * 

‐44,7  0,3  122,4  3,02  293  ‐41  hanche  290 

} * 

‐27  0,17  399,5 

} * 

17  0,1  264  ‐30  366  21  bras  486 

} * 

31,3 

} * 

435  0,12  55,5 

} * 

376  41,08  377  14 

ABDUCTION (bras) FLEXION (bras)

Tableau 8 : Amplitudes maximales des mouvement de flexion (-) / extension (+) pour la chevlle, genou et hanche de la jambe oscillante ; et d’abduction (+) et de flexion (+) du bras et du coude.

 

   

   

Figure 50 : Variations angulaires selon l’issue (Chute –rouge- vs. Rattrapage –vert-) en

‘’Forward fast’’

La figure représente les enveloppes des variations angulaires de la cheville, du genou, de la hanche (flexion/extension), de la tête et des bras.

Trait plein : jambe oscillante

c) Contribution des bras

 

Translation Forward  chute vers l’arrière

Comme l’illustre la Figure 50, les rattrapages présentaient un mouvement d’abduction d’amplitude plus élevée, qui démarrait cependant au même moment lorsque les bras sont utilisés (à bon esscient) lors d’un essai qui se terminera par une chute. A noter aussi l’absence de mouvement d’abduction visible dans le cas de certaines chutes. Les mouvements de flexion du coude non représentés ici étaient accentués dans les chutes (cf. Tableau 8). La différenciation entre les chutes et les rattrapages du point de vue de l’analyse cinématique (plus grande élévation des bras) est corroborée par des spécificités au niveau musculaire (cf. Fig. 51): les deltoïdes étaient très impliqués chez les chuteurs (latence, amplitude, rang). Cela se traduisait par des amplitudes d’activité significativement plus élevées mais également une latence faible (les muscles se contractent tôt. C : 97 ms vs. NC : 115 ms) et un rang d’activation situant ces muscles parmi les 1ers (mesurés) à être sollicités (C : 1,1 vs. NC : 1,9). Par-exemple, que cela soit au niveau du bras droit ou gauche, le signal EMG des essais Chute présentait une amplitude significativement plus élevée jusqu’à 200 voire 240 ms par-rapport aux essais conduisant à un rattrapage. En revanche, l’activité des deltoïdes devenait plus élevée dans les rattrapages à partir de 240 ms, comme si les bras jouaient seulement alors leur rôle stabilisateur. En condition lente, la mobilisation des

bras n’apparaît pas comme une variable distinctive entre les essais conduisant à une chute et les rattrapages.

Figure 51: Contribution des bras lors d’une chute et d’un rattrapage (EMG, cinématique) Translation Backward  chute vers l’avant

Chez les chuteurs, les deltoïdes sont faiblement activés immédiatement après la perturbation. Cela est vrai pour les deux vitesses ; et ce, malgré une latence (en condition rapide) significativement plus courte (C : 72 ms vs. NC : 109 ms). Ils présentaient peu d’activité même s’ils se contractent assez rapidement, sauf entre 360 et 440 pour le rDELT.

d) Le pas compensateur et son rattrapage

 

Pas un seul essai rapide n’a pu être récupéré sans réaliser au moins un pas. Cependant, même en présence d’une stratégie à changement de support, des facteurs liés au pas tels que le temps de réaction (délai d’initiation) et sa calibration pouvaient favoriser le risque de chute. Chez les chuteurs, le paramétrage du 1er pas était défaillant, au point de ne pas assurer et garantir un rattrapage, quand bien même la stratégie à changement de support avait été correctement sélectionnée. Par-exemple, suite à un translation rapide vers l’avant du support (Ff), la durée, la hauteur maximale atteinte et la longueur du pas pour se récupérer étaient toutes significativement plus faibles dans les essais conduisant à une chute

 QUAND LE PAS EST-IL DECLENCHE ?

T ranslation vers l’avant -F - ( chute vers l’arrière)

 

Lors d’une chute vers l’arrière, l’instant d’initiation du 1er pas n’était pas un paramètre significatif pour distinguer les chutes des rattrapages (C: 255 vs. NC: 225 ms). Cependant, comme l’indique la Figure 55, les latences étaient variables parmi les chutes tandis que lors d’un rattrapage réussi, un pas était initié dans un intervalle de temps resserré autour de 180-240 ms (cf. la distribution étendue des latences avec plusieurs pics dans le cas des chutes tandis qu’un seul pic était observé pour les rattrapages). D’autre part, nous avons mis en relation l’instant de début du pas avec le TTC (’’Time To Contact’’), défini en partie méthodologique selon trois façons possible:

La Figure 52 montre que la corrélation entre le TTC et l’initiation du premier pas est la plus forte lorsque l’on considère le TTClim. En effet, une régression linéaire permet d’estimer les pentes de ces relations et le coefficient de détermination, respectivement de 0,4/0,2 (TTCdyn) ; 0,58/0,7 (TTC) et 0,7/0,8 (TTClim). Ces derniers sont des critères satisfaisants et nous permettent de penser que lorsque le CM atteint les limites de la BS, un pas est déclenché.

- Le « TTC » prenait en compte la position et la vitesse du CM projeté relativement à la position et la vitesse de la BS. La détermination de ce paramètre est celle qui est classiquement retrouvée dans la littérature ; Néanmoins, ces travaux sont associés à un modèle statique de l’équilibre (ie position initiale statique).

Afin de prendre en compte l’accélération imposée au corps à travers la perturbation, et ses conséquences sur le système, nous avons modélisé le poids apparent et déterminé les instants où un état de déséquilibre (temporaire ou non) est atteint. C’est ce qui caractérise le « TTC dyn ».

Enfin, comme l’illustre la Figure 53 ci-dessous, nous avons constaté que les limites de stabilité ne sont pas toujours atteintes, mais qu’à chaque essai, le système flirte au moins une fois avec ses frontières, en s’y approchant jusqu’à 5 mm de distance. Cet instant a été déterminé et appelé « TTC lim »

Figure 52 : Latences d’initiation du pas en fonction du TTC, déterminé selon 3 méthodes : en haut,

Figure 53 : Représentation du TTC (statique,bleu et dynamique,rouge) en relation avec le début du 1er pas (G ici)

Il faut noter toutefois que le CM approchait régulièrement les frontières de la BS, à une distance inférieure à 5 mm, sans jamais les dépasser. Ces allers-retours peuvent se produire à de nombreuses reprises au cours de l’essai, sans qu’un pas soit nécessairement déclenché à chaque fois. La Figure 53 illustre ce phénomène pour un essai représentatif d’un Rattrapage lors d’une translation vers l’avant.

      TTCdyn  TTC  TTClim  F  f  145  236  142     124  235  149     s  174   ‐  228  B  f  134  236  119     124  200  116     s  214   ‐  176  ML  f  104  188  181     90  218  212     s  198   ‐  239 

Tableau 9 : Valeurs des trois TTC calculés, selon l’issue de l’essai et la condition

Il n’y a pas de différence significative entre les chutes et les rattrapages sur ce point ; exception faite de quelques rares chutes où il y une incongruence forte entre les instants : le pas est initié après le TTC, i.e. que le déséquilibre soit effectif, rendant impossible toute récupération ; soit le pas est initié avant le TTC, et il serait alors inadapté car non spécifique aux caractéristiques du déséquilibre induit par la perturbation.

La valeur du TTC pour chaque condition est indiquée dans le Tableau 9. On note que les frontières sont toujours franchies, en dynamique, et plus tôt qu’en statique. D’autre part, quelque soit le TTC considéré, il a lieu plus tôt en condition rapide. Enfin, nous n’observons pas de différences entre les groupes Chute/Non Chute ; bien que le CM de ces derniers ait une tendance à « sortir » plus vite.

Par-contre, une variable a attiré notre attention, c’est la durée entre le lever du 1er marqueur et le dernier (ie le temps mis pour initier le pas). Elle est représentée ci dessous en Figure 54 : la disparité des chutes contraste avec un délai presque toujours inférieur à 100 ms dans le cas des rattrapages (moyenne C : 88 ms vs. NC : 53 ms).

Figure 54 : à gauche, nombre de pas pendant une Chute (rouge) vs. un Rattrapage (vert); à droite, durée entre le levé du 1er marqueur et le dernier. Condition Ff

Enfin, il faut remarquer que le second pas n’apparaît pas dans les résultats statistiques, ce qui laisse supposer qu’en condition rapide, le temps n’est pas suffisant pour effectuer un 2ème pas qui permette une issue favorable. Ce postulat renforce l’hypothèse selon laquelle une « bonne » calibration du 1er pas est primordiale (cf. Figure 54, à gauche)

T ranslation M édio-L atérale

En direction ipsi- et contralatérale, la latence du 1er pas est d’importance pour assurer le rattrapage ou au contraire, constituer un facteur de risque de chute. Ces deux situations présentent des latences significativement différentes, respectivement pour les C : 336 et 253 ms vs. 190 ms et 213 ms pour les NC (soit en moyenne, 294,2 vs. 201,5 ms). Si le pas est initié trop tardivement après la perturbation, cela augmente la probabilité de chuter. Dans le même ordre d’idées, le délai entre le déplacement franc de la tête et l’initiation du pas est une variable discriminante entre les chutes et les rattrapages. Chez les chuteurs, le délai entre l’initiation du 1er pas et le déplacement de la tête est important, autrement dit, le pas est initié tardivement par rapport à l’instant où la tête se déplace tandis que lors des rattrapages, soit le pas a lieu avant que la tête ne se déplace, soit quasi-simultanément (7,4 ms). Cela est vrai quelle que soit la direction considérée dans le sens médio-latéral de perturbation (ipsi ou contralatérale) en condition rapide (cf. Figure 55) En condition médio-latérale rapide, lorsque le sujet parvient à se rattraper, les informations portées par le segment tête qui abrite les systèmes visuels et vestibulaires ne seraient donc pas celles qui permettent de déclencher la réponse posturale type changement de support.

T ranslation vers l’arrière -B - chute vers l’avant

En condition rapide, aucun paramètre lié au moment de déclencher le pas n’a d’incidence significative sur la chute. A noter toutefois qu’en condition lente, le pas est déclenché significativement plus tard comparé aux non chuteurs (C : 418 vs. NC : 305 ms). Dans cette condition, le pas est initié 182 ms après que la tête ait bougé chez les chuteurs (vs. 86 ms chez les NC) (différence significative également)

 

Figure 55: distribution des latences du 1er pas médiolatéral en absolu (à gauche) et par rapport au début du déplacement de la tête (à droite). Vert: rattrapages; Rouge: chutes

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