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Etude expérimentale des 500 premières millisecondes

 QUEL TYPE DE PAS EST REALISE ?

4.2. Description qualitative des réponses posturales

Si l’on prend l’exemple d’une translation vers l’arrière, le comportement observé peut être décrit de la manière suivante: la posture orthostatique initiale implique d’abord que le CM se projette légèrement en avant de l’articulation de la cheville. Etant donné que la gravité s’exerce verticalement, un faible moment net en torsion s’exerce à la cheville et les muscles postérieurs de la cheville se contractent pour pouvoir le contrer (activité antigravitique). Au moment de la translation, si l’on suppose que le coefficient de friction est suffisant, les pieds vont se déplacer avec la plateforme, tandis que l’inertie aura pour effet de maintenir le centre de masse là où il se trouve. Cela impose une rotation autour de la cheville et engendre une position inclinée vers l’avant. Le CM se projette désormais encore plus loin devant la cheville qu’avant ; le moment s’exerçant autour de la cheville est plus important et ne peut plus être compensé par le seul tonus des extenseurs avoisinant l’articulation, ce qui augmente l’inclinaison. L’état de déséquilibre était atteint si le CM franchissait les limites de la BS. Suivant les conseils de Pai et coll. (1998)nous avons associé à la position du CM l’étude de sa vitesse pour préciser au mieux l’atteinte d’un état de déséquilibre. L’équilibre se retrouve donc lorsque le CM se projette au niveau de la BS et/ou avec une vitesse suffisamment faible pour qu’à court terme il puisse y rester suffisamment longtemps de façon à ce que le sujet regagne une certaine stabilité. Une manière d’éviter le déséquilibre consiste à augmenter le moment musculaire en opposition au moment externe. Le mouvement du CM peut ainsi être ralenti en générant rapidement un moment musculaire au niveau des chevilles, des hanches ou d’autres articulations (comme les genoux). Lorsque la posture debout est perturbée, les réponses musculaires peuvent alors suffir à corriger les effets de la perturbation : la position debout est rétablie sans qu’il y ait nécessité de faire un pas (Allum, 2008). Ces réponses sont obtenues de manière simultanée dans plusieurs segments corporels, avec des latences allant de 90 à 120 ms (Diener et coll. 1988; Henry et coll. 1998; Allum et coll. 1995, 2002). De telles réactions de correction de l’équilibre sont précédées par des réponses réflexes d’étirement et de décharge au niveau de la cheville et de la hanche, avec des délais d’activation allant de 25 à 80 ms (Bloem et coll. 2000, 2002; Allum et coll. 2003). Le déplacement du CM en sens opposé à la perturbation peut aussi être compensé par des déplacements segmentaires de type inclinaison du tronc ou un mouvement compensateur des bras. Il est aussi possible de retrouver sa stabilité en modifiant rapidement sa base de support, une stratégie qui fournit plusieurs avantages biomécaniques.

D’après nos résultats, la première remarque à effectuer concerne la rareté des stratégies à support fixe et lorsqu’elles sont apparues, seules, elles étaient rendues fonctionnelles par un mouvement des bras, de la cheville ou de la hanche, et efficaces uniquement en condition lente. Lorsque de petites perturbations posturales étaient appliquées, certains sujets préféraient bouger de façon prédominante autour de la cheville de façon à conserver les genoux et les hanches relativement immobiles (Nashner, 1977). Horak et Nashner (1986) avaient noté cette prévalence de la stratégie de cheville qui devient toutefois trop coûteuse lorsque l’on augmente la vitesse de la perturbation. Pour de plus fortes perturbations, la flexion s'effectuait plutôt par rapport aux hanches avec de petits mouvements en sens opposé des chevilles, gardant les genoux relativement droits. Il y avait aussi un effet de la direction de la translation sur la réponse posturale, les réponses à support fixe étant plus fréquentes lors de perturbations médio- latérales lente. Nous émettons l’hypothèse qu’il existe un mécanisme de contrôle différent dans ces conditions (chargement/déchargement et transfert de poids) (Küng et coll. 2009)

Si les stratégies à SF étaient rarement déployées de façon isolée, nos résultats démontrent en revanche qu’elles n’étaient pas pour autant inexistantes: elles précédaient les réactions à CS. Dans le cadre de cette étude, ces réactions à CS impliquaient la prise d’un pas (et même dans la plupart des cas, de plusieurs pas) car il n’y avait pas de support à proximité (pour une action d’« attraper » éventuelle). Cependant, certains chuteurs déployaient un mouvement de flexion au niveau du coude, traduisant selon nous une action dirigée vers le but de se rattraper au harnais. Ces réactions à CS jouent un rôle fonctionnel vital pour éviter une chute : comme l’avait constaté Maki (1995), elles étaient les seuls recours lors des perturbations importantes et leur absence la signature d’une chute garantie. Quand on est sur le point de tomber, cette stratégie à CS est nécessaire, les moments générés aux différents niveaux articulaires deviennent effectivement insuffisants. Nous n’avons pas observé aussi distinctement que certaines études des réactions posturales différentes selon l’intensité de la perturbation et notamment une ségrégation des stratégies SF et CS, exception faite de la condition médiolatérale pour laquelle en condition rapide, les stratégies à CS deviennent largement majoritaires, tandis qu’en lent, la réponse à support fixe est privilégiée. En effet, nos résultats montrent que le(s) pas de rattrapage étaient aussi prévalents lorsque la perturbation est relativement faible, en concordance avec la littérature (Maki et McIlroy, 1997); certains sujets (ab)usant de manière préférentielle voire permanente la stratégie de CS, quand bien même la perturbation est si faible qu’elle ne menace pas leur stabilité (cf. faible inclinaison verticale du corps, CMp à l’intérieur de la base de sustentation, TTC) et qu’un pas n’était pas nécessaire.

Le déclenchement d’un pas était même parfois plus précoce en condition lente. Il y a plusieurs interprétations possible de cette précocité de réponse : selon la théorie du contrôle parallèle, le pas est préprogrammé parallèlement à la stratégie à support fixe et apparaît donc rapidement ; cependant, d’après ce postulat théorique le sujet peut décider ou non de faire apparaître en fonction des besoins ressentis, des exigences de la situation. Il aurait donc dû être capable d’éteindre cette réaction dans le cas d’une faible translation de plateforme. Nous avons émis deux hypothèses: la stratégie était présélectionnée, préprogrammée « par défaut », et révèle éventuellement un trait d’anxiété, ou bien l’imprévisibilité des conditions de perturbation exerçait un tel effet sur l’état mental du sujet qu’il anticipait l’intensité de la perturbation à venir et modulait sa première réponse (modulation du réflexe myotatique). Cela correspond au phénomène de « presetting » décrit par Diener (1984), qui conduit à

anticiper une stratégie de réponse. Ce phénomène a pour conséquence l’apparition de réactions parfois « exagérées », voire inadaptées (multiples pas,.), pis, qui menacent encore davantage sa stabilité ! D’autre part, nous avons observé quelques essais au cours desquels une régulation « en ligne » était visiblement exercée (Jacobs et Horak 2007) ; par exemple, le sujet initiait un pas (début de swing) mais l’interrompait avant de toucher le sol et se ravisait en reposant le pied à l’endroit initial. Ces modifications de stratégie sont le témoin d’une modulation centrale corticale tardive c’est à dire d’une intervention du cortex cérébral suite à l’évaluation de la réponse posturale lancée de manière précoce, qui se serait finalement avérée inefficace ou inappropriée. Ceci est un éventuel axe d’approfondissement pour des recherches futures.

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