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Plan normal à l’axe transversal, il rallèle au plan médian.

3. DE L’EQUILIBRE A LA CHUTE

 

Une chute ne peut survenir qu’à la suite d’une perte initiale de l’équilibre, c’est à dire l’atteinte d’un état de déséquilibre. Puis c’est l’échec des mécanismes pour se réequilibrer qui signe définitivement son occurrence. Le déséquilibre initial peut être provoqué par un trébuchement, une glissade, une collision,… Différents dispositifs expérimentaux se sont mis en place pour reproduire ces situations de la vie quotidienne afin d’étudier les stratégies de rééquilibration mises en œuvre dans un tel contexte. Si les réponses motrices pour compenser ces déstabilisations ont été bien décrites, ce qui caractérise leur échec l’est moins: est-il dû à un défaut dans la sélection de la stratégie, un délai dans l’initiation de la réponse, un déficit dans l’amplitude,... ? La compréhension « mécanistique » de la chute constitue ce vers quoi nous tendons. Au préalable, il apparaît néanmoins important de préciser le vocable « chute ».

3.1. Comment définir une chute accidentelle ?

Rappel : il ne sera pas ici fait question des chutes causées par une perte de connaissance, survenant suite à un AVC ou dues une consommation d’alcool excessive, une agression, ou à un accident extrinsèque majeur tel qu’un accident de la circulation, une chute de cheval,. De même, les situations pathologiques ne seront abordées que pour évoquer le risque de chute qu’un tel contexte peut engendrer.

Malgré la littérature abondante sur le thème de la chute, sa définition diverge d’une étude à l’autre. Ce manque de standardisation et d'homogénéisation peut contribuer à la difficulté d'interprétation et d’application des stratégies d'évaluation et d'intervention pour la prise en charge; d’où l’intérêt d'identifier les principaux critères d'une chute notamment pour nos choix méthodologiques.

La chute est l'action de tomber, c'est-à-dire de perdre son équilibre et d'être attiré vers le sol sous l'effet de la force de pesanteur (cf. revue systématique de Hauer et coll. 2006). Cette définition globale est insuffisante car elle n’inclut -ni le(s) mécanisme(s) sous-jacent(s) (il est parfois fait état d’un trouble affectant la présence ou l’intégrité des réflexes posturaux de protection adaptés type « parachute » mais ils sont rarement définis) - ni les causes ou les conséquences (tel qu’elles apparaissent dans la terminologie anglophone utilisée par le descripteur MeSH (Medline) : tout glissement/trébuchement aboutissant à une blessure), - ni le caractère involontaire (tel que défini par l’OMS : action de tomber indépendamment de sa volonté), - ni le fait de se retrouver suite à la chute dans une position de niveau inférieur par rapport à la position de départ (une définition souvent retenue est celle du Kellogg international working group (1987): «tout événement au cours duquel la personne se retrouve involontairement au sol ou à tout autre niveau inférieur par-rapport à sa position de départ. Cela peut inclure un événement au cours duquel la personne se retrouve au sol, trébuche dans les escaliers, glisse ou perd l'équilibre et heurte un objet (table, lit, etc.) ». Nous retiendrons donc le diagnostic de chute accidentelle lorsque survient le fait de se retrouver de manière inopinée et involontairement dans une

position d’un niveau inférieur à la position de départ (au moins 15% de la taille selon le critère utilisé par Pavol et coll. (2002).

Dans le cadre du secteur en pleine expansion que représente la Télémédecine, les « détecteurs de chute » en temps réel suscite de nombreuses recherches appliquées, avec l’objectif d’établir un diagnostic de chute de manière précoce sur la base d’indicateurs fiables (Noury et coll. 2007 ; Srinivasan et coll. 2007) à l’aide d’outils fonctionnels tels que l’accéléromètre sans fil (Chao et coll. 2009). La conception de ces outils reste délicate du fait notamment du problème des fausses alarmes induites par la dynamique de mouvements tels que les sauts ou la marche. A cette fin, d’autres critères tels que la durée pendant laquelle le corps reste en position horizontale (Noury et coll. 2008) ou lors de la phase de descente, l’augmentation simultanée des vitesses horizontale et verticale du tronc de 2 à 3 fois supérieure à celle observée dans les activités normales(Wu et coll. 2000).

3.2. Qui est à risque de chute?

 

Dans cette partie nous ciblerons tout d’abord la population susceptible d’être particulièrement touchée par ce phénomène qu’est la chute accidentelle, pour appréhender ensuite les caractéristiques des sujets dits « chuteurs » afin d’identifier les éventuelles convergences émanant de nos résultats expérimentaux.

La chute représente la deuxième cause de décès accidentels dans le monde après les décès dûs aux traumatismes provoqués par les accidents de la route. L'âge, le sexe, l'état de santé peuvent avoir une incidence sur l'exposition à la chute, et le type et la gravité du traumatisme (aide-mémoire n°344 « Les Chutes » de l’OMS, octobre 2012)

3.2.1. Effet du Genre : un mécanisme inexpliqué

Dans l’étude exhaustive de O’Neill et coll. (1994)portant sur1243 sujets âgés de plus de 50 ans, un effet de l’âge ainsi que des différences hommes/femmes ont été constatés vis à vis de la chute. L’étude de Pavol et coll. (1999) indique également que les femmes tombent 4 fois plus que les hommes. Par ailleurs, la New Mexico Aging Process Study (2007) montre que la peur de tomber augmente avec l’âge, et surtout chez les femmes, notamment lorsqu’elles sont déjà tombées. Enfin, un effet du sexe sur le type de chute est aussi constaté, i.e. les femmes sont plus enclines à se fracturer la hanche en tombant tandis que les hommes tombent plutôt sur leurs mains. Si des hypothèses ont été avancées pour expliquer ces différences liées au genre, aucune étude à notre connaissance ne les a confirmées expérimentalement.

3.2.2. Effet de l’Age : une courbe en U inversé

 

Les précédents travaux publiés sur la chute constatent une augmentation non-linéaire des chutes à partir de 65 ans. L’âge (chronologique) n’est pas le seul critère à considérer, il importe de prendre en considération l’état de santé, le niveau d’activité et/ou le degré d’autonomie de l’individu. Ainsi, trois catégories de personnes sont identifiées i.e. les personnes dites « vigoureuses », « malades », et « fragiles » (Speechley et Tinetti, 1991). L’étude longitudinale suisse SWILSO-O définit la fragilité lorsque 2 des 5 dimensions suivantes sont altérées, i.e. la mobilité, les s physiques, sensorielles, la mémoire, ou l’énergie. La survenue de chute(s) correspond à la fois à un symptôme/marqueur de fragilité (Ryynanen et coll. 1992) et à un événement stressant capable de décompenser cet état fragile donc instable (SFDRMG, 2005).

3.2.3. Pathologies neurologiques et Troubles de l’équilibre

Des troubles de régulation centrale liés à des atteintes du système nerveux engendrent une perturbation au niveau des fonctions posturales et motrices et donc une grande aptitude à la chute (Thoumie, 2003). Par exemple, l’hémiplégie induit un décalage de la référence égocentrée du côté de la lésion cérébrale (Rode et coll. 1993). On sait aussi que dans les conditions de déprivation sensorielle, ces patients privilégient les afférences visuelles dans leurs réactions d’équilibration (Bonan et coll. 1996) et lorsque cette afférence est inexacte se trouvent exposés à un risque de chute. Les trois symptômes moteurs cardinaux chez un Parkinsonien sont le tremblement de repos, la rigidité, responsable d’une attitude en flexion, la bradykinésie et l’akinésie (‘‘freezing’’) qui entraînent un retard d’apparition des réactions de protection et d’équilibration (Bazalgette et coll. 1986), à l’origine de nombreuses chutes. Il y a un déficit (voire une perte) des ajustements posturaux nécessaires pour compenser les déséquilibres permanents auxquels est soumis le corps, ce qui rend ces patients particulièrement sensibles aux chutes en situation d’instabilité, comme lors de déséquilibres internes (réalisation d’un mouvement volontaire) ou externes (déstabilisation inattendue comme lorsque l’on tire légèrement la personne par le dos de son vêtement). La symptomatologie motrice dans cette maladie neurodégénérative engendre donc des troubles de la posture et de l’équilibre handicapants. Contrairement aux tremblements, la perte de stabilité posturale n’est pas améliorée par les médicaments, et peut même être aggravée. Mais récemment, le New England Journal of Medecine a publié les résultats d’un essai clinique analysant les bienfaits de la pratique du Taï Chi chez ces patients (Li et coll. 2012). De plus, on sait que ces patients utilisent

Les chutes sont de loin, et à tous les âges, le mécanisme principal des accidents de la vie courante (53%). Cependant il touche plus particulièrement les personnes très âgées (90%) et les enfants 66%).

Source : Brochure Anah « les accidents de la vie courante », déc. 2005

préférentiellement les afférences visuelles plutôt que proprioceptives ou vestibulaires (Bronstein et coll. 1990) pour réguler leur équilibre. L’instabilité posturale du patient cérébelleux est connue de longue date. Dichgans et coll. (1976) ont dégagé de l’enregistrement stabilométrique des éléments plus spécifiques, en particulier l’augmentation des oscillations antéropostérieures dans les lésions vermiennes, et latérales dans les lésions spinocérébelleuses. Par-ailleurs, les ataxies proprioceptives engendrent une sollicitation préférentielle des afférences visuelles, mise en évidence par le test de Romberg. Enfin, nous pouvons citer les polynévrites, puisque la neuropathie diabétique entraîne sur le plan postural une augmentation des oscillations. Dans les neuropathies évoluées, la perte des afférences périphériques et le déficit moteur se conjuguent, rendant inefficaces les stratégies de cheville et périlleuse l’initiation du pas.

3.2.4. Le sujet chuteur

Lorsque l’on écarte les paramètres relevant de pathologies associées ou des caractéristiques environnementales, les comparaisons de population Chuteurs vs. Non-Chuteurs permettent d’identifier des paramètres caractérisant le patient à risque de chute. Résumés ci-dessous, ils sont abordés en détail en section 1.2 du Chapitre II. Thoumié (2003) recense 1-un défaut de perception du déséquilibre. Celui-ci peut provenir d’une lésion des récepteurs périphériques ou d’une diminution de la sensibilité. Par exemple, une vision diminuée est associée à une majoration du risque de survenue d’une chute ; 2- un retard de déclenchement des réflexes, les latences nerveuses sont augmentées (en cause possible, une neuropathie ou compression des voies nerveuses intra-rachidiennes) ; 3- un allongement du temps de réaction, surtout si l’ordre est complexe ou successif (Lord et coll. 1991), mais aussi du temps de traitement et l’impossibilité de réaliser avec efficacité plusieurs tâches simultanément est aussi rapportée ; 4- un déficit des effecteurs intervenant dans les réactions d’équilibration ou de protection.

3.3. Conséquences des Chutes chez la Personne Agée

Si les enfants sont aussi un groupe à risque, du fait des stades de développement qu’ils traversent, leurs prises de risques, etc. les personnes qui font le plus grand nombre de chutes mortelles et qui sont le plus à risques de traumatisme grave ont plus de 65 ans.

3.3.1. Conséquences traumatiques et fonctionnelles aigües

Les chutes résultent parfois en des traumatismes physiques modérés à sévères (voire des décès), qui sont le résultat de la force d’impact du corps sur la surface du point d’arrivée au sol. On estime à 6 à 8% des chutes entraînant des séquelles physiques, qui peuvent être de 3 types: les traumatismes mineurs se limitant à une atteinte superficielle de la peau (hématomes sous-cutanés, excoriations de l’épiderme), les traumatismes modérés (tassements/fractures des vertèbres ou des côtes, luxations) et les traumatismes sévères que définissent les fractures fémorales, les hématomes sous-duraux/intra-crâniens ou périphériques volumineux, les traumatismes de la face et les lacérations cutanées plus profondes. Lorsque la chute est responsable de fracture, il s’agit 1 fois sur 3 d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur, indirectement responsable d’une mortalité élevée dans les mois qui suivent. D’après les données de Svensson et coll. (1992), chez les sujets de 80 ans et plus, 41% chutent, 80% sont blessés à cette occasion et 25% se fracturent le col du fémur. Le risque fracturaire est plus important en cas de pathologies, fragilisant l’os à l’impact, altérant la vision, la marche et l’équilibre, la vivacité et l’efficacité des réflexes de protection et les facteurs d’amortissement passifs du choc. La fracture

dépend donc des caractéristiques de la chute (force et site de l’impact) et de la vulnérabilité physiologique de la personne. L’ostéoporose est un indicateur validé par de nombreuses études épidémiologiques (risque de fracture de hanche multiplié par 1,6), même elle ne prédispose pas à la chute par une incapacité à éviter les obstacles par exemple (Smulders et coll. 2011)

3.3.2. Conséquences psychomotrices : le syndrome post-chute

Les conséquences psychomotrices sont les plus fréquentes et les plus graves : devant cette complication fonctionnelle des chutes qui génère une incapacité à la fois motrice, psychologique et/ou cognitive partielle ou totale, les cliniciens évoquent une « urgence gériatrique » car un retard dans son diagnostic et sa prise en charge peut entraîner une cascade pathologique souvent dramatique pour la personne âgée (état de dépendance, désadaptation psychomotrice, jusqu’à un état grabataire) (Pfitzenmeyer et coll. 1999 ; Manckoundia et coll. 2007, 2008). Gaudet (1986) avait observé que cette « régression psychomotrice » était particulièrement marquée chez les personnes âgées qui sont restées longtemps au sol sans pouvoir se relever (confirmé depuis par des données épidémiologiques). Ce syndrome qui touche 1 chuteur sur 4 associe une composante motrice et psychologique : rétropulsion, appui talonnier, marche à petits pas en appui podal postérieur (antiphysiologique), BS élargie, phase unipodale réduite ou inexistante, hypertonie oppositionnelle ou extrapyramidale le plus souvent axiale, syndrome dysexécutif, abolition ou sidération des automatismes acquis et des réflexes posturaux, entraînant une perte des réactions d'adaptation posturale, avec difficulté à se maintenir en orthostatisme. A cette désadaptation posturale (Murphy et Isaacs, 1982) s’associe une composante psychologique à la fois plus insidieuse et plus grave : phobie de la station debout, forte anxiété avec peur du vide antérieur pouvant gêner la marche voire conduire à un refus de la verticalisation. La prise de conscience de sa fragilité survenant avec la chute entraîne un choc émotionnel, et s’ensuivent une perte de confiance en soi, un sentiment de dévalorisation et d’insécurité que suscite la crainte de retomber. Il est ensuite probable d’assister à un comportement d’évitement, qui se solde par un retrait de la vie sociale, une réduction spontanée des activités et une détérioration de la condition physique.

3.4. Prévention de la (re-) Chute

Le mécanisme des chutes, qu’elle soit unique ou répétée, chez la personne jeune ou âgée, est complexe car dans 60% des cas (Rubenstein, 2006) elle est multifactorielle (Pluijm et coll. 2006). L’objet de la partie qui va suivre consiste d’abord à présenter la notion de facteurs précipitants et prédisposants avant d’exposer les facteurs explicatifs de la chute actuellement connus. Après une introduction générale à l’évaluation clinique et instrumentale, nous décrivons quelques tests permettant d’évaluer de manière assez fiable le risque de chute chez le patient âgé (référé ou non pour chute antécédente), mais aussi de détecter la présence de troubles de l’équilibre et/ou de la marche dans des activités fonctionnelles notamment. Enfin, il est fait état des interventions aujourd’hui proposées à un chuteur ou détecté comme étant une personne à risque.

3.4.1. Identification des facteurs de risque (Facteurs Prédisposants vs. Précipitants) Les facteurs fréquemment associés à un risque de chute sont recensés en Annexe 5 (Oliver et coll. 2004; Rubenstein, 2006). Chez la personne âgée, certains auteurs ont recensé jusqu’à 400 facteurs pouvant expliquer la chute! A l’heure actuelle, il n'existe donc pas de consensus sur les interventions possibles

et efficaces. Ces facteurs explicatifs aussi nommés « facteurs de risque » sont généralement classés dans les trois catégories suivantes :

1- Facteurs intrinsèques, qui dépendent directement de l’individu et reflètent son état de santé.

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