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Section II L’intérêt d’un traitement juridique régional de l’espace littoral.

-73- En 1974, le Conseil d’administration du PNUE lance son programme de protection pour les mers régionales, invitant à une régionalisation du droit international de l’environnement marin. Aujourd’hui, près de cent quarante États participent au programme à travers treize plans d’action256. Grâce à la pression du droit international (§1), ces systèmes sont aujourd’hui, à des degrés variables, ouverts sur les zones côtières (§2).

-§1- Une approche recommandée par le droit international.

-74- La protection régionale de l’environnement littoral par une gestion intégrée constitue une approche expressément formulée par nombre d’instruments de droit international de l’environnement (A) et s’inscrivant parfaitement dans les principes fondamentaux du droit de la mer (B).

-A- Une approche expressément formulée par le droit international de l’environnement.

-75- Des fondements juridiques à une mise en œuvre régionale de la GIZC peuvent être dégagés de l’étude de nombreux textes de droit international de l’environnement parmi lesquels les déclarations et plans d’action relatifs à l’environnement et au développement durable (1), la Convention de Ramsar sur les zones humides (2), la Convention sur la diversité biologique (3), la Convention sur les changements climatiques (4), le Programme d’action pour les petits États insulaires en développement (5) et le Programme mondial pour la protection du milieu marin contre la pollution due aux activités terrestres (6).

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Ces plans d’action concernent : l’Afrique de l’Est, l’Afrique occidentale et centrale, l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud, les Caraïbes, le golfe arabo-persique, la mer Méditerranée, la mer Noire, la mer Rouge et le golfe d’Aden, le Pacifique du Nord-Est, le Pacifique du Nord-Ouest, le Pacifique Sud et le Pacifique du Sud-Est. Un Plan d’action pour l’Atlantique du Sud-Ouest est par ailleurs en cours d’élaboration : PNUE, Les mers régionales, une stratégie de survie pour nos océans et nos côtes, PNUE, Octobre 2000, p.23.

-1- Les déclarations et plans d’action relatifs à l’environnement et au développement durable.

-76- La Conférence de Stockholm de 1972 recommandait déjà l’organisation d’une deuxième conférence des Nations Unies sur l’environnement257. Après sa convocation par l’Assemblée générale de l’ONU258, quatre réunions de travail sont organisées afin de préparer la rencontre. La Conférence réunit à Rio de Janeiro (Brésil) du 3 au 14 juin 1992 les représentants de cent soixante-douze États dont cent seize Chefs d’État259. Plusieurs textes y sont alors adoptés parmi lesquels une Déclaration de principes généraux et un programme d’action (Action 21)260.

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Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain, Stockholm, 5-16 juin 1992, A/CONF.48/14.

258 Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU A/RES/44/228 du 22 décembre 1989, Conférence des

Nations Unies sur l’environnement et le développement.

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Le nombre de personnes présentes lors de la Conférence diffère selon les auteurs : 40.000 personnes selon KISS (A), DOUMBE-BILLE (S), « La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement », AFDI, 1992, p.830, 30.000 selon CORCELLE (G), « 20 ans après Stockholm : la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement : point de départ ou aboutissement ? », Revue du marché commun et de l’Union européenne, 1993, p.107. De même, le nombre d’États représentés varient d’un auteur à l’autre : 172 selon KISS (A), DOUMBE-BILLE (S), « La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement », AFDI, 1992, p.830, 176 selon CORCELLE (G), « 20 ans après Stockholm : la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement : point de départ ou aboutissement ? », Revue du marché commun et de l’Union européenne, 1993, p.112, et 178 selon ANTOINE (S), BARRERE (M), VERBRUGGE (G) (Coord.), La Planète Terre entre nos mains. Guide pour la mise en œuvre des engagements du Sommet planète Terre, La Documentation française, 1994, p.45.

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La Conférence voit en effet l’adoption de plusieurs textes : une Déclaration de principes généraux, un Programme d’action, une Convention sur les changements climatiques, une Convention sur la diversité biologique et une Déclaration sur la forêt. Le thème de la forêt a certainement été le plus controversé de la Conférence. Initialement, les États occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis, le Canada et l’Allemagne, souhaitaient l’adoption d’une Convention internationale contraignante sur les forêts tropicales. Face au refus catégorique de la Malaisie, premier exportateur de bois tropical et soutenue par l’ensemble des pays en voie de développement, les négociations se sont finalement orientées vers l’objectif, plus modeste, d’une déclaration centrée, non pas sur le thème particulier des forêts tropicales, mais sur tous les types de forêts : « Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts ». Sur la conférence et les textes adoptés, voir notamment : CORCELLE (G), « 20 ans après Stockholm : la Conférence des Nations Unies de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement : point de départ ou aboutissement ? », Revue du marché commun et de l’Union européenne, No365, 1993, pp.107-135 ; DOUMBE-BILLE (S), « Évolution des institutions et des moyens de mise en œuvre du droit de l’environnement et du développement », RJE, 1/1993, pp.31-44 ; KAMTO (M), « Les nouveaux principes du droit international de l’environnement », RJE, 1/1993, pp.11-21 ; KISS (A), « Le droit international à Rio de Janeiro et à côté de Rio de Janeiro », RJE, 1/1993, pp.45-74 ; PALLEMAERTS (M), « La Conférence de Rio : grandeur ou décadence du droit international de l’environnement », Revue belge de droit international, 1995, pp.208-223 ; PIETTE (J), « Évolution institutionnelle et modes d’intervention du droit international de l’environnement et du développement », RJE, 1/1993, pp.5-9 ; PRIEUR (M), « Démocratie et droit de l’environnement et du développement », RJE, 1/1993, pp.23-30.

-77- La Déclaration de Rio est un texte général à vocation universelle destiné à orienter l’action des États en matière de protection de l’environnement. Le développement durable, concept clef de la déclaration261, révèle l’influence des pays en voie de développement dans l’élaboration du texte262. S’il est reconnu aux États le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources263, les politiques de développement doivent néanmoins être conduites de manière à satisfaire « équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures264 ». À ce titre, la Déclaration mentionne expressément la nécessité d’une intégration de l’environnement dans les politiques de développement265 et la priorité spéciale devant être accordée aux besoins particuliers des États en développement266.

-78- La Déclaration n’est pas juridiquement contraignante « mais le fait que sa négociation ait été extrêmement politisée témoigne de son importance pour la communauté internationale267 ». D’application universelle, les principes énoncés doivent être mis en œuvre dans tous les secteurs de l’environnement et dans toutes les composantes de la biosphère. Certains principes peuvent ainsi trouver à s’appliquer dans la zone côtière de manière pertinente : c’est le cas de la coopération internationale268, de l’application du principe de précaution269 et de la participation des citoyens aux processus décisionnels270.

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Le terme « développement durable » se trouve expressément mentionné à douze reprises : principes 1, 4, 5, 7, 8, 9, 12, 20, 21, 22, 24 et 27.

262 La référence aux pays en voie de développement est en effet largement plus explicite que dans la

Déclaration de Stockholm « du fait, sans nul doute, de l’éclairage fort mis sur le développement plus que sur l’environnement » : ANTOINE (S), BARRERE (M), VERBRUGGE (G) (Coord.), La Planète Terre entre nos mains. Guide pour la mise en œuvre des engagements du Sommet planète Terre, La Documentation française, 1994, p.51. À nos yeux, le principe 5 est le plus significatif de l’attention particulière accordée à ces États. Celui-ci dispose que « tous les États et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle de l'élimination de la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde ».

263 Avec l’interdiction de la pollution transfrontalière, il s’agit du seul principe que l’on retrouve exprimé de

manière quasi identique à Stockholm (principe 21) et à Rio (principe 2).

264

Principe 3.

265 Principe 4. 266 Principe 6. 267

DOMMEN (C), CULLET (P) (Eds.), Droit international de l’environnement, Kluwer Law International, 1998, p.12.

268 Principes 9, 12, 13, 14, 19 et 27. 269 Principe 15.

270

-79- Composé de quarante chapitres destinés à mettre en œuvre les principes énoncés par la Déclaration271, le programme d’action - couramment désigné Agenda 21 - réclame un changement décisif dans la conduite des politiques de développement et de protection de l’environnement, fixant plusieurs objectifs à atteindre en vue d’un développement durable. L’ensemble des thématiques ayant un lien avec ces politiques est appréhendé, de la lutte contre la pauvreté272 à la modification des modes de consommation273, de la protection de l’atmosphère274 à la gestion rationnelle des déchets275… Un chapitre particulier est en outre consacré à la protection des océans, des mers, des zones côtières et de leurs ressources biologiques276.

-80- Observant le poids démographique considérable affectant les zones côtières277 et l’inefficacité des stratégies actuelles quant à leur gestion rationnelle278, l’Agenda 21 insiste sur la nécessité d’une gestion intégrée de ces espaces279. À cette fin, il recommande la surveillance et l’observation de la zone côtière280, la mise en œuvre de programmes de gestion intégrée281 et la préservation de la diversité biologique de ces milieux282. Plus précisément, est encouragée la coopération en matière de gestion intégrée des zones côtières et ce, notamment, « à l’intérieur d’un cadre régional283 ». Une telle disposition justifie ainsi le développement d’actions régionales pour la préservation et la gestion rationnelle des milieux littoraux. De même, ces initiatives répondent à une disposition du chapitre 8 recommandant l’adoption de « méthodes intégrées de développement durable à l'échelon régional284 ». Ainsi certaines dispositions de l’Agenda 21 invitent-elles à une mise en œuvre régionale de la GIZC. La Conférence de Rio, et particulièrement le chapitre

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Ces chapitres sont répartis en quatre sections : Dimension économique et sociale, Conservation et gestion des ressources aux fins du développement, Renforcement du rôle des principaux groupes, Moyens d’exécution. 272 Chapitre 3. 273 Chapitre 4. 274 Chapitre 9. 275 Chapitres 20, 21 et 22.

276 Chapitre 17 : « Protection des océans et de toutes les mers - y compris les mers fermées et semi-fermées -

et des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques ».

277 Point 17.3. 278 Point 17.4. 279 Point 17.1.a. 280 Points 17.6.c, g et 17.8. 281 Point 17.6.b. 282 Point 17.7. 283 Point 17.10. 284

17 de l’Agenda 21, ont donc permis de donner « une légitimité politique au concept de GIZC285 » et de souligner l’intérêt de son application à échelle régionale.

-81- Dix ans plus tard à Johannesburg, le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable286 rappelera la nécessité d’appliquer le chapitre 17 de l’Agenda 21287 . Au-delà, le programme adopté recommandera l’application d’une « gestion intégrée (…) des océans et des côtes288 », suggérant pour ce faire l’élaboration de « programmes d’actions régionaux289 ». La conduite d’une politique régionale de GIZC constitue donc une mise en œuvre des engagements souscrits par la communauté internationale, tant à Rio qu’à Johannesburg.

-2- La Convention de Ramsar relative aux zones humides d’importance internationale.

-82- Les zones humides désignent tout élément du continuum reliant l’environnement aquatique à l’environnement terrestre290. Espaces de transition, ces milieux se caractérisent par une importante diversité géographique : les zones humides bordent ainsi les eaux courantes - sources, ruisseaux, fleuves… - les eaux stagnantes - mares, étangs, lacs… - et se rencontrent également en zone littorale. D’un point de vue écologique, on distingue douze types de zones humides parmi lesquels quatre concernent directement la zone côtière : les baies rocheuses, les baies et estuaires moyens plats, les grands estuaires, les lagunes et marais côtiers291. Sur le plan linguistique, ces milieux font l’objet d’une diversité terminologique impressionnante. Aux termes usuels de marais, marécage, prairie humide, fondrière ou tourbier, s’ajoutent des expressions locales telles que fagne dans les

285

KALAORA (B), CHARLES (L), « Intervention sociologique et développement durable : le cas de la gestion intégrée des zones côtières », Nature, sciences et sociétés, Volume 8, No2, 2000, p.31.

286 Le Plan, ainsi que les autres résolutions adoptées, sont disponibles dans le Rapport du Sommet mondial

pour le développement durable Johannesburg (Afrique du Sud), 26 août - 4 septembre 2002, A/CONF.199/20.

287 Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable, Point 30-b. 288 Point 30-e.

289 Point 33-c. 290

TURNER (RK), « Défaillances des politiques dans la gestion des zones humides » in Les défaillances du marché et des gouvernements dans la gestion de l’environnement. Les zones humides et les forêts, OCDE, 1992, p.9.

291 BERNARD (P), Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques, Premier Ministre,

Commissariat général du plan, Les zones humides, Rapport d’évaluation, La Documentation française, 1994, pp.57-59. D’autres classifications sont possibles, comme celle qui recense quatre grands types de zones humides : les vallées alluviales, les zones humides de plaine intérieure, les massifs riches en tourbière situés en montagne et les zones humides littorales : PIPARD (D), « Les zones humides », Revue Générale des Collectivités Territoriales, 2001, p.749.

Ardennes, gâtine en Vendée, marigot dans les pays tropicaux292. En zones littorales, on parlera de maremme293, marais salants294, saline295, vasière296, slikke297, schorre298, lagune299, mangrove300… L’ensemble de ces termes désigne un milieu particulièrement riche du point de vue écologique dont la perception négative a conduit, depuis la Rome antique jusqu’au XIXe siècle, à une politique systématique de destruction organisée par le pouvoir central lui-même. Ainsi, en France, l’Édit royal du 8 avril 1599 énonçant une obligation générale de dessèchement des marais constitue la première étape d’une politique d’élimination des zones humides largement relayée par les souverains successifs301. Ce phénomène, qui se développe dans diverses régions du monde, s’estompera dans le courant du XIXe302 pour laisser place à une exploitation économique de ces espaces, très souvent nuisible aux équilibres naturels303. Ainsi, les politiques d’assainissement puis de conquête des zones humides ont-elles conduit à une forte altération de ces milieux304. Pourtant, les

292 BERNARD (P), Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques, Premier Ministre,

Commissariat général du plan, Les zones humides, Rapport d’évaluation, La Documentation française, 1994, p.52.

293 La maremme est une zone marécageuse de bord de mer. Ce terme désigne également une région côtière

italienne située sur la côte tyrrhénienne de la Toscane, longtemps marécageuse avant d’être transformée en zone agricole.

294 Ensemble de bassins peu profonds aménagés sur le littoral afin d’obtenir du sel grâce au phénomène

d’évaporation de l’eau de mer.

295 On emploie à tort le terme saline pour désigner un marais salant. La saline désigne en réalité un

établissement industriel dans lequel est produit du sel par évaporation de l’eau de mer et ce, grâce à un chauffage artificiel.

296 La vasière est à la fois un endroit vaseux au fond d’un estuaire et, dans les marais salants, le premier

réservoir où arrive l’eau de mer.

297

Une slikke désigne la vase salée des rivages maritimes, recouverte par la mer à chaque marée.

298 Schorre est un terme synonyme de pré-salé, prairie établie sur un territoire conquis sur la mer, recouvert

seulement lors des grandes marées et présentant une végétation dense, particulièrement résistante au sel.

299 Mot qui désigna d’abord la situation géographique de la ville de Venise et qui vient du latin « lacuna »,

mare. La lagune est une étendue d’eau de mer ou saumâtre formant un étang ou un bras de mer entre la terre ferme et un cordon littoral.

300 Les mangroves sont des forêts aquatiques des côtes tropicales, principalement composées de palétuviers et

localisées dans la zone de balancement des marées au sein des baies et des estuaires.

301

Nous ne reviendrons pas sur ce point, largement étudié : BERNARD (P), Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques, Premier Ministre, Commissariat général du plan, Les zones humides, Rapport d’évaluation, La Documentation française, 1994, pp.33-43 ; LE CORRE (L), « Protection et gestion des zones humides », Jurisclasseur Environnement, Volume II, Fascicule 135 ; ROMI (R), Les espaces humides. Le droit entre protection et exploitation des territoires, L’Harmattan, 1992, pp.7-9 ; SCARWELL (H), FRANCHIMME (M), « Autour des zones humides : espaces productifs d’hier et conflits d’aujourd’hui », VertigO – La revue en sciences de l'environnement, 2005, Volume 6, No1, pp.117-127.

302 Il est intéressant de noter que la mer et ses rivages bénéficiaient d’une perception tout autant négative qui

s’estompe de la même manière à partir du milieu du XVIIIe et jusqu’au début du XIXe siècle : voir supra 21- 23.

303 Parmi les activités économiques liées aux zones humides, citons notamment la production de sel, de

poissons, l’élevage de bovins…

304

Quelques chiffres suffisent à l’illustrer. Depuis l’arrivée des premiers colons, 54% de la surface totale des zones humides nord-américaines a disparu. En Écosse et dans le Nord de l’Angleterre, la surface occupée par les zones humides a chuté de 87% entre 1850 et 1978. Entre 1950 et 1984, 20.000 hectares de marais salants de la région de la mer de Wadden ont été détruits. En Afrique et en Asie, la mangrove est en voie de disparition rapide ; ainsi, aux Philippines, on estime qu’entre 1960 et 1980, elle a perdu 67 % de sa surface.

qualités écologiques de ces écosystèmes sont considérables. Les zones humides contribuent à une régularisation des ressources en eau : possédant une importante capacité de stockage, elles aident à la prévention des inondations et concourent au renforcement des débits d’étiage. Elles participent par ailleurs à l’autoépuration, à l’amélioration de la qualité des eaux, à la protection des sols, à la stabilisation des microclimats305. Deuxième plus forte production de biomasse après la forêt équatoriale, les zones humides sont par ailleurs sources d’une exceptionnelle biodiversité et constituent elles-mêmes un patrimoine biologique et paysager306.

-83- La prise de conscience de leurs qualités et de leur raréfaction intervient à partir de 1960. À cette date, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Bureau international de la recherche sur la sauvagine307 et le Conseil international pour la préservation des oiseaux308 s’associent pour lancer le programme « MAR309 » visant la préservation des zones humides. Une première conférence se tient en 1962 aux Saintes- Maries-de-la-Mer et recommande la tenue d’une liste de zones humides d’importance internationale devant servir de support à l’élaboration d’une convention internationale. Le projet est lancé. S’ensuivront au cours des années 1960 d’autres conférences310 jusqu’à celle de Ramsar (Iran), en 1971, au cours de laquelle dix-huit Étatssignent la Convention relative aux zones humides d’importance internationale311.

En Méditerranée, 73% des marais du nord de la Grèce ont été comblés depuis 1930. De même, en Espagne, 60% des zones humides originelles ont disparu. La France, quant à elle, a perdu en un siècle un tiers de ses zones humides, espace qui ne représente plus aujourd’hui que 4% du territoire national. En Italie enfin, la surface des zones humides a évolué de 700.000 hectares en 1900 à 100.000 en 1994.

305

BERNARD (P), Comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques, Premier Ministre, Commissariat général du plan, Les zones humides, Rapport d’évaluation, La Documentation française, 1994, pp.63-64.

306 En France, plus de 50% des espèces d’oiseaux dépendent des zones humides et 30% des espèces végétales

remarquables et menacées vivent dans ce milieu.

307 Appelé depuis 1971 Bureau international de la recherche sur les oiseaux d’eau. 308 Appelé aujourd’hui Birdlife International.

309 MAR représente les trois premières lettres du mot désignant ce type de biotope en anglais (marsh), en

espagnol (marisma), en français (marais) et en italien (maremma).

310 DE KLEMM (C), CRETAUX (I), L’évolution juridique de la Convention de Ramsar relative aux zones

humides d’importance internationale particulièrement comme habitats d’oiseaux d’eau, Bureau de la Convention de Ramsar, Gland, 1995, 224p.

311

Entrée en vigueur le 21 décembre 1975, la Convention a été amendée par le protocole de Paris du 3 décembre 1982, en vigueur depuis le 1er octobre 1986, et par les amendements de Regina du 28 mai 1987, en vigueur depuis le 1er mai 1994. Au 1er mai 2007, 154 États sont parties à la Convention. Alors que la France était l’un des pionniers dans l’élaboration du texte, elle ne le ratifiera qu’en 1986 en inscrivant la Camargue (85.000 ha) comme première zone humide française d’intérêt international : Décret No87-126 du 20 janvier 1987 portant publication du protocole en vue d’amender la Convention relative aux zones humides d’importance particulière comme habitats de la sauvagine (ensemble une annexe), fait à Paris le 3 décembre 1982, JO du 26 février 1987. Depuis, d’autres espaces littoraux ont été inscrits sur cette liste, en baie de somme (17.000 ha), en baie du Mont-Saint-Michel (62.000 ha), dans la baie des Veys (35.000 ha), dans le

-84- L’objectif de la Convention est de protéger l’habitat tout autant que les espèces qui en dépendent312. Les zones humides sont ainsi considérées comme une « ressource de grande valeur économique, culturelle, scientifique et récréative, dont la disparition serait irréparable313 ». Dans le but de les conserver et de les utiliser de manière rationnelle314,