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-19- Le littoral - ou la zone côtière - présente d’abord une originalité au regard de sa situation géographique : zone de rencontre entre sept milieux97, le littoral s’étend à la fois sur les espaces terrestre et marin. Cette singularité expose le territoire à de nombreuses forces, naturelles et anthropiques, qui fondent sa spécificité d’un point de vue social, économique ou environnemental (§1). Il reste alors à déterminer dans quelle mesure cette spécificité est reconnue et prise en considération par le droit (§2).

-§1- Une spécificité manifeste.

-20- Pendant de longs siècles en Occident, une image hostile se dégage du bord de mer au point d’en faire un territoire délaissé par le public. Cette vision terrifiante du littoral s’atténuera progressivement pour donner bientôt naissance au phénomène inverse de littoralisation.

-21- Le littoral est considéré comme un milieu hostile et répulsif jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. « Symbole de mort, domaine des monstres redoutables98 », la mer et ses rivages sont désertés par les populations et les voyageurs. « Une chape d’images répulsives gêne l’émergence du désir de rivage99 » : « le littoral est (…) un lieu d’horreur, c’est le lieu du

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MORAND-DEVILLER (J), « Les territoires du droit. Réflexions sur la généralité et l’impersonnalité de la règle de droit » in FIALAIRE (J), MONDIELLI (E), L’homme, ses territoires, ses cultures, Mélanges offerts à André-Hubert MESNARD, LGDJ, 2006, p.197.

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Sol, eau, espaces aérien, terrestre et marin, socle sous-marin, masse sous-marine.

98 DELUZ (C), « Pèlerins et voyageurs face à la mer (XIIe - XVIe siècles) » in DUBOIS (H), HOCQUET (J-

C), VAUCHEZ (A), Horizons marins, Itinéraires spirituels, Volume II, Marins navires et affaires, Publications de la Sorbonne, 1987, p.277.

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déluge, le contraire du calme et de la tranquillité, c’est le bord du gouffre, des abysses, c’est le lieu du rejet des excréments de la mer, le lieu des rapts, des pirates, c’est le lieu de l’anti-hygiénisme qui se manifeste à travers les récits des marins, dans le mal de mer, les épidémies dans les navires100 ». La peinture de l’époque reflète alors cette crainte. Ainsi le rivage n’est-il jamais représenté comme un lieu hospitalier mais comme le théâtre des catastrophes dont il conserve la trace101. De même, l’analyse du vocabulaire de géographie employé entre le XIIe et le XVe montre que jamais la mer n’est dite belle ou bonne102.

-22- Ce n’est qu’à partir de 1740 que la mer et ses rivages cessent progressivement de susciter la peur. Dans la décennie suivante apparaissent en Angleterre les premières stations balnéaires, à Brighton, Hastings puis Yarmouth. Les bienfaits des bains de mer, connus depuis l’Antiquité, sont redécouverts sous l’empire du courant hygiéniste. Les médecins prescrivent alors volontiers ces traitements, bienfaisants pour « l’appétit, le sommeil, l’oubli de ses pensées103 ». L’idée d’un ressourcement périodique de l’individu émerge : partir pour renaître, tel est le dessein de la thalassothérapie104. En 1841 apparaît le mot tourist105, année même où Thomas Cook organise le premier voyage d’excursion collective106. En France, le tourisme balnéaire se développe progressivement à partir des années 1810107.

100 LUGINBUHL (Y), « La découverte du paysage littoral ou la transition vers l’exotisme » in Le Paysage

littoral, voir, lire, dire, PUR, École régionale des beaux-arts de Rennes, Cahiers paysages et espaces urbains, No3, 1995, p.8.

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SALOME (K), « Figures menaçantes et tableaux inquiétants : les représentations des îles bretonnes (milieu XVIIIe - Fin XIXe siècle) » in AUGERON (M), TRANCHANT (M) (Sous la direction de), La violence et la mer dans l’espace atlantique (XIIe - XIXe), PUR, 2004, pp.73-87.

102 DELUZ (C), « Pèlerins et voyageurs face à la mer (XIIe - XVIe siècles) » in DUBOIS (H), HOCQUET (J-

C), VAUCHEZ (A), Horizons marins, Itinéraires spirituels, Volume II, Marins, navires et affaires, Publications de la Sorbonne, 1987, p.285.

103 CORBIN (A), Le territoire du vide, l’Occident et le désir de rivage, 1750-1840, Flammarion, 1998, p.76. 104 Ce terme date de 1867.

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Le mot « tourist », mot dérivé du français « tour », apparaît en Angleterre pour désigner les jeunes anglais qui effectuent le tour de la France au début du XIXe siècle.

106 Le 5 juin 1841, Thomas Cook organise le premier train d’excursion pour transporter un groupe de

militants à une manifestation de tempérance. Par la suite, il s’établit comme « excursion agent » à Leicester et crée en 1851 l’agence de voyage Thomas Cook & Son.

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Le voyage connaît alors un véritable essor au sein de la population favorisée et de nombreuses organisations touristiques apparaissent. L’édition rend compte de l’étonnement face à ce nouveau fait de société : portraits de touristes et guides de voyages prolifèrent. D’abord créées sur le littoral de la Manche, les premières stations balnéaires s’étendent progressivement en Atlantique et Méditerranée, à la mesure du développement des réseaux de chemins de fer. Toutefois, si le climat des côtes napolitaines attire le voyageur dès le milieu du XVIIIe, ce n’est qu’après la guerre de 1914 que les touristes, sous l’influence américaine, envisagent la « Côte d’Azur » - terme inventé par Stephen Liegard, alors sous-préfet de Carpentras - comme destination estivale.

-23- Vers le milieu du XIXe siècle, le baigneur se détourne de l’ascèse des bains froids pour goûter aux joies du farniente. « La vision hédonique l’emporte (alors) sur le projet thérapeutique108 ». Un rapport différent au corps permet de découvrir les bienfaits du sable, de l’eau chaude, des journées en famille mais aussi de la natation. Les touristes recherchent désormais la beauté des paysages côtiers et parcourent les environs des stations balnéaires à la recherche du pittoresque109. Les arts de l’époque nous renvoient à cette nouvelle image de la mer et de ses rivages. Sur les trente-neuf toiles peintes à Belle-Île, Claude Monet n’en consacre que cinq à la tempête, préférant s’attarder sur l’exceptionnelle beauté de la côte sauvage110. Le développement du tourisme de masse - dont la genèse remonte à la loi sur les congés payés de 1936 et qui connaît un essor considérable lors des « Trente Glorieuses » - confirmera la place du littoral comme destination touristique privilégiée.

-24- Si le voyage maritime et le transport de marchandises par mer remontent à plusieurs millénaires, son emprise sur le territoire littoral date du milieu du XIXe et de la première révolution industrielle qui procède à un remodelage des infrastructures portuaires111. Le port devient alors centre de production de biens et de services, s’affirmant en conséquence comme un maillon incontournable de la chaîne des transports. La zone côtière offrant par ailleurs une grande attractivité pour les industries consommatrices d’eau ou importatrices de produits transportés par mer, une véritable « industrialisation littorale112 » apparaît.

-25- Ainsi, la géographie de l’espace côtier se trouve bouleversée par l’impact de plus en plus important des pressions anthropiques. D’un « territoire du vide113 », redouté des populations, le littoral devient peu à peu centre de nombreuses activités, économiques comme récréatives. Dans la seconde partie du XXe siècle ne cessera alors de s’accroître

108 CORBIN (A), Le territoire du vide, l’Occident et le désir de rivage, 1750-1840, Flammarion, 1998, p.297. 109 En ce sens, voir le dossier consacré au voyage en France sur le site Internet de la bibliothèque numérique

Gallica : http://gallica.bnf.fr

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GUILLEMET (D), « Les représentations de l’espace littoral à Belle Île en Mer » in LE BOUEDEC (G), CHAPPE (F) (Sous la direction de), Représentations et images du littoral, PUR, 1998, p.36.

111 En ce sens, voir notamment l’introduction de GUEGEN-HALLOUET (G), L’application du droit

communautaire aux ports maritimes. Contribution à l’étude du régime juridique communautaire des activités d’intérêt général, Thèse, Université de Bretagne occidentale, juillet 1999. Au début du XXe néanmoins, on observe un retard des ports français qui « sont réduits parfois à refuser la clientèle (…), faute de places à quai disponibles ». « Cette infériorité de nos ports si préjudiciable à la prospérité nationale » sera partiellement comblée dans le courant du XXe siècle : MANJOT (E), De l’évolution des transports maritimes et de ses conséquences sur les aménagements et l’outillage de nos ports de commerce, Thèse, Faculté de droit de Rennes, 1911, pp.101-102.

112 VIGARIE (A), « Vie maritime et industrialisation littorale » in GAMBLIN (A) (Coord.), Les littoraux

espaces de vie, SEDES, 1998, pp.125-146.

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cette attirance pour le littoral qui deviendra un lieu privilégié d’investissement « dans les deux sens, matériel et affectif du terme114».

-26- L’évolution de la perception du bord de mer conduit ainsi à un phénomène de littoralisation - « bouleversement de la géographie des littoraux sous l’influence de la concentration des hommes, des activités, du tourisme et des échanges sur cet espace115 » - dont l’importance nous autorise seulement à en présenter un bref aperçu. Aujourd’hui, 40% de la population mondiale vit dans une bande littorale de soixante kilomètres de large et trois quart des mégalopoles de la planète sont riveraines de la mer116. Ce poids démographique est accentué par une fréquentation saisonnière considérable. Le tourisme est ainsi l’activité humaine qui s’est sans doute la plus développée depuis la fin de la seconde guerre mondiale et qui concerne au premier chef les zones côtières. Les seules îles des Baléares, qui comptent huit cent cinquante mille habitants permanents, reçoivent près de dix millions de vacanciers chaque année.

-27- En outre, de nouveaux rapports à la mer émergent au cours du XXe siècle. De contemplatif, le touriste est devenu actif et ce, sur la plage, sur l’eau et dans l’eau. « De nouveaux modèles de comportements et donc d’aménagements surgissent sans cesse117 ». Parmi ces activités nouvelles, il faut noter l’importance particulière de la navigation de plaisance, tant par l’économie qu’elle génère que par les aménagements qu’elle requiert. Si les premières sociétés de régates se créent dès le XIXe siècle118, ce sont les années 1970 qui connaîtront la multiplication des grandes épreuves et l’essor de la plaisance comme pratique récréative.

114 CAILLOSSE (J), « Qui a peur du droit du littoral ? », RJE, 4-1993, p.516.

115 DEBOUDT (P), BELLAN-SANTINI (D), BELLAN (G), « Définition et perception de l’espace littoral.

Les conflits d’usage et d’intérêts des zones littorales » in DAUVIN (J-C) (Coord.), Gestion intégrée des zones côtières : outils et perspectives pour la préservation du patrimoine naturel, Patrimoines naturels, 57, 2002, p.53.

116 Cette littoralisation du peuplement ne cesse d’ailleurs de s’accentuer et en 2100, 80% de la population

mondiale pourrait vivre dans une bande littorale de 100 kilomètres : PNUE, « Cinquante données essentielles concernant les mers et les océans », Journée mondiale de l’environnement, 5 juin 2004.

117 MARCADON (J), CHAUSSADE (J), DESSE (R-P), PERON (F), L’espace littoral. Approche de

géographie humaine, PUR, 1999, p.110.

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-28- La mondialisation de l’économie provoque par ailleurs une maritimisation des échanges commerciaux. Plus de 90% des marchandises échangées sont aujourd’hui transportées par mer119. Par voie de conséquence, les ports prennent une importance de plus en plus grande dans l’économie, au point de devenir un maillon clef de la chaîne logistique internationale. À échelle planétaire, ce sont ainsi plus de cent cinquante-trois millions de conteneurs qui transitent chaque année par les ports maritimes120. Au gigantisme naval, à l’automatisation et l’intermodalisme répond le développement des zones industrialo-portuaires (ZIP), « phénomène surpuissant d’industrialisation, très différent de celui des phases précédentes par son développement, ses mécanismes propres, son détachement à l’égard du tissu urbain et son incitation à déplacer les équipements océaniques qui lui sont nécessaires121 ».

-29- La mer suscite donc un tel attrait sur le peuplement et les activités humaines que la physionomie des zones côtières s’en trouve profondément bouleversée. Le territoire littoral s’inscrit alors au cœur d’enjeux considérables : enjeux économiques - le développement de l’industrie littorale, l’émergence de nouvelles activités... - enjeux sociaux - le maintien des activités traditionnelles, l’augmentation du prix du foncier... - mais également enjeux environnementaux, sur lesquels nous axerons largement notre étude. L’intégrité des littoraux est en effet particulièrement menacée par l’intensité et la diversité des pressions anthropiques qu’ils supportent ; la dégradation des milieux naturels, la détérioration des paysages, la perte de biodiversité en constituent les illustrations les plus évidentes.

-30- D’un espace redouté des populations, le bord de mer s’est donc progressivement affirmé comme un territoire de plus en plus attractif. Ces dernières décennies, le littoral a ainsi connu deux révolutions. La première consiste en un développement économique sans précédent. La seconde, encore inachevée, réside dans la régulation des conflits d’usage en vue d’un développement durable. Cette seconde révolution exige alors que le territoire littoral, porteur d’enjeux particuliers, soit appréhendé de manière spécifique par le droit (§2).

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PNUE, « Cinquante données essentielles concernant les mers et les océans », Journée mondiale de l’environnement, 5 juin 2004.

120 REZENTHEL (R), « Le droit portuaire » in BEURIER (J-P), Droits maritimes, Dalloz, 2006, p.641. 121 VIGARIE (A), « Vie maritime et industrialisation littorale » in GAMBLIN (A) (Coord.), Les littoraux

-§2- Vers une reconnaissance juridique de la spécificité

littorale ?

-31- La régionalisation du droit international de l’environnement marin constitue l’un des événements majeurs de ces dernières décennies. Inspirée par le Plan d’action issu de la Conférence de Stockholm122 et encouragée par la CNUDM123, la régionalisation normative présente l’intérêt essentiel de prendre en considération la spécificité d’un territoire en lui appliquant un régime juridique idoine. En outre, « la région peut se faire le relais des engagements pris au niveau mondial124 », facilitant ainsi « l’application des conventions mondiales en vigueur » ou « la transformation en droit conventionnel de concepts généraux contenus dans des instruments mondiaux de soft law125 ». Le plus souvent, le régime juridique établi dépasse les exigences de protection environnementale requises par les instruments universels126 : l’écosystème régional s’en trouve donc davantage préservé. Enfin, la mise à jour régulière des dispositions normatives permet d’intégrer « les données scientifiques, techniques et juridiques les plus pertinentes127 » et d’imposer ainsi progressivement de nouvelles obligations aux parties contractantes.

-32- Le modèle établi par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) quant à l’architecture des systèmes de protection des mers régionales comprend l’adoption d’une Convention cadre et de protocoles sectoriels. Le professeur Treves distingue plusieurs hypothèses quant aux problématiques traitées par ces systèmes régionaux128. Ainsi existe-t-il des sujets pour lesquels l’approche régionale reste d’une importance marginale : c’est notamment le cas de la pollution par les navires. La pollution par

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La Recommandation 92-b constitue le fondement idéologique de cette approche en invitant les gouvernements à prendre des mesures efficaces pour contrôler « toutes les sources importantes de pollution des mers, y compris les sources terrestres », à se concerter et à coordonner leurs actions « sur le plan régional et, le cas échéant, sur le plan international ».

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Article 197 : « Les États coopèrent au plan mondial et, le cas échéant, au plan régional, directement ou par l'intermédiaire des organisations internationales compétentes, à la formulation et à l'élaboration de règles et de normes, ainsi que de pratiques et procédures recommandées de caractère international compatibles avec la Convention, pour protéger et préserver le milieu marin, compte tenu des particularités régionales ».

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DELMAS-MARTY (M), Les forces imaginantes du droit. Le pluralisme moderne, Seuil, 2006, p.153.

125

TREVES (T), « L’approche régionale en matière de protection de l’environnement marin » in La mer et son droit, Mélanges offerts à L. Lucchini et J-P. Queneudec, Pedone, 2003, p.608.

126 DZIDZORNU (DM), « Marine environment protection under regional Conventions : limits to the

contribution of procedural norms », ODIL, Volume 33, 2002, pp.263-316.

127 BEURIER (J-P), « La protection de l’environnement marin » in BEURIER (J-P) (Sous la direction de),

Droits maritimes, Dalloz, 2006, p.943.

128 TREVES (T), « L’approche régionale en matière de protection de l’environnement marin » in La mer et

immersion ou le mouvement transfrontière de déchets dangereux constituent par ailleurs des thématiques pour lesquelles l’approche régionale coexiste avec l’approche globale. Il demeure enfin des disciplines - comme la lutte contre la pollution tellurique ou l’institution d’aires marines protégées - uniquement régies dans une perspective régionale.

-33- Relevant de zones sous souveraineté étatique, le territoire littoral reste, quant à lui, en marge de toute coopération internationale, globale comme régionale. Les premières conventions de protection des mers régionales ne couvrent d’ailleurs jamais son périmètre intégral, excluant le plus souvent eaux intérieures et espaces terrestres adjacents129. Sa protection relève en outre de disciplines juridiques de tradition régalienne130 (domanialité publique, défense...) ou échappant traditionnellement à l’emprise du droit international (droit de l’urbanisme, droit administratif...). De plus, nous observerons que la méthodologie contemporaine de gestion des territoires littoraux, fondée sur le concept de gestion intégrée, impose une réforme majeure des systèmes juridiques et des cadres institutionnels nationaux à laquelle le droit international n’est que très rarement associé.

-34- Le caractère évolutif des systèmes de protection des mers régionales permet cependant de parfaire le cadre juridique en s’adaptant aux nouveaux enjeux environnementaux. Or, la dégradation continue des écosystèmes littoraux, dans leurs dimensions terrestres et marines, oblige aujourd’hui la communauté internationale à s’investir dans la préservation de ces espaces singuliers. L’espace littoral et les disciplines relevant de sa gestion rationnelle ne semblent donc plus si rétifs à l’emprise du droit international. Ainsi le système régional méditerranéen pourrait-il donner naissance au premier instrument juridique supra-étatique de protection du littoral et reconnaître juridiquement la spécificité de ce territoire (Partie I).

-35- Sur le plan interne, nous avons pu relever que le territoire est d’abord profondément lié à la puissance de l’État. L’éventuelle reconnaissance d’une spécificité territoriale provient alors seulement d’une volonté d’asseoir l’autorité étatique sur un espace particulier. Ainsi en France, l’interdiction par l’Ordonnance de Colbert de 1681 « de bâtir

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DEJEANT-PONS (M), « Les Conventions du programme des Nations Unies pour l’environnement relative aux mers régionales », AFDI, XXXIII, 1987, pp.695-697.

130 Sur l’appréhension de cette notion en droit interne, voir particulièrement PONTIER (J-M), « La notion de

compétences régaliennes dans la problématique de répartition des compétences entre les collectivités publiques », RDP, 1/2003, pp.193-237.

sur les rivages de la mer, d’y planter aucuns pieux, ni faire aucuns ouvrages qui puissent porter préjudice à la navigation (...) » révèle la volonté du pouvoir royal d’exercer sa contrainte sur les franges bordières afin de garantir la sûreté du territoire. Aujourd’hui toutefois, l’exigence d’un développement durable conduit à « reconsidérer les objectifs et les modalités de l’aménagement du territoire » en insistant « sur la valorisation de ses ressources endogènes (physiques et humaines) dans une logique de gouvernance locale131 ». L’aménagement du territoire n’est donc plus fondé sur une approche centralisée de type « Top Down » mais sur une action publique concertée à laquelle l’ensemble des échelons décisionnels doit prendre part. Au-delà de sa seule dimension étatique, le territoire devient donc un « instrument permettant, localement, d’articuler les interventions des différents acteurs132 ».

-36- Ainsi, si « dans un État centralisé, il est logique que le territoire ne joue, dans le droit, qu’une place secondaire (...), la situation est complètement différente dans un État décentralisé133 » : l’appréhension de la diversité du territoire, selon des considérations géographiques notamment, constitue un objectif majeur que l’organisation territoriale des pouvoirs rend particulièrement complexe dès lors qu’elle reste sur une logique unitaire. Le rapprochement entre territoire administratif, siège et support d’une puissance politico- juridique, et territoire physique, participe donc de la problématique de « recomposition des territoires134 ». Sa mise en œuvre reste toutefois éminemment problématique à l’échelle du littoral, ne serait-ce que par les difficultés liées à sa délimitation. De plus, par sa dimension à la fois terrestre et marine, la zone côtière s’inscrit au-delà des découpages administratifs traditionnels et constitue un espace sur lequel s’entrechoquent plusieurs sphères de compétences, nationales et locales. De là des difficultés à imposer une redéfinition de l’action publique autour de la réalité géographique et ainsi procéder à une « recomposition du territoire littoral135 ». À cette fin, la reconnaissance juridique de la spécificité de la zone côtière n’est-elle pas un préalable indispensable ? La gestion intégrée, s’imposant aujourd’hui à toute initiative menée sur le littoral, ne suppose-t-elle pas d’abord et avant

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Commissariat général du Plan, Horizon 2020 : l'État face aux enjeux du développement durable, Commissariat Général du Plan, Groupe Équilibres, Paris, 2005, p.85.

132 MERLEY (N), Conception et administration du territoire en France métropolitaine, Thèse de droit,

Université Jean Monnet de Saint Etienne, 1995, p.22.

133

MADIOT (Y), « Vers une territorialisation du droit », RFDA, 1995, p.949.

134 LOINGER (G), NEMERY (J-C), Recomposition et développement des territoires. Enjeux économiques,

processus et acteurs, L’Harmattan, 1998, 351p.

135 CAPET (Y), La recomposition du territoire littoral en France métropolitaine, Thèse de droit, Université du