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Sous-section 1 Exercice nominatif de la fonction de direction

Deuxième partie Les bases techniques : Une responsabilité civile liée à l’état économique

CAS DE BONNE SANTÉ FINANCIÈRE DE LA SOCIÉTÉ

1.1. Chapitre I La détermination des dirigeants responsables dans les législations française et

1.1.1. Section 1 Les dirigeants de droit

1.1.1.1. Sous-section 1 Exercice nominatif de la fonction de direction

393.- Le fait qu’un dirigeant régulièrement désigné exerce ou non son activité de gestion au sein de la société est sans incidence sur sa qualité de dirigeant. On songe particulièrement au prête-nom qui a été nommé en tant que dirigeant mais qui n’exerce pas en tant que tel, laissant les rênes de la société à un dirigeant occulte. Le fait d’être un prête-nom ne l’exonère pas de sa responsabilité.

394.- Les membres d’un organe de direction sont dirigeants de droit, qu’ils aient ou non effectivement exercé une activité de gestion. Le dirigeant doit réaliser les actes de la

société en sa qualité d’organe social. Pour que ce soit ainsi, il doit se présenter comme tel et rester dans les limites statutaires de ses fonctions.

395.- Quand il agit en dehors de ces limites, les tiers pourront invoquer un mandat apparent pour engager la personne morale. La jurisprudence française applique la théorie du mandat apparent quand le tiers a pu légitimement croire que celui qui agissait comme mandataire avait les pouvoirs nécessaires et suffisants pour représenter la société. Pour les tiers, le fait que la personne morale agisse à travers une personne physique constitue toujours un risque : celui que la personne qui agit dépasse ses fonctions ou agisse en dehors de celles-ci. Afin de pallier ces difficultés, le législateur des pays étudiés a adopté des mesures qui tendent à protéger les tiers.

396.- D’une part, la publicité de la nomination. Quand une personne est désignée pour diriger, administrer ou gérer une entreprise, cet acte doit être publié dans un journal d’annonces légales, déposé au greffe du tribunal de commerce et inscrit au registre de commerce. Si ces formalités sont respectées, la nomination sera opposable aux tiers.

397.- Ces formalités sont similaires en droit colombien où la première nomination des dirigeants doit figurer dans les statuts qui doivent être inscrits au registre du commerce et des sociétés. Les désignations postérieures doivent aussi être inscrites au registre pour des raisons de publicité, même si elles n’impliquent pas une réforme du contrat social428. Cette inscription des désignations postérieures et des révocations doit être faite

sous la responsabilité des dirigeants eux-mêmes. En effet, tant que la nouvelle inscription ne soit pas faite, les anciens dirigeants conservent leur qualité et par conséquent, leur responsabilité429. Les démissions des dirigeants en fonction sont

valables une fois la nouvelle désignation inscrite au registre. Mais en Colombie, une mauvaise jurisprudence émise par la Cour Constitutionnelle a bouleversé cette

428 Article 163 du Code de Commerce colombien : “La designación o revocación de los administradores o de los revisores fiscales previstas en la ley o en el contrato social no se considerará como reforma, sino como desarrollo o ejecución del contrato, y no estará sujeta sino a simple registro en la cámara de comercio, mediante copias del acta o acuerdo en que conste la designación o la revocación. (…)”

429 Article 164 du Code de Commerce colombien “Las personas inscritas en la cámara de comercio del domicilio social como representantes de una sociedad, así como sus revisores fiscales, conservarán tal carácter para todos los efectos legales, mientras no se cancele dicha inscripción mediante el registro de un nuevo nombramiento o elección. (…)”..

interprétation pourtant claire. Pour la Cour Constitutionnelle colombienne, les démissions doivent être aussi inscrites dans le mois qui suit l’acte qui les contient. Et faute d’inscription d’une nouvelle nomination dans le mois qui suit l’envoi de l’acte de démission au registre du commerce, les devoirs et responsabilités du dirigeant démissionnaire cessent automatiquement. Cette interprétation de l’article 164 du Code de Commerce, faite en considération de la défense du droit au libre développement de la personnalité, laisse malheureusement sans représentant la personne morale et dilue la responsabilité430.

398.- D’autre part, la loi a posé le principe selon lequel les clauses restreignant les pouvoirs des dirigeants sont inopposables aux tiers. Les dirigeants sont dotés, en France et en Colombie, d’un pouvoir légal de gestion.

399.- En droit français, ce pouvoir légal de gestion implique qu’ils soient investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans les limites de l’objet social, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue à d’autres organes de la société431 (comme le conseil de surveillance, d’administration ou les

assemblées d’actionnaires). En droit Colombien, ce pouvoir consiste à donner la faculté aux dirigeants de souscrire tous les actes et contrats compris dans l’objet social, ainsi que ceux directement liés à l’existence et au fonctionnement de la société432. Ces

attributions sont exprimées par l’article 169 du Code de commerce colombien, norme qui vise particulièrement les représentants légaux.

400.- Normalement, quand le président ou le directeur général d’une société anonyme réalise des actes qui n’entrent pas dans ses facultés statutaires, il doit demander l’autorisation du conseil d’administration ou de l’assemblée générale. En droit colombien il est courant de limiter statutairement les facultés du représentant légal à

430Corte Constitucional, sent C-621 de 2003 M.P Marco Gerardo Monroy Cabra [en ligne], disponible sur http://www.corteconstitucional.gov.co/relatoria/2003/C-621-03.htm, REYES VILLAMIZAR (Francisco), Derecho societario T. I., op.cit, p.580-581.

431 MERLE (Philippe), Droit commercial, sociétés commerciales, op.cit. n°94.

432 Article 196 du code de commerce colombien alinéa .2: « (…) A falta de estipulaciones, se entenderá que las personas que representan a la sociedad podrán celebrar o ejecutar todos los actos y contratos comprendidos dentro del objeto social o que se relacionen directamente con la existencia y el funcionamiento de la sociedad. (…)»

certains actes (limitation qualitative) ou à un quantum prédéfini (limitation quantitative), limitations qui apparaissent dans le Kbis de la société433.

401.- Si le dirigeant agit sans autorisation, le régime français précise que de toute façon la société sera engagée, sauf si le cocontractant agit de mauvaise foi. Les clauses statutaires ou conventionnelles limitatives de pouvoirs sont inopposables aux tiers en droit français, mais restent valables entre associés. Le dirigeant qui ne les respecterait pas engagerait sa responsabilité. Cette règle évite que les tiers aient à consulter les statuts, assure la rapidité des transactions et leur donne une sécurité juridique. Pour que la société soit engagée, il faut que l’acte entre dans l’objet social.

402.- En ce qui concerne l’objet social, une dérogation importante a été apportée en matière de sociétés anonymes et sociétés à responsabilité limitée françaises, sur la base de la directive européenne du 9 mars 1968 (Première directive communautaire en matière de sociétés). Ces sociétés sont engagées face aux tiers même par les actes des dirigeants sociaux qui ne relèvent pas de l’objet social, sauf si elles prouvent que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’au vu des circonstances, il ne pouvait pas l’ignorer434. Ce mécanisme tend à protéger les tiers de bonne foi. Il est exclu que la

seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve435. Les limitations

statutaires des fonctions des dirigeants ne sont pas opposables aux tiers de bonne foi.

403.- En droit français, la société autre que anonyme ou à responsabilité limitée s’engagera par les actes de son représentant qui entrent dans les limites de l’objet social mais qui sont en dehors de ses fonctions. Et pour les sociétés anonymes et à responsabilité limitée, elles seront engagées par les actes de leurs représentants qui vont au-delà de l’objet social et qui, bien entendu, se situent en dehors de leurs

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Appelé « certificado de existencia y représentation legal », il est expédié sous demande du tiers cocontractant par la chambre de commerce du domicile social.

434 MERLE (Philippe), Droit commercial … op. cit,, n°94 p.128.

435 Articles L225-64 pour SA à directoire et conseil de surveillance; L225-56 pour la SA à conseil d’administration, L 223- 18 pour la SARL.

fonctions436. La seule limitation à cette extension de responsabilité du droit français est

la mauvaise foi du cocontractant.

404.- En droit colombien, le principe est celui selon lequel les dirigeants peuvent conclure tout acte et tout contrat dans les limites de l’objet social. L’activité de la société est spécifiée par lui et celui-ci doit apparaître d’une façon claire dans le texte des statuts. Le droit colombien applique la théorie de la spécialité de l’objet social, selon laquelle la société dispose de capacité uniquement pour réaliser les actes et contrats compris dans l’objet social. Selon la théorie de la spécialité, il serait le cadre dans lequel l’activité des administrateurs peut être déployée437.

405.- Les actes qui seront en dehors de cet objet seront considérés comme des actes « ultra vires » et par conséquent seront soumis à la nullité438. Le système légal

colombien est très attaché à une vision traditionnelle des actes conclus en dehors de l’objet social. Cette vision traditionnelle a été dépassée en Europe à partir de la Première Directive communautaire en matière des sociétés qui protège les tiers de bonne foi.

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Article L 225-64: « …Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du directoire qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les dispositions des statuts limitant les pouvoirs du directoire sont inopposables aux tiers. … » ; L225-56 : La société est engagée même par les actes du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les dispositions des statuts ou les décisions du conseil d'administration limitant les pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers. » ; L 223-18 : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables aux tiers. »

437 Superintendencia de Sociedades, res.360-1498 del 31de julio de 1997: “Teoría de la especialidad cuyo significado societario no es otro que la capacidad que tiene toda compañía de desarrollar en forma exclusiva todos aquellos actos contemplados dentro del objeto social y que viene a ser el marco generador de sus actividades dentro del cual se mueven los administradores…”

438 Pour la Superintendencia de Sociedades, le fondement de la théorie ultra vires est “…el límite impuesto a los administradores en el objeto social obedece precisamente a una preocupación porque los recursos humanos y de capital sean invertidos, utilizados o destinados en aquéllas actividades pactadas dentro del objeto social, de tal manera que los aportes de los asociados no se desvíen o distraigan en actividades extrañas a la intensión expresada en el contrato social” (Res.320-2279 del 22 de septiembre de 1995). Les actes ultra vires seraient nuls faute de capacité de la société, même s’ils ont été autorisés par l’assemblé des actionnaires ou des associés.

406.- Dans le système colombien, les limitations ou restrictions des facultés des dirigeants doivent figurer expressément dans les statuts. Ceux-ci doivent être inscrits au registre de commerce et des sociétés pour être opposables aux tiers. Si ces limitations ne sont pas clairement signalées dans les statuts dûment enregistrés, elles ne pourront pas être opposables439. En droit colombien, les clauses limitatives de pouvoirs des

dirigeants son opposables aux tiers à partir du moment où elles sont clairement exprimées dans les statuts dûment enregistrés. Si le texte statutaire n’a pas respecté cette formalité d’enregistrement, la société se verra obligée malgré la restriction.

407.- A la différence du droit français, en droit colombien la limitation de la responsabilité de la société pour les actes de l’organe social serait la publicité, et non pas la mauvaise foi du cocontractant.