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Science et technique se confrontent dans nos sources, la théorie y est mise à l’épreuve par l’expérience et l’observation.

L’hydraulique relève, comme l’énonce Mollet dans son Hydraulique physique, des « sciences physiques et mathématiques ». Ramelli et Strada ajoutent que les mathématiques descendent de la mécanique. L’hydraulique appartient par conséquent à la physique et à la mécanique. Or, en matière d’hydraulique, la physique, selon Silberschlag, apporte un éclairage certain à la mécanique en la renseignant sur les propriétés des corps

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OSSI, Paolo. Les Philosophes et les machines : 1400-1700. Traduit de l’italien par Patrick VIGHETTI. Paris, PUF, 1996, p.1.

pour mieux servir l’hydraulique dans tous ses usages, depuis ses machines à l’art de bâtir dans l’eau en passant par la compréhension des forces auxquelles sont soumis les ouvrages hydrauliques. Nos auteurs tentent ainsi de réconcilier science et technique, notamment mécanique dans nos sources. Ramelli et Strada, les premiers de notre corpus entendent démontrer l’importance des mathématiques, en appui à la pratique.

Ces deux auteurs de théâtres de machines, s’intéressent, l’un dans ses « préface » et « aux bénins lecteurs », l’autre dans l’ « avis au lecteur » de son premier livre, à l’histoire de la mécanique et particulièrement des mathématiques, art mécanique, qui permettent l’invention, la réalisation et le fonctionnement de leurs machines et instruments. Avec de nombreuses citations de célèbres philosophes, nos deux auteurs s’attachent tous deux à affirmer l’importance capitale de la maîtrise et de l’intelligence des mathématiques pour le genre humain, en temps de guerre comme de paix. Ramelli, à la manière des auteurs cités dans l'histoire des théories sur le mouvement des eaux, s’attache à faire le récit de l’invention et de l’utilisation des mathématiques par l’homme. Il indique, dans sa préface que, depuis Adam au sortir du jardin d’Eden et ces « hommes anciens des premiers temps », elles sont utilisées par l'homme dans toutes ses activités depuis l’astronomie, la navigation, l’agriculture, en passant par les transports, la géographie, le commerce, l’architecture qui permet aux hommes de s’abriter sous un toit, de construire villes et maisons, d’en assurer la défense (Strada, « au lecteur »). Selon Ramelli, les mathématiques se sont développées, après le Déluge, au temps des Chaldéens et du grand Patriarche Abraham. Ces derniers en transmettent la connaissance aux Egyptiens, puis aux Grecs par l’intermédiaire, entre autres, de Thalès Milesius et de Pithagoras Samius, « lesquels desirans de l’apprendre, s’exposèrent à naviguer les grandes mers, et à voyager aux régions lointaines, mesme tout l’Egypte. » (Ramelli). Les connaissances mathématiques sont alors augmentées par les écrits de « ces hommes admirables au monde », Ramelli les énumère : Anaxagoras, Enodipe, Zenodotus, Brito, Antiphon, Hippocrates, Theodorus, Platon, Architas, Aristarchus, Pappus, Archimedes, etc. Dans l’histoire des mathématiques telle que l’effectue Ramelli et partiellement Strada, interviennent alors plusieurs lieux communs et topos récurrents dans nos sources, dont les détails sont augmentés ici par nos auteurs. Ainsi les mathématiques sont brillamment illustrées par Archimedes, habitant de Syracuse, qui chez Ramelli se rend célèbre pour avoir, seul, tiré hors de l’eau « un très gros navire » et « derechef retirer en la mer la royalle navire Alexandrine ». De même, il aurait élaboré

« un globe céleste », soit une « divine sphere d’un simple verre » autour de laquelle se trouverait « sept cours d’étoiles errantes, ou avec un inenarrable artifice on voyait leur distance, et combien elles sont hautes et basses » et cela grâce à la « seule faculté des mathématiques ». Chez Strada, le même Archimède de Syracuse est célèbre pour la défense qu’il organise de sa ville, contre les Romains et particulièrement contre le Capitaine Marcellus Romain, permise par sa science en matière de mathématiques. Tandis que chez Ramelli, dans le même épisode, c’est le Capitaine Marcellus Romain qui est mis en avant. Ce dernier est finalement parvenu à prendre Syracuse, en dépit de la défense imaginée par Archimède, grâce à des machines de guerres, dont la conception fait appel aux mathématiques là aussi. Fort de sa confiance en l’art mathématique, Marcellus aurait affirmé « Donne moi lieu où je puisse demeurer et j’ébranlerai la terre. ». Un troisième

topos est relaté, avec l’anecdote d’Architas Tarentinus, selon laquelle les mathématiques

lui auraient permis de construire une colombe en bois, volante et agissante comme si elle eût été en vie. Ramelli et Strada ne poussent pas plus loin l’histoire des mathématiques. Ils justifient tous deux la production et publication de leurs ouvrages par la volonté qui les anime de participer au bien commun. Grâce à des planches représentant machines et instruments du quotidien anciens et nouveaux, Ramelli entend partager ses propres expériences de soldat et ses observations héritées de ses lectures mathématiques au cours de sa vie, de même qu’Octave de Strada veut transmettre l’œuvre de son grand-père doué d’une « intelligence générale des forces mouvantes » et de l’ « expérience de machines utiles pour tout ».

A la manière de Ramelli et Strada pour qui les mathématiques servent la mécanique, et de Silberschlag qui mentionne l’apport de la physique à la mécanique en terme d’hydraulique, certains de nos auteurs évoquent les rapports entre science et technique, théorie et pratique à leur époque. Chez Switzer, Bossut en 1771 et Prony en 1790 en matière d’hydraulique, théorie et pratique gagnent à être associés, pour la maîtrise de l’eau, des aménagements hydrauliques en vue de l’embellissement des jardins chez Switzer. Pour Bossut et Prony, science et technique par le biais de la mécanique sont nécessairement complémentaires pour le progrès de la société. Clare et de Cessart mettent en avant l’utilisation conjointe de la théorie et de l’expérience afin de rendre plus rigoureuse la démarche et les démonstrations scientifiques. Hypothèse, observation, théorie, conclusion sont désormais le crédo des scientifiques. Il n’y a que Bélidor qui, dans

nos sources, dénigre la pratique et l’expérience. De manière générale dans nos ouvrages, nous constatons au fil de la période couverte par notre corpus, l’importance croissante prise par les formules mathématiques dans le cours du propos de nos auteurs. Cette mathématisation de leurs réflexions s’accompagne de la multiplication de tables de mesures où sont consignées scrupuleusement le résultat de leurs expériences.