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La fin du seizième siècle, où commencent nos sources avec Ramelli, est marquée, en ce qui concerne l’illustration du livre, par le remplacement de la gravure sur bois174, utilisée à grande échelle dès la fin du XIVème siècle, par la gravure sur cuivre. Cette technique d’illustration, également nommée chalcographie, utilise le procédé de gravure en taille-douce, contrairement à la taille d’épargne de la gravure sur bois. Dans le procédé de taille-douce, le graveur va inciser une plaque de cuivre, réalisant en creux le motif souhaité. Pour l’impression, la plaque de cuivre ainsi gravée, alors désignée sous le terme de matrice, est enduite d’encre. L’encre pénètre dans les incisions réalisées par le graveur. Le surplus est nettoyé et la matrice est placée sur un plateau, puis recouverte d’un feuillet de papier. L’ensemble, le plateau, la matrice et le feuillet, sont glissés entre les deux rouleaux de la presse, actionnés par une manivelle. Au final, sur le papier, le motif gravé dans la plaque de cuivre est restitué en inversé dans des nuances de gris à noir. Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour la taille-douce, elles se soldent chacune par un résultat particulier175. La gravure sur bois est à l’opposé de la gravure sur cuivre. Le motif qui ressort à l’impression, n’est pas gravé dans la matrice en bois mais sculpté. De fait, les parties blanches, incolores à l’impression, sont les espaces évidés lors de la gravure de la matrice, ce pourquoi il est question de taille d’épargne avec la gravure sur bois. Ainsi, le motif voulu, une fois achevé par le graveur, est en relief sur la matrice en bois, à la manière d’un tampon ou d’un caractère typographique, et non pas en creux comme sur la matrice en cuivre. La gravure sur bois utilisant le même procédé d’impression papier que l’impression typographique, les deux peuvent être utilisées simultanément. En revanche, la gravure sur cuivre implique une dissociation des phases d’impression sur le papier quand, sur une

174 Cette technique d’illustration du livre, également nommée xylographie, préexiste à l’invention de

l’imprimerie, de façon déjà industrielle, avant les premiers livres imprimés. Bien plus économique que les enluminures, la gravure sur bois s’invite et conquiert peu à peu le livre imprimé lorsque sa progressive démocratisation requerra un procédé mécanique pour une production en série de livres illustrés. Source : FEBVRE, Lucien. MARTIN, Henri-Jean. L’apparition du livre. Paris, Albin Michel, 1999, p.133-134.

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même page, sont associés texte et illustration. Sinon, les feuillets où l’illustration figure seule, sont ajoutés ensuite aux feuillets de texte lors de l’assemblage du livre, augmentant le risque d’erreur de placement de l’illustration dans l’ouvrage par mélange des feuillets comme nous pouvons le voir chez Zonca. La gravure sur cuivre, régie par la finesse et la précision de l’incision du graveur permet la réalisation d’illustrations très nettes, fines, aux infinis détails qui alimentent leur réalisme, de façon plus aisée que la gravure sur bois. La taille-douce facilite également le rendu des contrastes et les jeux d’ombre et de lumière en fonction de la profondeur du sillon du graveur. Plus il est profond, plus le trait correspondant sur le papier sera sombre.

L’édition de livres illustrés est affectée par la crise économique que traverse le continent européen au cours de la seconde moitié du XVIème siècle. La production de livres à images repart à la fin de ce siècle mais, aux bois gravés, se substituent désormais les gravures en taille-douce. Henri-Jean Martin explique ce changement en rappelant que le XVIème siècle a été dans toute l’Europe « un siècle de peintres176 », qui a vu se multiplier les commandes de tableaux par les riches particuliers, non plus pour orner les églises mais les murs de leurs demeures. De plus, nombre de grands peintres se font graveurs en taille- douce, leurs estampes, « véritables tableaux du pauvre » selon l’expression de l’auteur, infiniment plus accessibles que leurs toiles, se répandent à travers l’Europe, diffusant leur art et les représentations de leurs œuvres auprès d’un public plus large. Les bois gravés apparaissent « grossiers et frustres » en comparaison des gravures en taille-douce, précises et réalistes, dans la représentation des édifices et de leur décoration, comme des œuvres d’art et des portraits. Le genre de littérature auquel appartient notre corpus de sources, la littérature technique et scientifique, est le premier à se voir illustrer de gravures en creux, en dépit des obstacles techniques à l’impression. A la fin du XVIème siècle, la taille-douce envahit tous les genres littéraires177 mais remplace aussi la gravure sur bois partout où elle était utilisée. Le même auteur remarque qu’au-delà d’un changement technique et d’un nouveau regard sur les choses, l’adoption de la gravure en creux associée au développement du commerce international des estampes, entre la fin du XVIème et le début du XVIIème siècle, « élargit l’horizon des hommes de ce temps »178. Au XVIIème siècle la

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EBVRE, Lucien. MARTIN, Henri-Jean. L’apparition du livre. Paris, Albin Michel, 1999, p.151.

177 A l’exception de la littérature de colportage qui se contente encore de la gravure sur bois pour ses

illustrations.

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popularité de la taille-douce ne cesse de croître et les graveurs se voient commander des estampes aux sujets divers et variés. En matière de livre illustré, les graveurs profitent des planches pour « exécuter de petits tableaux d’allure picturale », comme en témoignent les illustrations de nos livres du XVIIème siècle. Pour ce siècle, nous constatons une évolution différente de notre corpus par rapport au tableau des livres illustrés du XVIIème siècle effectué dans « L’apparition du livre ». Il apparaîtrait que, sur cette période, la volonté des éditeurs de produire un livre à bas prix étant donné le coût d’impression qu’implique toujours les difficultés techniques de production d’un livre à images ainsi que les tarifs très élevés pratiqués par les graveurs, réduit la proportion des illustrations dans les livres à quelques planches hors texte ou seulement à un frontispice, voir uniquement à un portrait de l’auteur179. (p.155). C’est tout l’inverse dans nos sources du XVIIème siècle, les plus riches en illustrations, auxquelles s’ajoutent, pour cinq d’entre elles sur sept, un frontispice. Cela reste à nuancer au regard de leur nombre, sept, ne peut prétendre représenter une population statistique révélatrice. Henri-Jean Martin ne manque d’ailleurs pas de souligner qu’en termes d’illustrations le livre technique et scientifique bénéficie d’un traitement particulier. Cela se confirme au XVIIIème siècle où l’illustration du livre n’intéresse plus que les élites et les bibliophiles à la recherche d’ouvrages somptueusement illustrés et richement gravés, exception faite de la littérature technique et scientifique qui nous concerne, pour laquelle les graveurs demeurent sollicités pour la doter « des illustrations indispensables à la compréhension du texte »180.