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D’autre part, un ensemble d’illustrations techniques qui sont désignées dans nos ouvrages sous le terme de « figure » (en français et anglais), « figura » (en italien et en allemand), et abrégées « fig. » dans toutes les langues. Ces illustrations sont gravées sur des pages à part du texte, dénommées « planche » (en français), « plate » (en anglais) et « tavola » (en italien). Au fil du texte, dans quelques-uns de nos ouvrages, nous pouvons également trouver des schémas géométriques, mathématiques ou mécaniques s’apparentant à certaines des figures de planches172. Ces schémas n’ont pas d’appellation particulière. L’objet du chapitre suivant sera d’analyser ces illustrations techniques dans l’évolution que nous constatons de leur situation et de leur proportion au sein des documents sur notre période chronologique. Nous rendrons compte aussi de nos observations à propos des modifications de représentations d’un même élément, d’un document à l’autre, entre 1588 et 1811.

Nos planches techniques connaissent une évolution de présentation certaine sur notre période d’étude, de 1588 à 1811, qui traverse la nature et la thématique de nos documents. En effet quatre ensembles de planches techniques se distinguent les uns des autres et correspondent à quatre périodes chronologiques différentes.

1588 – 1662

Entre 1588 et 1662, les planches techniques de nos sources ne comportent qu’une seule figure par page, en grand format. Cette période correspond à quatre de nos théâtres de machines sur cinq. L’ouvrage du Jésuite Père François est également compris dans cette fourchette chronologique, mais il ne contient pas de planche technique, seulement des schémas au fil du texte. Dans ces théâtres de machines, l’objet représenté est replacé dans

172 C’est le cas dans les ouvrages du P

ERE JEAN-FRANÇOIS de la Compagnie de Jésus, de SCHOTT

son environnement de fonctionnement et d’utilisation tel que la nature rendue par une étendue plane parsemée de touffes d’herbe et de gravats, ponctuée d’arbustes ou encore par un paysage accidenté, vallonné. La plupart des machines représentées en pleine nature étant celles créées pour élever l’eau. La gravure comporte fréquemment une langue d’eau, dont le courant est figuré par des stries de gravure. Ces machines et instruments peuvent être également mis en scène en périphérie d’une cité, dans l’enceinte d’une maison ou un jardin, dans un intérieur, que ce soit une grange, un atelier ou une pièce à vivre. Nous savons que nous sommes dans une pièce car l’espace nu qui entoure la machine est percé d’ouvertures, fenêtre ou porte donnant sur l’extérieur. Enfin, nous trouvons aussi ces objets mécaniques dans le cadre d’un lieu public, tel qu’une rue, une place de ville, de village, ou encore le chantier d’un édifice.

Dans certaines de ces gravures, des pièces détachées des machines et instruments qu’elles représentent sont posées, à même le sol, ou dans des endroits incongrus, afin que le lecteur puisse se rendre compte des détails de leur forme. Nos auteurs ont imaginé plusieurs solutions pour permettre de révéler les mécanismes d’une machine, l’agencement des pièces masquées par l’eau, un mur, ou un tuyau et l’emboîtement des mécanismes. Pour ce faire, Ramelli choisit de déconstruire des pans de mur, d’éventrer le sol, la falaise, d’ouvrir les conduites, de donner un effet de transparence à l’eau, de représenter les scènes en coupe vue de face, afin d’exposer et de préciser aux yeux du lecteur le fonctionnement de la machine. De nos quatre autres auteurs, usant des mêmes procédés, c’est chez Ramelli que la déconstruction est la plus flagrante car, dans un souci de logique, des tas de pierre de taille ou de terre sont gravés à côté des édifices déconstruits et du sol éventré. Quant aux gravures de Zonca, plutôt que de présenter en coupe une pièce, un instrument, une fontaine, ou une machine pour en révéler le mécanisme ou la tuyauterie, à la manière de Ramelli pour la question de l’eau, ce sont les éléments qui en recouvrent d’autres qui sont rendus partiellement transparents.

Nos quatre auteurs ont également comme point commun d’agrémenter leurs gravures de personnages. Ceux-ci permettent d’illustrer la finalité de la machine ou de l’instrument représenté, tel que pour la machine éventail, ou pour la femme qui vient remplir son seau dans le bassin d’une fontaine où l’eau a été acheminée depuis une

conduite reliée à une machine à élever l’eau placée un peu plus loin. Egalement, les individus sont destinés à éclairer le lecteur sur le mouvement à donner à la roue, la manivelle ou le manche quand la force de l’homme est requise pour actionner la machine ou l’instrument. Le mouvement en question est formidablement rendu dans les gravures de Böckler, où la torsion des corps est nettement visible, accompagnée par le drapé du vêtement de l’homme qui fait marcher la machine. Il en va de même quand ce sont les animaux qui font fonctionner les machines, leur ronde dans le sol est mise en évidence par la gravure.

Enfin, l’ensemble de ces figures semblent avoir été gravées par la même main, ce qui n’est pas le cas pour les personnages et la végétation qui différent d’un auteur à l’autre. Toutefois, en ce qui concerne le traitement stylistique et esthétique des machines et instruments, il est visiblement identique. Le trait est épais, nous pourrions dire gras s’il ne s’agissait pas d’une gravure, mais malgré tout très précis. La perspective et la profondeur de l’espace sont parfois rendues maladroitement. La proportion des corps et des volumes n’est pas parfaite. Si les mains sont différentes, l’esprit et la technique sont identiques. La contextualisation des machines et instruments, dans leur environnement de fonctionnement naturel ou domestique, comme la présence d’animaux, d’individus, sur les figures, les rend vivantes et dynamiques. Elles donnent le sentiment de dépeindre des scènes quotidiennes que nous pourrions voir partout à l’époque (alors que certaines machines n’ont jamais existé), introduisant une dimension d’affect par l’identification et par le caractère anecdotique de la gravure.

1687 – 1718

Un second ensemble se distingue, particulièrement sur le traitement esthétique et stylistique des gravures, de notre premier groupe de planches techniques. Ce second ensemble correspond aux ouvrages de Schott, Fontana, Böckler en 1704, et Mariotte, soit à une période comprise entre 1687 et 1718. Le trait de leurs figures est infiniment plus fin que dans le premier ensemble. Il ne s’agit pas de théâtres de machines, par conséquent les figures ne représentent pas exclusivement des machines ou instruments mécaniques. Toutefois, si nous comparons celles qui le font avec les gravures précédentes force est de

constater que les détails sont plus soignés dans les éléments d’ornementation qui n’apportent néanmoins rien à la mécanique de l’ensemble. Les personnages aussi sont plus élaborés, moins naïfs et maladroits que dans les figures des théâtres de machines. Les planches techniques de l’ouvrage de Schott sont les premières à représenter le chevauchement d’éléments superposés par des pointillés, pour rendre compte de la réalité cachée de leur fonctionnement.

Ce second groupe ouvre sur un troisième, tous deux se démarquant du premier par la multiplication sur une même planche de plusieurs figures numérotées. Aux gravures de machines et instruments s’ajoutent, en raison des thématiques des documents, davantage orientées vers la théorie que la pratique, des figures mathématiques et géométriques, sous la forme de courbes, de systèmes à deux dimensions, ou de volumes géométriques modélisés dans l’espace. De plus, nous trouvons pour la première fois dans nos sources, avec Böckler 1704, ce qui apparaît être des dessins d’expériences correspondant à différentes phases d’une démonstration. Les figures mathématiques et géométriques, comme les éléments, genre de croquis naïfs au trait grossier et maladroit, alternent donc sur ces planches.