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2. Vers une approche ciblée du cyberharcèlement

2.1.3 Whole School Policy

En tant que pionnier dans le domaine de l’étude et de la prévention du harcèlement, Olweus est également le premier à signaler qu'une approche scolaire globale est réellement la manière la plus efficace pour aborder le problème de harcèlement. Le terme ‘whole-school’ renvoie au fait qu’il faut considérer toute la communauté scolaire dans le problème de harcèlement : la direction, les enseignants, les parents, mais également les élèves qui de diverses manières peuvent faire valoir leur engagement lors de la conception d’une politique contre le harcèlement. Olweus entend concrètement par ‘Whole School Approach’ : une formation soutenue du personnel scolaire, du matériel d’information pour les parents, des vidéos à montrer pendant les leçons, une évaluation du problème de harcèlement à l’aide d’un questionnaire spécialement conçu à cet effet et pour conclure l’établissement de structures participatives pour tous les acteurs impliqués (Peterson et Rigby, 1999 : 482; Stassen Berger, 2007 : 112-113). Il est convaincu que les problèmes de harcèlement peuvent être résolus en restructurant l'environnement social scolaire, afin que les conséquences positives du harcèlement pour l'auteur soient réduites et que les conséquences négatives soient augmentées. Pour y parvenir, un cadre normatif strict doit, selon Olweus, être déterminé avec l’apport de tous les acteurs (Olweus, 1991 in Stevens e.a., 2001 : 304).

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2.1.3.1 Alternatives pour une approche scolaire holistique ?

Une approche scolaire holistique s’avère beaucoup plus payante qu’une ‘Curriculum Intervention Policy’ ou ‘Target Intervention Policy’. Les interventions dans le cursus scolaire ont pour principal objectif de promouvoir une attitude négative envers le harcèlement dans le contexte scolaire et d’apprendre aux élèves comment résoudre les conflits d’une manière prosociale. Deux des procédures d’intervention très utilisées, qui sont mises en œuvre après un premier méfait de harcèlement, sont les méthodes 'No Blame’22- (Robinson et Maines, 2003) et ‘Shared Concern’23 (Pikas, 1989). Ces deux procédures d’intervention se situent dans le cadre de la classe et présentent de grandes similitudes24.

• Les interventions dans le cursus scolaire ont pour avantage qu’elles ne sont pas coûteuses et demandent peu d'efforts de la part du personnel scolaire.

• Les élèves ou groupes qui courent un risque plus élevé d'être harcelés peuvent recevoir une formation en compétences sociales. Une des finalités principales de ce type d'intervention est de ‘coacher’ ces élèves afin qu’ils acquièrent une plus grande confiance en eux (Vreeman et Aaron, 2007 : 78-80).

22 L’approche ‘No Blame’ nous vient du Royaume Uni et a été élaborée par Robinson et Maines. Comme le nom le laisse présumer, cette méthode de travail implique que personne n’est désigné responsable du harcèlement. Par une concertation de groupe dirigée vers le rétablissement, l'empathie et la responsabilité partagée sont encouragées au niveau de la classe et on travaille ensuite dans le sens d'une résolution du problème. Une organisation qui s’est spécialisée en Flandre dans les formations est la vzw Leefsleutels (http://www.leefsleutels.be/cms/teasers/noblame).

23 La méthode ‘Shared Concern’ a ses origines en Scandinavie et a été créée par le psychologue Anatol Pikas. A l’aide de conversations individuelles avec des victimes, des harceleurs et des témoins suivies par des discussions de groupe, on constate quels sont les intérêts communs mis en jeu si la situation indésirable perdure.

24 Les deux méthodes considèrent les harceleurs et les assistants comme un groupe. Elles mettent de ce fait l’accent sur une responsabilité partagée qui est générée par une série de rencontres en groupe. L’enseignant fonctionne comme un auditeur actif et adopte une perspective orientée vers l’avenir. A cet effet, la discussion sur ce qui s’est juste produit est limité au minimum et l’accent doit être mis sur le potentiel du groupe à améliorer la situation indésirable. La principale différence se situe dans le fait que la méthode du « Shared Concern » est structurée de manière rigide suivant un plan par étape très détaillé alors que la méthode ‘No Blame’ permet plus de flexibilité.

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Une analyse des recherches scientifiques étrangères25 suggère que ces deux dernières alternatives semblent porter moins de fruits car elles ne tiennent pas compte de l'aspect social intrinsèque du harcèlement qui induit des conséquences à différents niveaux de la communauté scolaire (Vreeman et Aaron, 2007 : 78-88). Confronté au harcèlement, il est important de répartir les efforts sur différents niveaux pour éviter de diviser ses efforts de manière inutile. Cela ne signifie pas que les interventions dans le cursus et les interventions auprès de groupes cibles n'apportent aucun remède au problème de harcèlement, mais qu’elles sont beaucoup plus efficaces quand elles s’inscrivent dans le cadre d’une approche scolaire globale qui est plus large. Ce dernier type d’intervention considère en effet le harcèlement comme un problème systématique qui doit recevoir une solution systématique (c'est-à-dire une solution multi-niveaux26). La solution dépend également, dans une grande mesure, de la

manière dont une approche scolaire globale peut être mise en œuvre (Vreeman et Aaron, 2007 : 78-88).

Kowalski suggère que les écoles qui ont déjà mis en œuvre une politique de prévention du harcèlement ont clairement pris de l’avance dans la lutte contre le cyberharcèlement. Ainsi, les enseignants, les parents et les élèves qui ont déjà fourni du travail de prévention du harcèlement peuvent également intégrer le cyberharcèlement comme un élément spécifique de leur action de prévention. Les principales composantes d’un programme de prévention efficace du harcèlement peuvent être adaptées de manière à permettre de lutter également contre le harcèlement électronique (Kowalski, 2008 : 128).

25 Une analyse critique des contributions scientifiques dans laquelle l’efficacité des différents types d’intervention (Curriculum-, Target-, Whole-School-Intervention) est mesurée.

26 Solution multi-niveaux : une solution qui veut approcher un problème déterminé par un ensemble intégré d’acteurs à différents niveaux (par ex. élèves, enseignants, direction et parents).

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2.1.3.2 La mise en oeuvre

Le développement et la mise en oeuvre d’une approche scolaire holistique est l’étape cruciale si on souhaite que le programme de prévention endigue efficacement le problème du cyberharcèlement (Olweus, 1992; Smith en Sharp, 1994). Les conditions d’une mise en oeuvre réussie sont, d’une part, l’intensité (‘thoroughness’) de l’approche du problème du harcèlement par les enseignants et, d’autre part, leur engagement dans les initiatives de prévention à partir des plus jeunes élèves (Olweus, 2005 dans Stassen Berger, 2007: 112; Rigby, dans Lodge en Frydenberg, 2005: 334).

Trois phases successives sont à distinguer pour la mise en œuvre du programme : la phase de prise de conscience, la phase de consultation et la phase de formation (Stevens e.a., 2001 : 305). Après cette mise en oeuvre du programme, il conviendra également de surveiller la continuité de la politique de lutte contre le harcèlement. Ce qui est propre à l’approche holistique c’est l’engagement de tous les niveaux, également lors de la préparation d'une politique anti-harcèlement.