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Conséquences du cyberharcèlement

La plus grosse erreur qui puisse être faite serait de minimiser les conséquences du harcèlement en prétendant qu'il s'agit d'un processus qui permet d'endurcir les jeunes face aux mésaventures de la vie future ('character building‘). Une approche concrète de ce problème montre qu’on ne peut considérer le fait d’être sujet au harcèlement comme une étape normal du processus de développement des jeunes. Le (cyber)harcèlement est toujours un problème grave, en ce sens qu'il provoque un dommage aux victimes, aux participants mais aussi aux auteurs. Avant de nous pencher sur ce problème, nous allons d’abord observer dans quelle mesure le harcèlement traditionnel et le cyberharcèlement ont des conséquences différentes (Stassen Berger, 2007 : 104).

1.5.1 Comparaison entre le harcèlement traditionnel et le cyberharcèlement suivant leurs conséquences

Il faut garder à l’esprit que le harcèlement classique consiste en une menace proche directe, une bagarre physique ou une humiliation publique, alors que le cyberharcèlement est caractérisé par un intermédiaire technologique. Par conséquent, le cyberharcèlement conduit-il tout comme le harcèlement classique à un risque accru de dépressions, d'angoisses et de symptômes psychosomatiques chez les victimes 17 (Campbell, 2005: 73-74)? On pourrait avancer que le cyberharcèlement offre plus d’échappatoires que le harcèlement classique : les e-mails blessants peuvent être effacés sans avoir été lus, le

17 Il convient de mentionner qu’il n’est à ce jour pas encore vraiment clair quelle est la direction de la causalité. La dépression est-elle un antécédent ou une conséquence du cyberharcèlement ou s'agit-il d'un lien causal dans les deux sens ? (Hodges et Perry, dans Campbell, 2005: 73-74). La vérité se situe probablement quelque part entre les deux. Les victimes ne sont pas en accord avec elles-mêmes, elles n’ont pas confiance en leurs pairs et ont peur d’aller à l’école. Ces sentiments mènent cependant à un isolement encore plus important, une dépression encore plus profonde et une poursuite de l’abus (Prinstein e.a. dans Stassen Berger, 2007: 105).

46 programme de messagerie instantanée peut être fermé, la personne de contact peut être bloquée et il suffit de pousser sur un bouton pour éteindre son GSM. En outre, la menace physique réelle est absente car, en cas de cyberharcèlement, les jeunes ne sont pas exposés aux actes de violence physique. Un raisonnement de ce type tient toutefois peu compte du fait que pour un adolescent, l'acceptation sociale par d’autres jeunes est cruciale pour la formation de son identité et pour l'estime de soi (Calvert 2002 in Brown e.a., 2006:13). Un participant à un groupe de discussion sur le cyberharcèlement l’a déclaré clairement de la façon suivante : “A punch in the face does not like words hurt forever” (Un coup de poing dans la figure ne fait pas mal pour toujours comme peuvent le faire les mots) (Stassen Berger, 2007 : 105).

Certains estiment que le cyberharcèlement peut provoquer plus de dommages psychologiques, émotionnels et sociaux, en raison des caractéristiques spécifiques des TIC (voir l’ntroduction) : le caractère anonyme, l’absence de feedback émotionnel direct, l’indépendance dans le temps et dans l’espace et le caractère public (en théorie, la portée du cyberharcèlement est particulièrement importante). (Vandebosch e.a., 2006b : 4; Ybarra e.a., 2004; David-Ferdon et Feldman, 2007 : s3; Heirman et Walrave, 2008 : 2).

Smith (2006 : 3) comparait l’effet du cyberharcèlement sur les victimes à celui du harcèlement classique. Il ressort de cette étude que le Video clip bullying et le Phone call bullying ont souvent un impact plus négatif que le harcèlement classique. Par contre, le Text message bullying et le Website bullying auraient un impact similaire au harcèlement traditionnel. L’E-mail bullying aurait quant à lui un impact moins négatif. Les jeunes ressentent les pratiques par Internet et par GSM par lesquelles ils sont ouvertement humiliés plus graves que les actes qui n’ont des conséquences que sur eux-mêmes (l'envoi d'un virus, avec pour conséquence que la victime ne peut plus accéder à son PC) (Vandebosch, 2006b : 6). Ces résultats sont confirmés dans une étude ultérieure (Slonje et Smith, 2007 : 6).

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1.5.2 Conséquences du cyberharcèlement pour les victimes

Dans une étude en ligne américaine (Patchin et Hinduja, 2006 : 162), les victimes affirmaient que la colère et la frustration étaient les sentiments les plus fréquents auxquels elles devaient faire face. Environ 60 % des victimes déclaraient que le harcèlement en ligne avait une influence sur eux à l'école, à la maison et dans leurs relations avec leurs amis. Une étude similaire en 2006 (Ybarra e.a., 2006 : e1169-1173) esquisse une image concordante. Environ 38 % des victimes en ligne prétendent être émotionnellement « détruites » : un sentiment d’angoisse ou de décontenancement. Ces sentiments se manifestent de manière encore plus marquée chez les jeunes mineurs (pré-adolescents) et les mineurs qui sont harcelés tant en ligne que hors ligne. Pour les enfants jusqu’à 12 ans, l’angoisse serait souvent plus présente que chez les mineurs plus âgés car ils disposent de moins de stratégies de réaction et qu’ils prennent plus au sérieux les menaces exprimées que leurs aînés (Ybarra e.a., 2006 : e1175).

Selon les chercheurs, les victimes de (cyber)harcèlement ont souvent moins confiance en eux (Vandebosch e.a., 2006b : 4; David-Ferdon et Feldman, 2007: s3). L’impact du cyberharcèlement se traduit chez nombre de jeunes par des symptômes cliniques de dépression (Ybarra et Mitchell, 2006 : e1175). Une étude en Flandre confirme cette constatation et souligne que les victimes auraient trois fois plus de risques de présenter des symptômes de dépression (Vandebosch e.a., 2006a : 136).

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1.5.3 Conséquences du (cyber)harcèlement pour les harceleurs

Un regard sur les aspects psychologiques liés au cyberharcèlement révèle que les harceleurs ne sortent pas indemnes des situations qu’ils ont générées. Une étude nous apprend que, à court terme, le harcèlement permet aux enfants d’atteindre directement leurs objectifs sans emprunter les voies sociales adaptées dans leurs relations avec les autres, mais à long terme, il se traduit par des modèles persistants de maladaptation sociale (Stassen Berger, 2007 : 106; Patchin et Hinduja, 2006 : 152). Ces formes de maladaptation sont, à long terme, autodestructrices pour les auteurs de cyberharcèlement. Ils ont assurément beaucoup plus de risques de présenter des problèmes comportementaux à un âge plus avancé et ce, avec des conséquences considérables dans leur vie future. Olweus rapportait, dans ses recherches, que les anciens harceleurs avaient trois fois plus de risques de faire l’objet de condamnations une fois adultes. Une étude finlandaise a montré que les harceleurs avaient quatre fois plus de risques d’avoir des pensées suicidaires que les non-harceleurs. Ils rencontreraient également, à long terme, plus de problèmes dans leurs relations sociales avec les autres (Stassen Berger, 2007 : 106).

1.5.4 Conséquences du (cyber)harcèlement pour les participants/condisciples

Plus le harcèlement est présent dans le cadre scolaire, plus les prestations scolaires connaîtront un recul. Les victimes sont souvent les premières à devoir pâtir de ce phénomène même si, avant d’être confrontées au harcèlement, elles étaient d’excellents élèves. Que leurs condisciples partagent ce sort peu enviable ne doit pas étonner puisque le harcèlement provoque des perturbations et de la distraction. Cela peut avoir des conséquences néfastes sur le déroulement des études. Les enfants qui sont, jour après jour, témoins du harcèlement peuvent en tirer des leçons

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très négatives : ils n’interviennent pas par peur, ils s’habituent à ce comportement et n’ont de ce fait pas tendance à prendre des initiatives contre l’inégalité sociale. L’exposition au cyberharcèlement peut à long terme conduire à des conceptions ‘malsaines’ comme l’idée que les victimes méritent leur sort, que la puissance brute prend le pas sur la justice et que les adultes ne s’intéressent pas au sort des enfants (Stassen Berger, 2007 : 109).

Nous terminons avec un exemple qui permet de mettre en lumière les autres conséquences possibles du cyberharcèlement.

Ghyslain Rhaza est connu dans le monde entier comme ‘The Star Wars Kid’. Une vidéo enregistré par ce garçon canadien corpulent qui imitait de manière 'comique' Darth Vader a été volée par ses condisciples et diffusée sur le réseau peer-to-peer Kazaa. Le lendemain, cette vidéo était déjà en ligne sur YouTube et attirait, en à peine une semaine, 2 millions de spectateurs. Le garçon a dû quitter son école en raison de problèmes psychologiques nés de cet événément et qui l’ont contraint à suivre une thérapie (Campbell, 2005 : 73-75).

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