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Réaction au cyberharcèlement

Une étude menée auprès d’adolescents flamands montre que plus de la moitié des victimes (55,1 %) confrontées au cyberharcèlement n’en parlent pas (Vandebosch e.a., 2006a : 101). Des résultats similaires (65 %) sont obtenus dans une étude étrangère (Li, 2007 : 444). Li suggère, comme explication, que de nombreuses victimes ont peur et se sentent impuissantes, et ne pensent pas que l’intervention d’un adulte pourrait améliorer leur situation (Li, 2006: 166). C’est en particulier le cas quand les auteurs dissimulent leur identité à leur victime. Selon Li (2006 : 164), la manière d'appréhender le cyberharcèlement dépendrait également du sexe : les filles auraient plus tendance à confier leurs problèmes que les garçons. Il ressort de la même étude que seulement 30,1 % des jeunes qui sont au courant de méfaits de cyberharcèlement en parlent avec des adultes.

Une étude en Flandre (Vandebosch e.a., 2006a : 101) met en évidence quelles stratégies les jeunes utilisent lorsqu’ils sont confrontés au cyberharcèlement. Une première constatation est que la majorité des jeunes qui ont été harcelés par Internet ou par GSM ont adopté l'une ou l'autre forme de réaction. Sept victimes sur dix (70,6 %) affirment s’être défendues dans le monde réel contre ce harcèlement. 67,4 % des victimes ont cherché une solution en bloquant l'auteur dans leur messenger (MSN). 57,6 % ont expressément demandé à l’auteur de stopper ses activités de harcèlement en ligne. Il convient de remarquer que 50,5 % des victimes ne restent pas impassibles et harcèlent en retour sur Internet ou par GSM. 60,8 % des jeunes font comme s’il ne s’était rien passé et 57,3 % des victimes espèrent, en silence, que leur problème se résoudra de lui-même. Ne plus aller sur Internet ou ne plus utiliser le GSM n’est pas une option envisageable pour la majorité des victimes (Vandebosch e.a., 2006a: 102).

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1.8 Conclusion

Le changement de sciècle a vu l'émergence d'une nouvelle dimension du harcèlement sous la forme du cyberharcèlement. En dépit de la définition, souvent peu claire, des actes de cyberharcèlement et de la multiplication des termes qui désignent des formes de harcèlement par Internet et/ou GSM, nous avons introduit une typologie nuancée avec le terme générique de ‘cyberagression’. Sous ce terme générique, nous retrouvons le ‘cyberharcèlement’, le ‘cyberarguing’, le ‘cyberteasing’, le ‘cyberattacking’ et le ‘cyberharassment’. Une pratique Internet et/ou gsm ne sera qualifiée de “cyberharcèlement” que si sont réunies l’intention de blesser un individu, la mise en place d’actions répétées en ligne et/ou hors ligne et d’une relation de force asymétrique, le tout dans un contexte des groupes sociaux existants. Le ‘cyberteasing’ (blaguer en ligne) et ‘cyberarguing’ (dispute par voie électronique) ne sont, quant à eux, pas nécessairement répétitifs et n'impliquent pas nécessairement un déséquilibre de force entre les parties concernées. Nous définissons donc une ‘cyberattack’ comme une action unique, d’une ou de plusieurs personnes ayant la volonté de causer un tort à une ou plusieurs personnes par voie électronique. Lorsque l’expéditeur des messages électroniques a essentiellement l’intention d’avoir des contacts sexuels intimidants, nous parlerons de ‘cyberharassment’.

Les élèves s’avèrent être extrêmement ‘créatifs’ dans leur manière de se servir des nouvelles technologies. Cette constatation va de pair avec l’apparition des formes tant directes qu’indirectes de cyberharcèlement. Une étude en Flandre indique que les formes les plus fréquentes de pratiques offensantes par Internet et par gsm sont : insulter, menacer ou tromper quelqu'un par Internet ou gsm, diffuser des rumeurs sur quelqu’un, s'introduire dans la messagerie (e-mail) ou le messenger (MSN) de quelqu'un et en modifier le mot de passe. Les formes de cyberharcèlement demandant plus de savoir-faire technologique se présentent moins souvent.

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Lors de la détermination de l’ampleur du problème du cyberharcèlement, nous nous heurtons à des chiffres ambigus. Cette ambiguïté trouve son origine dans la manière, implicite ou explicite, dont on détermine l’implication d’un individu en tant qu’auteur, victime ou participant au cyberharcèlement. En outre, il est généralement admis que face à un questionnaire implicite, les jeunes ont souvent tendance à dire qu'ils ont été impliqués dans du cyberharcèlement alors que dans les questionnaires explicites, la proportion des personnes qui se disent impliquées dans ce type de comportement est nettement inférieure. Il s’avère, en outre, que la proportion des jeunes impliqués est tellement importante que le cyberharcèlement ne peut être traité comme un phénomène marginal, que ce soit en Belgique ou au niveau international.

Les garçons sont plus souvent auteur de cyberharcèlement. Bien que le problème se pose dans les trois types d’enseignement secondaire, il semble que ce soit dans les orientations techniques et professionnelles en général, et dans la Communauté française en particulier que le nombre d'auteurs soit le plus élevé. Les cyberharceleurs ont en général une image positive d’eux-mêmes. Ils sont souvent impliqués dans d'autres formes de comportements problèmatiques à l'école. En ce qui concerne leur utilisation d’Internet, ils se distinguent des non cyberharceleurs par le fait qu'ils sont moins contrôlés, qu'ils ont de meilleures compétences TIC, qu'ils ont plus souvent accès à Internet via un PC situé dans leur chambre et ils accordent plus d’importance à Internet.

Les victimes du cyberharcèlement sont le plus souvent des filles. Les victimes se retrouvent dans les trois orientations scolaires mais plus souvent dans l’enseignement professionnel que dans l’enseignement secondaire général ou technique. Contrairement à leur harceleur, les victimes ont souvent une mauvaise image d’elles-mêmes et pensent disposer de compétences sociales moins développées. Elles présentent moins de problèmes comportementaux mais sont plus affectées par des symptômes indicateurs de dépression.

54 En ce qui concerne les conséquences du cyberharcèlement, il semble que le ressenti sur le plan psychologique, émotionnel et social peut laisser des traces aux victimes pour toute la vie. Une série d’auteurs sont d’avis que les caractéristiques propres aux TIC sont responsables de ces dommages. Ainsi, le caractère anonyme, l’accessibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, l’absence de feedback émotionnel direct, l’indépendance dans le temps et dans l’espace et le caractère public impliquent que tant la portée théorique que l'impact réel du cyberharcèlement puissent être particulièrement importants. Le cyberharcèlement a également des conséquences dommageables pour le harceleur lui-même. Le comportement de harcèlement conduit à des modèles persistants de maladaptation sociale, dont il restera des traces comportementales à un âge plus avancé. Les condisciples qui doivent faire face à des épisodes de harcèlement chaque jour ont, quant à eux, de moins bons résultats scolaires parce que le comportement de harcèlement les distrait.

Une constatation importante est que les cyberharceleurs considèrent souvent leurs actes comme drôles alors que les victimes considèrent ce qui leur arrive comme blessant. Soulignons aussi que plus de la moitié des victimes de cyberharcèlement ne parlent pas du harcèlement. Le silence des victimes ne veut cependant pas dire qu'elles n'ont jamais entrepris l'une ou l'autre forme d'action pour mettre fin au harcèlement. Ainsi, la majorité des victimes aurait déjà essayé de se défendre dans la vie réelle contre les cyberattaques et nombreux sont ceux qui ont également essayé de rompre le contact dommageable en bloquant les auteurs au niveau de leur boîte de réception ou de leur programme messenger.

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