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UN SCHÉMA DYNAMIQUE DES EFFETS DU DÉBAT SUR LA DÉCISION Pour conclure, il nous faut résumer comment la dynamique d’organisation du débat et les

Figure 1 - Différentes conceptions de l’organisation du débat public par les Cpdp

IV. UN SCHÉMA DYNAMIQUE DES EFFETS DU DÉBAT SUR LA DÉCISION Pour conclure, il nous faut résumer comment la dynamique d’organisation du débat et les

produits qui en résultent peuvent porter effet dans le processus de décision. Le schéma dynamique des effets du débat sur la décision synthétise nos résultats. La flèche qui relie la formation d’une « communauté débattante » aux modalités d’organisation du débat, celle qui fait dépendre la production du débat de son organisation, ont fait l’objet des deux plans d’évaluation que nous venons d’examiner. Commentons donc maintenant les flèches qui pointent vers l’influence sur la décision, pour achever de décrire la manière dont le débat porte effet dans le processus de décision.

Figure 2 – Schéma dynamique des effets du débat sur la décision

Production Organisation

du débat public

1. La légitimité de la procédure

1. La transparence et la publicité des débats

2. L’égalité des conditions de

participation au débat : le principe d’équivalence

2. L’intelligence collective

La clarté des règles organisant les échanges :

3. débat argumentaire

4. débat pluraliste et contradictoire 3. La reconnaissance sociale 5. Une place offerte à chacun

6. Une reconnaissance de l’expérience sensible

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L’influence sur la décision

La formation d’une « communauté débattante »

1. L’influence du débat sur la décision passe par la formation d’un « communauté débattante »

Le président de la commission particulière tire deux conclusions de son compte rendu du débat public de Nice. M. Paul Vialatte concède d’abord, suite aux réactions suscitées par nombre de ses décisions : « On ne sort jamais indemne d’un “grand” débat public » (Compte rendu Cpdp de Nice, 2002). Ce résultat, non intentionnel dans ce cas-ci, avait déjà été énoncé par d’autres présidents et est devenu depuis un élément de culture de la CNDP5. Processus de « concernement », dynamique de partage de l’expérience sensible, reconnaissance des expériences et légitimation des points de vue minoritaires, quitte à déstabiliser les positions les plus établies, nous apparaissent ainsi être les résultats possibles d’un débat organisé non pour être clos par un consensus mais pour composer un collectif qui donnera effet au débat dans la suite du processus de décision. La formation de ce collectif légitime la procédure de débat public en validant ses modalités d’organisation. La « communauté débattante » se constitue dans un processus de reconnaissance mutuelle des participants au débat qui y développent une intelligence collective. Les modalités d’organisation du débat déterminent ainsi la formation d’un collectif en capacité de manifester la légitimité de la procédure par ce qu’a produit le débat, de faire vivre l’intelligence collective créée et valoir la reconnaissance sociale acquise dans le débat. Le lien entre débat et décision passe donc par la composition de ce collectif que nous avons nommé « communauté débattante ».

5. Gilbert Carrère, président de la Commission particulière du récent débat public sur le projet de liaison autoroutière Amiens-Lille-Belgique (29/9/2003 au 20/01/2004) indique dans sa présentation que, le rôle du débat étant de se forger une opinion, « Le débat public qui va s’ouvrir, je le souhaite, nous transformera ».

2. La perplexité que contribue à faire surgir le débat explique sa capacité à produire des effets sur la décision

Nous pouvons alors partager la seconde conclusion de M. Paul Vialatte : « Après un débat public, il devient donc plus difficile de décider » (Compte rendu Cpdp de Nice, 2002), à laquelle faisait écho un hebdomadaire professionnel régional en titrant : « Du débat naît le doute » (TPBM n° 391 du 22/3/2002). L’exercice du débat public bouleverse en effet la manière d’envisager les rapports entre délibération et décision. Il ne s’agit plus d’éclairer les décideurs selon la vieille logique consultative ni, bien sûr, de les paralyser selon une vision tout aussi instrumentale de la délibération. C’est la perplexité (Latour, 1999) que contribuent à faire surgir le déroulement et les produits du débat qui explique sa capacité à produire des effets par la suite. Perplexité, en effet, car le débat complexifie le projet en l’associant à un milieu (au sens de Simondon), c’est-à-dire ici : le territoire, les objets et problèmes, les configurations d’acteurs, humains et non-humains, dont le débat a manifesté la nécessaire prise en compte dans le processus de décision. Mais la « communauté débattante » qui porte ce nouvel ancrage de la décision reste un collectif incertain. Composée dans la dynamique du débat, elle peine à se maintenir hors du cadre égalitaire de la procédure, alors que l’échange se dilue dans la durée élastique d’un processus de décision dont la maîtrise n’appartient plus au collectif.

Pour l’activité de la CNDP, cette idée de perplexité implique de pouvoir jouer pleinement son rôle de garant de la participation du public durant tout le processus de décision, rôle que lui confie la loi de démocratie de proximité. C’est en effet en jouant ce rôle qu’elle contribuera à ce qu’une « communauté débattante » puisse se maintenir dans le processus de décision, y fasse respecter la reconnaissance sociale acquise par les participants dans le débat, et y fasse valoir l’intelligence collective créée.

Pour la CNDP, jouer ce rôle de garant implique de distinguer décision de connaissance et décision politique (Fourniau, 2001). Certes, le rôle de la CNDP n’est pas de porter un jugement sur le projet comme le fait un commissaire enquêteur. Cela ne lui interdit pas pour autant de rendre, à l’instar d’une instance d’évaluation, un avis de connaissance. À l’issue d’un débat conduit dans le respect de modalités délibératives librement acceptées par les participants, son rôle pourrait être de :

• dire quel est le degré de connaissance ou d’incertitude sur l’ensemble des problèmes à prendre en compte dans la décision,

• expliquer en quoi la mise en public des incertitudes a permis d’identifier l’ensemble des alternatives envisageables,

• montrer comment la confrontation publique des arguments a permis de composer un collectif porteur d’un univers des choix enrichi.

En portant ce type d’avis de connaissance la CNDP faciliterait la prise d’effet des acquis du débat dans le processus de décision.

3. Les apprentissages réalisés dans le débat structurent le changement des méthodes d’élaboration des projets comme des comportements de conduite de projet

Enfin, il nous faut redire que le débat public institué par la « Barnier » et consolidé par la loi de démocratie de proximité n’est qu’un moment très court (4 à 6 mois) dans des processus de

décision d’aménagement très longs (une quinzaine d’années). De ce fait, il ne donne jamais lieu à la constitution de forums hybrides, au sens de Callon, Lascoumes et Barthe (2001), pour qui ces forums doivent être en capacité de « prendre des mesures », si l’on entend par là qu’un

« bon » débat public nous ferait passer d’un régime de décision tranchée à un régime de décision mesurée. Bien sûr, le déroulement d’un débat public est un moment où se prennent d’importantes mesures, par exemple la réalisation et la discussion d’une expertise complémentaire, indépendante du maître d’ouvrage, qui peuvent durablement reconfigurer le processus de décision en validant des alternatives qui n’avaient pas été prises en compte auparavant. Mais pour rendre compte de cette possible influence sur la décision, il faut envisager le processus de décision dans sa durée et y suivre le devenir du nouveau qu’a fait surgir le débat. Cette remarque justifie d’avoir isolé dans le schéma dynamique des effets du débat sur la décision sa cible, l’« influence sur la décision », pour signifier que l’objet du schéma échappe en partie à la dynamique décrite par les deux plans d’évaluation envisagés jusque-là et ne peut être complètement appréhendé qu’en se projetant au-delà du débat.

En effet, le suivi dans la durée du nouveau qu’a fait surgir le débat ne peut s’envisager pour chaque débat isolément. Partant du rappel fait par plusieurs maîtres d’ouvrage pour lesquels

« l’évaluation de la concertation et de ses effets sur le projet doit alimenter le processus de changement des méthodes d’élaboration de projet comme des comportements en matière de conduite de projet » (CGPC-SIC, 2002), notre dernière conclusion formule donc ce rappel comme une hypothèse à étayer par un nouveau programme de travail : en quoi les apprentissages réalisés dans les débats publics structurent-ils le changement des méthodes d’élaboration des projets comme des comportements de conduite de projet ?

CONCLUSION : LA « DÉMOCRATISATION DE LA DÉMOCRATIE », OBJET

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