Le Moyen-âge a donc très peu produit dans ce domaine.^
La Littérature chromatique
Nous nous contenterons ici de faire la synthèse de remarques particulières recueillies à même les recherches sur les traités sceinti- fiques, ou a mieux dire alchimiques, sur la préparation des couleurs,^ et qui semblent s'appliquer pertinemment à la généralité de la littéra ture chromatique.
Dans les oeuvres imprimées dont nous disposons et qui ne constituent qu'une proportion assez faible de cette littérature artisi- nale, les philologues n'ont pas toujours exercé un choix des plus judi cieux sur les textes à publier ni même ont-ils travaillé à partir des
meilleures sources manuscrites, étant donné le manque de perspective
L. Moulé, op. cit., vol. IV, p. 22.
115. La plupart des contemporains qualifient de 'scientifique' cette lit
térature médiévale sur les couleurs; nous préférons la dire 'alchi
mique' pour la bonne raison que c'est sous ce terme que l'entendait
le Moyen-âge. Roger Bacon, par exemple, dans son Opus tertium, cap. 12, cf. A. Crombie, op. cit., vol. I, p. 36 nous l'explique d'ailleurs
clairement: "Mais il y a une autre alchimie technique et pratique,
qui enseigne à fabriquer les métaux nobles et les couleurs et bien d'autres choses, mieux et en plus grande abondance par l'art qu'ils
ne sont faits dans la nature."
I46. L'alchimie semble avoir joui d'une plus large mesure de liberté pour
l'expérimentation que les autres sciences, du moins à en juger d'apï-ès
Héraclius, De coloribus et artibus Romanorum dans Mary Merrifield, Original Treatises batin'g from the Yllth tcT XVTIIth Centuries on the
Art ofPainting, Preceded by a General. Introduction. Londres, J. Mur- ray, i8ly, vol. 1, p.’ I83 qui nous apprend: "I'Jil tibi scribo equidem
"trouble ce terrain d'enquete non-jalonne.^ H ne faut pas s’étonner
de ceu état de choses. Qu’on considère seulement que les fonds de Rome,
de Paris et de Munich ont à peine commencé à nous livrer leurs secrets!
Il y a donc davantage du chemin à parcourir avant que 1 ’ étendue de cette littérature, meme par rapport à la peinture seule, ne puisse être évaluée
plus meme que ne nous l’indique la plupart des recherches publiées.^
Aussi,
Puisqu'une intelligence précise de la portée des vocables de la
couleur dans les contextes alchimiques, magiques, voire médicaux
est impossible soit à cause du point peu avancé qu'ont atteint les
chercheurs sur ces aspects de la science médiévale, soit à cause que pour le moins une telle intelligence nécessite une connaissance très fouillée dans le détail et très technique sur les matières en
question, telle que l'historien des langues romanes est, sinon peut-
être exceptionnellement, incompétent à traiter efficacement des pro blèmes qui demandent d'être résolus en étudiant les textes inédits
avant qu'il ne puisse parler dissertement et avec précision sur les
termes de la couleur en soi, il faut remettre à un temps plus idoine
la considération définitive de beaucoup d sants sur le domaine de la lexicographie.
L'anonymat qui caractérise les lettres médiévales atteint des dimensions insolites dans le cas de cette littérature. 3n fait, il faut distinguer entre les scribes d'un manuscrit donné et les compila teurs, les traducteurs et les autres personnes qui l’ont précédé. Pro ies, traducteurs, compilateurs, tous peuvent à juste titre réclamer d'en
être les auteurs originaux puisque n'importe quel artisan qui faisait
14.7. Daniel Thompson, "Trial Index to Some Unpublished Sources for the
History of Médiéval Craftsmanship" dans Spéculum 10 (193^), p. hll. 14.8. Mi 1 es Edgerton, "A Médiéval Tractatus de coloribus together with a
Contribution to the Study of the Color-vocabulary of Latin" dans
Mediaeval Studies 25> (1963), p. 173»" •
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us,âge d’une collection telle que celle dont nous présentons ci-après l'é dition l'aurait tout naturellement adaptée çà et là à ses besoins en la réduisant par omissions,' eâ l'étoffant par additions, et en effectuant toute autre modification que la pratique de son métier lui aurait suggérée
ou dictée. Les rédacteurs ont donc successivement et à tour de rôle é- tabli leur corpus d'après toutes les sources qui leur étaient accessibles pour les modifier comme le leur dictaient leurs expériences personnelles. Et chacun d'eux a sans doute continué à modifier sa propre collection et
de s'en faire un double aussi longtemps qu'il l'avait en sa possession.
Les héritiers de chaque anthologie ainsi constituée n'ont fait que con-
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tinuer le processus de compilation graduelle et continue.
Les auteurs anonymes ou les compilateurs de ces traités ne se sont pas basé exclusivement sur les sources écrites, perdues pour la plu part de- nos jours, mais ont bel et bien fait,appel aux traditions orales
qui ont depuis toujours existées chez les artisinahs de -ci, de -là un
peu partout dans l'occident. Aussi, il ne faut à tout prix pas écarter la possibilité que ces recettes aient été recueillies le plus souvent chez des textes mères bien connus jadis, mais qui se sont échappés depuis à toutes perquisitions codicologiques. Les compilateurs nous semblent
s'être inspirés de façon non encore possible à déterminer de quelques
sources. Pour les autres sources, l'interdépendance de la plupart des