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4. Discussion

4.5 Satisfaction par rapport à la formation en éducation spéciale

Cette partie est très importante puisqu'elle traite directement de la satisfaction des anciens étudiants pour leurs études. Leurs points de vue sont très précieux puisque ce sont les premiers acteurs concernés et qu'il est d'usage que les formations s'adaptent non seulement aux besoins identifiés sur le terrain mais aussi aux remarques des bénéficiaires.

Nous avons remarqué que les anciens étudiants ont très bien évalué le contenu théorique de la formation avec une note générale de 3.9 sur 5. Sur ce point, il y a très peu de différence entre les notes attribuées par les participants avec une licence ou une maîtrise. Par contre, la note générale accordée au contenu pratique proposé est presque divisée par deux et se monte à 2.1.

Celle de l'articulation entre la théorie et la pratique est légèrement supérieure et s'élève à 2.6.

Les répondants sont donc nettement moins satisfaits des enseignements pratiques concrets ainsi qu'en ce qui concerne leur articulation avec le terrain. La différence d'appréciation entre les diplômés issus de la maîtrise et ceux issus de la licence est intéressante puisque les contenus pratiques ont été améliorés et étendus depuis la réforme de Bologne (stage supplémentaire obligatoire). Ce changement se ressent dans les notes attribuées par les anciens étudiants de la Maîtrise. En effet, les notes qu'ils ont attribuées sont légèrement supérieures pour les enseignements qui touchent à la pratique. Les efforts à ce niveau sont donc payants. Il n'empêche que leur appréciation de ceux-ci reste toujours clairement inférieure à leur satisfaction pour la sphère théorique en elle-même. Les répondants se sentent donc toujours insuffisamment préparés sur le plan pratique.

Les questions quinze et seize nous ont permis d'affiner nos interprétations en ce qui concerne la satisfaction. Nous retrouvons la tendance générale déjà dégagée à l'intérieur de ces questions ouvertes. En ce qui concerne les points forts de la formation, la majorité des anciens étudiants mentionne soit l'une ou plusieurs de ces catégories : la diversité et la richesse des enseignements proposés, la qualité des cours théoriques et des compétences universitaires comme la recherche, la capacité réflexive, etc. Lorsqu'on leur demande

d'expliciter les points faibles ou manquants de la formation, le manque de pratique arrive en tête, suivi par l'insuffisance du lien entre théorie et pratique dans les cours.

L'opposition théorie-pratique (et l'articulation entre les deux) est donc centrale dans les préoccupations dans anciens étudiants. Certains évoquent également (19%) le manque de reconnaissance professionnelle, sans oublier que la moitié des répondants a été confrontée à des difficultés lors de leurs recherches d'emploi, principalement pour des raisons liées à un manque de reconnaissance ou de non connaissance de la formation en éducation spéciale. Les participants ont parfois exprimé que d'autres diplômes ou des formations complémentaires leur avaient été demandés, qu'on leur a proposé des postes sous-qualifiés et/ou moins bien payés, etc. Ils avaient été également plusieurs à avoir été confrontés à des appréciations négatives sur la formation en éducation spéciale, jugée par certains employeurs comme trop théorique et/ou présentant un manque de pratique. Peut-être est-ce là l'une des explications à l'insatisfaction vis-à-vis de la pratique. Nous nous demandons s’il s’agit d'une conviction profonde de la part des anciens étudiants ou si cette image est le reflet d'une confrontation aux exigences du terrain et des employeurs.

Pour finir, de nombreux participants semblent s'attendre à une formation professionnalisante puisque la majorité convoite des postes d'éducateurs spécialisés et d'enseignants spécialisés.

Cette hypothèse pourrait expliquer leurs revendications au niveau de la formation pratique.

Cependant, il faut également avoir à l'esprit que la théorie constitue l'atout principal des formations universitaires que ce soit à travers la diversité des cours proposés mais aussi de la formation à la recherche. C'est sur ce point qu'elle peut se démarquer et il ne faudrait pas non plus que la progression de la pratique empiète sur la qualité théorique. Le juste milieu n'est jamais facile à trouver, c'est pourquoi ils seraient également intéressant de connaître plus précisément les besoins des différents organismes, institutions et établissements qui sont amenés à engager les diplômés en éducation spéciale. Ceci afin de pouvoir cerner leurs besoins et de réfléchir au mieux à la direction qu'il faudrait insuffler à cette formation universitaire.

5. Conclusion

Le but de cette recherche était de mettre en lumière les différents parcours personnels et professionnels des étudiants de la formation en éducation spéciale de la FPSE, à travers leurs profils, leurs attentes, les débouchés professionnels qui se sont ouverts à eux, les difficultés rencontrées, ainsi que la satisfaction pour leurs études.

Il s'agissait plus spécifiquement, d'obtenir des éléments de réponse sur plusieurs aspects : la reconnaissance de cette formation universitaire spécifique, riche mais non professionnalisante dans le monde du travail, le passage des outils et méthodes acquis durant la formation sur le terrain, les points forts et les points faibles distingués par les anciens étudiants avec le recul.

Nous avions la volonté de poser, à travers une recherche scientifique, rigoureuse et objective, un premier état des lieux à cet effet, afin de participer à l'amélioration constante de cette formation.

Si cette recherche et les conclusions auxquelles elle abouti sont susceptibles d'apporter un certain nombres de réponses intéressantes, elle comporte cependant certaines limites, notamment méthodologiques :

Malgré un questionnaire voulu très complet, nous nous sommes rendus compte à posteriori, qu'il aurait encore mérité quelques précisions supplémentaires. En effet, il aurait été judicieux de placer une question relative à la satisfaction des participants pour leur rémunération et/ou en rapport à l'équité salariale face à leurs collègues, car celle-ci tient également une place importante dans la problématique de la reconnaissance du diplôme.

En ce qui concerne la situation professionnelle des anciens étudiants, il aurait été intéressant de leur demander s'ils exercent des responsabilités (autres que celles figurant déjà dans la neuvième question) dans les divers postes occupés et si oui de les nommer. En effet, même si la neuvième question sur l'encadrement, la formation et la supervision pouvait nous donner certaines indications à ce sujet, il existe d'autres formes de responsabilités (ex : gérer un budget, participer à l'engagement des collaborateurs, gestion d'équipe) et celles-ci ne se perçoivent pas forcément dans les titres des fonctions exercées.

Il aurait également été bénéfique de pouvoir catégoriser les divers établissements restitués dans le tableau des postes occupés (question 6) selon par exemple leurs domaines d'activité précis et les populations qu'elles accueillent (ex : âge, problématique). Cependant, comme nous n'avions demandé que les noms des institutions, services ou entreprises, nous ne disposions pas de données suffisantes pour nous lancer dans un tel exercice. Il aurait peut-être été judicieux de réfléchir à ses catégories, d'établir une liste et de les proposer aux participants à la place du nom des établissements.

En ce qui concerne la dernière question du questionnaire relative aux outils et méthodes utilisés, il aurait été intéressant de les mettre en lien avec les postes occupés (en demandant aux participants d'indiquer les numéros de postes correspondants) pour savoir par exemple, dans quels métiers ceux-ci sont le plus souvent utilisés. En effet, comme la plupart des participants ont obtenus plusieurs postes différents, nous ne savons à quel poste exactement correspondent les outils et méthodes évoqués.

Dans la continuité de cette recherche, nous pensons qu'il serait avantageux de poursuivre en enquêtant dans les différents milieux professionnels, afin de mieux cerner les constats des employeurs et des acteurs du terrain sur cette formation, ses outils et ses spécificités. En effet, même si nous avons pu dégager quelques pistes de réflexion à ce sujet, il nous paraît primordial de mieux connaître leurs besoins, leurs appréciations, leurs critiques pour pouvoir pleinement analyser la problématique de la reconnaissance.

Nous avions déjà suffisamment de données à notre disposition pour pouvoir réaliser ce mémoire mais il nous semblerait intéressant de creuser encore les parcours professionnels et les impressions de certains participants sur leurs études, à travers par exemple des entretiens plus ciblés. En effet, il s'avère que plusieurs personnes avaient beaucoup de choses à exprimer, à raconter et il serait par exemple intéressant de mettre en lumière des profils divers en montrant plusieurs trajectoires, perspectives et points de vue différents.

Malgré les limites et le caractère exploratoire de notre recherche, les résultats de celle-ci et l'analyse des données présentent un grand intérêt pour les différents acteurs de la formation en éducation spéciale de la FPSE et pour le terrain professionnel. Dans ce domaine précis, il s'agit en effet de l'unique recherche centrée sur un questionnaire aussi détaillé et recueillant de manière systématique les conceptions et les points de vue des premières personnes

directement concernées, tout en dépassant la simple perception subjective pour offrir une vision plus générale et synthétique de la situation. Toutes les données récoltées sont d'une grande richesse pour mieux comprendre les représentations des anciens étudiants quant à la formation en elle-même et pour approfondir les questions liées aux véritables débouchés mais aussi à la reconnaissance du diplôme. Ainsi, ces résultats seraient particulièrement intéressants à utiliser pour discuter de l'évolution de la formation et pour réajuster son positionnement dans l’ensemble des offres de formation.

Certains aspects émergent et nous semblent pertinents pour servir de base concrète à d’éventuelles discussions ou stratégies de communication :

- Depuis les années 2000, la majorité des étudiants se trouve en formation initiale.

Contrairement aux intentions de départ (années 1976-1976), le public ne vient pas - ou plus - dans le but de se spécialiser ou de se perfectionner pour leur pratique professionnelle.

- En entrant dans la formation, la majorité des participants aspirait à des métiers résultant de formations professionnalisantes : éducateur spécialisé et enseignant spécialisé.

Les catégories de l'éducation et du travail social, ainsi que celui de l'enseignement représentent la majorité des postes occupés recensés. La plupart des participants ont donc obtenu les postes convoités.

Cependant, l'insertion professionnelle dans le domaine de l'enseignement spécialisé semble plus difficile et problématique, car on leur demande plus souvent de compléter la formation par d'autres contenus (maîtrise en enseignement spécialisé).

- Les postes de direction, de recherche ou de formateur dans l'enseignement supérieur sont bien entendu moins fréquents que les postes de "terrain", car il n'est en général pas possible d'y prétendre sans quelques années d'expérience pratique.

- Nous pouvons penser qu'il existe une reconnaissance dans les faits de la formation au niveau des connaissances, des compétences et des savoirs spécifiques transmis puisque :

a) les anciens étudiants se sont insérés sur le marché du travail, b) la plupart des participants ont trouvé rapidement un travail avant ou après la fin de la formation, c) de nombreux stages ont débouché sur des opportunités professionnelles, d) la majorité des postes obtenus se trouve dans le canton de Genève ou dans ses alentours en Suisse romande, e) de nombreux participants témoignent de l'encadrement, de la formation ou de la supervision de certains de leurs collègues (ou stagiaires), f) la plupart des étudiants qui se savaient en concurrence avec des diplômés de filières voisines ont obtenu les postes désirés.

- Cependant, si plus de la moitié des participants affirme qu'on ne leur a jamais refusé un poste sous prétexte que leur formation n'était pas reconnue, la moitié a tout de même été confrontée à des difficultés relavant principalement d'un manque de reconnaissance (professionnelle, salariale, confrontation à des jugements négatifs, diplômes privilégiés dans l'attribution des postes).

- Il existe un passage entre les connaissances théoriques et/ou pratiques enseignées durant la formation et le monde professionnel. Le champ de l'éducation cognitive a particulièrement marqué nos participants, sans doute car il s'agit d'une spécificité propre à la formation et répondant à un besoin sur le terrain puisqu'ils sont nombreux à utiliser leurs connaissances dans ce domaine.

- Les participants sont nettement plus satisfaits des enseignements théoriques proposés que des contenus pratiques et de l'articulation faite entre théorie et pratique (même si les appréciations des anciens étudiants ont progressé depuis le passage au système de maîtrise).

Nous pouvons conclure de toutes ces informations que même si la formation en éducation spéciale de la FPSE bénéficie d'une réelle reconnaissance informelle sur le terrain, il devient urgent et nécessaire, dans un contexte qui valorise de plus en plus les formations professionnalisantes, à travers par exemple l'harmonisation et la reconnaissance des diplômes, de faire avancer la reconnaissance formelle de cette formation.

Cette mobilisation pourrait par exemple venir du terrain, des personnes déjà formées et installées dans une pratique professionnelle et pouvant avoir un impact grâce à leurs

responsabilités. Elle devrait également venir des acteurs décisionnaires et des enseignants à travers par exemple des actions visant à faire connaître la formation, à mettre en avant ses spécificités, ses atouts et ses bénéfices pour le terrain. Dans cette optique, il serait également intéressant de sensibiliser les différents milieux concernés aux concepts de métacognition et d'éducation cognitive qui sont majoritairement utilisés par les anciens étudiants, sont une des particularités de la formation et de les mettre en lien avec les pratiques des pays pédagogiquement plus avancées dans ce domaine (ex : USA, Canada). Les anciens étudiants ont également un rôle important à jouer en rendant la formation plus visible sur le terrain grâce à leurs compétences mais aussi aux différents échanges et aux discussions qu'ils peuvent introduire dans leurs milieux professionnels. Dans cette perspective, il serait par exemple intéressant de constituer une association professionnelle des anciens étudiants en éducation spéciale de la FPSE.

Il est également nécessaire pour une formation de se remettre continuellement en question, de réfléchir aux améliorations possibles. Dans notre cas précis, il nous semble important d'approfondir le questionnement face à l'alerte des anciens étudiants pour les enseignements pratiques. Si cet aspect est souvent considéré comme un point faible, peut-être vaudrait-il la peine d'y songer en interne, voir ce qu'il est possible d'améliorer ou de remanier. De plus, il vaudrait aussi la peine d'afficher clairement ou de rappeler la richesse et la particularité de cette formation qui présente simultanément une double approche (recherche et pratique) tout en revendiquant les bénéfices en terme par exemple de passage des données de la science sur le terrain.