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juge saisi en premier, impose au second un sursis à statuer jusqu’à ce que la compétence

du premier soit établie724. L’absence de condition de compétence des juridictions justifie ce sursis. En revanche, une fois la compétence établie, le mécanisme impose au second un dessaisissement. Les dénis de justice devraient être évités. Le vide juridique par dessaisissement du second juge pour cause de litispendance et du premier pour cause d’incompétence devrait être écarté par les effets de la litispendance. Mais, aucune précision n’est apportée sur le moment où la compétence est établie. Par précaution, l’épuisement des voies de recours devrait être attendu. Toutefois, le principe de célérité pourrait s’en trouver affecté. Une obligation d’information entre les juridictions devrait alors être privilégiée, afin de renforcer le régime procédural de la litispendance725.

162. Dans le cadre du droit de la procédure civile de l’Union européenne, les règles de

compétence directe comportent des chefs de compétence concurrents, qui sont sources constitutives de situation de litispendance726. Le principe prior tempore, potior jure offre un mécanisme de résolution neutre et rigide. Toutefois, dans l’Union européenne, les procédures parallèles furent perçues moins comme des conflits de procédures, que comme des conflits de décisions latents727. Or, les conflits de décisions traduisent un échec du principe de reconnaissance mutuelle et d’exécution des décisions. Initialement, l’objectif de libre circulation des décisions a imposé une suppression systématique des procédures concurrentes assimilées à un obstacle à l’objectif de libre circulation, par des règles strictes de litispendance728. Les conflits de procédures sont encadrés par les règlements de l’Union européenne, afin de prévenir les conflits de décisions. Ainsi, ces règles favorisent la concrétisation de la liberté de circulation des jugements et en sont une garantie. Comme il a été souligné, « la reconnaissance de la chose en cours de jugement à l’étranger est indissociable de la reconnaissance de la chose jugée à l’étranger »729. Dans l’optique de la libre circulation des décisions cette affirmation est incontestable. Cependant en confrontation avec l’impérativité et la fonction renouvelée des règles de compétence juridictionnelle du droit de la procédure civile de l’Union européenne, la litispendance prend une dimension nouvelle apte à confirmer l’existence d’un espace européen intégré.

      

724

Art. 27 règlement Bruxelles I ; Art. 19 règlement Bruxelles II bis ; Art. 12 règlement Aliments ; Art. 17 règlement successions ; Art. 29 règlement Bruxelles I bis.

725 Cette proposition est avancée suite au constat qu’une juridiction qui sursoit à statuer, donc saisie en seconde, peut statuer

sur la demande si elle n’arrive pas, dans un délai raisonnable, à obtenir d’information concernant la juridiction premièrement saisie (CJUE, 9 nov. 2010, Bianca Purrucker c/ Guillermo Vallés Pérez, préc.).

726

Cf. supra n°48 et s.

727 V. M

OISSINAC-MASSENAT, Les conflits de procédures et de décisions en droit international privé, op. cit., p.87; M.-L. NIBOYET-HOEGY, « Les conflits de procédures », art. préc., p.71.

728

M. DOUCHY-OUDOT, « Le traitement de la litispendance », in Le nouveau droit communautaire du divorce et de la

responsabilité parentale, op. cit., p.209, n°1. 729

 

 

2. Les conséquences de la litispendance sur un espace procédural européen

163. En droit de la procédure civile de l’Union européenne, les conflits de procédures et

de décisions ne peuvent faire l’objet d’un raisonnement séparé. L’argument peut se retrouver en droit international privé. Mais, dans un espace intégré, il ne s’agit plus d’appréhender la litispendance comme un conflit entre ordres juridiques730. Des conflits de normes, où la litispendance s’apparente à des exceptions de procédures, apparaissent. Par ce prisme, la résolution de la litispendance marque l’intégration réalisée par le droit de la procédure civile de l’Union européenne. La litispendance européenne apparaît comme un conflit de répartition de compétence dans un espace procédural intégré (a), confirmé par l’édiction d’une litispendance européenne internationale (b).

a. La portée du principe prior tempore, potior jure

164. En raison de l’intégration réalisée, chaque État membre doit recueillir les effets

résultant de la jurisdictio et de l’imperium européen. Dès lors, « la prise en considération de l’activité juridictionnelle » d’un autre État membre, en amont plutôt qu’en aval, se justifie parfaitement731. Les conflits de décisions devraient rester exceptionnels, si le mécanisme de litispendance fonctionne732. Des règles préétablies ont été préférées aux méthodes curatives. Les risques d’inconciliabilité des décisions sont atténués. L’efficacité du système est renforcée. La future décision en cause n’est pas susceptible de ne pas être reconnue. Par la même, l’harmonie des solutions est sauvegardée. Ainsi avancé, dans un espace où la libre circulation des décisions est affirmée par la consécration d’une jurisdictio européenne, le règlement de la litispendance européenne permet de renforcer l’idée d’une activité juridictionnelle européanisée. La litispendance ne met pas aux prises deux ordres juridiques car la confrontation provient de normes qui résultent d’une source identique et d’un ordre unique : l’ordre juridique de l’Union européenne. La litispendance s’inscrit alors dans la volonté de former un système procédural intégré efficace et cohérent, où la prévisibilité juridique doit être assurée.

165. Le règlement de la litispendance permet d’avancer un critère juridictionnel

européen. La litispendance ne s’apparente plus à un conflit entre ordres juridiques nationaux, mais à un conflit interne de répartition des compétences dont le référentiel est l’espace judiciaire européen, pris comme l’ensemble des territoires des États membres. L’Union européenne s’engage dans un processus d’intégration des règles de procédures.

      

730 V. M

OISSINAC-MASSENAT, Les conflits de procédures et de décisions en droit international privé, op. cit., p.87 et s.

731 Sur cette affirmation, voir a contrario l’interrogation légitime du Professeur M.-L. N

IBOYET-HOEGY, dans la mesure où le raisonnement est mené par rapport aux ordres juridiques nationaux, « Les conflits de procédures », art. préc., p.75.

732

Il convient de préciser qu’une violation des règles de litispendance n’empêche pas la mise en œuvre des règles de conflits de décisions.

 

 

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