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LA CONFIRMATION DE LA JURISDICTIO PAR LE POUVOIR DE JURIDICTION

59. Les règles de compétence assurent la mise en œuvre du pouvoir de juridiction, en

octroyant au juge la faculté de trancher un litige383. Dès lors, afin de consacrer une jurisdictio européenne, il convient d’appréhender les règles de compétence juridictionnelle, non pas comme des chefs de compétence, mais à travers leur fonction dans l’Union européenne. Ne devant plus être assimilées à la résolution d’un "conflit de juridictions", elles doivent se détacher d’une de leur fonction de droit international privé. Les règles de compétence doivent servir la mise en œuvre d’un pouvoir juridictionnel de l’ordre juridique de l’Union européenne. Si cet aspect organique de la jurisdictio peut être démontré au plan européen (A), il permettra d’envisager l’extension de la faculté de juger à travers l’aspect matériel de la jurisdictio par les procédures civiles européennes, consacrant ainsi une entière jurisdictio européenne (B).

A. L’aspect organique de la jurisdictio européenne

60. Indispensable au droit de la procédure civile, l’insertion de la théorie juridictionnelle

doit justifier le pouvoir européen du juge de dire le droit. Afin de consacrer une jurisdictio de l’Union européenne, les règles de compétence juridictionnelle doivent se détacher de la compétence internationale. Une modification de leur fonction juridictionnelle, à la faveur d’une compétence et d’un pouvoir européens, doit être prouvée (1). Afin d’affirmer le pouvoir de juridiction de l’Union européenne, le critère d’impérativité dans la mise en œuvre du pouvoir juridictionnel sera avancé (2).

      

382 Par ces critères, un ordre juridictionnel européen pourrait tendre à émerger. Un tel système devrait alors garantir un accès

à la Cour de justice de l’Union européenne.

383

G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE et M.-L. NIBOYET, Droit international privé, op. cit., p.439, n°531. Sur le pouvoir juridictionnel qui ne peut être assimilé aux règles de compétence internationale, PH. THÉRY, Pouvoir juridictionnel et

 

 

1. La modification de la fonction juridictionnelle

61. La théorie juridictionnelle comprend l’idée de répartition, à l’intérieur de laquelle il

convient de distinguer la compétence d’attribution et la compétence territoriale. Ces compétences doivent être différenciées de la compétence internationale384. Cette dernière désigne la vocation d’un État à faire intervenir ses juridictions, à l’exclusion de celles d’un État tiers, pour trancher un litige. Puis, il revient à cet État de désigner la juridiction matérielle et territoriale, par le jeu des règles de compétence interne. La fonction d’une règle de compétence interne est de désigner un tribunal déterminé dans un ordre de juridiction et celle d’une règle de compétence internationale d’indiquer la compétence de l’ordre juridique de son État ou à défaut son incompétence pour connaître du litige385. La compétence internationale désigne donc un ordre juridique national, dont les tribunaux sont aptes à connaître d’un litige. L’édiction de ces règles, à l’instar des prérogatives étatiques concernant les juridictions, est alors emprunte de souveraineté. Certes, ces règles ne heurtent pas « le principe de souveraineté », car elles ne s’appliquent que dans l’ordre juridique de l’État du for386. Ces règles sont unilatérales, l’État étant le seul apte à désigner ses juridictions comme compétentes387. Mais, si les chefs de compétence doivent concilier différents intérêts détachés du pouvoir juridictionnel, il n’en reste pas moins qu’en raison du lien entretenu entre la compétence internationale et le pouvoir de juridiction, une part de souveraineté persiste388. Ces règles assurent la mise en œuvre du pouvoir de juridiction, qui détermine la faculté octroyée au juge de trancher un litige. Il s’agit donc de règles matérielles qui déterminent une compétence et non qui désignent une loi applicable pour désigner la dite compétence389. Elles assurent une « fonction procédurale » permettant l’exercice du pouvoir de juridiction par les tribunaux de l’État déterminé et une « fonction substantielle » permettant l’exercice « d’un contrôle normatif sur la résolution du litige »390.

      

384

La théorie de la juridiction recouvre, en droit interne, l’organisation de la justice par les règles de compétence d’attribution et de compétence territoriale. Ces dernières, lorsque la situation a un caractère international, sont alors précédées par l’examen de la compétence internationale, dont la nature est discutée (Sur cette problématique, v. V. HEUZÉ et P. MAYER,

Droit international privé, op. cit., p.208, n°286-1). Ainsi, lors de l’adoption du nouveau code de procédure civile français, le

régime de la compétence international a été rattaché à une compétence d’attribution (A. HUET, « Le nouveau code de procédure civile et la compétence internationale des tribunaux français », JDI 1976, p.342), mais cette assimilation a été également réfutée (H. GAUDEMET-TALLON, « La compétence internationale à l’épreuve du nouveau code de procédure civile », Rev. crit. DIP 1977, p.1). Comme le relève le Professeur H. GAUDEMET-TALLON, lors même de cette discussion, « à cette compétence internationale, ne convient ni le qualificatif de compétence territoriale, ni celui de compétence d’attribution. C’est une compétence […] sui generis qui a ses caractères et exigences propres » ((H. GAUDEMET-TALLON, « La compétence internationale à l’épreuve du nouveau code de procédure civile », art. préc., p.45). Par l’idée de répartition dans un espace donné, les règles de compétence internationale se rapprochent, toutefois, de la compétence territoriale.

385

S.GUINCHARD,F.FERRAND etC.CHAINAIS, Procédure civile. Droit interne et droit de l’Union européenne, op. cit., p.985, n°1472. D. BUREAU et H. MUIR WATT, Droit international privé, tome I, op. cit., p.128.

386

L.USUNIER, La régulation de la compétence juridictionnelle en droit international privé, op. cit., p.57, n°45.

387

P. MAYER, « Droit international privé et droit international public sous l’angle de la notion de compétence », RCADI 1979, p.1.

388 Ainsi, le rattachement à un ordre juridictionnel permet d’appréhender « l’ordre juridique tout entier ». Une corrélation existe

entre la compétence et le pouvoir juridictionnel, mais les deux doivent être distingués ; PH.THÉRY, Pouvoir juridictionnel et

compétence (étude de droit international privé), op. cit., p.442, n°461. 389

H. GAUDEMET-TALLON, V° Compétence internationale, Rep. pr. civ. Dalloz, août 2007, mise à jour janv. 2013, n°11, .

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