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juge de l’État membre a une « marge d’appréciation »743 Par l’européanisation du

mécanisme de litispendance internationale, l’intégration s’amplifie. L’espace européen intégré se renforce par une dissociation marquée de l’espace externe. Le droit de la procédure civile de l’Union européenne en poursuivant son intégration, forme un régime parallèle de droit international privé de l’Union européenne. Renforçant le caractère procédural européen, un pouvoir d’appréciation, en cas de litispendance européenne internationale, est accordé au juge de l’Union européenne744. Finalement, une frontière externe de l’espace européen intégré se forme et avec elle un régime procédural spécifique. Ainsi, dans l’Union européenne, en cas de litispendance, la confrontation n’est plus celle des ordres juridiques des États membres. Au niveau international, par la révision du règlement Bruxelles I, la confrontation des ordres juridiques réapparait, mais entre l’ordre juridique de l’Union européenne et un ordre juridique extérieur. Cette dissociation de l’appréhension de la litispendance par rapport aux ordre juridiques en cause justifie le régime, qui lui est tour à tour associé. Le traitement de la litispendance, par l’Union européenne, confirme et renforce l’existence d’un espace européen intégré. Le conflit de décisions se positionne dans une même optique d’intégration. Mais aucun régime parallèle, applicable à l’extérieur, ne peut être distingué.

B. Les conflits de décisions dans un espace procédural européen intégré

168. La libre circulation européenne des décisions est un objectif affiché de l’Union

européenne. Le régime de la compétence juridictionnelle participe à en garantir l’effectivité, notamment par le règlement des conflits de procédures stricto sensus. Si cette prévention est assurée, les conflits de décisions ne devraient plus se rencontrer. Néanmoins, le risque d’inconciliabilité de décisions ne peut, totalement, être écarté. La gestion des conflits de décisions par l’Union européenne s’impose alors comme le corollaire indispensable d’un espace procédural européen intégré (1). Mais, contrairement à l’exception de litispendance diverses solutions sont posées obligeant, non pas à un repositionnement du dit espace, mais à une clarification temporelle de l’intégration procédurale (2).

      

étrangère si l’instance est encore pendante devant la juridiction de l’État membre, à défaut de la décision de cet État membre.

743

M. FALLON, « Le domaine spatial d’un code européen de droit international privé. Émergence et modalités de règles de caractère universel », in Quelle architecture pour un code européen de droit international privé ?, op. cit., p.175.

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Pour le Professeur C.KESSEDJIAN, cette disposition tire son « origine de la théorie du forum non conveniens, plus que de la pratique civiliste » (« Commentaire de la refonte du règlement n°44/2001 », art. préc., p.120). En raison du pouvoir d’appréciation laissé au juge, l’argument se justifie. Le Professeur H. GAUDEMET-TALLON (« La refonte du règlement Bruxelles I », in La justice civile européenne en marche, op. cit., p.25) considére que la solution se rapproche de la solution française donnée par l’arrêt Soc. Miniera di Fragne (Civ. 1re, 26 nov. 1974 ; JDI 1975, p.108, note A. PONSARD ; Rev. crit. DIP 1975, p.491, note D. HOLLEAUX). Le juge est, en effet, amené à se prononcer en fonction de la future régularité qu’obtiendra la décision. Toutefois, en cas d’un accueil positif, il n’apparaît pas que le juge français puisse, nécessairement, exercer un pouvoir d’appréciation pour refuser son dessaisissement (dans ce sens : Civ. 1re, 17 juin 1997 ; Rev. crit. DIP 1998, p.452, note B. ANCEL). Or, en raison des éléments donnés par la proposition du règlement Bruxelles I bis, la solution tend à nouveau de se rapprocher du mécanisme civiliste.

 

 

1. La gestion des conflits de décisions dans un espace procédural européen intégré

169. En vertu de la reconnaissance de plano des décisions dans l’espace judiciaire

européen, ces dernières sont reconnues sans aucune procédure. Par la suppression de l’exequatur, la libre circulation des décisions est consacrée. Cependant, une mesure constante et radicale existe dans tous les règlements face à l’exécution de la décision. Cette mesure consiste en un refus d’exécution de la décision, par la juridiction compétente dans l’État d’exécution, en cas de conflit de décisions745. Ne devant nullement servir à un réexamen de la demande, l’objectif est d’éviter l’exécution de deux décisions contradictoires dans l’espace judiciaire européen. Ce contrôle s’effectue au stade de l’exécution. Toutefois, il ne doit pas être assimilé à un exequatur. Ce dernier vérifie l’essence de la décision. Par la gestion des conflits de décisions, un mécanisme de contrôle du rapport de force créé par les décisions, mais non un contrôle de la décision elle-même, est institué746.

Étant donné que les exceptions de litispendance et de connexité ont été envisagées comme des obstacles à la libre circulation des décisions, les cas d’inconciliabilité des décisions devraient être limités747. Effectivement, les conflits de décisions sont, par cette approche, appréhendés et évités a priori. En tout état de cause, le risque de confrontation de décisions contradictoires existe. Ce motif spécifique de refus de reconnaissance et d’exécution de la décision est donc légitime. L’appréhension de l’inconciliabilité des décisions parachève la libre circulation des décisions par un mécanisme de contrôle, tout en assurant la cohérence dans l’espace judiciaire européen. En effet, un « ordre juridique […] serait troublé si on pouvait s’y prévaloir de deux jugements contradictoires »748. Ainsi, en raison de l’intégration réalisée par les règlements supprimant l’exequatur, il doit être possible d’envisager la gestion des conflits de décisions non pas par rapport à l’ordre juridique d’un État membre, mais vis-à-vis de l’ordre juridique de l’Union européenne.

170. Ayant pour objet d’éviter les antinomies sources d’affectation d’un ordre juridique,

l’incohérence qualifiant les conflits de décisions peut se présenter sous diverses formes. Mais, ce type de conflit est caractérisé par l’inconciliabilité des décisions, c’est-à-dire

      

745 Art. 34-3 et 34-4 règlement Bruxelles I ; art. 22 c), 22d), 23 e) et 23 f) règlement Bruxelles II bis ; art. 21-2, 24 c) et 24 d)

règlement Aliments ; art.40 c) et 40 d) règlement Successions ; art. 45-1 c) et art. 45-1 d) règlement Bruxelles I bis ; Art. 21-1 règlement instituant un titre exécutoire européen ; art. 22-1 règlement instituant une procédure européenne d’injonction de payer ; art. 22-1 règlement instituant un règlement européen des petits litiges.

746 C’est pourquoi, même si les règlements font référence à l’inconciliabilité comme motif de non reconnaissance d’une

décision, au même titre par exemple que l’ordre public, pour les cas où l’exequatur persiste et lorsque l’exequatur est supprimé mais selon un modèle décentralisé, ou comme motif de refus de l’exécution par l’État membre d’exécution dans les cas où l’exequatur est supprimé selon un modèle centralisé, les conflits de décision ont volontairement été écartés des mécanismes de contrôle de la décision en ce qu’ils s’assimilent à des obstacles à l’exécution de la décision, mais non à une remise en cause d’une décision. Sur le contrôle de la décision, cf. infra n°266.

747

Cf. supra n°162.

748

P. JENARD, Rapport sur la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et de l’exécution des décisions en matière civil et commerciale, rapport préc., p.45.

 

 

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