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requis de tout contrôle est possible pour l’ensemble du droit de la procédure civile de

l’Union européenne, puisque les institutions peuvent adopter des « mesures visant à assurer […] la reconnaissance mutuelle entre les États membres des décisions judiciaires et extrajudiciaires, et leur exécution »624. Envisagée par rapport aux compétences de l’Union européenne, l’abrogation générale de l’exequatur est possible. Pour autant, l’Union européenne doit-elle aller ou va t-elle « vers une suppression totale de l’exequatur au sein de l’Union européenne » 625? Entre le prononcé de la décision dans un État et son exécution dans un autre État, aucune formalité ne devrait être nécessaire dans un espace judiciaire européen qui promeut la libre circulation des décisions dans l’Union européenne par l’effacement de l’effet frontière. Il n’en reste pas moins que la disparition de l’exequatur prend différentes formes, à la portée et aux conséquences variables.

Un premier modèle consiste à offrir une suppression de l’exequatur, sans pour autant abolir tout contrôle devant la juridiction de l’État requis. Il ne s’agit, toutefois, pas de maintenir un mécanisme de contrôle, à l’instar du règlement Bruxelles I qui offre un allégement de l’exequatur et non une suppression. L’objet est de « bloquer préventivement l’exécution forcée [par] une action principale en non-reconnaissance [ou par] une action incidente en non-reconnaissance »626. Le règlement Bruxelles I bis s’est engagé dans cette voie, puisque si l’exequatur est supprimé, la reconnaissance y est certes de plano mais non incontestable, à l’instar de l’exécution de la décision. Ainsi, si la procédure d’exequatur disparaît, sa « fonction substantielle […] n’est pas remise en cause »627.

Solution radicale et alternative à ce premier modèle d’une « justice décentralisée et substantielle », la suppression de l’exequatur s’assimile à un unique contrôle centralisé devant la juridiction saisie, engendrant donc la disparition de tout contrôle des juridictions de l’État d’exécution628. Ce modèle issu du règlement instituant un titre exécutoire européen offre une exécution « centralisée : il y a un pays d’origine unique pour l’entier contentieux ; [et] formelle : des documents imposent la propagation du jugement ainsi obtenu dans l’espace judiciaire européen, sans frein ni blocage »629. Repris par les procédures civiles européennes, le règlement Aliments l’a consacré pour les États membres liés par le protocole de La Haye de 2007.

      

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Art. 81-2 a) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; dans le même sens, L. D’AVOUT, « Faut-il supprimer l’exequatur dans le contentieux transfrontière en Europe ? Questionnement à propos des projets de révisions du Règlement Bruxelles I », Dr. et proc. nov. 2010, p.68, spéc. n°1.

625

L. d’AVOUT, « Faut-il supprimer l’exequatur dans le contentieux transfrontière en Europe ? Questionnement à propos des projets de révisions du Règlement Bruxelles I », art. préc., p.68, n°1.

626

L. d’AVOUT, « Faut-il supprimer l’exequatur dans le contentieux transfrontière en Europe ? Questionnement à propos des projets de révisions du Règlement Bruxelles I », art. préc., n°13.

627 M. M

ULLER et G. CUNIBERTI, « Une étude empirique sur la pratique de l'exequatur dans la Grande Région », JDI 2013, p.1.

628

L. D’AVOUT, « Faut-il supprimer l’exequatur dans le contentieux transfrontière en Europe ? Questionnement à propos des projets de révisions du Règlement Bruxelles I », art. préc. n°13.

629

 

 

125. La suppression de l’exequatur tend à se généraliser dans le cadre du droit de la

procédure civile de l’Union européenne. L’adoption du règlement Bruxelles I bis l’accrédite et les actuelles propositions de règlement le prouvent630. Néanmoins, la forme de cette abrogation est variée et chacun des modèles proposés présente des avantages et des inconvénients. La confiance mutuelle réapparait alors, mais en tant que critère d’appréciation et de départage du modèle de suppression de l’exequatur631. En effet, la confiance mutuelle ne peut être décrétée, au risque sinon d’être une chimère du droit de la procédure civile de l’Union européenne. Or, il apparaît que le modèle centralisé et formel de l’exécution s’impose suite à une procédure européenne. Cette dernière matérialise la confiance mutuelle. Un raisonnement similaire doit être tenu lorsque le droit du fond est harmonisé par les conflits de lois et que les divergences matérielles des législations sont surmontables632. La réapparition des conflits de lois dans le cadre de l’exécution, qui est pourtant une condition depuis longtemps rejetée, justifie alors la suppression drastique de l’exequatur. La « suppression de l’exequatur suppose la confiance » mutuelle633. Les règles de conflit de lois ne sont pas un élément de contrôle de la décision, elles sont des normes participant à la confiance mutuelle nécessaire à la centralisation du contrôle devant la juridiction d’origine. Pour le recouvrement des créances, l’argumentation est plus compliquée, notamment pour le règlement instituant un titre exécutoire européen. L’aspect non contentieux du litige semble prédominer afin d’imposer la concentration du litige devant la juridiction de l’État membre d’origine. À l’inverse, dans les domaines où la confiance mutuelle ne peut être que « formelle », le modèle de décentralisation de l’exécution devrait encore prédominer dans le droit de la procédure civile de l’Union européenne634. Ce modèle ne doit nullement être compris comme une suppression fiction de l’exequatur, mais bien comme son abrogation et une consécration de la libre circulation

      

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Chapitre IV proposition de règlement en matière de régimes matrimoniaux et Chapitre IV proposition de règlement en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.

631 Les débats, qui ont animé la refonte du règlement Bruxelles I, ont démontré que le seul argument économique ne pouvait

fonder la suppression de l’exequatur. La Commission, reprenant un argument déjà présent dans le livre vert de la dite refonte (Livre vert, 21 avr. 2009 sur la révision du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, p. 2), a avancé que l’exequatur « demeure un obstacle à la libre circulation des décisions judiciaires, qui entraîne des coûts inutiles et des retards pour les parties intéressées » (Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, COM(2010) 748 final, préc., p.3). L’argument économique est justifiable et avèré (Pour une analyse de la suppression de l’exequatur mise en parallèle à son coût, M. MULLER et G. CUNIBERTI, « Une étude empirique sur la pratique de l'exequatur dans la Grande Région », art. préc., p.1). Cependant, la suppression de l’exequatur doit être accompagnée de garanties juridiques qui, à notre sens, soit sont aptes à renforcer la confiance mutuelle, soit offrent des garanties quant à la vérification de la décision, notamment par rapport aux droits fondamentaux. Elle ne peut se décréter uniquement par la volonté de diminuer les coûts procéduraux. Le même constat peut être fait pour le règlement Successions. Ainsi, « en 2009, on estimait que 12,3 millions de citoyens européens vivaient et étaient susceptibles de décéder dans un État membre différent de leur État d'origine, et qu'en outre, environ 450 000 successions internationales étaient enregistrées chaque année, pour un montant estimé à 123 milliards d'euros » (N. FRICERO, « Une nouvelle réglementation des successions transfrontières dans l'Union européenne », Procédures oct. 2012, comm. 283). L’économie ne sert pas de base à l’intervention, mais en donne une des justifications.

632

Ainsi, le droit des successions apparaît comme trop divergeant pour bénéficier d’une suppression de l’exequatur, cf. infra n°273.

633 C. N

OURISSAT, « Le règlement (CE) n°4/2009 du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligation alimentaire », art. préc., p.39, n°22.

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L. D’AVOUT, « Faut-il supprimer l’exequatur dans le contentieux transfrontière en Europe ? Questionnement à propos des projets de révisions du Règlement Bruxelles I », art. préc., n°12.

 

 

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