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LA RECONNAISSANCE MUTUELLE, UN PRINCIPE PRÉCURSEUR AU POUVOIR DE COMMANDEMENT

83. En droit international privé, afin de pouvoir être exécutée sur le territoire d’un autre

État membre, la décision de l’État d’origine doit être au préalable reconnue. En droit européen, cette idée de reconnaissance renvoie au principe de reconnaissance mutuelle, concept politique d’intégration européenne. Appliqué à la coopération en matière civile, ce principe européen a servi l’objectif de libre circulation des décisions dans l’Union européenne. En consacrant un principe de reconnaissance mutuelle des décisions, certains effets attachés à la décision judiciaire sont affirmés par l’Union européenne. Ainsi, par l’objectif de reconnaissance mutuelle des décisions (A), la libre circulation des décisions dans l’Union européenne a été facilitée et des rapports d’autorité européens ont été consacrés en raison de l’objet de la reconnaissance mutuelle des décisions (B).

A. L’objectif de reconnaissance mutuelle des décisions

      

468

Sur l’exécution et le caractère polysémique de l’exécution et donc la difficulté de saisir et définir cette notion, G. PAYAN,

Droit européen de l’exécution en matière civile et commerciale, op. cit. 469 D. F

OUSSARD, « Entre exequatur et exécution forcée (de quelques difficultés théoriques et pratiques relatives à l'exécution des jugements étrangers)», Trav. Com. fr. DIP 1995-1998, p.175.

470

J.-S. BERGÉ,« La reconnaissance mutuelle en matière civile et commerciale : questionnements de droit international privé européen », sept. 2009, p.2, disponible sur : www.cejec.eu.

 

 

84. Appliqué au droit de la procédure civile de l’Union européenne, le principe de

reconnaissance mutuelle fut qualifié de « pierre angulaire » suite au Conseil européen de Tampere471. Fondée sur ce principe, la création de l’espace judiciaire européen lui a fait bénéficier d’une portée maximum. Puis, suivant le programme de Stockholm qui a engagé l’Union à « poursuivre la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle », le Traité de Lisbonne l’a consacré472. Mais, si une reconnaissance mutuelle des décisions a été affirmée comme un principe de l’Union européenne (1), l’intégration progressive du droit de la procédure civile de l’Union européenne permet de voir émerger une reconnaissance inconditionnelle des décisions offrant une perspective renouvelée dans la recherche de l’existence d’un ordre procédural (2).

1. Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions

85. La libre circulation des marchandises est à l’origine de la genèse du principe de

reconnaissance mutuelle, par l’arrêt dit Cassis de Dijon473. Bien que sanctionnant les entraves qui résultent de la coexistence des ordres juridiques des États membres, le principe de reconnaissance mutuelle permet de respecter les « diversités » et « traditions nationales »474. Principe « novateur, et […] révolutionnaire », la reconnaissance mutuelle a bénéficié aux politiques de l’Union européenne475. Appliqué aux libres circulations des personnes, des services et d’établissement, ce principe a été consacré dans l’espace judiciaire européen476. Envisagé par le prisme du droit de la procédure civile de l’Union européenne, le principe de reconnaissance mutuelle s’apparente immédiatement à la libre

      

471

Conseil européen de Tampre 15 et 16 oct. 1999, Conclusions de la présidence, préc., n°33.

472

Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, « Un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens », COM (2009) 262 final, 10 juin 2009, disponible sur : www.europa.eu ; art. 81-2 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

473

CJCE, 20 fév. 1979, Rewe-Zentral AG c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein, aff. 120/78, Rec. p.649. J.-C. MASCLET, « Les articles 30, 36 et 100 du traité CEE à la lumière de l'arrêt "Cassis de Dijon" », RTD eur. 1980 p.611.

474 A. M

ATTERA, « L’article 30 du traité CEE, la jurisprudence "Cassis de Dijon" et le principe de reconnaissance mutuelle ; Instruments au service d’une Communauté plus respectueuse des diversités nationales », RMUE 1992, 4, p.13 ; A. MATTERA, « Le principe de reconnaissance mutuelle et le respect des identités et des traditions nationales, régionales et locales », in

Mélanges en hommage à Jean-Victor LOUIS, vol. I, Éd. de l'Université de Bruxelles, Institut d’études européenne, Bruxelles,

2003, p. 287.

475 A. M

ATTERA, « L’article 30 du traité CEE, la jurisprudence "Cassis de Dijon" et le principe de reconnaissance mutuelle ; Instruments au service d’une Communauté plus respectueuse des diversités nationales », art. préc., p.13.

476

Pour une étude du principe de reconnaissance mutuelle appliqué au droit de la procédure civile de l’Union européenne, J.- S. BERGÉ, « La reconnaissance mutuelle en matière civile et commerciale : questionnements de droit international privé européen », art. préc. Ce principe n’est, toutefois, pas limité à la matière civile. Même une communication de la Commission concernant la reconnaissance mutuelle en matière pénale en offre une définition pouvant être reprise en matière civile. « La reconnaissance mutuelle est un principe largement reconnu comme reposant sur l’idée que, même si un autre État ne peut pas traiter une affaire donnée de façon identique voire analogue à son propre État, les résultats sont tels qu’ils sont considérés comme équivalant aux décisions de ce dernier. La confiance mutuelle est déterminante, en ce qui concerne non seulement le caractère approprié des règles des partenaires, mais aussi l’application correcte de ces règles. Sur la base de cette notion d’équivalence et de la confiance sur laquelle elle repose, les résultats obtenus par l’autre État peuvent prendre effet dans la sphère d’influence juridique de l’État concerné » (Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, Reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale, COM(2000) 495 final, 26 juill. 2000, disponible sur : www.europa.eu). En revanche, la distinction entre la reconnaissance et l’exécution n’a pas la même portée en matière pénale qu’en matière civile. Dans la première, « l’exécution est la suite probable et souvent immédiate de la reconnaissance, alors qu’en matière civile […] l’exécution constitue une véritable étape supplémentaire par rapport à la reconnaissance », F. JAULT-SESEKE et J.LELIEUR, « Les différences d’approche de l’espace judiciaire européen sur les plans civil et pénal », in

L’espace judiciaire européen civil et pénal. Regards croisés, F. JAULT-SESEKE,J.LELIEUR etC.PIGACHE (dir.), Dalloz, Thèmes et commentaires, p.3, spéc. p.10.

 

 

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