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4.5 Chondrites non carbon´ees

4.5.3 Sahara 97096 (EH3)

Les chondrites `a enstatite sont les m´et´eorites primitives les plus r´eduites connues. Tr`es peu de fer s’y trouve `a l’´etat oxyd´e (voir section 2.2.5), qu’il s’agisse du groupe EH ou du groupe EL, le premier ´etant plus riche en m´etal que le second, et beaucoup d’´el´ements canoniquement lithophiles sont combin´es au soufre pour former de la troilite, de l’oldha-mite, de la nining´erite et autres sulfures. Les silicates sont domin´es par du pyrox`ene tr`es magn´esien (enstatite), avec, en quantit´es accessoires dans les chondrites E3, du pyrox`ene plus ferreux (dit “pyrox`ene noir” `a cause de sa couleur par cathodoluminescence6 (Weis-berg et collab., 1994), avec jusqu’`a 18 wt% de FeO) et de l’olivine forst´eritique, qui ne sont pas exempts d’effet de r´eduction.

L’origine des chondrites `a enstatite demeure myst´erieuse, surtout vis-`a-vis des autres classes de chondrites, et d’autant plus intrigante que sur la base notamment de la proxi-mit´e entre leur composition isotopique, notamment pour l’oxyg`ene, et celle de la Terre, Javoy (1995) et Javoy et collab. (2010) ont propos´e que les chondrites `a enstatite du groupe EH ont ´et´e les mat´eriaux de base dominants dans l’accr´etion de notre plan`ete (malgr´e les diff´erences chimiques apparentes). Si Prior (1920) avait consid´er´e les chon-drites `a enstatite comme les m´et´eorites les plus primitives dont les autres d´eriveraient par oxydation, il apparaˆıt aujourd’hui que leurs conditions de formation ´etaient bien plus r´eductrices qu’attendu dans une “n´ebuleuse canonique” (Grossman et collab., 2008). La pr´esence r´esiduelle de pyrox`ene noir et d’olivine, parfois plus riche en oxyg`ene-16 que la roche totale (Weisberg et collab., 2011), atteste de l’existence de composants ayant connu des conditions moins r´eductrices, mais ces composants ne sont pas n´ecessairement ´etrangers au “r´eservoir” des chondrites `a enstatite, le pyrox`ene noir ´etant g´en´eralement isotopiquement indistingable de l’enstatite (Kimura et collab., 2003).

C’est pour progresser sur ces questions que nous avons entrepris de mesurer la concen-tration en ´el´ements en trace dans 11 chondres et pyrox`enes noirs isol´es de la chondrite EH3 Sahara 97096 qui figure parmi les chondrites enstatite les moins ´equilibr´ees classifi´ees `a ce jour. Nous nous sommes focalis´es sur les chondres recelant des ph´enocristaux d’oli-vine pour pouvoir les comparer aux donn´ees obtenues sur les autres classes de m´et´eorites, d’autant qu’`a notre connaissance les ´el´ements en trace n’ont jamais ´et´e d´etermin´es sur l’olivine dans les chondrites `a enstatite. Il existe cependant des travaux sur la composition en ´el´ements en trace du pyrox`ene (Weisberg et collab., 1994; Hsu et Crozaz, 1998; Gan-noun et collab., 2011), sans mentionner la litt´erature plus abondante sur les sulfures et

6Luminescence cons´ecutive au bombardement d’un min´eral par un faisceau ´electronique, promouvant des ´electrons de la bande de valence vers la bande de conduction avant recombinaison et ´emission d’un photon.

Fig. 4.17 – Carte composite en lumi`ere r´efl´echie de la section Sp1 de la chondrite `a enstatite EH3 Sahara 97096. Comme toutes les chondrites de type EH, Sahara 97096 est riche en kamacite (blanc) et en sulfures, comme la troilite (gris), l’oldhamite (teinte similaire aux silicates) ou la nining´erite. La matrice est encore moins abondante que dans les chondrites ordinaires. Les chondres sont min´eralogiquement domin´es par l’enstatite.

Fig.4.18 – Micrographie en ´electrons r´etrodiffus´es de quelques chondres de Sahara 97096. (En haut `a gauche) Chondre (S15) barr´e `a pyrox`ene (enstatite). Comme la plupart des chondres d´epourvus d’olivine, la m´esostase n’occupe qu’une faible fraction (ici 12 %). La ligne noire en bas `a gauche est une fracture dans la section. (En haut `a droite) Chondre (S14) porphyrique avec cristaux d’olivine (sombre) inclus dans une m´esostase form´es de microlites de pyrox`ene (qui peut aussi former une surcroissance sur l’olivine) et de verre, en compagnie de quelques ph´enocristaux (de taille comparable aux cristaux d’olivine) d’enstatite (gris moins sombre). (En bas `a gauche) Chondre (S17) marqu´e par un grand grain d’olivine de 300 µm de diam`etre `a sa droite (sombre), avec quelques chaˆınes de sulfure microm´etrique, plong´e dans une m´esostase de pyrox`ene (gris), de verre et de silice (noire). (En bas `a droite) Chondre (S31) de pyrox`ene ferrif`ere (Fs∼14; gris clair ; quelques lamelles de faibles contraste visibles) avec inclusions vermiformes de silice (sombre).

notamment l’oldhamite qui sont en d´efinitive les principales phases porteuses des terres rares (voir Gannoun et collab. (2011) et r´ef´erences dans Brearley et Jones 1998), aux-quels il sera utile de comparer nos donn´ees. S’agissant d’un travail en cours, nous nous contenterons l`a encore de pr´esenter les r´esultats pour les terres rares.

La m´esostase analys´ee (cf Fig. 4.19) pr´esente des spectres de base plats, g´en´eralement `a un ordre de grandeur au-dessus des valeurs chondritiques, bien que la m´esostase du chondre S15, de type BP, soit essentiellement chondritique. Ce spectre de base est ponctu´e par des anomalies n´egatives en Eu (Eu/Eu = 0,02-0,5) et en Yb (Yb/Yb = 0,09-0,5), qui refl`etent peut-ˆetre la co-cristallisation d’oldhamite qui pr´esente souvent les anomalies compl´ementaires (pour les types B, C-D, voir Gannoun et collab. 2011). L’analyse du m´elange microlitique (c’est-`a-dire incluant m´esostase et cristaux de pyrox`ene) entourant l’olivine relique dans le chondre S17 donne un spectre plat `a 3×CI, avec une anomalie n´egative en Eu.

Les spectres de terres rares des olivine (cf Fig. 4.19) sont assez similaires `a ceux rencontr´es pour Bishunpur, avec LaN = 0,006-0,01 et LuN = 0,07-0,3. Si des anomalies n´egatives en Eu sont visibles (Eu/Eu = 0,1-0,3), il n’en est pas en Yb, sugg´erant que l’olivine n’est pas ´equilibr´ee avec la m´esostase. Il faut excepter l’olivine du chondre S14 dont le spectre est tout `a fait inhabituel, avec LuN=0,2, plat pour les terres rares lourdes et croissant pour les terres rares l´eg`eres jusqu’`a LaN = 0,4.

Concernant le pyrox`ene, il convient de distinguer l’enstatite et le pyrox`ene noir (cf Fig. 4.20). Les spectres d’enstatite sont relativement similaires `a ceux rencontr´es dans Bishunpur, avec LaN = 0,02-0,04 et LuN = 0,2-0,3, des anomalies n´egatives en Eu ´etant visibles (Eu/Eu = 0,3-0,8). Les spectres de pyrox`ene noir sont soit plats (avec LaN = 0,6-2), avec une anomalie n´egative en Eu (S31, S38) ou non (S33), ou croissant vers les terres rares l´eg`eres (S40, S25) avec une anomalie positive en Ce (et une l´eg`ere anomalie n´egative en Eu pour S25). Il est piquant que tout ceci soit `a peu pr`es l’exact oppos´e des r´esultats de Weisberg et collab. (1994) qui, il est vrai, ne rapportaient que deux analyses d’enstatite (frangeant le pyrox`ene noir) ; les 5 analyses de pyrox`ene de Gannoun et collab. (2011) donnant des spectres non fractionn´es. Dans leur ´etude d´etaill´ee sur la min´eralogie et la chimie des pyrox`enes des chondrites `a enstatite in´equilibr´ees, Hsu et Crozaz (1998) avait distingu´e trois types de spectre, I, II, et III suivant que les terres rares l´eg`eres ´etaient appauvries de z´ero, un ou deux ordres de grandeur par rapport aux terres rares lourdes (dont l’abondance absolue d´ecroissait aussi dans cette s´equence), et aucun ne ces types n’´etait univoquement attach´e `a une cat´egorie de pyrox`ene particulier (noir/enstatite etc.). Il est vrai qu’ils n’avaient pas ´etudi´e la mˆeme m´et´eorite que l’objet de cette section (d´ecouverte en 1997). Si l’on fait abstraction de ces divergences qui restent `a ´eclaircir, nos

r´esultats pour l’enstatite sont coh´erents avec une origine ign´ee, `a l’instar des conclusions de Hsu et Crozaz (1998). Cependant, la signature des terres rares des pyrox`enes noirs (isol´es plutˆot que partie int´egrante de chondres porphyriques dans notre section), si elle n’exclut pas qu’ils aient ´et´e fondus en syst`eme ferm´e (les ablations `a large ouverture consistant davantage en des analyse de “chondre total”) ainsi que le sugg`ere leur forme ronde, n’est pas en soi une signature ign´ee, en particulier pour les spectres enrichis en terres rares l´eg`eres.

4.6 Le m´etal dans les chondres : le cas des chondrites